En quête de savoir

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_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
_ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose".
_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 En quête de savoir

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MessageSujet: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeSam 23 Aoû - 12:30


En quête de savoir

Lun . Irina


Amaryl. C'était une ville plutôt jolie, bien qu'elle soit majoritairement laissée à l'abandon. Une ville que beaucoup fuyaient sans chercher à comprendre ce qui pouvait bien se trouver au delà des rumeurs et légendes de sa malédiction. En ce qui la concernait, Irina avait déjà visité les lieux une fois... Et on ne peut pas vraiment dire que ça lui ait valu des mauvaises expériences. En tout cas rien qui ne puisse être surmonté avec pas mal de patience, une pincée d'insolence, et beaucoup d'imprévu. Un vague sourire dansa sur ses lèvres tandis qu'elle montait les marches blanches qui menaient au temple de Ténéis. La dernière fois elle n'avait pas eu l'occasion de rendre grâce à la déesse, alors c'était le moment de se rattraper. Et puis c'était un endroit emblématique qui poussait au recueillement et à la réflexion, une bâtisse brillante et subtile, à l'architecture bien plus complexe que celle des autres temples qu'elle avait eu la chance de visiter. Les murs parsemés d'arabesques et de dorures complexes dégageaient une élégance certaine, et aussi une fraîcheur fort appréciable dans cette région du monde. De plus les fidèles étaient aussi peu nombreux que la population totale d'Amaryl, ce qui lui donnait l'agréable sensation d'être seule avec elle-même. Bon d'accord, ce n'était pas toujours une bonne chose en soi, mais au moins elle s'entendait penser et n'était pas interrompue régulièrement par des inconnus inopportuns, comme à Hellas.
Néanmoins ce n'était pas uniquement pour refaire son pèlerinage privé, ni pour ressasser quelques rares bons souvenirs, qu'Irina avait à nouveau fait le long trajet qui séparait son foyer de cette cité abandonnée. En réalité elle était venue voir quelqu'un, une autre femme qui comme elle, avait su se tailler une réputation. D'après son contact, un vieil Eclari à la retraite du nom d'Olévus, Lun Fanti était une collègue mystérieuse et au potentiel prometteur, qui apparemment aimait voyager et voir le monde par ses propres yeux. Cela avait presque sonné comme un reproche dans la bouche d'un cartographe aussi réputé, mais Irina avait secrètement approuvé. C'était bien ce qu'elle trouvait regrettable chez la plupart des Eclaris... ils étaient tellement concentrés dans leurs recherches et leurs ouvrages, qu'ils en oubliaient que la façon la plus naturelle d'apprendre, c'était encore d'aller sur le terrain. Il était donc encourageant de voir que d'autres « jeunes » -tout est relatif pour un sindarin vieux de nombreux siècles- tentaient une approche différente et plus ouverte... D'autant plus que dame Fanti était probablement celle qui pourrait lui apporter les informations qu'il lui fallait. Du moins elle l'espérait, car ce serait bête de s'être privée de la présence de son enfant pour des clopinettes et une conversation sur le beau temps.

Après lui avoir donc fait parvenir un courrier via l'ordre Eclari établi à Amaryl, Irina avait donc fixé un rendez-vous au temple, ce qui était encore le moyen le plus facile de se repérer. A cette heure de la journée il n'y avait pas un chat venu prier Ténéis, et surtout cette option lui permettait d'éviter de courir dans les ruelles désertes et parfois glauques de la ville, à la recherche de l'endroit qu'on lui indiquerait. Assise sur l'un des bancs de bois qui pavaient la nef haute de la salle de prière, Irina s'interrogeait. Sa correspondante serait-elle seulement disposée à venir la rencontrer ? Elle l'espérait, après tout d'après Olévus en ce moment elle n'était pas en voyage. Les cartes étaient sur table, il n'y avait plus qu'à espérer que la chance soit de son côté. Leto attendait à l'extérieur gardant discrètement l'entrée, officiant en tant que garde du corps bien qu'aujourd'hui il ne soit en théorie qu'un civil de plus, un blond basané à la carrure impressionnante et aux manières irréprochables de gentilhomme... En bref un peu d'exotisme dont cette ville avait bien besoin.


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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeDim 14 Sep - 1:37

Lun avait reçu la missive il y avait déjà quelques jours. Il était rare qu'on la mande de la sorte. Peut-être était-ce à cause de ses fréquents voyages, la jeune femme n'était en effet que peu présente à Amaryl. Difficilement attrapable, elle était un électron libre entre les villes et contrées des quatre royaumes. Ces derniers temps avaient été exceptionnels, elle avait passé plusieurs semaines passées en sa retraite aride, à travailler, à prendre du repos. De long mois de voyage l'avaient fatiguée et elle ne trouvait quiétude plus complète nulle part ailleurs que dans sa ville maudite. Ses carnets étaient emplis de recherches, de notes chevauchées et illisibles, relatant d'une démarche frénétique. Mais la jeune femme commençait à s'ennuyer. Elle avait toujours su qu'une vie casanière n'était pas faite pour elle.

Faite pour explorer, pour découvrir, Lun était partie à la découverte du monde dès lors qu'elle avait pu le faire, à seize ans. Abandonnant les laboratoires et les serres de son père pour découvrir la vraie nature et ses miracles, elle possédait un inventaire impressionnant relatant les plantes des quatre royaumes. Dans les premières années de sa vie, son dévolu s'était porté sur la création de baumes, d'onguents et parfois même de cosmétiques. Cependant, son apprentissage avec sa mentor, Frannie, lui avait apprit que guérir n'était pas toujours suffisant. Fervente utilisatrice de poison non mortels, Frannie lui avait ouvert de nombreux horizons. Cela faisait des décennies maintenant que Lun explorait, sans jamais s'en lasser, les régions du monde en quête de plantes rares. Elle avait récemment élargi son travail à la faune venimeuse présente à Ishteria. Ses pots s'étaient remplis de pousses vertes toutes plus étranges les unes que les autres, ses bocaux d'insectes et petit animaux méconnus du grand peuple.

Elle notait toujours religieusement le temps de pousse de ses plantes, leur maturité et avait conçu un système d'irrigation particulièrement pratique qui les arrosait en son absence. Sa serre luxuriante était située au devant de la maison, bien plus protégée qu'à l'époque de son père. Une personne extérieure aurait bien du mal à rentrer en cette entre tropicale tant les systèmes de serrures et de protection étaient élaborés et perfectionnés. Il en était de même pour la bibliothèque, mais surtout pour son laboratoire, caché au sous sol, qui enfermait bien plus que les recherches de toute sa vie. Ce laboratoire cachait en son entre les recherches et traités les plus importants du défunt père Eclari de la jeune Rôdeuse.

Ces semaines avaient permit à Lun de faire un inventaire complet de ses affaires, elle était dorénavant prête à repartir pour le nord, probablement à Hesperia ou vers Canopée. Seulement, l'Ordre lui avait fait parvenir une missive des plus intrigantes. Irina Drannis, prêtresse de Cimmeria,  lui donnait rendez-vous au temple de Téneis dans quelques jours. D'abord étonnée par cette demande, Lun s'était renseignée, auprès de ses confrères, sur la jeune femme sans pouvoir obtenir de grandes informations. Puis elle s'était trouvée embêtée par la nouvelle ; son départ était initialement prévu le jour où Irina lui avait donné rendez vous. Mais trop intriguée par la requête, elle avait repoussé son voyage.


Le jour s'était levé et il faisait très beau à Amaryl. Il était rare qu'il n'en fut pas le cas, cependant cette journée s'annonçait chaude et ravageuse pour qui n'avait de quoi se protéger du soleil. Les rues presque désertes étaient traversées par quelques fantômes au visage buriné. Lun se donna le temps d'échanger quelques mots avec certains d'entre eux. Ils faisaient parti des rares habitants de la cité maudite, profitant de la fraicheur pour aller chercher leur eau et leurs vivres. Les personnes résidant à Amaryl n'étaient pas des gens aux  bras grands ouverts aux étrangers, au sourire large et aux yeux pétillants. Particulièrement revêches, ils avaient cette caractéristique propre aux peuples qui mènent une vie dure. Part véritable de la cité, ils reflétaient son côté aride et mystérieux.
Ses pas légers ne provoquaient qu'un léger bruissement alors qu'elle montait dans le temple de Téneis. Lun avait revêtu des habits légers et couvrants, pratiques pour une excursions dans Amaryl. Une large et blanche chemise faite de lin, maintenue par un corset de cuir souple, ainsi qu'un pantalon près du corps du même lin brun. Des bottes remontaient sur ses mollets fuselés. Elle s'était munie de foulards pour couvrir son crâne, mais arborait à présent une tête nue. Ses cheveux étaient relevés en une haute queue de cheval tressée descendant jusqu'à la courbure de son dos.

Elle ne pressa pas le pas malgré son retard, profitant de la quiétude du temple. Si la fameuse Irina voulait la voir, elle pourrait l'attendre quelques minutes de plus. C'est le visage ouvert et reposé qu'elle tomba sur la jeune femme en question. Son regard vint sonder le sien, ne prononçant pas un mot. Lun inclina un peu la tête à son adresse, la saluant.


- Bonjour. Je suis Lun. Je suppose que c'est moi que tu attends, Irina ?


Elle marqua une pause puis s'approcha davantage d'elle. Ne s'encombrant pas de marques de politesses inutiles, elle se permit de tutoyer directement la jeune femme, s'attendant à ce qu'elle lui rende la pareille. Ce n'était pas un signe d'irrespect, plutôt de mise à égalité.


- Tu as choisi un bien bel endroit pour une rencontre. Je suis toujours ravie de me rendre au temple, ça a joué en ta faveur lorsque j'ai reçu ta missive.


Elle lui adressa un petit sourire en coin.


- Je n'ai pas l'habitude que l'on me donne rendez vous de cette façon ! Ne perdons pas de temps, quelle est ta requête ?

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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeLun 22 Sep - 19:25



En quête de savoir

Igrim . Lun . Irina

Les énormes colonnes de marbre s'étendaient alignées comme des dames élégantes vêtues de blanc, disposées en une procession parfaite qui en rajoutait à la tranquillité des lieux. Un silence sacré dominait le temple comme s'il le recouvrait de brume épaisse, et même le vent ne troublait pas cette quiétude imperturbable. C'était tellement différent de l'atmosphère chaude et fourmillante de Cimméria qu'il y avait de quoi être déroutée, surtout pour quelqu'un qui comme elle, y avait vécu une bonne partie de sa vie. Néanmoins le changement n'était pas désagréable et on pouvait même dire qu'il correspondait davantage à sa nature introvertie et méditative. Profitant donc de l'attente pour se consacrer à la prière devant la haute statue de Ténéis, Irina se coupa du monde pendant de longues minutes qui lui firent pas mal de bien.

En profitant pour brûler quelques bâtons d'encens qu'elle acheta à un prêtre timide qui pour une raison qui lui échappait, sembla la reconnaître, la prêtresse préféra ne pas engager la conversation. Ce n'était pas vraiment son genre de sociabiliser sans une bonne raison de toute façon, alors autant éviter à ce pauvre bougre un ennui mortel suite à son manque flagrant de conversation. S'écartant de lui avec un signe de tête poli, la jeune femme replaça une boucle rebelle dans la coiffure qui retenait ses cheveux au sommet de son crâne en un chignon improvisé, et prit son temps à observer reliques et balcons à ciel ouvert. Les hauteurs étaient magnifiques et offraient une vue à en couper le souffle, l'ocre de l'horizon se mêlant à l'azur céleste dans une magnifique palette de dégradés. C'était un gâchis de laisser une merveille historique comme Amaryl abandonnée à son triste sort. Mais à vrai dire plus que la ville, c'était la brutalité indomptable de la nature qui la fascinait. Absorbée, elle ne vit pas vraiment le temps passer, bien qu'en un sens elle ne vienne à se demander si elle n'attendait pas en vain.
C'était alors qu'elle envisageait de renoncer, qu'elle repéra finalement une jeune femme aux cheveux châtains et aux grands yeux pétillants, se dirigeant vers elle d'un pas rapide et leste. Soutenant son regard intense sans se laisser impressionner, Irina fut agréablement surprise par l'assurance que dégageait l'Eclari dont on lui avait tant parlé. Cette femme avait quelque chose d'authentique et de cru, dans un charme aussi bravache et téméraire que le désert lui-même. Elle se trompait peut-être, mais en tout cas la première impression était positive.

Elle lui rendit son signe de tête, la laissant parler en premier. Le tutoiement était certes surprenant, mais elle ne s'en formalisa pas. Ce n'était pas tant que cela lui soit dérangeant, seulement ce n'était pas habituel pour elle d'être abordée avec autant de naturel par une parfaite inconnue. Un hochement de tête répondit simplement à sa question, tandis que comme mues par un accord tacite, elles se jaugeaient d'égale à égale. Sans reculer elle laissa Lun venir à elle, plutôt intriguée. Elle avait rencontré de nombreux sindarins et ils étaient plutôt rares à être aussi terre-à-terre, aussi accessibles. Néanmoins elle avait été une fille des rues avant de devenir la figure qu'elle était aujourd'hui, alors on pouvait dire que c'était une bonne chose, en réalité. Un sourire amusé adoucit ses traits lorsqu'elle lui répondit.


« Oui, je me doute que ma missive est un peu tombée à l'improviste, et c'était plutôt culotté de ma part de fixer un rendez-vous sans même m'expliquer dans les détails. Enfin... Je ne suis pas non plus du genre à faire perdre leur temps aux gens sans une bonne raison. Je vais donc en venir aux faits, et... tu décideras si oui ou non ma requête est digne d'intérêt. »

Leur échange verbal semblait amplifié par la pierre, lui revenant comme divers échos confus et impossibles à distinguer. En fait l'acoustique était si bizarre que sa propre voix lui paraissait étrange et presque méconnaissable. Enfin qu'importe, c'était secondaire. Marchant aux côtés de Lun, elles commencèrent à avancer régulièrement, jusqu'à finalement s'asseoir sur un banc de marbre sur l'un des balcons extérieurs, protégé du soleil par l'ombre bienheureuse du bâtiment. La brise était infime et incertaine, mais elle était plutôt agréable. Reposant un voile fin mais opaque par dessus sa tête, Irina faisait en sorte de se protéger de la chaleur. Sa peau était bien moins pâle qu'autrefois, mais elle n'en restait pas moins fragile face à une telle exposition.

« C'est le cartographe Olévus qui m'a poussée à te demander conseil. Il a longuement discouru sur tes capacités en herboristerie et vanté tes connaissances sur les plantes en tout genre. Comme tu le sais sans doute, c'est un vieil homme aussi étourdi qu'il est un ponte dans son domaine, même si des fois je me dis qu'il commence à être sénile. Enfin... Par conséquent si tu es à moitié aussi capable qu'il le prétend, je devrais trouver quelques réponses aux questions que je me pose. » Elle fit une pause, les yeux rivés sur la ville maudite qui s'étendait à leurs pieds. « Bien. J'étudie le myste et ses conséquences sur les êtres vivants. J'étais sur le terrain lorsque la Sarnahroa a éclaté et j'ai soigné les malades du mieux que je pouvais. J'ai trouvé un remède et je l'ai distribué au plus de gens possibles, le temps que le Colosse qui était la source de ce mal mystique soit mis hors d'état de nuire. Cependant un autre géant de pierre est apparu à la vallée d'Hillem... Et tout porte à croire qu'il est le responsable de l'apparition du myste. En bref, chaque fois qu'une de ces créatures immenses fait son apparition, le continent entier est plongé dans le chaos. »

Ses prunelles émeraude embrassèrent les toits couverts par l'or du crépuscule, tandis que les soleils jumeaux descendaient tels deux disques incendiés. « Noathis a une fâcheuse tendance à donner naissance à des aberrations dont on ignore jusqu'à l'existence. On ignore tout de ces choses, que ce soit leur origine, leur fonctionnement ou leur mode de vie. Peu ont eu assez de courage et de résistance pour les approcher, et il est trop risqué de les étudier au risque de les arracher à leur léthargie. Le colosse d'Hillem vit toujours, il continue de cracher des nuages de myste depuis un lieu qui s'appelle Elgondor. Je... ne te demande évidemment pas de m'accompagner jusque là-bas, même si j'avoue que j'irai sans doute un jour ou l'autre pour voir ça de mes propres yeux. En fait j'aimerais que tu m'aides à enquêter sur le brouillard et sur un remède pour le contrer. J'ai entendu dire que des potions efficaces ont été trouvées, même si je n'ai jamais réussi à mettre la main sur un produit fiable, même en fouillant les marchés noirs. J'aimerais que tu m'aides à agir le plus vite possible ; avant que ce géant ou ceux qui le suivront ne nous écrasent tous sous leur puissance, après nous avoir privés de notre magie. » Son ton était soudainement plus grave, ce sujet ne lui donnant pas du tout envie de rire. La Sarnahroa avait déjà été une expérience suffisamment traumatisante pour la plupart... mais le myste avait été encore plus vicieux, semant la panique dans le cœur des hommes, leur volant tout espoir et y plantant la graine de la discorde. Il fallait que cela cesse... avant qu'il ne soit trop tard. « J'ai entendu dire qu'un homme dans la cité possède un ouvrage qui pourrait nous donner une première piste. Il s'appelle Rennan Bell, ça te dit quelque chose ? »

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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeLun 22 Sep - 21:43

La piste était fraîche à présent, les empreintes des montures avaient un bord franc et fragile et d’après les derniers renseignements, la femme ne devrait  pas avoir atteint la cité depuis plus d’un jour ou deux, si le voyage lui avait été favorable.
La Zélos était maintenant confiante sur l’issue de sa mission. Les souvenirs du prélude à son départ ne manquaient cependant pas de lui revenir, la solitude aidant.
***

« Cela fait trop longtemps que je n’ai pas de nouvelle de notre sœur Irina. Je ne me fais pas d’illusion, je ne suis pas la première personne à qui elle donnera des nouvelles, mais l’ordre ne peut se passer d’elle… »

La grande prêtresse avait parlé sans regarder la Zélos, le regard perdu à travers la fenêtre de son bureau qui donnait sur le paysage extérieur. C’était une habitude qu’elle avait de se servir de la Louve de Kezsha comme support à sa réflexion sans réellement lui adresser la parole. Igrim  ne s’en offusquait pas, toute dévouée à Sœur  Elerinna qui l’avait accueillie et réinsérer dans la vie sociale avec patience et douceur. La dirigeante de l’ordre de Cimméria soupira comme prise de nostalgie.

« Et ce petit Aemyn ? Son absence de nos murs prouve la défiance que la duchesse à pour l’ordre, enfin, je devrais dire pour moi… Il doit bien y avoir un moyen de la persuader de ma bonne foi… Peut-être que lui confier un poste clé… »
***

La prêtresse sauvage, flatta l’encolure de sa monture et se dirigea vers la cité dont elle apercevait déjà les remparts. Sa mission serait vite terminée et elle pourrait retourner porter la réponse de de la vipère à Elerinna. Leur entrevue devait avoir débouché sur une décision concrète car…
***

Le lendemain, Igrim se mettait en selle, son fidèle compagnon, Grimrl jappant d’impatience. La grande prêtresse était là aussi au milieu de la cour d’entrée du monastère. Elle tendit, un pli à la Zélos.

« Ce message devrait vous aider à la ramener parmi nous. Enfin, je l’espère.
_ Igrim fera ce que vous avez demandé. »


La Zélos malgré toutes ces années avait gardé de ses années d’emprisonnement l’habitude de parler à la troisième personne.

« Je vais commencer par Nivéria. Elle y est peut-être encore… »

Elle glissa la missive dans son pourpoint et éperonna Garbold son étalon…
***

Le voyage jusque Nivéria fut rapide grâce à ses compagnons à quatre pattes et au goût pour la Zélos de dormir à la belle étoile. Elle ne fut pas spécialement la bienvenue à la demeure de la duchesse, mais elle s’y attendait et n’en avait cure. L’inimitié qui régnait entre son mentor et la rousse prêtresse était de notoriété publique et que cette dernière ait du personnel acquis à sa cause était de bonne guerre. Quant à la prêtresse Zélos, il y avait longtemps que l’opinion du premier quidam venu lui était indifférente. Toutes ses jeunes années à lutter pour sa survie l’avaient rendue peu perméable à l’empathie et si elle était reconnaissante à l’ordre de l’avoir accueillie, peu de ses Sœur avaient sa confiance et son intérêt…

« La Duchesse Irina n’est pas là »

La Zélos avait été accueillie fraichement par une gouvernante aussi souriante que les portes de la prison des déments, tandis qu'une nourrice berçait tendrement un bébé emmailloté.

« Soeur Clypsène et le fils d'Irina Dranis... »

Si la grande prêtresse aurait sans doute aimé avoir des détails sur l’enfant, la Zélos avait elle, peu d’attirance pour les enfants. Elle indiqua l’enfant un signe de tête.

« Se porte-t-il bien ?

_ Tout à fait

Elle défit quelques boutons de son pourpoint de cuir et en tira la précieuse missive dont elle montra le sceau d’Elerinna.

_ J’ai un message à remettre à Irina Dranis. Indiquez-moi où Igrim peut la trouver.

La gouvernante sembla prendre plaisir à faire patienter la messagère avant d'indiquer:

« Vous la trouverez sans doute à Amaryl. »

La cavalière remercia d’un signe de tête avant de lancer sa monture sur la route en direction de la citée indiquée. La route était encore longue, mais les voyages étaient une des choses qui plaisaient le plus à la Louve de Kesha.
Amaryl n’était pas réputée pour être une destination de villégiature et dire que le pays autour était hostile aux voyageurs était un euphémisme. Aride et desséché, les paysages y étaient essentiellement minéraux. Cependant il en fallait plus pour rebuter la Zélos et elle se mit en route sans arrière-pensée. Elle était accompagnée d’êtres dans lesquels elle avait toute confiance, même si elle culpabilisait à chaque fois qu’elle savait que leurs conditions de vie allaient se trouver difficile ne serait-ce qu’à cause du climat, mais les deux animaux étaient robustes et elle espérait bien que sa confiance en eux ne serait pas déçue. Elle aurait pu se séparer momentanément de son étalon, mais cela aurait signifié la perte de temps sur sa cible et encore de longues journées de recherche…
***

Un vent brûlant lui balaya le visage et la chevelure alors qu’elle pénétra dans la ville. L’impression de ville fantôme qui se dégageait de cette cité faisait un effet étrange à la prêtresse même si la compagnie ne de manquait guère à Igrim. Cette ville avait été prospère et animée en un temps reculé et les quelques âmes qui la peuplaient encore ne parvenaient pas à lui rendre sa splendeur. En outre, elle n’était pas réputée pour son accueil et la Zélos se sentit sur ses gardes presque malgré elle. Sa cape rejetée sur l’épaule dégageant un accès facile à la lame qui dormait dans le fourreau qui barrait son dos.

Dans une telle ville, trouver une prêtresse rousse ne devait pas poser trop de problème. En tous les cas Igrim avait décidé d’être logique et se dirigea vers le seul temple dont elle connaissait l’existence en cette ville maudite, dédiée cependant au savoir. En arrivant sur  l’esplanade elle mit pied à terre et contempla les alentours. Le temple était à peu près la seule chose remarquable dans le quartier Son architecture audacieuse tenait tête au temps et aux éléments et la Zélos pourtant peu encline à apprécier l’architecture, ne put retenir des pensées admirative en direction du bâtiment et de ses constructeurs.
A première vue, nulle trace de Sœur Irina. La messagère gravit quatre à quatre les marches qui menaient à l’entrée du temple et s’y arrêta pour laisser ses yeux s’accoutumer à la semi-obscurité qui allait sans doute régner à l’intérieur. Alors qu’elle pénétrait le saint lieu, elle perçut des bruits de pas et tournant la tête elle avisa le prêtre qui s’éloignait. C’était un bon début et il fallait bien commencer par quelque chose. Sans peine, la Zélos le rattrapa et lui adressa ses quelques mots :

« Désolée de vous importuner, le chercher une prêtresse d’Hellas. Vous l’avez peut-être aperçue. Ses cheveux roux ne doivent pas passer inaperçus… »

La beauté et la prestance de la prêtresse étaient fameuses dans tout Isthéria et Igrim ne doutait pas qu’elle fut repérée assez facilement si elle était passée par le temple. Elle attendit que le prêtre ait fini de l’examiner de la tête au pied comme cela lui arrivait souvent. Un regard du prêtre en direction du péristyle lui fit penser que sa proie ne devait pas se trouver bien loin et elle planta là le prêtre sans attendre sa réponse, se dirigeant dans la direction indiquée fortuitement par le pauvre serviteur de Ténéis.
Bientôt les bruits d’une conversation parvinrent à son oreille et elle reconnut sans peine la voix de la prêtresse rouge. Elle pressa le pas sans souci d’être entendue. Elle n’était pas en mission d’espionnage et un messager de bonne foi ne tombe pas sur le destinataire comme le faucon du haut des cieux sur la souris insouciante…
Elle ne fut donc pas surprise que la conversation s’arrêtât à son approche et que les yeux se tournent vers elle. Courtoise bien que pressée, elle s’arrêta à environ dix pas des deux femmes, dont la deuxième lui était inconnue et attendit qu’on l’invite à approcher, même si une nouvelle fois elle se doutait ne pas être la bienvenue pour Irina Dranis.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeJeu 15 Jan - 23:37



En quête de savoir

Igrim . Lun . Irina

Irina n’était pas une femme idéaliste. D’ailleurs elle ne se considérait même pas femme de foi, du moins pas de cette catégorie bornée et aveugle qu’avait créé l’opinion publique. Elle était une religieuse modèle et même plutôt zélée, bien que son comportement tienne davantage de la dévotion personnelle que du fruit des dogmes inculqués depuis des années. Pour elle prier Kesha était un choix personnel qu’elle embrassait pleinement, sans essayer de l’imposer à ses semblables. Sans doute pour cette raison personne ne s’attendait à la voir essayer de convertir les fidèles, et ce en dépit des nombreuses cérémonies auxquelles elle avait présidé. Néanmoins la jeune femme ne se jugeait pas assez charismatique pour faire office de figure de proue, en plus de son amour inconditionnel pour le travail sur le terrain, qui à force la tenait écartée des devants de la scène. Et c’était mieux comme ça. Ses heures de travail ne se comptaient plus et il n’était pas question de rechercher la moindre reconnaissance à ce niveau. Ce serait d’une futilité dégoûtante, et bien que ses défauts soient nombreux, la vanité n’en faisait pas partie.
En ce sens ce voyage en Argyrei n’était pas très différent. Si son déplacement en ces contrées arides et lointaines n’avait pas vraiment été justifié auprès de l’ordre, c’est aussi parce qu’elle jugeait que jusqu’à preuve du contraire elle n’était pas tenu de justifier chacun de ses déplacements. D’autant plus que visiter le temple de Ténéis en cette ville jugée maudite, cela ressemblait à tout sauf à des vacances improvisées. En fait sachant qu’elle venait d’accoucher il n’y a pas si longtemps, et qu’elle rechignait donc naturellement à quitter son enfant, tout indiquait que la raison de ce voyage était on ne peut plus solide. Et de fait ce n’était pas une conclusion très dure à tirer.

Ses yeux se perdirent sur les étendues des toits ocre, qui s’étendaient à leurs pieds en plusieurs couches, cheveux au vent. La brise dans ces hauteurs était aussi inattendue qu’agréable, et à la lueur de ce soleil plus clément que lors de sa première visite, Irina redécouvrait la ville. C’était aussi étrangement calme que dans ses souvenirs ; aussi mystérieusement recouvert de secrets muets et translucides, voyageant à travers les nombreux grains de sable, éparpillés et indomptables. Tous les temples lui donnaient l’impression de se couper de tout le reste, l’illusion plaisante d’être suspendue hors du temps. Mais le foyer de Ténéis était spécial. Perchée sur ce balcon niché entre la roche, elle avait la sensation de pouvoir effleurer les étoiles si seulement elle tendait la main vers les cieux.
Pendant plusieurs minutes, la jeune femme savoura le silence à peine troublé par les quelques chants provenant de l’intérieur de la bâtisse. Toutefois ces notes familières ne la dérangeaient pas, en fait c’était plutôt réconfortant. C’était une mélodie légère et chère à son oreille musicale, un souvenir persistant de froid, d’encens et de communion avec l’invisible… ces rares choses qui n’avaient pas encore été perverties par les jeux de pouvoir, les machinations et autres complots mesquins.

Des intrigues dont il n’était pas vraiment possible de se détacher, autant parce qu’elles faisaient partie intégrante de sa vie que parce qu’elle était contrainte d’en faire aussi usage. Conspirer ou être évincée, planifier ou être écartée pour de bon… telle était l’ignoble fatalité quotidienne créée par la corruption. Un peu déstabilisée suite au silence de Lun, la rouquine fronça les sourcils. Il lui était difficile de lire entre les lignes, de deviner ce qui se passait dans la tête de l’Eclari qu’elle était venue consulter. Était-ce une manifestation de son mépris, de son scepticisme ou bien était-elle seulement confuse par cette conversation ? Prise par ses réfléxions, Irina ne remarqua pas le bruit de pas d’Igrim. Ainsi son expression trahit sa surprise lorsque cette dernière entra enfin dans son champ de vision.
Et ça pour une surprise, s’en était une de taille ! Après tout Igrim -en bonne louve solitaire- était connue comme une fidèle femme de main de la grande prêtresse, ce qui avait de quoi la mettre instinctivement sur la défensive. Ce n’était pas vraiment son genre de faire des visites de courtoisie, et encore moins là, à Amaryl. Autant dire que si elle la cherchait -et rien n’était moins sûr- cela devait être pour une bonne raison. Jusque-là leur relation avait toujours été cordiale mais plutôt impersonnelle, ce qui était assez prévisible. Néanmoins parfois Irina la plaignait sincèrement d’avoir repris la place de bras droit, assassin et balayeuse sous le tapis. Pour avoir occupé ce poste pendant plusieurs années, elle était bien placée pour savoir les sacrifices moraux et physiques que cela comportait. Néanmoins il fallait bien continuer d’espérer qu’à son tour la zélos ouvrirait les yeux et réaliserait les atrocités qu’elle commettait au nom d’une femme qui n’avait pas la moindre idée de la définition du mot « responsabilités ».

D’un signe de tête sobre Irina la salua calmement, figeant ses yeux dans les siens sans complexes. Il n’y avait nulle accusation ou agressivité dans son expression, mais bel et bien une étincelle de curiosité. C’était regrettable de se dire que quelqu’un comme Igrim –qui avait l’air droite dans ses bottes malgré une capacité à faire ce qu’il fallait et enfreindre les limites- continuait de se laisser bercer par le chant des sirènes… Soit un morceau magistral pour les amateurs, et un grincement strident et insupportable pour les désenchantés. Et dire qu’Irina était regardée de travers pour sa tentative de sauvetage des naufragés... S’en était absurde.


« Bonjour, ma sœur. Cela faisait longtemps, et je dois dire que c’est bien le dernier endroit où je m’attendais à vous croiser. De plus j’imagine que notre rencontre n’est pas due au hasard. » Elle lui fit une place sur le banc de marbre qu’elle partageait avec Lun, l’invitant implicitement à prendre place. « Il y a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? Un message de notre sainteté, peut-être ? »

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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeMar 20 Jan - 21:08

La surprise qu’elle lut dans le regard de la princesse flamboyante en disait long sur l’attente que celle-ci avait à l’égard du monastère. Il était visiblement la dernière de ses préoccupations. La louve de Kesha essaya de percer le mystère de cette femme qu’elle avait enfin retrouvée et que les bruits les plus divers décrivaient de façon si contradictoire. Entre la traitresse, la madone, bien sûr la soigneuse émérite, la dévote, la servante zélée de la déesse ou encore la secrète. Ce dernier qualificatif lui paraissait à ce jour le meilleur pour la décrire. Il faut dire que les moments qu’elles avaient eu de partager le même espace, malgré leur appartenance commune au même ordre religieux n’avaient pas été si nombreux. Irina en faisait partie de puis presque aussi longtemps que la Zélos, en fait Igrim ne se souvenait pas d’elle lorsqu’elle était arrivée au monastère et pourtant la prêtresse rouge semblait avoir été là de tout temps pour elle… L’enseignement qu’elle avait reçu lui avait été dispensé essentiellement par Elerinna et son maître d’arme pour tout ce qui n’était pas religieux et médical et elle n’avait donc pas bénéficié de la présence d’Irina Dranis ni comme camarade ni comme instructrice. Pourtant sa réputation de soigneuse était maintenant affirmée et Igrim savait qu’elle aurait beaucoup à apprendre d’elle, même si elle ne pouvait guère avoir rêvé meilleur mentor que la sienne. Ensuite, les rivalités réelles ou supposées entre Elérinna et Irina avaient naturellement écartés les pas de la Zélos de ceux de la Terran. D’autant qu’elle ne fréquentait pas plus les cérémonies. La foi d’Orchid Orcirdr était toute relative, plus inspiré par sa reconnaissance  envers la grande prêtresse que par le sentiment profond de la présence de Kesha et son surnom aurait très bien pu être changé en « Louve d’Elerinna ». D’ailleurs elle ne savait plus comment il lui était venu peut être donné par des âmes qui ne connaissait d’elle que son inflexibilité à servir l’ordre sans faire la relation avec sa relation de dévouement pour la Sindarine.

Irina faisait partie à ses yeux des bonnes élèves de l’ordre dont le succès, la popularité avait sans doute brulé des ailes ou enflammé les prérogatives, mais elle n’émettait aucun jugement de valeur là-dessus. Quand à savoir pourquoi le monastère avait dû se passer de sa présence, elle s’en moquait royalement. Elle-même en faisait autant parfois avec l’assentiment de la grande prêtresse, parfois de son propre chef. Elle avait trop longtemps du subir l’enferment sans qu’elle accepte de le revivre alors qu’elle acquérait plus de liberté. Elerinna le savait et les autres sœurs ne se posaient plus de questions sur ses aller et venus depuis bien longtemps. En la matière, la duchesse  rouge et la Louve de Kesha se ressemblaient assez. La Zélos avait pourtant été envoyé à  la recherche de la première et s’était exécutée comme toujours et ne se faisait en cela que la porte-parole de la Grande prêtresse…  Si ce n’avait été cela cependant elle aurait bien dû admettre que les obligations maternelles lui étaient complètement étrangère et concevoir que l’on rechigne à abandonner sa progéniture pour ne lui traversait jamais l’esprit. Dans la meute, les louveteaux sont élevés en commun par toutes les femelles et elle-même avait chassé cette possibilité de son esprit depuis longtemps si tant est que cela ait un jour fait partie de ses projets à moyen ou même à long terme…

Elle était donc à  des milles de la façon de penser de la rousse prêtresse et ne savait pas trop à quoi s’attendre en se présentant devant elle. Elle n’était pas dupe, elle savait qu’elle et son mentor se livraient une lutte politique mais elle ne comprenait pas tous les tenants et les aboutissants. Elle ne savait rien des sentiments d’Irina Dranis à l’égard d’Elerinna Lanatae et ne mesurait que partiellement ceux de la guide de l’ordre à l’égard de sa rivale. La première n’avait jamais vraiment développé ce qui les opposait et Igrim osait croire qu’il s’agissait de simples divergences de point de vue et de personne ne concernant en rien l’avenir de l’ordre. Comme lorsqu’un mâle dominant influe sur les méthodes de chasse et la gestion du territoire de la meute sans la mettre en péril une fois qu’il a remplacé le mâle alpha précédent. Rallier des sœurs à sa cause était donc naturel lorsque l’on veut convaincre du bien-fondé de ses opinions. Elerinna le faisait et il paraissait évident que la Terran agissait de même… De fait, de par leur histoire commune, Igrim ne voyait pas comment une meilleure façon de gérer l’ordre pouvait exister hormis celle de la grande prêtresse. Elle était la plus habile pour sonder les âmes et guider les fidèles vers une certaine modernisation  du culte et de ses croyances, tout en exerçant un contrôle sur les ennemis de l’ordre. Elle bénéficiait de la longévité et la sagesse des Sindarins qu’aucun Terrane ne pourrait jamais obtenir, malgré les qualités indéniables et reconnues même par Elerinna d’Irina. Les choses étaient assez claires pour la Zélos et elle espérait que la contribution au débat d’Irina était vierge de toute amertume et de tout ressentiment, émotion si courante chez les Terrans en particulier devant les possibilités de la vie Sindarine face à la brièveté de leur passage en ce monde.
Irina ne la déçut pas. Sa grande beauté était intacte et ses manières civiles faisaient d’elle, à la fois personne avec qui on pouvait discuter, même si ce n’était pas le fort d’Igrim, et à la fois une redoutable adversaire capable de manier le verbe comme une lame de précision chose là encore qu’Igrim devait encore perfectionner. Elle apprécia cependant le salut de la rousse prêtresse et le lui rendit sans arrière-pensée.
Elle inclina doucement la tête pour lui rendre son salut et regarda la place sur le banc que la duchesse semblait lui proposer tout en écoutant son discours d’accueil si ce n’était de bienvenue. Il allait de soi qu’elle avait raison sur toute la ligne mais la Zélos ne prétendait aucunement maintenir l’illusion d’une rencontre de hasard. Elle resta debout face à la duchesse et la fille qui l ‘accompagnait.

« Bonjour ma sœur. En effet pas de hasard. Je suis porteuse d’un message de notre Sainteté Elerinna Lanatae »


Elle ressortit de son pourpoint le message dont elle ignorait la teneur, mais que nous allons divulguer pour ne pas maintenir le lecteur trop longtemps en alerte.
Citation :
Sœur Irina,

Votre absence se fait cruellement sentir. Votre dévouement à la formation des novices et de nos sœurs plus expérimentées  ne peut être remplacé. C’est pourquoi je vous prie instamment de rejoindre le monastère d’Hellas où vos talents nous sont à  toutes très précieux.
J’imagine que votre absence est consécutive à de très impérieuses raisons, aussi pour vous faciliter la tâche, quelle qu’elle soit, je vous adjoints notre Sœur Orchid Orcirdr. Vous connaissez sa diligence et son dévouement…
L’ordre vous remercie par avance des compétences que vous pourrez ensuite, mettre au service de son développement et du culte de Kesha la très grande.
En outre, il va de soi que votre enfant sera au monastère un rayon de soleil supplémentaire.
Votre dévouée

Elerinna Lanatae

Igrim se demandait si la rousse prêtresse allait ou non ouvrir le pli devant elle ou si elle devait se retirer. La présence de l’autre femme n’était peut-être pas propice à cette lecture. Embarrassée, elle fit deux pas en arrière attendant que quelque chose dans l’attitude ou les paroles de la duchesse rouge lui intime l’un ou l’autre.
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeSam 31 Jan - 10:14


En quête de savoir

Lun . Igrim . Irina

Igrim venait d'arriver, les traits fatigués derrière ses airs stoïques et professionnels. L'espace d'un instant, alors qu'elle l'observait silencieusement du coin de l’œil, Irina se dit que sa consœur semblait s'attendre au pire, comme si elle allait la recevoir à coup de dague entre les yeux ou l'insulter copieusement pour avoir interrompu des affaires qui légitimement, ne la concernaient pas. Bon il n'était pas exagéré de dire que la situation n'était pas à son goût, néanmoins elle n'était pas caractérielle. Enfin, mensonge. Disons qu'elle ne l'était pas à ce point-là, surtout qu'Igrim lui suscitait bien plus de curiosité que de colère. Bien qu'elle ne la connaisse pas à proprement parler, la rouquine admirait son application et sa capacité d'adaptation. Les jugements étaient faciles à Hellas comme ailleurs, ce qui ne facilitait pas la tâche à ceux qui avaient pour aspiration de se faire une place. Et de fait les prêtresses s'étaient sans doute empressées de remarquer et de lui reprocher son manque de manières, son peu de féminité, ou bien sa maladresse sociale. Néanmoins ces trois traits assez évidents pourraient tout aussi facilement être imputés à Irina.
Elle n'avait jamais été tournée vers le contact avec les fidèles, préférant largement les éduquer dans la foi que les berner de mille préceptes qu'ils ne comprendraient pas. D'ailleurs elle leur offrait ses services sans arrière-pensée, nuit et jour, sans répit, plutôt que de devoir jouer les confesseurs. Elle était médecin, pas gourou. De plus son corps frêle de femme enfant n'avait changé que récemment suite à la maternité, et pourtant elle demeurait peu ou pas coquette, privilégiant largement les tenues masculines ou les uniformes de l'ordre, plus pragmatiques que tous ces chiffons qu'il fallait en plus choisir selon la mode. Et ce sans même mentionner son manque de discipline flagrant, son insolence et son insubordination, soit sa capacité à favoriser ses recherches et son travail à certaines règles très contraignantes qu'on avait vainement tenté de lui imposer des années durant. Cela ne lui avait jamais valu de châtiment sérieux, mais les blâmes et les sermons ne se comptaient plus. Pouvait-on dire qu'elle était une prêtresse irréprochable à ce point de vue-là ? Sûrement pas. Pouvait-on dire qu'elle était une scientifique, un médecin hors du commun ? Sans aucun doute. Après tout elle n'avait pas été la plus jeune prêtresse de premier ordre de tous les temps parce qu'elle savait se peinturlurer la figure et battre adorablement des cils.

Assise à l'ombre, la jeune femme se sentait gagnée d'une torpeur sourde qui lui alourdissait les membres petit à petit, en un mélange détonnant de paresse et de fatigue causée par la chaleur. Pour reprendre un peu de sa forme elle tendit un peu ses jambes et ajusta le foulard clair qui couvrait sa tête, plutôt détendue. À nouveau elle fit face à Igrim, plus franchement cette fois, afin de la pousser implicitement à expliquer les raisons de sa venue. Et de fait des raisons il devait bien y en avoir, non ? Or justement la voix ferme de la zélos s'éleva entre les murs sculptés du temple de Ténéis pour annoncer ce fameux message d'un ton admiratif et presque révérencieux, qui reprenait la formule pompeuse et pleine de sarcasme qu'elle venait de souffler. Il semblerait qu'Igrim, peu rodée de pirouettes verbales et autres détours n'avait pas saisi ce qu'elle avait voulu dire. Bien malgré elle et sans moquerie aucune, Irina partit d'un rire rauque et soudain, montant en hoquet dans sa poitrine jusqu'à irradier sa gorge en une vague puissante qui déferla discrètement jusqu'à être légèrement audible. 'Notre sainteté'. Oh par les dieux, dit comme ça c'était si ironique que s'en était hilarant.

Secouée par cette attaque soudaine, elle laissa son rire cascader dans l'air comme du cristal, si rare que beaucoup ne l'avaient jamais entendu. Et pourtant c'était trop naturel pour être calculé, trop enfantin pour être gâché d'une quelque raillerie mauvaise. Cela n'avait rien à voir avec ses rictus habituels, avec ses grimaces à moitié ennuyées ou les répliques coupantes qui pouvaient aisément sortir en rafales ne semblant jamais avoir de fin. Irina avait trouvé ça profondément drôle. Innocent et drôle. 'Oh Igrim, pauvre Igrim. Quel gâchis.' Ne put-elle s'empêcher de penser. Et pourtant comme tout enfant il était nécessaire qu'elle finisse par ouvrir les yeux à la réalité, car cette dernière n'attendrait pas qu'elle s'y soit préparée.
Irina ouvrit négligemment le pli et jeta un bref coup d’œil au bout de papier, sans y accorder beaucoup d'importance. Elle ignorait si Igrim s'attendait à une quelconque réponse de sa part, ou bien même si elle était au courant de la teneur du message. Une lettre somme toute officielle et cordiale, aussi fausse et inutile que celle qui l'avait rédigée. Rien d'étonnant jusque là, donc... Au moins il n'y avait pas là de quoi être surprise. Sans même s'en rendre compte la terrane soupira de lassitude et chiffonna le papier dans sa main. Elle ne comprenait tout simplement pas quelle était l'urgence qui devrait la faire rentrer à Hellas, avec une escorte en plus du reste, comme pour essayer de l'intimider ou de la convaincre de ne pas faire d'histoires. La prendre à rebrousse poil ce n'était somme toute pas la meilleure façon d'obtenir gain de cause, et une méthode pour le moins étrange, tout au mieux. Un haussement d'épaules marqua toute l'inquiétude que ça lui suscitait. Son ton fut aussi dépité que calme.


« Tout ça, ce n'est qu'une autre de ses lubies, et pour être honnête je ne suis même pas intéressée de savoir ce qui y a donné origine. La formation des novices a toujours été prise en charge en mon absence, et c'est bien pour alléger les classes des jeunes que les prêtresses confirmées ont des apprenties sous leurs ailes. J'en ai déjà deux brillantes et qui à force de travail, ont fait leurs preuves. Que suis-je censée faire de plus ? Me charger de la formation de toutes les filles qui mettent pied dans ce temple ? À moins que l'on ait changé mon attribution sans que j'en aie connaissance -ce qui croyez-moi n'arrivera pas, pour le bien de l'humanité- ce n'est pas ma fonction ! Et si sa seigneurie royale et sanctifiée s'en préoccupe tant que ça, elle peut très bien sacrifier ses banquets et ses bals pour s'en occuper elle-même. Oh oui tiens, quelle magnifique idée ! Plutôt que d'enquiquiner des gens qui travaillent à l'autre bout du continent, elle pourrait peut-être se bouger, pour une fois ? Ça, ce serait un vrai changement ! »

La nordique dodelina de la tête, incrédule que cette femme ait non seulement le culot de lui demander de rentrer si peu de temps après sa grossesse, mais aussi celui de faire perdre son temps à Igrim avec cet ordre de porter ce message stupide. N'importe quoi. Non vraiment, il fallait vraiment n'avoir rien d'autre à faire de son temps. C'était tout juste absurde d'en arriver là. Si au moins un autre désastre s'était produit quelque part, et qu'elle lui demandait de se déplacer pour contrôler la situation en leur nom, peut-être accepterait-elle de croire à un choix objectif et lucide. Mais là... Là Elerinna l'invitait à revenir au temple comme on appâte un enfant rebelle qui a fait de grosses bêtises. Le tout en prétendant que la présence d'Aemyn serait la bienvenue parmi elles. Oui, bien sûr, évidemment... Et quand déménageraient-ils ? Avant ou après que les assassins aient terminé ce qu'ils avaient commencé ? Mais non, tout ça ne la regardait en rien, ce n'était pas de son fait ! Évidemment Elerinna était blanche comme neige, une vierge candide et parfaite, une madone pure et débordante de bonté ! Une sainte, oh vraiment ! Une sainte qui cachait très mal son jeu. Sans bouger un muscle, elle informa Igrim afin de ne pas la laisser attendre là comme une malpropre. Ne tuez pas le messager, n'était-ce pas l'adage populaire ?

« Je n'irai nulle part. Je n'ai pas pour projet de rentrer à Hellas avant quelques semaines... Et comme vous vous doutez je n'ai pas voyagé jusqu'ici le cœur pris dans un étau, en confiant mon bébé à quelqu'un d'autre pour le plaisir de me déchausser de ma responsabilité de mère. J'ignore ce que vous pensez savoir à mon sujet, et je ne sais pas non plus de quel genre de machinations perfides vous me pensez capable. Oh je ne mentirai pas, je le suis sans doute et probablement plus encore... Mais pas à n'importe quel prix, et sûrement pas celui de la sécurité ou du bien être de mon fils. Si je suis là c'est que le travail l'exigeait ainsi. Vous savez ce même travail dangereux et inconfortable dont toutes nos consœurs refusent d'entendre parler ? Et non, je ne vous compte pas là-dedans. Je sais que comme moi vous êtes plutôt du genre à vous salir les mains quand nécessaire. »

La différence c'est qu'Irina le faisait par volonté de mener sa propre barque -d'une façon ou d'une autre- pas par obstination aveugle, par loyauté mal placée, ou à défaut de ne savoir quoi faire. Ses yeux verts se figèrent sur le visage de son homologue, avec neutralité et un peu d'incompréhension. C'était une guerrière, une femme d'action. Elle n'était ni bête ni gauche, et pourtant elle s'obstinait à vouloir rester un pion toute sa vie. Non. Non, cela plus que toute autre chose, au delà de toute divergence d'idéal ou de philosophie, elle ne pourrait jamais le comprendre. Comment pouvait-il préférer la prison d'une sangsue à la liberté de penser et d'agir ?

« Dites, ma sœur... » Elle la regarda avec calme, sachant que sa prochaine question, frontale et désarmante, allait sans doute la prendre de court. Prête à encaisser une riposte brutale, Irina ne trembla pas. Sa question ne visait pas à semer le trouble ou à manipuler. La seule chose qui lui intéressait de fait, c'était la réponse et rien d'autre. « Pourquoi avez-vous décidé de suivre Elerinna ? »
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeVen 6 Fév - 17:39

La lecture de la missive par la prêtresse rouge sembla prendre une éternité en même temps que la réponse se révéla implacable. Mais tout cela ne devait être que des impressions provoquées par l’arrivée en terrain inconnu de la Zélos.

L’attente avant un assaut était bien plus facile à gérer pour Orchid que l’attente d’une réponse diplomatique si tant est qu’il y avait encore des chances d’obtenir une certaine diplomatie entre les deux prêtresses qui se disputaient le haut du pavé de l’ordre de Kesha. Elle n’était pas complètement demeuré et ne se faisait pas beaucoup d’illusions sur la manière dont la lettre de la Grande prêtresse allait être accueillie, mais la bonne fois manifestée par Elerinna Lanatae avant de la lui remettre avait semé une petite graine d’espoir que cette mission se résumerait à un aller et retour de quelques jours tout au plus. La réputation d’intelligence et d’indépendance de la duchesse allait avec celle de son dévouement auprès de ses sœurs et de l’ordre en général même si elle semblait dissocier l’ordre de la personne de sa première prêtresse et que ses activités l’appelait plus que de raison aux yeux de beaucoup, loin d’Hellas et du monastère. Cependant soin charisme et ses qualités de prêtresse de premier ordre n’avaient pas été acquis par hasard et la belle rouquine ne pouvait être soupçonnée d’incompétence ou de légèreté.

Igrim ne pouvait donc se fier qu’aux avis d’Elerinna sur sa rivale ou ceux occasionnels de ses consœurs qui pour certaines avaient eu, selon leurs dire, la chance de recevoir une partie de leur enseignement d’Irina Dranis. Elerinna se gardait bien de sous-estimer la prêtresse errante comme on se plaisait à la surnommer parfois et les autres prêtresses louaient son dévouement auprès d’elles, sa façon de les rassurer sur leur place au sein de l’ordre et sa façon de partager son savoir médical. Bref, si elle se méfiait naturellement de rousse prêtresse, c’était bien parce qu’elle était la rivale avouée de son mentor et non pour une incompétence quelconque… Igrim observait la rouquine et à sa mise elle ne pouvait ignorer que la Terrane n’était pas là pour une rencontre mondaine mais au début d’un périple qui l‘emporterait encore Kesha savait où. Sa curiosité en était piquée au vif mais nul doute que les prochaines minutes le lui apprendraient et de toute façon elle avait d’autres préoccupations dans l’immédiat comme celle de réagir ou plutôt de ne pas réagir aux manières de la vipère écarlate qui en avait tous les attributs y compris la langue. En face d’un homme l’exercice aurait bien plus complexe mais heureusement face à une femme, elle savait qu’en cas de provocation, l’impassibilité était la meilleure défense lorsqu’el pouvait se sentir agressée ou en infériorité. Le rire franc ne manqua pas d’atteindre son but d’autant que la Zélos ne savait si sa cible était sa propre personne ou pire encore celle de la Grande Prêtresse. Si elle n’était pas là en mission on ne peut plus officielle et que les deux femmes se retrouvaient là dans une relation uniquement personnelle, nul doute qu’elle n’aurait pas empêché son naturel direct de prendre le dessus, mais là, elle se devait de faire bonne figure. Elle parvint donc à rester de marbre et à attendre patiemment que les dernières notes de cristal s’éteignent dans l’écho du temple. C’est à peine si sa poitrine se souleva plus que d’ordinaire pour étouffer un soupir d’impatience à la fin de ce rire qui ne pouvait être qu’une attaque, mais qui ne semblait pas dirigée vers autre chose que le plaisir de la prêtresse assise sur son banc.

Igrim ne demandait qu’une chose c’était qu’elle prenne connaissance du contenu du pli et qu’elle lui donne sa réponse qu’elle sache enfin en quoi allait consister la suite de sa mission : Retourner au monastère accompagnée de la prêtresse errante ou alors la suivre dans ses prochaines aventures jusqu’à ce qu’elle daigne revenir au berceau de l’ordre. Pour être honnête, elle ne savait pas trop ce qu’elle préférait. Rentrer au monastère écourterait sa mission mais la ramènerait au lieu dans lequel elle se sentait le moins à sa place hormis les moments où elle était convoquée par Elérinna. D’un autre côté, suivre la rieuse dans ses aventures ne serait pas de tout repos surtout si elle devait endurer ses sarcasmes et ses récriminations contre la première d’entre les prêtresses, mais lui permettrait de faire ce qu’elle savait le mieux faire guider et protéger, reconnaître et courir les chemins…

Elle regarda presque sans le croire la main délicate froisser la lette qu’elle venait de lui remettre, signe avant-coureur de ce qui allait sans doute suivre, un refus sans équivoque de retourner au monastère. Le haussement d’épaule fut pris comme une marque de mépris, mais Igrim garda son impassibilité. Elle ne voulait pas qu’il fut dit qu’elle avait mis de l’huile sur le feu. Elle s’appliquait à penser qu’elle ne pouvait être certaine de la signification des attitudes et des gestes presque machinaux de la prêtresse rouge. En son for intérieur elle savait que ce n’était pas vrai. Son éducation parmi les loups lui avait inculqué une sensibilité pour ces choses qu’elle avait ensuite réinvestie dans la connaissance des bipèdes soumis eux aussi à des signaux corporels…

L’oral était une autre histoire et les traits précis que décochait Irina touchait plus que sa raison n’allait pouvoir le contrôler. Ses narines se dilatèrent. Elle connaissait pas la teneur exacte du message mais devina grâce à la réponse de la duchesse qu’Elerinna souhaitait le retour à des fins pédagogiques. Quoi de plus naturel de s’entourer des meilleures compétences ?! La Terrane aurait dû se sentir flattée que les siennes soient reconnues. Mais apparemment elle prenait cela comme une sorte de provocation. Elle avait même employé le terme de lubie ! Comment penser que les décisions liées à la direction d’un ordre tel que celui de Kesha soit soumises à des lubies ? Elle ne soupçonnait pas la destinataire du message de stupidité et dut donc se résoudre à y voir là une marque supplémentaire de défiance à l’égard de la grande prêtresse. Cette dernière ne pouvait certes pas tout faire elle-même, et la Zélos jugea les accusations qui faisaient passer sa maîtresse comme une paresseuse superficielle très injuste, mais peut-être était-ce également à mettre sur le compte de leur rivalité et de la mauvaise foi dont deux rivales peuvent faire preuve… Igrim mit ses deux mains derrière son dos et ses narines se dilatèrent signe évident d’une sourde réprobation. Elle tentait intérieurement que cette réprobation ne se transforme pas en colère auquel cas elle ne serait plus en mesure de faire preuve du peu de diplomatie dont elle était parfois capable. Elle attendit quelques secondes le temps de contrôler sa respiration et de chercher ses mots… Puis commença, de la voix la plus posée dont elle était capable.

« Toute communauté a besoin d’être dirigée, mais ses dirigeants ne peuvent pas tout. Je suppose que notre guide espère la meilleure personne à la meilleure place… »

Elle sentait bien que ses pauvres arguments n’arriveraient pas à faire retomber la rancœur de la prêtresse acerbe. Elle se demandait même si les choses n’en étaient pas arrivées à un point où les arguments n’avaient plus beaucoup de valeur ou d’intérêt. Les deux femmes, la duchesse en tout cas, n’en étaient-elles pas rendues à un stade où tout pas de l’une vers l’autre ne pouvait être qu’interprété comme une menace ou une manigance, ou encore un signe d’incompétence…
Elle hasarda tout de même un ultime essai de réchauffement des relations comme il se dit lorsque l’on évoque les relations diplomatiques entre deux puissances :

« Vos compétences sont reconnues de toutes vois sœurs… »

La réponse fut on ne peut plus claire. Elle mettait en cause à la fois la confiance qu’elle pouvait avoir dans la première des prêtresses de l’ordre, les compétences de ses consœurs. Elle ignorait pourquoi elle l’épargnait de ses reproches et de ses sarcasmes. Apparemment parce qu’elle était supposée se salir les mains dans les besognes peu enviables qui retenaient, d’après ses dire, les deux femmes qui se faisaient face là dans ce temple. Tout cela elle pouvait le comprendre ou tout au moins faisait sens pour la Zélos. Tout excepté les références à l’amour maternel qui ne pouvaient l’atteindre. Tout rapport avec la féminité semblait verrouillé derrière une porte infranchissable. Elle ne pouvait pas envisager de s’unir à un homme encore moins d’accepter de donner la vie. Elever alors des enfants, leur donner assez d’attention pour que l’on puisse qualifier cela d’amour lui était totalement étranger et donc envisager un quelconque émoi en abandonnant cette conséquence des amours avec un autre était tout bonnement incompréhensible et inenvisageable… Le seul dévouement qu’elle pouvait ressentir était celui qu’elle offrait à son mentor, sa bienfaitrice, Elerinna Lanatae. Ce dévouement elle l’avait choisi même si certain pouvait penser qu’elle n’avait jamais eu le choix, prise en main dès son arrivée par la grande prêtresse qu’elle avait été comme un oison suit sans réfléchir le premier objet qui passe à proximité lorsqu’il sort de l’œuf. D’aucun pouvait penser que l’oison avait suivi le renard qui allait la saigner au bout du compte. Igrim, avait le sentiment intime de sa liberté de suivre la Sindarine jusqu’au moment où elle ne se reconnaîtrait plus en ses choix…
La réponse à la question de la duchesse n’était alors pas très difficile à formuler. Elle tomba sereine et franche, sans agressivité comme l’énoncé d’une évidence :

« Elerinna Lanatae fut la seule à ne pas se détourner lorsqu’Igrim est arrivée au monastère. Elle ne m’a jamais forcé à embrasser vos croyances ni à devenir ce que je ne pouvais devenir. Igrim ne peut pas oublier cela… »


En d’autres temps elle s’en serait tenue là et aurait garder ses questions pour elle mais si c’était l’heure des confidences, autant en profiter même si en retour elle n’attendait en réalité que nouveaux sarcasmes et défiance, révolte contre l’ordre et contre sa dirigeante.

« Vous-même, pourquoi vous défiez-vous d’Elerinna Lanatae ? »

Elle aurait pu, à l’instar de la prêtresse rouge utiliser seulement le prénom de la guide suprême de l’ordre de Cimméria, mais il lui paraissait inopportun de la faire en cet instant où visiblement aucune confiance n’était acquise…
Sa question n’était pas seulement un retour dans le jeu de paume qu’Irina Dranis venait d’initier, mais aussi une interrogation réelle sur les motifs de sa rivalité avec la Grande prêtresse. Cette dernière ne s’était jamais appesantie dessus et la Zélos ne posait jamais de question personnelle à son mentor. Elle saisissait simplement l’occasion que la son interlocutrice lui tendait pour en savoir un peu plus sachant qu’elle n’aurait qu’une version de l’histoire et que l’autre serait peut-être à jamais inaccessible…

Elle n’avait pas changé de position depuis qu’elle avait tendu la missive à la Terrane et attendait patiemment que le futur proche de son devoir se dessine… Elle savait que la rouquine ne verrait pas d’u très bon œil le fait d’être accompagnée par une main armée de sa plus grande rivale pour ne pas dire ennemie, mais d’un autre côté, elle ne se voyait pas revenir vers le monastère sans la vipère rouge…
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeMer 18 Fév - 22:24


En quête de savoir

Igrim . Lun . Irina

Orchid semblait pour le moins agacée, pas seulement par ces quelques sarcasmes si naturels qu’ils n’en étaient même plus signe d’hostilité, mais aussi par à peu près tout ce qu’elle disait. À vrai dire Irina avait la nette sensation que tout ce qu’elle représentait débectait la Zélos, qui derrière son attitude professionnelle d’un calme artificiel, ne manquait pas de transpirer le dédain. C’était… plutôt navrant, en fait. Navrant qu’elle s’obstine à faire les mauvais choix bien que les faits soient on ne peut plus clairs. Enfin qu’importe, le but n’était pas de faire une analyse poussée de son comportement, ni une dissection psychologique qui de toute façon ne lui ferait rien gagner. Mais en même temps quelque chose lui échappait encore. Pourquoi Igrim se laissait-elle atteindre par une réaction qui était somme toute prévisible ? Tout le monde connaissait les différents qui séparaient la grande prêtresse de son ancien bras droit, alors pourquoi s’offusquait-elle que la rouquine soit incapable de prendre ce courrier au sérieux ? Non, décidément pas mal de choses ne tournaient pas rond… à commencer par l’image qu’elle s’était forgée à son sujet. Comme refroidie par ces réactions gratuites et bornées, Irina se referma aussi sec. Son faciès se fit sévère tandis qu’elle rétorqua. Ça allait deux minutes les excuses à deux ronds et les œillères miteuses.

« Les dirigeants ne peuvent pas tout. Mais les dirigeants peuvent quelque chose. » Elle mit l’emphase sur les deux derniers mots pour bien marquer le coup. Irina n’avait jamais accusé Elerinna de n’avoir rien accompli pour l’ordre. Ce dont elle l’avait souvent accusée, y compris en face, c’était de se reposer sur ses lauriers ainsi que ses consœurs pour accomplir le travail à sa place. Et c’est justement pour ça qu’elle avait complètement cessé de suivre ses directives depuis presque quatre ans. Irina aussi avait porté des œillères, seulement elle n’avait pu se convaincre de garder ce bandeau pathétique sur les yeux alors que tout continuait de s’écrouler autour d’elle. Se salir les mains c’était une chose. Se salir les mains pour des prunes, s’en était une autre.

La jeune femme soupira, emplissant ses poumons de cet air chargé de sécheresse. Sa voix était douce et inflexible.
« Je l’ai dit et je le répète, bien que la proposition soit aussi hypocrite que flatteuse, ce n’est pas mon travail. Je n’ai jamais formé personne à part mes apprenties, et je doute que cela change. Je n’ai pas la veine didactique, je n’aime pas les gens en général et j’aime encore moins devoir faire de patience avec eux. Je suis médecin, pas professeur. »

Il n’y avait pas de rancune là-dedans et de fait cela n’avait même aucun rapport avec Elerinna. Simplement ce n’était pas son domaine et c’est autant par humilité que par fermeté qu’elle refusait. Irina avait toujours été une femme au caractère difficile, acariâtre diraient certains, et elle ne s’en était jamais cachée. Le nom Dranis avait très longtemps été invoqué comme le croquemitaine faisant trembler les élèves les plus turbulentes, après tout elle avait été en charge du ‘comité disciplinaire’ -comprenez par là un service d’espionnage punitif lorsque nécessaire- pendant toute sa jeunesse. Une jeunesse passée à servir la grande prêtresse avec un acharnement comparable à celui d’Igrim… tout ça pour quoi ? Elle se le demandait encore.
Quoi qu’il en soit la serpentine ne voyait aucun inconvénient à conseiller les plus jeunes ou à débattre avec les plus expérimentées, seulement enseigner ce n’était pas une bonne idée. En quoi terroriser les jeunettes de par sa discipline de fer et son manque de tact serait-il positif ? Non. Elles finiraient par fuir le temple après une semaine, ou s’exileraient loin pour échapper à ce tyran en jupons. À moins bien sûr qu’il ne soit question de former un petit groupe trié sur le volet, une élite de recrues prometteuses et prêtes à renoncer à leur vie privée pour se consacrer à l’ordre. Cependant bien que ces cas soient rares et qu’ils soient éventuellement plus faciles à gérer avec ses maigres moyens, Irina aurait tout de même refusé. L’enseignement devait être égal et ouvert à toutes les filles, qu’importe leur origine ou leurs capacités… ainsi allait la tradition de Kesha. Une des rares traditions conservatrices qu’Irina approuvait, soit dit en passant.

Enfin avec tout ça elle ignorait comment refuser en étant plus diplomate qu’elle n’était déjà. Non c’était non, et il n’était pas bien compliqué de saisir qu’elle ne reviendrait pas là-dessus. Et puis sincèrement, comment Igrim pouvait-elle croire à ce charabia et le défendre becs et ongles ? Est-ce qu’Irina venait lui balancer ses croyances à la figure, et lui fourrer le nez dans les absurdités sans fin esquissées par sa mentor ? Non mais sérieusement il fallait avoir un sacré culot, et une sacrée dose de mauvaise foi, aussi. C’était pourtant simple. Si Orchid ne voulait pas entendre la vérité, elle n’avait qu’à ne pas aborder le sujet, car tant qu’il serait question de la dirigeante de Cimméria, elle ne récolterait rien d’autre. Très droite et calme, Irina haussa les épaules avec peu de déférence et regretta presque que Lun ait à assister à tout cela. Murmurant quelques mots d’excuse à cette dernière, celle qui ne tolérait pas qu’on la qualifie de duchesse écouta l’explication très sommaire d’Orchid.

« Je vois. » Sa réponse fut simple et son expression ne changea pas. Cela expliquait certes pourquoi Igrim avait fait ce choix, mais pas pourquoi elle s’y tenait encore. Cela lui semblait tellement basique en un sens que s’en était encore plus exaspérant. Encore une rescapée qui pensait avoir contracté une dette. « On ne peut vivre une vie entière en agissant parce qu’on est redevable. Du moins je trouve ça très malhonnête d’un ‘bienfaiteur’. Si c’était le cas, tous les réfugiés qui ont été boutés de Hellas et le reste de mes patients me verraient comme Kesha réincarnée. Une idée insolite et ridicule, sur ce point-là au moins on sera d’accord. Enfin… » Cela ne la regardait en rien et il était très peu probable qu’Igrim accepte de discuter de façon raisonnable à ce sujet. Alors autant éviter le choc frontal pour peu de résultats.
Remarque tandis que ses yeux se perdaient dans les collines arides du désert qui perçait au loin, Irina fut surprise de voir que son interlocutrice lui renvoyait une question. Directe comme il serait espéré, bien que la réponse soit bien facile à résumer en quelques mots seulement. C’est pourquoi elle lui répondit d’un ton égal et plutôt las. Son corps fatiguait avec cette chaleur peu habituelle, et malgré ses vêtements adaptés sur conseil des locaux, son cerveau bourdonnait d’un vide intersidéral chaque fois qu’il avait une petite minute d’inactivité.
« Vous voulez les raisons personnelles, les raisons professionnelles, ou juste du bon sens ? » C’était une vraie question et non une énième raillerie. Pourtant il était probable que ce soit mal interprété dans un cas comme dans l’autre, et ce serait mal pris de toute façon. Alors Irina reprit doucement, essayant de faire court. « Bon on va faire dans cet ordre-là, alors. Je viens des rues, j’y suis née et j’y ai grandi sans mes parents. Une personne m’a tendu la main et s’est occupée de moi, comme on l’a fait avec vous. Alana a été la mère que je n’ai jamais eue. Néanmoins Elerinna l’a condamnée au labyrinthe de Zaléra pour des raisons aujourd’hui encore, totalement obscures. » Son regard se durcit, la mort de la seule personne qui l’avait protégée n’était que le déclencheur. La suite était bien plus complexe qu’une simple vengeance, bien qu’Elerinna aime faire semblant de ne pas le savoir.

« Croyez-le ou non, Alana était innocente. Quand je l’ai appris, j’ai quitté son service... Soit les travaux sales de tous bords qu’on me refilait. Je ne vous les décrirai pas… vous les connaissez bien, puisque c’est mon poste que vous avez repris. Vous ne faites rien que je n’aie déjà fait. » La mélancolie traversait les coins de sa bouche plissée en un rictus aigre. « Réfléchissez. J’aurais pu tenter de la tuer, de la diffamer ou la traîner en justice. Je ne l’ai pas fait. Mais évidemment je ne suis qu’une ‘jeune étourdie qui veut se donner de l’importance’. Je crois que c’est la dernière version de sa description préférée. Grand bien lui fasse, j’en dors bien la nuit. » Il était plutôt compliqué de garder la tête froide en parlant d’une personne aussi détestable, et par-dessus tout le reste, irresponsable. « Ensuite et bien que vous le contestiez, je la juge négligente, égoïste, irrespectueuse et incompétente. » Elle compta en énumérant sur ses doigts, s’arrêtant tout à coup en pondérant la suite. « Je pourrais sûrement continuer encore longtemps et argumenter chacun des points par une nuée de faits, mais je suis sûre que ça vous ennuierait. Alors pour faire court on va dire qu’elle détourne le pouvoir à des fins personnelles, qu’elle ne croit pas en la déesse qu’elle prétend servir, qu’elle manipule les prêtresses pour en faire des pions, et qu’elle s’inquiète plus de son apparence que de la santé publique. C’est suffisamment complet ? » Elle tourna alors un œil perçant vers sa consœur, se demandant honnêtement si sa réponse était si surprenante que ça. Attendant avec plus de patience qu’elle ne possédait, Irina guetta une réaction qui allait sans doute être assez brusque. Préparée à toute éventualité, la nordique joua avec son anneau d’un air distrait.


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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeMar 10 Mar - 22:06

Les choses n’allaient pas être aisées. Visiblement les deux femmes étaient sur deux points de vue radicalement différents et auraient du mal à se mettre d’accord. Igrim n’avait jamais bien compris ce qui avait séparé les deux membres les plus influentes de l’ordre. Certes elles avaient une façon chacune bien personnelle de concevoir leurs fonctions mais cela n’expliquait pas tout. Igrim les trouvaient au bout du compte assez complémentaire et leurs talents conjugués auraient dû enrichir l’ordre Kesha… Chacun aura compris depuis qu’il suit la Zélos qu’il lui était difficile de mettre en doute la grande prêtresse et l’attitude hautaine et méprisante qu’elle recevait  de la vipère rouge en contre partie de sa mission somme toute pacifique n’allait pas la porter à fondre de tendresse envers elle si tant est qu’Igrim était capable de fondre de tendresse pour quelqu’un… Les sarcasmes continuels de la duchesse et son manque évident de bonne volonté la faisait passer pour une enfant bornée incapable de se conduire en adulte. Sa rancœur si justifiée qu’elle puisse être ne devrait pas lui mettre des œillères si elle était aussi clairvoyante et sage que ce qui se racontait à son sujet. Igrim devait admettre qu’elle était un peu déçue… Et la sentence suivant de la rouquine lui parut d’un lieu commun éculé qui ne menait nulle part et sans doute pas à un débat constructif.

Seule la suite pouvait être entendue. Le rôle de professeur pouvait en effet rebuter, pourquoi pas mais lorsque l’on a eu des apprentis on a forcément endossé une partie de la panoplie de cette fonction et si elle était rappelé au monastère pour l’enseignement des novices, Igrim comprenait plutôt qu’il s’agissait de coordonner les différents enseignements qui s’y déroulaient, sans doute pas de prendre en charge toutes les petites prêtresses. Cette charge aurait été bien trop lourde pour une seule. A cause de ses fonctions passées au sein de l’ordre on pouvait bien admettre qu’Irina avait toutes les qualités requises pour occuper ce poste. Il lui suffirait sans doute d’infléchir ce qu’elle savait déjà faire et les mêler à ses compétences de tutrice qu’elle avait eues à l’égard de ses apprenties. Mais ce qui semblait pouvoir se dessiner pour son esprit non éclairé des subtilités politiques ne semblait pas de voir se faire jour chez la prêtresse écarlate. De son côté, Igrim voulait bien admettre qu’elle s’était trompée à ce sujet, n’étant elle non plus pas adepte des relations et de l’enseignement encore moins et peu encline à creuser les volontés explicites ou implicites des puissants. Les eules relation maître élève qu’elle avait vécues l’avait toujours été du côté de l’élève. Au monastère en premier lieu il y avait eu bien sur Elerinna, mais nous en avons déjà longuement parlé et chacun admettra que cette relation particulière relevait sans doute d’autre chose que tu simple enseignement. En second lieu les prêtresses qui l’avaient initiés au B-A BA des règles et des rites la religion. Elles avaient toutes été bienveillantes une fois que la grande prêtresse lui avait rendu une apparence et un comportement à peu près civilisés. En dernier lieu, son maître d’arme qui lui avait donné les moyens de sa survie. Leurs rapports avaient été fluctuants, entre des relations paternelle et la provocation méprisante lorsqu’elle ne répondait pas aux espoirs de son maître. A postériori elle analysait ces colères comme la crainte de voir son élève mourir à brève échéance si elle n’entrait pas dans ses désirs et dans les apprentissages qu’il tentait de lui inculquer… Certaines fois donc elle s’était retrouvée en face de personnes bienveillantes et d’autre fois en face de relations à la limite de la perversion. Pour ce qu’elle en savait la relation pédagogique pouvait être de bien des natures à chacun de se forger son identité d’enseignante, rigide ou compréhensive, ronde ou anguleuse… Elle n’avait jamais souffert des règles imposées par le monastère ou ses enseignants et la réputation de la duchesse aurait du suffire à la positionner comme leader incontesté, place de choix pour coordonner les options de formation au sein du monastère. Visiblement cette dernière ne désirait même pas l’envisager. Elle décida donc de ne pas répondre à ce qui semblait être une réponse définitive.

Ce qui la chagrinait le plus c’est qu’elle voyait se profiler une suite de mission bien peu engageante… Cela sembla un instant partagé au vue de l’attitude navrée que la rouquine prit un instant pour s’excuser auprès de la fille qui l’accompagnait et qu’elle ne connaissait… Qui ne lui avait pas été non plus présentée. Et pour être honnête, à ce moment précis, elle s’en souciait comme d’une guigne. La pauvre devait bien se demander ce qu’elle venait faire là et dans quel panier de crabes elle avait mis les pieds, mais la Zélos n’en avait cure. Si elle était gênée par le semblant de débat_ car y avait-il réellement débat ?_ elle pouvait prendre ses distances…

Le contresens sur sa loyauté ne l’étonna pas outre mesure. C’était le cas de bien des personnes qui semblait la voir attachée à la personne de la grande prêtresse par une sorte de magie ou de contrat malhonnête. Personne ne semblait vouloir comprendre que certes elle se sentait redevable envers Elerinna mais qu’elle gardait en elle toute sa liberté, qu’elle reprendrait le jour où elle ne se reconnaîtrait plus dans ses actes ou son discours. Bien de choses étaient dites sur son mentor mais aucune qu’elle ait pu constater et pourtant elle tirait ses instructions et ses missions de sa main.

Qu’on ne se méprenne pas, Igrim ne se donnait pas non plus une place qui n’était pas la sienne. Elle n’était ni la confidente, ni la meilleure amie, ni même la conseillère de la grande prêtresse. Qui pouvait avoir des conseils à prodiguer à une telle personne ? Elle était juste sa main dans l’ombre celle qui se salissait pour atteindre un dessin plus lumineux, mais elle était persuadée de la grandeur de ses visions. Ce que semblait dénier Irina Dranis. Quant-à entendre la vérité, il est facile de vociférer, de médire, de calomnier mais la vérité s’appuyait pour Orchid sur des faits, des preuves. Hors hormis les récriminations de personnes certainement aigries ou jalouses, voire stupide et bornées, elle ne voyait rien de crédible dans tout ce qui se disait sur sa maîtresse. Si celle-ci était aussi incompétente et machiavélique de d’aucuns se plaisaient à le dire elle y voyait un paradoxe et au pire une absurdité qui ferait taire tôt ou tard les détracteurs d’Elerinna Lanatae ou démasquerait la Grande Prêtresse si les accusations étaient fondées ce qu’elle ne pouvait envisager en l’état…

De son côté, la duchesse ne semblait pas envisager qu’on lui fût reconnaissante des bienfaits qu’elle avait répandus autour d’elle et que le Zélos ne lui contestait nullement. Mais comment pouvait-elle imaginer que les personnes qu’elle avait aidé à survivre restent neutres ou indifférentes à l’égard de sa personne ? Ce sont les fonctionnements basiques des âmes. On sème et on récolte les relations autour de soi et une partie d’entre elles sont faites de reconnaissance ou de rancœur, de soumission ou de responsabilité, d’admiration ou de mépris. Mais là non plus la Louve ne voulait pas entrer dans le débat elle savait qu’à ce jeu, peu étaient les prêtresses qui prenaient en considérations les arguments de la Zélos, obtuse comme la plupart de ses congénères, ancienne sauvageonne et religieuse bien peu orthodoxe… Elle garda donc le silence une nouvelle fois posture, qui lui convenait depuis toujours en se demandant comment elle allait pouvoir introduire la suite de sa mission auprès de la rouquine…

Pouvait-il y avoir une suite ? La tempête d’accusation que la duchesse écarlate déversa sur la grande prêtresse, faillit la prendre de court. Le ton était incisif mais sans emportement excessif et Igrim admirait Irina pour sa capacité à exprimer toute sa rancœur et sa rage sans se rendre ridicule en se laissant emporter par une colère vociférante.

Le portrait qu’elle dressa d’Elerinna fut insupportable à la messagère qui oscillait entre prendre une profonde respiration ou rester en apnée pour contrôler sa colère. Si elle n’avait été en mission on ne peut plus officielle auprès de cette vipère elle lui aurait (en tout cas elle aurait essayé) de lui faire avaler son venin. Ce fut elle qui paradoxalement la rattrapa et l’empêcha de laisser libre court à des gestes qu’elle n’aurait pu que regretter par la suite. Si cette punaise pouvait garder un semblant de sang-froid et de calme, elle se devait d’en faire autant quoi que cela lui coûtât. Elle se contenta de joindre ses mains dans son dos et de les crisper l’une sur l’autre à s’en faire blanchir les jointures. Cela lui donna une posture encore plus raide qu’à son arrivée. Plantée devant les deux femmes assises, elle avait presque l’air d’être au garde à vous.  Elle était loin de penser que son mentor soit infaillible, elle savait depuis fort longtemps que la perfection n’était pas de ce monde, mais pour elle, l’image qu’en avait cette effrontée était d’une inexactitude que seule une haine aveugle pouvait nourrir. Elle se contenta de darder ses yeux dans ceux de l’accusatrice. Non qu’elle essaye de faire baisser les siens, mais on ne peut pas tout maîtriser et le défi et les menaces ne pouvaient pas rester complètement enfouis en elle. Elle se concentra tant bien que mal sur le fond du discours de la rouquine. Elle n’aurait sans doute pas d’autres confidences que celles-ci…

Le parallèle entre elle et la Terrane était évident si l’on exceptait sans doute la foi et les compétences de guérisseuse que ne possédait pas la Zélos. Elle essaya de s’imaginer après la mort de la Grande Prêtresse, chose pourtant inconcevable. Elle pouvait comprendre en partie alors la haine de celle qui lui faisait face… Pour le reste comme il semble normal les exagérations semblaient là pour alimenter la rancœur. Elle ne se souvenait pas en particulier avoir entendu Elerinna qualifier Irina de jeune étourdie qui veut se donner de l’importance. La première était consciente des qualités de la seconde et prenait garde, à présent qu’elles ne semblaient plus pouvoir être du même bord, à ne pas la sous-estimer. De son côté, l’accusatrice semblait partie pour faire ici le procès de sa rivale. La Zélos sentit qu’elle ne pourrait pas supporter beaucoup plus de calomnies car pour elle ce ne pouvait être rien d’autre.

Elle leva brusquement la main ouverte comme pour signifier qu’il n’était pas besoin d’en rajouter et qu’elle avait compris l’idée générale. La vivacité du geste trahissait son impatience et les efforts qu’elle faisait pour se contrôler. Lorsque le silence revint dans le temple, Igrim ferma brièvement les yeux pour retrouver la totalité de son calme, évitant de penser à sa lame dans le fourreau qui barrait son dos.

Les secondes nécessaires lui parurent interminables, mais finalement elle réussit à répondre, la voix voilée par la fureur qui refluait en elle mais était encore trop présente.

« Il n’est pas utile de poursuivre ce débat… »

Elle reprit sa respiration pour continuer ce qui lui vaudrait sans doute un refus catégorique, mais elle n’avait pas le choix.

« En gage de bonne foi je me dois de vous seconder dans votre projet actuel afin que vous acceptiez de revoir votre position ensuite. Igrim ne sait pas ce que sont ces projets… »


Elle dévisagea un instant la fille à côté de la prêtresse.

« Mais elle vous aidera du mieux qu’elle pourra… »

Le parler à la troisième personne n’était pas voulu et resurgissait comme d’habitude à l’improviste ; L’émotion avec laquelle elle venait de se confronter en était peut être la cause, mais cela lui arrivait en d’autres circonstances… D’un autre côté se remémorer les instructions de son mentor avait fini de l’apaiser et ce fut sereine qu’elle attendit ce qui ne pouvait être qu’une fin de non-recevoir…  Ce faisant, elle cherchait déjà le moyen d’accomplir tout de même sa mission.
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeMar 31 Mar - 0:32

Lun laissa son regard s'égarer sur les deux femmes en pleine conversation. Ombre discrète assise sur le bout du banc de pierre, elle tâchait de suivre une conversation dans laquelle elle n'étais pas invitée. Connue pour sa curiosité sans limite, Lun laissa trainer son oreille tout en fichant son regard sur le paysage qui s'étendait devant ses yeux. La raison d'Irina Dranis en Argyrei ne semblait pas avoir de rapport avec la venue de la Zélos. Elles faisaient visiblement partie du même ordre, les prêtresses de Cimeria. Elle en fut certaine lorsqu'elles nommèrent Elerinna Lanatae, la grande prêtresse dont le nom était aussi bien connu comme celui de Sa Sainteté. Elle dirigeait l'ordre des prêtresses et rares étaient ceux qui n'avaient jamais entendu parler d'elle parmi les Eclaris.

L'atmosphère tendue qui régnait sur le temple de Téneis était presque palpable. Il était aisé de deviner que la nouvelle venue n'était pas là pour une simple visite de courtoisie. Après la remise d'une missive, les deux femmes se lancèrent dans un débat plutôt animé. Lun pouvait sentir, à l'inflexion et au rythme de parole des deux femmes, qu'elles étaient dans un différent de taille. Lun profita de leur discutions pour les détailler d'un œil léger et discret -non sans cesser d'écouter. Lun appréciait la quiétude qui se dégageait d'Irina. Son assurance et sa prestance figurait le mental d'une femme entière et vraie. Elle gérait avec calme la situation, non sans se priver d'une verve acérée. Elle constata la pâleur de la Terranne, presque stupéfaite du contraste entre leurs deux épidermes. Le long séjour de Lun en Argyrei s'était imprimé sur son corps, témoignant de sa nativité. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi mate de peau. La Zélos, dont le nom paraissait être Igrim, semblait être une femme particulièrement dévouée à l'ordre des prêtresses de Cimeria et davantage encore à sa maîtresse, Elerinna Lanatae. Elle possédait la droiture d'un homme de main, d'une carrure étonnante pour une Zélos. Elle possédait une finesse peu commune à son peuple.

Les caractères des deux femmes se percutaient crument. Lun assista à la joute verbale sans intervenir, mais sans non plus perdre le fil de leur conversation. Elle restait distante pour ne pas paraître trop intrusive, après tout cette affaire ne la regardait pas. Cependant elle ne pouvait empêcher à sa curiosité de se manifester. En l'espace de quelques instants, elle en avait apprit plus sur les deux inconnues qu'elle n'aurait pu l'espérer. Ses yeux revinrent sur le paysage et s'y égarèrent quelques instants. Lorsqu'elle revint à la conversation qui se tenait près d'elle, tournant discrètement son regard sur les deux prêtresses, Lun constata que le ton était sensiblement monté. La dite Igrim semblait maîtriser un accès de fureur dont elle avait jusqu'ici bien dissimulé le flot.
Le silence s'abattit sur le Temple, un silence terriblement profond comme toujours dans la ville maudite. Un soupir silencieux traversa les lèvres de la Sindarine. Elle commençait à s'impatienter, se demandant le bien fondé de sa présence ici maintenant que la Zélos était arrivée. En vérité, la requête d'Irina l'avait suffisamment intriguée pour qu'elle reste en retrait, dans l'espoir de reprendre leur conversation là où elle en était restée. La température baissait, la chaleur étouffante de la journée laissant place à une fraicheur agréable. Un frisson parcouru son échine, ce n'était pas la pire des corvées d'être présente ici, après tout. Puis Igrim mentionna les projets que la prêtresse préparait avec Lun, sans savoir même à quoi elles aspiraient toutes deux en se retrouvant ici. Elle offrit une main supplémentaire à leur quête pour le moment toujours imprécise.

Les paroles de la Zélos furent une main tendue à sa réinsertion dans la conversation. Lun eut un sourire en coin, puis tourna franchement le visage vers les deux femmes cette fois ci, imposant sans force ni brutalité sa présence jusqu'ici particulièrement furtive.

"Et bien, maintenant que vous m'en offrez l'occasion, puis-je me permettre de, non pas clore mais, disons suspendre ce débat pour le remettre à plus tard ?" Lun se leva avec souplesse et alla s'accouder à la balustrade du balcon. "Non pas qu'il ne soit pas d'une grande importance, mais si rien ne me retiens ici... J'ai à faire. Mais nous avons été coupées, Irina, dans notre discutions qui je l'avoue, avait attisé vivement ma curiosité, bien que ce ne soit pas bien difficile." Elle eut un sourire mutin pour elle même. Elle entreprit alors de tutoyer Igrim comme elle l'avait fait avec Irina."Quand à toi, Igrim, je n'apposerai aucun refus quand à ta présence, même si je pense que la décision de ta venue ne m'appartiens pas." Lun se tourna vers Irina avec un regard perçant. "Je crois t'avoir entendue prononcer le nom de Renann Bell... j'en ai davantage entendu parler que je ne l'ai rencontré. Il a du m'arriver de le croiser une ou deux fois durant ces vingt dernières années. Cependant, je connais et traite avec l'un de ses apprentis, Tuan Fex.  Rennan est un antiquaire, libraire, collectionneur d'un tas de choses aussi. Bell commence à être un peu vieux, maintenant, il emploie des gens à son compte. Il vit ici, et avec de la chance il ne voyage plus lui même. "

Lun avait parlé sans une hésitation. Son regard se promena sur la ville qui commençait à s'illuminer, témoignant de la présence d'habitants dans cette ville pourtant réputée comme déserte. Les natifs et locaux restaient discret et ne sortait que très peu durant les grosses chaleurs de la journée. C'était à la tombée de la nuit que la ville témoignait de son "effervescence" , si l'on pouvait parler d'effervescence.

"Nous devrions aller à sa boutique. Cette histoire de colosse et de brouillard m'intrigue, j'en ai bien sûr entendu parler... Mais je suis restée loin de cet événement. A mon plus grand regret, j'ai toujours eu le don de ne pas me trouver où il faut ! Si tu cherches un remède, nous pouvons y travailler ensembles." Elle lui adressa un sourire. "Cependant avant que je te montre mon antre à potions, il va falloir qu'on en sache un peu plus sur cette histoire... Tu as parlé d'un ouvrage ?"
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MessageSujet: Re: En quête de savoir   En quête de savoir Icon_minitimeJeu 23 Avr - 18:34


En quête de savoir

Igrim . Lun . Irina

Son regard accablant et circonspect se posa sur Igrim avec la même délicatesse aiguisée des premiers flocons d’une tempête de neige qui se prépare doucement. Ce n’était encore qu’une caresse éphémère et à peine sensible, qu’un doux avertissement qu’il valait mieux ne pas ignorer. Irina avait essayé de tenir une conversation un tant soit peu normale, de construire un échange, une ébauche de communication, quelque chose qui leur offrirait des réponses, des éléments qui feraient enfin lumière sur les faciès derrière les masques. Via ce contact dépourvu de mauvaises intentions, Irina avait espéré découvrir ce qui se cachait dans le regard inflexible de la Zélos, dans les nombreuses ombres tourmentées qu’elle charriait comme un bagage intemporel. La serpentine avait posé une question directe et avait répondu sincèrement à celle qui lui avait été retournée, en dépit du contenu prévisible d’une concision frisant la facilité.
De fait les paroles d’Igrim ne lui avaient rien appris qu’elle ne sache déjà : sa remplaçante était encore plus aveuglée qu’Irina ne l’avait cru initialement, ni ne l’avait jamais été de son côté, même dans ses jeunes années. La déception d’une telle fuite inconsciente était regrettable bien que peu surprenante. En échange d’un effort dans la retenue des sarcasmes bien mérités et de son honnêteté, Irina récoltait des œillères et des expirations d’animal sauvage prêt à charger. Elle avait traité Igrim comme une égale, comme un être pensant chargé d’une requête ingrate à laquelle il lui était impossible d’accéder. Néanmoins personne d’autre qu’Igrim ne pourrait se libérer, s’arracher aux menottes de reconnaissance et de morale qu’elle s’infligeait par choix. Son expression se referma, une sensation désagréable rampant dans son ventre pour lui rappeler qu’elle était aussi passée par ce tunnel de confiance ingénue. Irina avait sans nul doute été plus indépendante, mais en connaissant le passé, pouvait-on considérer que cela faisait une quelconque différence ?

Du coin de l’œil, la rouquine dévisagea sa consœur, maintenant son calme par un fil. Un jour Orchid ouvrirait les yeux comme après un mauvais rêve ayant duré trop longtemps, elle réaliserait alors que les exécutions, les exactions, les traques et les sacrifices n’étaient qu’une réalité trop brute; que toutes les atrocités commises pour la « bonne cause » de la grande prêtresse n’étaient rien d’autre qu’une énième justification visant à apaiser le poids sur sa conscience. Un jour elle comprendrait. Le beau matin où Elerinna ferait à nouveau passer sa peau et ses caprices avant la vie de ceux qui l’avaient secondée et servie sans concessions depuis tant d’années.
Son regard verdoyant s’adoucit puis se reposa au loin, sur les splendeurs ocres du désert. En exposant les choses, en citant des faits connus de tous, Irina était restée objective, elle avait cherché à parler un langage neutre et commun qui ne serait pas interprété comme de la propagande de bas étage. Pourtant il était évident que son interlocutrice avait une vision bien trop biaisée par la réalité alternative de de sa maîtresse idéale pour qu’il soit possible d’obtenir le moindre résultat probant. Quoi qu’Irina lui dise, ce serait inutile. La Vérité n’avait pas le moindre poids contre ces certitudes intouchables. La raisonner c’était comme essayer de soigner un mort. Ce n’était pas qu’elle soit limitée ou trop bête pour comprendre, simplement elle refusait de se remettre en question. Douter d’Elerinna reviendrait à faire trembler les fondations sur lesquelles reposait sa nouvelle vie. C’était trop pénible d’accepter cela aussi facilement, et ce malgré l’évidence des écarts sindarins. Cela rendait-il les choses plus pardonnables à ses yeux ? Non, absolument pas. Au contraire. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir.

Oui, Igrim pouvait juger que son lien passé avec Elerinna la poussait à chercher une revanche personnelle, si ça pouvait la faire se sentir mieux. Mais qu’en était-il du reste, de l’abandon du petit peuple à un sort pire que la mort, bouté hors de son foyer et forcé à l’exode lors de l’épidémie ; qu’en était-il des missions suicide dans lesquelles la grande prêtresse précipitait la plupart de ses adversaires politiques devenus trop gênants ? Orchid était-elle assez bouchée pour croire que c’était aussi par bonté d’âme qu’elle faisait mourir des gens, innocents ou non ? Et puis bon sang, comment contrôler l’envie d’ironiser face à une telle... bêtise ?! Son calme glacial abritait un bouillonnement de plus en plus vif. Être de parti pris c’était une chose. Nier des faits dont le monde entier avait pu témoigner, c’était insupportable.
Elerinna, ‘Sa suprême Sainteté’, ce titre dont le dégoût plein d’ironie était passé inaperçu, était à jamais irréprochable aux yeux des fidèles, blanchie de tout soupçon impie, ce qui faisait de toute personne émettant la moindre critique un vulgaire hérétique. Oui, à bien y réfléchir, Orchid avait tout d’une autre marionnette sombrée dans le fanatisme le plus méprisable. Le pire des pantins : celui qui est volontaire. Agacée, Irina trancha dans le vif une dernière fois.


« Non en effet. Ce n’est pas un débat, c’est un monologue… Et contrairement à sa ‘Sainteté’, je n’aime pas m’entendre à ce point. » Cette fois le sarcasme était bien évident, en une provocation dont elle se fichait bien du résultat. Puisque les efforts ne servaient à rien, il paraissait stupide de se borner à aller contre nature. Igrim pouvait bien rester si ça lui chantait, à vrai dire ça lui était égal. Sait-on jamais qu’une étincelle de bon sens finisse par éclairer sa dure caboche et lui faire voir les choses telles qu’elles étaient vraiment. Quant à l’hostilité mal déguisée que transpirait la zélos… cela ne lui faisait pas peur. À vrai dire elle préférait encore la voir fulminer que l’entendre prêcher la bonne parole Elerinnienne comme un vieux prêtre radotait dans les oreilles d’un agnostique.

« Faites comme vous voulez, cela ne me regarde pas. » Irina haussa les épaules. Elle n’aimait pas l’idée de faire étalage du linge sale de l’ordre en présence d’une quasi-inconnue, sa réserve n’étant pas compatible avec ce genre de comportements. Cependant elle n’avait pas menti et tout cela n’était pas vraiment un secret, alors si l’image de leur chère dirigeante était ternie… et bien elle en dormirait fort bien la nuit, voilà. Soupirant d’un air las, la rouquine se contenta d’acquiescer à la tentative diplomate de Lun de ramener la conversation là d’où elle n’aurait jamais dû sortir. D’un autre côté son humeur désormais dénaturée par la mauvaise foi d’Igrim ne laissait plus autant de place à la patience cordiale qui l’avait animée. En même temps la sindarine n’aurait pas été mise de côté si elle était intervenue plus tôt, alors c’était un peu trop facile de garder cette mine détachée et peu concernée, quand ses seuls soucis étaient de savoir quelle robe était la plus à la mode cette saison, ou à quelle heure prendre une pause entre ses prises de notes.
Contrairement aux ordres religieux, ce n’était pas vraiment comme si les Eclaris faisaient preuve de véritable discipline ou de la même rigueur en tant que groupe. Elle l’avait constamment constaté à force de les fréquenter de temps à autre, au gré de quelques recherches communes en alchimie et en médecine. Son agressivité n’était pas personnellement dirigée contre la jolie brune, alors Irina prit une grande inspiration pour retenir les commentaires désobligeants qui lui brûlaient les lèvres, comme une vipère ravale son venin avant de tuer par accident. Il n’était pas question de perdre du temps en disputes inutiles, d’autant plus que c’était elle qui avait fait appel à Lun en tant que consultante, malgré la fatigue que représentait la traversée du désert. L’efficacité lui fit reprendre pied, et réfléchir avant de préciser ce qu’elle savait.


« Comme je l’ai dit, selon mes sources Bell a récemment racheté un vieil ouvrage supposément magique, qui répondrait à toutes les questions qu’on y écrirait. J’ignore si c’est vrai, ou si ce sont des rumeurs visant à enfler les prix astronomiques qu’il pratique. C’est ma seule piste pour l’instant, alors je la suis. Dans tous les cas on m’a dit que s’il y avait quelqu’un qui pouvait posséder des livres assez anciens pour faire mention à ce genre de créatures, c’était lui. » Elle pesa ses mots et se demanda si Igrim n’allait pas finir par s’ennuyer et partir. Qu’importe. « Fex, vous dites ? Ce nom me dit quelque chose, mais je n’arrive pas à me souvenir d’où je l’ai entendu. Vous le connaissez, Igrim ? » Le milieu des antiquaires était plutôt restreint, mais les agents du marché noir ne cessaient jamais de graviter dans l’ombre en atomes imprévisibles. Il serait donc mieux de trouver cette boutique et mettre la main sur le grimoire le plus rapidement possible. Avec lui, peut-être que les pièces du puzzle s’emboîteraient enfin, et lui donneraient de précieuses explications.

« J’ai avec moi le remède contre la Sarnahroa et une potion anti-myste, bien que cette dernière ne soit efficace que pendant une courte durée. Je connais la composition du remède pour l’avoir créé, mais je n’ai pas eu l’occasion d’étudier l’autre. J’ai mis la main sur deux exemplaires dans un marché parallèle. J’ai entendu toutes sortes de choses à leur sujet, ça m’a rendue curieuse… et il s’avère que ce n’était pas de la fausse publicité. J’ai eu du mal à y croire moi-même, mais elles fonctionnent. » Irina pondérait avec prudence l’idée de dévoiler les éléments qu’elle possédait, mais surtout elle voulait garder le livre comme priorité pour l’instant. Elle montra néanmoins plusieurs feuilles de notes aux deux autres jeunes femmes, leur montrant un bref descriptif des effets secondaires connus, des durées d’action et des composants organiques principaux. Nulle trace des dosages ou des méthodes de fabrication néanmoins, afin de ne pas en révéler plus que nécessaire. Après tout tous ces mois à se battre pour que l’antidote ne soit pas commercialisé pouvaient être facilement mis à mal par une simple faute d’inattention. Et si Irina avait tendance à faire confiance à la Zélos là-dessus, elle ne pouvait mettre la main au feu pour Lun, qu’elle ne connaissait pas.

« Il va bientôt faire nuit. Tu crois que Bell ou son apprenti accepteront de nous recevoir aussi tard ? » Les soleils déclinaient à l’horizon et la lumière avec eux, ce qui allait compromettre leurs chances. Pourtant il allait falloir faire vite avant qu’un autre acheteur plus prompt ne les devance…


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