Impromptue de Kesha [PV Thalie Serinde]

Elerinna faisait les cents pas dans sa loge. Elle était couverte d’un lourd manteau de fourrure, car il faisait froid, et que l’immensité du temple ne permettait pas de chauffer l’ensemble du bâtiment aussi bien qu’elle l’eut voulu. Elle chaussait d’épais chaussons en laine et portait, sous sons lourd manteau, une robe de flanelle noire à col carré décorée de fil d’or entrelacé. La Grande Prêtresse attendait une jeune novice qui avait rejoint l’ordre il ‘avait quelques temps et qui avait attiré l’attention de la belle sindarin.
Il était rare, en effet, qu’une jeune fille de neuf ans à peine désirât et acceptât de participer au rituel d’initiation qui donnait accès aux premiers échelons de l’ordre. La jeune fille avait accompli son devoir sans faiblir ; sa décision avait paru réfléchie et irrévocable. Elle n’avait ni tremblé, ni défailli, mais avait au contraire fait preuve d’une force d’âme dont peu de prêtresse avait jusqu’ici fait preuve. Elerinna elle-même n’était pas certaine de s’être comportée aussi dignement lors de sa propre initiation. La gamine l’avait surprise ; elle désirait en savoir plus.
Elerinna se saisit d’un tisonnier, et farfouilla dans l’âtre emplie de braises dont le feu avait faibli, et qui parvenait à grand peine à dégager un peu de chaleur. Elle parvint à faire jaillir quelques flammes des bûches presque éteintes. Puis, elle souffle dans ses mains afin de les réchauffer, car elles étaient glacées.
Quelqu’un frappa doucement à sa porte et entra. C’était Thalie, la jeune prêtresse aux cheveux blancs, et aux regards étranges, la plue jeune prêtresse de l'ordre. Elerinna la considéra d’un doux regard songeur et lui sourit. Son fin visage de sindarin qu’elle trouvait pâle et mystérieux comme la lune lui donnait envie de rire.

-Je t’en prie, assieds-toi, lui dit-elle en désignant un large fauteuil de cuir recouvert de coussins de couleurs et de chaudes peaux de bête.

Puis, elle posa le tisonnier qu’elle tenait toujours à la main à côté de la cheminée. Puis, elle se tourna vivement vers la jeune sindarin, et ajouta avec empressement :

-Ah, et pas de ‘Grande Prêtresse’, ou d’autres titres ridicules. Appelle-moi Elerinna ; je t’appellerai Thalie, si tu le permets.

La belle sindarin s’assit en face de la jeune enfant. Celle-ci ne semblait pas intimidée outre mesure et ouvrait au contraire de grands yeux sur tout ce qui l’entourait. Un instant, elle eut la tentation de lire dans le méandre de ses pensées ce à quoi songer son interlocutrice. Elle se retint toutefois, par respect pour elle, et parce qu’elle voulait garder intact ses premières pensées d’enfant. Elle s’accouda paresseusement, après avoir couvert ses genoux d’une chaude couverture.

-Souhaites-tu manger, ou boire quelque chose ? l’interrogea-t-elle. Tu dois avoir faim, il est presque quatre heure

Puis, elle l’interrogea un peu plus quant à sa vocation de prêtresse, et voulut sonder son âme :

-Et dis-moi donc, belle ange, roucoula-t-elle, quelle vocation subite et irrémédiable t'as entrainé a intégrer l’ordre des prêtresses ?Je suis impressionné par l'ardeur de ta vocation mais je ne puis m'empêcher de vouloir en connaître la raison.

Après un instant de silence, elle ajouta en riant gaiement:

-Et puis, avoue qu'il est rare de vois une jeune fille pas même encore sortie de l'enfance prétendre intégrer l'ordre des prêtresses!

Et dans un geste d’affection tendre et doux, Elerinna caressa la belle joue de la jeune sindarin, et joua avec ses cheveux blancs, si blancs, si blancs….

Ce jour-là, Thalie avait roupillée avec Crème jusqu’au début de l’après-midi. A vrai dire, elle aurait même pu hiberner plus longtemps si une de ces maudites prêtresses n’avait pas tambourinée à sa porte pour la réveiller. La fillette avait rabattu sa couverture jusqu’au-dessus de sa tête, faisant mine de n’avoir rien entendu. Cela ne suffit malheureusement pas car la sainte finit par ouvrir la porte de sa chambre pour aller directement la secouer dans son lit. Têtue comme une mule, Thalie resta planquée sous ses couvertures. Pourtant, lorsque la femme lui annonça que la Grande Prêtresse désirait la voir, la sindarine sauta de son lit comme si elle avait été piquée par une aiguille. Elle courut comme un démon à travers sa chambre, se demandant ce qu’elle pourrait bien porter pour impressionner la Grande Dame. Après avoir recouvert le sol avec tous ses vêtements, Thalie décréta qu’elle n’avait rien de correct à se mettre et se remit à courir à travers toute la pièce, battant des bras dans tous les sens. Elle finit par glisser sur l’une des fourrures qu’elle avait étalée par terre et tomba sur les fesses. Il lui sembla que Crème s’était mis à se moquer d’elle mais il fallait bien admettre qu’il était souvent difficile de faire la différence entre un « beeeh ! » et un « beeeh ! ».

Finalement, ce fut la jeune femme qui choisit la tenue de Thalie. Et une fois habillée, la fillette eût la désagréable impression de ressembler à un mouton. Lorsqu’elle fit part de ses pensées à Crème, celui-ci sembla se vexer. Crème était un agneau et c’était dans sa laine que la petite était drapée.

- Ce que tu peux être susceptible, lui lança-t-elle

Même si Thalie aurait voulu s’habiller de façon plus élégante, elle dut reconnaître qu’il faisait trop froid pour s’autoriser ce genre de petite folie. En fin de compte, la fourrure de Crème lui allait très bien.

Et d’ailleurs, en parlant de Crème, celui-ci avait tenu à l’accompagner, pas parce qu’il tenait à rencontrer la Grande Prêtresse mais plutôt parce qu’il avait pris la fâcheuse habitude de suivre Thalie dans tous ses déplacements. Et cela se vit.
Après avoir frappé à la porte derrière laquelle se trouvait la Grande Prêtresse, l’agneau se cacha derrière sa maîtresse et resta scrupuleusement caché derrière elle. Il finit tout de même par se montrer lorsque la fillette s’assit. En réalité, comme tout mouton qui se respecte, il décida d’imiter la demoiselle et posa son séant sur le large fauteuil, collée contre elle.

Thalie n’eût pas le temps d’ouvrir la bouche pour sortir quelques mots de politesse qu’Elerinna – car c’était ainsi qu’elle voulait qu’on la nomme – ne se mit déjà à parler. La fillette acquiesça de la tête lorsque la sindarine lui proposa de manger quelque chose. Elle était toujours partante pour remplir son ventre, surtout à quatre heures ! Mais alors qu’Elerinna était en train de grimper haut dans l’estime de Thalie, elle chuta subitement lorsqu’elle se mit à lui caresser la joue et à jouer avec ses cheveux. La fillette plissa le nez. Elle n’était pas une poupée !

- Hey ! Vous n’allez tout de même pas faire comme les autres ! Je vous croyais plus intelligente que ça ! Je ne suis pas un bébé !

Doucement, elle s’écarta de la main de sindarine et lui présenta Crème :

- Lui, en revanche, vous pouvez le caresser, si vous le voulez.

Thalie repensa ensuite aux paroles d’Elerinna. Et c’est avec un énorme sourire qu’elle lui dit :

- Et certes, je ne suis pas très grande mais l’année prochaine, vous verrez ! J’aurai un an de plus ! Et là, je serai la soigneuse la plus douée ! Ma mère m’a dit que les prêtresses étaient des êtres altruismes et honnêtes. Je veux être comme vous et répandre le bien partout autour de moi !

Elerinna déposa une assiette de pâtisseries devant la petite sindarinne aux cheveux si blancs, si blancs, et à l’allure si rigolotte. La jeune fille ne paraissait pas intimidée le moins du monde. Elle babillait avec humeur, accompagnée de son animal de compagnie –et quel animal de compagnie !-. Elle avait les joues légèrement rosie par la température de la pièce que le feu réchauffait peu à peu. Il flottait dans les airs une odeur de cèdre et de résine qui embaumait l’atmosphère. Une de ces douces et chaudes atmosphères qui est propice aux rendez-vous intime, et aux après-midi lents où il fait bon de boire du thé, ou du café au lait.
Lorsque la fillette se rebiffa vigoureusement, Elerinna éclata de rire. D’un bon rire qui voulait bien pardonner ; d’un bon rire qui aimait ce genre de candeur-là, doux et frais privilège des bienheureux enfants. La belle sindarin prit soin de retirer sa main de la joue de la petite prêtresse. Elle espéra que son geste ne lui attirerai pas l’inimitié de cette derrière ; elle avait le charme de l’enfance, et était comme un baume apaisant sur le cœur souvent triste de la Grande-Prêtresse.

-Pardonne-moi, lui dit-elle doucement. Je ne voulais pas t’embêter.

Puis, arborant une moue contrite, elle ajouta :

-Et puis, tes cheveux sont si beaux ! Ils sont encore plus blancs que les miens ! Je comprends qu’on veuille les caresser. Tu devrais plutôt en être flattée, non ? C’est bien la preuve que tu es une très jolie petite fille.

Néanmoins, elle n’insista pas. Elle comprenait tout à fait que la petite sindarin désirât s’émanciper de cette image qu’on prête trop souvent aux enfants, et qui consiste à les croire animés de ses propres désirs. Elle porta plutôt son attention sur son petit animal de compagnie, que la jeune prêtresse lui présentait. Un agneau, quelle drôle d’idée ! Il fallait avouer que la chose était cocasse.

-Qu’il est beau ! s’exclama Elerinna. C’est bien la première fois que je vois un tel animal accompagner une prêtresse. Comment s’appelle-t-il ?

Et elle avança la main afin de caresser le bel animal, qui la fixait avec de grands yeux interrogateurs, et semblaient tout aussi mutin que sa jeune maîtresse. Son poil était doux, et il ne se rebiffa pas, lorsque Elerinna le toucha. Elle fut étonnée par la confiance qu’il semblait accorder aux hommes, alors que les membres de son espèce était d’ordinaire si farouche.
Puis, elle écouta la fillette. Sa candeur et sa naïveté l’attendrirent. Elle était encore emplie d’illusions ; la chose était fort belle. Elerinna craignit toutefois que la fillette ne se heurtât à de grandes déconvenues. Il n’était pas chose aisée de répandre le bien tout autour de soi. D’ailleurs, qu’était-ce que le bien ? On n’était jamais tout à fait sur de le connaitre et il était toujours difficile d’agir justement.

-Oh, je suis certaine que tu y parviendras, murmura-t-elle pensivement. Je t’aiderai, quoiqu’il advienne. Le veux-tu ? Je pourrai te prêter des livres, t’acheter des fournitures médicales, te présenter à d’excellents professeurs.

Puis, se frappant le front, elle s’écria :

-Oh, mais suis-je bête ! Veux-tu visiter la loge ? Il y’a une très belle vue du balcon,
derrière nous, et une multitude de babioles, que je veux bien te prêter. Qu’en dis-tu ?

Elerinna saisit délicatement une pâtisserie entre deux doigts et la porta à sa bouche. Indolente, elle pencha la tête. Une ardeur délicate fourmillait dans sa poitrine.

- Oh ! Merci !

Thalie ne se fit pas prier lorsqu’elle reçu son assiette. Elle englouti le contenu avec gourmandise. Elle oublia très vite le geste d’Elerinna qui se mit à complimenter ses cheveux. Un sourire fleurit sur les lèvres de la sindarine et illumina son visage. Elle venait de recevoir un compliment de la Grande Prêtresse ! Bien entendu, Thalie aurait préférée se voir louer sur une qualité plus intellectuelle mais se faire complimenter par une grande personne comme Elerinna faisait toujours plaisir. Ceci dit, Thalie préférait le physique de la Grande Prêtresse au sien. Elle était plus grande, plus élégante. Elle avait de l’allure et de la grâce dans chacun de ses mouvements. Même avec de l’entrainement, Thalie n’était pas sûre qu’elle réussirait à devenir aussi raffinée qu’Elerinna, d’autant plus que cela semblait inné chez cette belle dame. Et puis, elle possédait aussi l’art de mettre à l’aise ses interlocuteurs.

- Il s’appelle Crème, lâcha Thalie lorsqu’elle lui demanda comment se prénommait son agneau. Si vous le voulez, je peux vous le prêter.

Crème émit un bêlement de protestation mais la sindarine l’ignora. Tout ce qu’elle voulait, c’était rester avec Elerinna. Elle avait l’air si gentille ! De manière générale, toutes les prêtresses étaient aimables mais Elerinna n’était pas n’importe qui. Elle était LA prêtresse de Cimmeria. Elle était la Grande Prêtresse ! N’importe qui voudrait entretenir de bonnes relations avec elle et entrer dans ses bonnes grâces. Et elle était si jolie ! Thalie n’arrêtait pas de se dire qu’Elerinna était jolie. Elle aurait été capable de rester assise sur son fauteuil à la contempler pendant des heures et des heures (à condition, bien sûr, que son assiette se remplisse aussi pendant des heures et des heures). La sindarine se demanda ce que cette femme pouvait bien lui trouver. Elle était déjà si parfaite. Comment parvenait-elle à envier les autres ?

- Je serai très honorée de recevoir vos conseils. Je rêverai de devenir comme vous.

Comme tous les enfants de son âge, Thalie ne mesurait pas réellement ce qu’elle disait. Mais en cet instant précis, elle désirait vraiment ressembler à Elerinna ; ou plutôt, elle rêvait de ressembler à l’image qu’elle se faisait de la belle dame. Alors, bien évidemment, lorsque celle-ci lui proposa de visiter la loge et de lui prêter quelques « babioles », Thalie ne put que hocher vigoureusement de la tête. Elle avait hâte de voir à quoi ressemblait Cimmeria depuis le balcon. Et bien sûr, elle était très impatiente de voir les objets qu’Elerinna consentait à lui prêter. Elle s’imaginait déjà manier des artefacts puissants, des potions capables de guérir n’importe quel maux, … Peut-être même qu’elle aurait l’occasion de voir les milles et une tuniques d’Elerinna. Une femme comme elle devait certainement posséder une multitude de belles robes et fourrure.

- Oui, oui, oui !

Elle avala sa dernière bouchée de pâtisserie et manqua de s’étouffer. Après avoir déposé son assiette (qui n’était pas encore vide) sur la table, elle se leva de son fauteuil, prête à suivre Elerinna.

- Vous savez, je suis très contente de pouvoir de vous rencontrer. Oh bien sûr, je n’oublie pas que nous nous sommes déjà croisées lors du rituel d’initiation mais nous n’avons pas eu l’occasion de parler ensemble. Et j’ai pleins de choses à vous montrer moi aussi ! Vous verrez, vous ne serez pas déçue !

Mais, bien entendu, avant de lui montrer ses fabuleux trésors, Thalie tenait d’abord à voir ceux d’Elerinna (qui devraient sûrement être encore plus fabuleux que les siens).

Elerinna regarda avec joie la petite Thalie manger goulûment les pâtisseries qu’elle avait disposées devant elle. Quel adorable enfant ! La Grande-Prêtresse sentait son cœur s’émouvoir en voyant cette toute jeune fille dévorer avec appétit son goûter. Elle admirait ces jolies quenottes, et ses petites joues potelées. Elle aimait cette maladresse enfantine qui fait tomber sur les robes et les souliers des miettes de gâteau au chocolat, et qui laisse au coin des lèvres la couleur d’une fraise ou d’un abricot.
-Quel empressement ! commenta-t-elle en souriant gentiment. Tu ne manges jamais, dans notre monastère ? Il y’a une cuisine, tu sais…
Elerinna était amusée par les manières si désinvoltes et si naïves de Thalie. L’enfant ne semblait pas connaitre la dangerosité du monde, et ne se méfiait pas le moins du monde de la Grande-Prêtresse ; bien au contraire, elle paraissait l’admirer, ou peut-être l’aimer. La belle sindarin était à la fois flattée et mécontente de cette étrange situation, qu’elle n’avait jamais connue, et qui avait fait naître en elle d’étranges sentiments.

-Oh voici donc ton compagnon ! fit-elle mine de s’étonner en considérant l’animal. Il est fort beau.

Ayant dit, elle se pencha vers lui, et lui saisit la patte, qu’elle agita, comme si elle serrait la main à un éminent représentant de Cimméria.

-Bien le bonjour ! lui dit-elle gaiement tout en riant comme une petite folle. Décidément, elle n’était pas sérieuse, ces temps-ci …

Elerinna espérait faire rire l’enfant. Sans qu’elle sut vraiment pourquoi, elle désirait s’attirer l’affection de l’enfant. Non qu’elle ait pour elle le moindre projet, ou qu’elle nourrit la moindre ambition la concernant. Mais sa touchante naïveté, sa délicatesse, et son enfantine agitation avait ému son cœur –un cœur habitué aux intrigues et au chaos-, et l’avait renversé.
Lorsque Thalie eut achevé son goûter, elle emporta l’assiette, puis revint en hâte. Elle saisit l’enfant par la main, et l’invita d’un geste à la suivre.

-Allez, viens, suis-moi ! Roucoula-t-elle. Il y’a surement des tas de choses que tu désires savoir sur ce lieu !

La belle sindarin ouvrit d’une main la porte qui ouvrait sur le balcon, et qui laissait entrer dans la loge un flot de lumière par une ouverture trapézoïdale close par un vitrail de couleur à motifs géométriques ; de l’autre, elle invita la jeune enfant à pénétrer sur le parapet.
Le balcon était un charmant espace assez spacieux, ceint par une balustrade torsadée blanche. Un lierre épais recouvrait le mur du temple, et s’élançait gracieusement vers le ciel. Quelques petits arbustes supportant le rude climat de Cimméra ornaient celui-ci, et conféraient à l’ensemble une atmosphère douce et intime, comme reclu du monde, alors même qu’il surplombait la ville toute entière.

-Voilà, nous y sommes, dit-elle en regardant Thalie en souriant. C’est l’une des plus belles vue de toute la ville.

Elle s’approcha du bord, et tendit la main. Du doigt, elle désigna un petit édifice qui jetait vers le ciel une élégant coupole de bronze et de marbre.

-Tu vois, là-bas ? continua-t-elle. C’est la mairie. Y as-tu déjà été ? C'est l'un édifices de Hellas les plus importants, avec le temps de Kesha dans lequl nous nous trouvons

Puis, après montré à l’enfant les plus beaux quartiers de la ville Elerinna la conduisit à l’extrémité ouest du balcon, qui faisait l’angle du bâtiment et se poursuivait sur quelques mètres le long de la façade, surplombant les jardins du temple. Ce dernier passage était plus étroit que le balcon, et ne constituait en fait qu’en un mince parapet jeté sur le vide, et qui semblait pouvoir se rompre à tout instant.

-Et tu vois, cette porte, lâcha Elerinna en riant sous cape. C’est la porte de ma chambre. Veux-tu que nous nous y rendions ? Il doit bien y avoir quelque chose là-bas qui te plairas. Tu ne crois pas ?

Un vent frais s’était levé sur la ville.

La bouche pleine de pâtisserie, la gloutonne ne put répondre à la remarque de la Grande Prêtresse. Bien sûr qu’on la nourrissait ! Mais elle tenait également à voir sa loge ainsi que ses innombrables trésors. Elle s’était donc sentie obligée de se presser, d’autant plus que pour elle, ne pas finir une pâtisserie était une profanation. Quiconque ne finissait pas sa part de gâteau ou de tarte devrait être déporté dans le labyrinthe de Zaléra. La pâtisserie était l’une des plus belles créations terrestres. Il fallait vraiment être aliéné pour ne pas savoir l’apprécier !
D’ailleurs, après avoir jeté plusieurs coups d’œil à son assiette, Thalie tâcha d’en finir le contenu pendant qu’Elerinna tentait maladroitement de rentrer dans les bonnes grâces de Crème. Une fois de plus, la gloutonne failli s’étouffer lorsque la jolie prêtresse serra la patte de ce gros fainéant. Les yeux ronds, il semblait ne pas comprendre ce que la Grande Prêtresse lui voulait. Après avoir englouti son dernier morceau de pâtisserie, Thalie éclata de rire en voyant Crème se réfugier derrière elle. Ce qu’il pouvait être peureux !

Docilement, Thalie se laissa prendre la main et suivi Elerinna. Arrivée sur le balcon, elle se précipita jusqu’à la balustrade pour admirer le paysage.

- Non, je n’ai pas encore eu l’occasion d’y aller. Qu’y-a-t-il dans la mairie ? Ça a l’air vraiment petit… En fait, Cimmeria est vraiment minuscule…

Cependant, même si tout lui paraissait ridiculement insignifiant, elle s’émerveilla tout de même devant les beaux quartiers de la cité que lui présentait Elerinna. Elle plissa ensuite les yeux vers le lac gelé, espérant voir une tête de léviathan pointer au-dessus de la surface de l’eau. Après quelques secondes, une petite moue apparue sur son visage et elle tourna la tête vers la porte que lui montrait la Grande Prêtresse.

- Vraiment ?

Thalie examina avec perplexité le chemin menant vers la chambre d’Elerinna. Immédiatement, ses petits doigts fins se resserrèrent sur ceux de la Grande Prêtresse. Elle avait un peu de mal à croire qu’une grande dame comme elle devait tous les jours passer par ce chemin si moche et si étroit pour se rendre dans sa chambre. Mais en y repensant bien, Thalie songea qu’il devait peut-être s’agir d’une mesure de sécurité. Cette espèce de parapet fragile était peut-être placée là pour dissuader les voleurs d’entrer dans la chambre. Thalie présuma alors qu’Elerinna savait léviter…

- D’accord. Allons-y, réussit-elle à articuler péniblement après avoir avalé sa salive.

Contrairement à elle, Thalie ne savait pas voler. Toutefois, elle ne voulait pas passer pour une trouillarde. Et si Elerinna lui avait proposé de visiter sa chambre, ce fut sans doute parce qu’elle pensait qu’avec sa petite taille, Thalie réussirait sans problème à marcher sur ce chemin précaire sans faire écrouler le sol. Mais aussi intelligente qu’elle pouvait l’être, Elerinna se trompait peut-être. Et finalement, Thalie se dégonfla et finit par demander :

- Est-ce que je peux monter sur votre dos, s’il vous plaît ? Je crois que j’ai trop mangé et je n’arrive plus trop à tenir debout.

Evidemment, il n’était pas question de perdre toute sa dignité. Alors, tant bien que mal, la sindarine avait trouvé cette lamentable excuse. Sachant que ce n’était pas forcément très convainquant, elle décida de noyer Elerinna sous un flot de questions. En procédant ainsi, peut-être que la Grande Prêtresse serait trop occupée à répondre à toutes ces interrogations pour cogiter sur ce qu’elle venait d’entendre.

- C’est vrai que vous dormez avec un leweira ? Est-ce que je pourrai le caresser ? Est-ce vrai aussi que vous avez un cerféli comme animal de compagnie ? Je pourrai le voir ? Vous avez quoi comme objets magiques ? Est-ce que je pourrai avoir un catalyseur pour Crème ? J’aimerais bien qu’il devienne plus intelligent. Est-ce vrai aussi que vous cultivez des fleurs de panacée à 5 pétales ? J’ai entendu dire que vous avez guéri beaucoup de gens de la sarnarhoa parce que vous possédez un jardin de fleurs de panacée…