Mission - Les bijoux volés

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 Mission - Les bijoux volés

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MessageSujet: Mission - Les bijoux volés   Mission - Les bijoux volés Icon_minitimeJeu 3 Mar - 22:18

Siliel appréciait cette heure interlope entre la fin de l'après-midi et le début de soirée. Depuis qu'il possédait son enveloppe charnelle il avait pris l'habitude de se promener quotidiennement à ce moment de la journée. Il enfilait son élégante redingote, prenait sa canne et marchait d'un bon pas depuis les quartiers résidentiels bourgeois jusqu'aux passages populeux autour de la place publique. Derrière son masque de dandy indifférent composé pour la circonstance le Syliméa s'étonnait toujours de la disparité et de la singularité des habitants. A chacune de ses sorties il y avait un petit événement notable qui le distrayait de son quotidien studieux, confronté aux successions difficiles et à la rédaction d'actes de vente. Voilà trois mois qu'il était né et peu à peu il s'habituait à la capitale. Il ne se sentait pas encore un sujet à part entière du royaume d'Eridania mais au fil de ses pérégrinations il tombait sous le charme des cours pavées et des passages d'Hesperia.

C'est au cours d'une de ses expéditions au cœur des nombreux passages de la place publique qu'il l'avait découverte. Alors que les passants incommodés par l'odeur fétide du sang animal cuisant aux rayons des soleils par cette chaude journée de Béamas  pressaient le pas en posant la main sur la bouche, le Syliméa, tel une grosse mouche, fut attiré par l'odeur carnée légèrement faisandée. Siliel venait à peine d'achever son ultime métamorphose et la moindre odeur de cadavre lui rappelait le festin délicieusement macabre au cours duquel il avait englouti son vieil hôte et sa servante. L'étal de boucherie était la propriété d'un colosse musculeux à peau grisâtre taillé pour manier les carcasses. Les cicatrices zébrant ses avant-bras ne laissaient aucun doute sur le passé agité de l'artisan : il maniait le coutelas depuis des années et pas seulement sur des animaux morts.

Le Zelos ne s'était jamais attardé à dévisager suffisamment l'avocat pour discerner la couleur de ses yeux. D'ailleurs il ne s'exprimait quasiment que par monosyllabes, se contentant jour après jour de grogner un « comme d'habitude » blasé dès que son client entrait dans la boutique. Siliel échangeait contre quelques dias un paquet soigneusement ficelé contenant les pièces de viande les plus juteuses -hémoglobiniquement parlant-  détaillées avec le soin d'un artisan amoureux de son art. Le Syliméa appréciait de s'en tenir à cette transaction discrète et impersonnelle. Il détestait ces commerçants inutilement bavards qui cherchent toujours à en savoir le plus possible sur leurs clients pour ensuite répandre des ragots. A y réfléchir, peut-être que le boucher le prenait pour un  Yorka, ce qui expliquerait pourquoi il n'est pas étonné par cette demande de viandes sanguinolentes. Lui-même s'imagina avec une double personnalité animale redoutable comme celle d'un fauve, hantant les rues de nuit sous forme d'une panthère noire. L'idée de se faire passer pour un dur à cuire amusait le Syliméa. Un jour peut-être, il laisserait ses crocs apparents.

En cette après-midi le Syliméa se trouva flanqué de deux matrones. Le boucher servit diligemment la première qui se trouvait devant Siliel. Puis, sans un regard pour l'avocat, il prit la commande de celle qui se situait derrière lui. Certes, la galanterie obligeait parfois à laisser passer les femmes d'abord mais pas en ce cas… Le Syliméa ressentit une soudaine bouffée de rage d'être ainsi ignoré par un homme du peuple, qui plus est d'une race guère connue pour sa supériorité intellectuelle. Eh quoi, si l'on ne voulait pas de son argent, il irait se procurer sa viande ailleurs ! Le visage fermé, il empoigna sa canne et fit un quart de tour rapide afin de s'éloigner le plus rapidement de l'échoppe, du moins autant que sa fierté offensée le lui permettait.

«  Vous, là, ne bougez pas. »


La voix caverneuse du Zélos stoppa net le Syliméa dans son élan. Il se retourna pour foudroyer le boucher du regard, mais celui-ci bardait placidement un rôti pour sa cliente. Il lui fallut quelques minutes pour se débattre avec la ficelle tandis que Siliel patientait nerveusement, toujours furibond. La matrone disparue, le Zélos rangea un hachoir dans la ceinture de son tablier avant de faire le tour de l'étal pour se planter devant l'avocat. Celui-ci eut tôt fait de passer de la colère à l'inquiétude : malgré sa canne épée il ne ferait guère le poids face au garçon boucher si celui-ci était résolu à le transformer en chair à pâtée.

« Dites, z'êtes bien avocat ? Maître Cemaën ?»
« Heu, oui, certes... » La question l'avait tout à fait désarçonné. Qu'est-ce que tout cela avait à faire avec son steak ?
« J'vous ai fait suivre par mon commis, j'aime bien savoir à qui je vends ma marchandise. »

Du doigt il désigna un petit bonhomme frêle au nez étrangement pointu, comme celui d'un oiseau. Siliel hocha la tête. Il faisait mine d'acquiescer alors que son angoisse avait augmenté. Le Zélos l'avait-il percé à jour ? Quoiqu'il en soit, ses pratiques commerciales étaient pour le moins originales. Le cerveau du Syliméa fonctionnait à plein régime. D'un coté il évaluait le danger auquel il était confronté, ses chances de survie malgré le hachoir teinté de rouge et comment atteindre le centre de la place publique au plus vite, de l'autre il était intrigué par le comportement pour le moins suspect de l'artisan. Même s'il n'était pas ouvertement agressif, il était vraisemblablement circonspect. Et surtout dangereux.

« Et vous êtes bon dans votre domaine ? »

« Ma foi je me débrouille, les successions... »
« C'est pour un copain.» trancha le boucher « Il est dans de sales draps. »

Siliel se détendit. Au final l'artisan n'avait besoin que d'un conseil juridique ou du nom d'un de ses collègues. De toute façon le Syliméa refusait par principe de plaider pour les démunis : ils rapportent plus de travail et d'ennuis que d'honoraires. Pendant ce temps le Zélos jaugeait Siliel tel un maquignon choisissant une belle génisse.

« Vous devez comprendre, je me suis spécialisé dans le domaine des contrats commerciaux et... »
« Il sera chez vous dans deux heures. » Au temps pour s'en tirer à bon compte en refusant. On ne dit pas non à un garçon boucher.
« Bien. Maintenant auriez-vous l'obligeance de me servir ma viande ? »

***

Les trois lunes étaient déjà levées quand le carillon de l'entrée retentit. Siliel soupira et posa son luth dont il pinçait distraitement les cordes afin de tromper l'ennui d'une trop longue attente. Jusqu'au bout il avait espéré que ce rendez-vous impromptu ne serait pas honoré. Son visiteur avait peut-être lui aussi hésité avant de se présenter à sa porte. Qu'importe, désormais sa soirée était définitivement gâchée. Il descendit rapidement l'escalier intérieur qui menait depuis sa chambre jusqu'à l'étude au rez-de-chaussée afin d'accueillir son hôte.
Celui-ci était plus râblé que son ami boucher mais tout aussi musculeux et rustaud. Sous ses arcades sourcilières proéminentes ses yeux papillonnants observaient les pièces qu'ils traversaient avec intérêt. Siliel se sentit soudain idiot : cette rencontre ne serait-elle pas une façon grossière pour s'introduire chez lui afin d'évaluer ses possessions puis de le dévaliser ? Et il avait été assez bête pour ouvrir sa porte ! Le Zélos le suivit docilement jusqu'à l'étude, essayant de ne pas déranger les piles de dossiers qui s'amoncelaient même à terre. Il s'assit lourdement dans le fauteuil recouvert de velours cramoisi. Ce mouvement fit voleter une fine poussière blanchâtre qui s'échappa de ses vêtements pour se poser délicatement sur les objets alentour.Les lèvres pincées le Syliméa fit mine de ne pas remarquer la saleté des vêtements de son interlocuteur. Il tenta de calmer son irritation en déplaçant les objets encombrant son bureau. Bientôt il put accéder à ses outils de travail les plus importants : sa plume, un buvard et une liasse de papiers afin de prendre quelques notes. Posant négligemment ses coudes sur la table et croisant ses doigts, il s'adressa enfin à son visiteur nocturne.

« J'avoue avoir été quelque peu surpris »
, dit-il en insistant sur l'adjectif, « lorsque ma course chez le boucher s'est transformée en rendez-vous. »

Siliel eut la satisfaction de voir son interlocuteur se tortiller dans son fauteuil, visiblement mal à l'aise. Ses lèvres esquissèrent un sourire cruel qui n'était en rien compatissant.

« Écoutez, vous êtes visiblement un homme fort occupé pour venir dans mon étude à une heure aussi tardive. Je n'irai donc pas par quatre chemins : qui êtes-vous et que voulez-vous ? »


Le Zélos sembla enchanté par cette invitation à s'expliquer sans détour. Il afficha ce qui devait être son plus beau sourire, quelque chose à mi-chemin entre l'idiot du village et un monstre tiré des cauchemars d'un enfant. Effrayant. Si les choses devaient se terminer devant la cour de justice, il faudrait absolument que son avocat lui interdise d'attendrir les juges en exhibant son râtelier.

« Je m'appelle Corben Criok. Je suis un ouvrier du bâtiment comme on dit. Je suis maçon. Je monte des murs de briques, je fais les carrelages et même les manteaux de cheminée. » L'avocat hocha la tête ; les dires de Criok étaient compatibles avec sa physionomie de fort des halles et la poussière de plâtre qui recouvrait ses humbles vêtements. « J'enchaîne les petits boulots et les affaires marchent plutôt bien. Je ne fais que des choses honnêtes ! Les entourloupes, ce n'est pas pour moi. » s'insurgea t-il en haussant le ton.

« Calmez-vous. Je suis un avocat, je ne vous accuse pas de manquer de professionnalisme. »

« Ouais, bon… En tout cas, depuis quelques semaines il y a des bruits qui courent. Comme quoi j'aurais filouté des bijoux à une vieille rombière. Depuis j'ai perdu deux contrats parce que les rupins se méfient. » continua t-il en grondant, toujours fulminant au point d'oublier qu'il était lui-même assis devant un bourgeois.

« Sans vouloir vous offenser, quel que soit votre talent personne n'a envie d'engager quelqu'un en qui… La confiance peut être hasardeuse. » Siliel n'avait pas énoncé le mot voleur, ce qui eût certainement froissé le Zélos. Cependant l'allusion ne faisait aucun doute.

« Alors vous aussi... » dit le maçon, levant sa grosse main pour l'abattre sur l'accoudoir de son fauteuil, l'air démoralisé.  

« Je suis un rupin comme vous dites. J'ai des biens que j'ai acquis en travaillant tout comme vous et j'aime les savoir en sécurité. Car c'est de cela dont il s'agit, bien plus que de la perte financière représentée par quelques pierres précieuses. Un inconnu pénètre dans votre maison, vous lui accordez votre confiance pour un petit chantier puis il vous trahit… Qu'est-ce qui l'empêche de revenir quelques temps plus tard pour terminer le travail avec quelques compagnons, vider la demeure, violenter les dames, extorquer un butin et finalement égorger toute la maisonnée ? »Siliel se dit qu'il y avait été un peu fort ; Corben semblait ébranlé, yeux ronds et bouche bée.

« Mais… Mais je n'ai jamais violé personne, moi ! » s'écria le Zelos soudain alarmé.

Le Syliméa secoua la tête ; son interlocuteur ne comprenait visiblement rien.

« Je n'ai fait qu'évoquer la plus grande peur qui réside en chacun de nous. Vous, moi, un autre… Que quelqu'un s'en prenne à votre famille ou votre argent. Qu'il vous dépossède de votre présent et hypothèque votre avenir. C'est d'ailleurs pourquoi vous êtes ici : des rumeurs infondées vous font perdre votre temps et votre argent ce qui vous empêche de financer vos projets futurs, comme peut-être offrir un cadeau à votre femme. »

« Ouais, c'est exactement ça ! Je perds de l'argent que je pourrais utiliser plus tard. Vous avez absolument tout compris. »

L'avocat était à peu près certain que l'inverse n'était pas vraisemblable ; le peu d'éducation qu'avait l'ouvrier ne lui avait permis que de saisir l'essentiel de sa tirade.

« Bien, ces choses étant dites, pourriez-vous m'expliquer les circonstances de toute cette affaire ? »

« Voilà quelques années que je suis à mon compte. J'ai commencé par de petits travaux et peu à peu j'ai reçu de plus grosses commandes. J'essaie de terminer les chantiers en temps voulu et je ne revois pas le devis à la hausse si vous voyez ce que je veux dire. Je travaille sérieusement, pas comme d'autres ! Bref, j'étais chez la veuve L'Anivelle pour refaire le plâtre de son petit salon. De l'eau s'était infiltrée et tout partait par plaques, une catastrophe. Donc on m'a embauché pour récupérer tout ça : casser le plâtre et remettre une bonne couche d'enduit. »

« Et c'est pendant ce temps que les biens de madame L'Anivelle auraient disparu ? »

« On suppose, parce qu'elle n'a pas dû s'en rendre compte de suite. »

« Combien de temps a duré votre intervention ? Il n'y a pas eu d'autres personnes sur le site ?»

« Casser, enduire, poncer… Une bonne semaine je dirais. Je ne me suis pas occupé de la peinture, madame devait choisir la couleur en accord avec les tissus de son intérieur. C'est une grande dame, il y a toujours du monde chez elle. Des domestiques, des gens de la haute… Il n'y avait pas d'autre ouvrier que moi si c'est ce que vous vous demandiez. »

Sans lever les yeux du parchemin qu'il noircissait d'une écriture nerveuse, l'avocat poursuivait son interrogatoire.

« Cette dame vous a-t-elle officiellement accusé ou est-ce une rumeur malveillante qui circule dans la rue ? »

« Ah ça, z'ont aucune preuve que j'ai ouvert sa caissette, parce que je n'sais même pas où elle est ! On m'accuse sans raison parce que j'ai la tête de l'emploi. »

« C'est à dire ? » La plume resta suspendue au-dessus de l'encrier en attendant la réponse. Corben se tortilla à nouveau sur sa chaise en proie à un malaise.

« Ben… Je suis un Zélos, les gens nous prennent pour de grosses brutes sans cervelle. Remarquez j'étais pas bien malin quand j'étais plus jeune. Je faisais partie de la bande des Casse-Gueules, vous en avez sûrement entendu parler. Bref, on s'est fait serrer et j'ai fait dix ans de cabane. Je suis sorti de là sans avoir envie d'y retourner donc je me suis tourné vers une profession honnête. Ça paie moins mais j'ai pas à passer mon temps à regarder derrière mon épaule si la garde va m'arrêter. »

Le Syliméa se concentra, tentant de créer un lien entre son esprit et celui de Criok. Il eut la vision fugitive de l'énergumène en face de lui en train de menacer un bourgeois visiblement terrorisé avec une barre de fer. L'image s'estompa alors que le Zélos portait la main à ses tempes comme si elles l'avaient fait souffrir.

« En somme vous êtes le coupable idéal que l'on accuse sans preuve. Avez-vous des ennemis dans la profession ? Ou bien un client mécontent ? »

« Ouh là ! Ça fait pas mal de noms. Il faudra que je vous fasse une liste. »

« Inutile, vous pourrez la faire parvenir à mon confrère dont je vais vous communiquer l'adresse. »

« Mais… Mais mon copain a dit que vous alliez vous occuper de moi. Il m'a assuré que vous êtes réglo ! »

« Excusez-moi de vous contredire, mais votre ami m'a imposé ce conseil juridique, il n'a jamais été question que je représente votre personne. De plus votre situation ne relève guère de mon champ d'expertise : je gère quelques successions et des contrats d'affaire. Par ailleurs mes honoraires sont assez élevés, je doute que vous puissiez les régler. »

« Oh, mais je suis un homme d'affaire puisque je suis à mon compte. Et comme vous l'avez dit, je perds de l'argent ce qui hypo...truc mon avenir. Donc mon cas relève bien de votre champ d'expertise comme vous dites. Quant à vous payer… Bah je n'ai pas d'argent mais de bons bras. Si vous avez besoin de refaire une pièce ou un balcon, je vous le réaliserai gratis. » dit Criok, prenant son petit air de brute malicieuse. « Et puis si vous ne voulez toujours pas m'aider, j'en parlerai à mon copain. Je suis sûr qu'il sera ravi d'apprendre qu'il m'a donné un mauvais tuyau. »

C'était une menace directe dont Siliel se serait insurgé s'il ne devait pas faire face à un Zélos musculeux qui avaient autrefois appartenu à la bien nommée bande des Casse-Gueule.

« Entendu, à quelle heure m'apporterez-vous cette liste ? »


***

Siliel avait pris du temps sur ses loisirs pour exploiter la liste fournie par Criok. Hélas, le Syliméa avait fait chou blanc. Personne ne remettait en doute la rumeur : le maçon aurait bel et bien volé son employeur. L'avocat en apprit un peu plus sur son client qui passait pour un mauvais garçon au passé houleux. Ses concurrents profitaient de la situation délicate de Corben pour noircir son caractère puisqu'ils ne pouvaient critiquer la qualité de son travail exemplaire. Et chaque jour qu'il passait à l'étal, le boucher lui demandait des nouvelles sur les avancées de son enquête. Visiblement le maçon avait mis tous ses amis dans la confidence et l'avocat était trop pleutre pour tenir tête au Zélos au tablier ensanglanté. Il lui répondait d'une phrase sibylline que l'affaire progressait peu à peu, ce qui était un odieux mensonge.

Ses courriers adressés à l'hôtel particulier de madame L'Anivelle demeurèrent lettre morte durant une semaine, jusqu'au moment où, excédé de n'avoir de réponse, il menaça dans un pli de rendre cette affaire publique. On lui proposa aussitôt un rendez-vous pour l'après-midi même.

On le mena au petit salon, l'endroit même où Criok avait travaillé. Étudiant les lieux il remarqua qu'il était impossible que le maçon ait pu monter discrètement à l'étage pour cambrioler la chambre de la noble dame : il y avait un va et vient incessant de domestiques qui ruinait toute tentative d'approche, si tant est qu'un musculeux Zelos puisse faire preuve de discrétion.

« Venez, venez mon jeune ami, asseyons-nous. »

La voix onctueuses, les manières parfaitement polies, l’œil alerte, l'intelligence vive et retorse, Siliel reconnut l'un des plus grands avocats de la ville. Il n'était guère étonnant que L'Anivelle puisse se payer le haut du panier en matière de conseil juridique. Le Syliméa afficha un sourire tendu en saluant son homologue. Au fond de lui il était terrifié de commettre une erreur qui révélerait sa véritable personnalité.

« Nous nous rencontrons enfin, savez-vous que j'ai fort bien connu votre oncle. Hélas, j'ai appris sa mort récemment… Quel dommage, un si grand homme… Mais l'on dit que les meilleurs partent toujours les premiers. Enfin je suis heureux qu'il ait pu trouver en vous un digne successeur. J'ignorais qu'il avait un neveu pour reprendre son étude à sa suite, bien que je sois extrêmement déçu que vous n'ayez pris la peine de prévenir ses amis et collègues afin qu'ils lui témoignent leur affection avant sa fin. »

Siliel grinça des dents. L'homme le flattait et le blâmait à la fois, jouant le chaud et froid afin de le mettre mal à l'aise. Le Syliméa avait déjà utilisé cette technique bien connue de ceux de sa profession. Il ne se laissa pas prendre au piège et répéta la fable qu'il avait inventée afin de ne pas se trahir. Personne ne devait deviner qu'il avait dévoré son hôte.

«  Le décès de feu mon oncle eut lieu durant la chaude saison. Le pauvre fut fou de douleur et ne pouvait décemment recevoir ses amis. Sa maladie débilitante le contraignait à éviter toute source d'agitation ; il demeurait seul toute la journée et refusait les visites. J'ai dû hâter la mise en terre pour des raisons… D'hygiène, comprenez-vous. Il avait insisté pour des funérailles dans la plus stricte intimité, qui se limitèrent à sa famille. Mais revenons à nos affaires... Madame L'Anivelle n'assistera pas à notre entretien?»

« Ma cliente m'a laissé toute latitude en cette affaire, elle ne souhaite pas être indisposée par de telles futilités. »
Le vieil homme agita la main comme s'il chassait négligemment une mouche.

« Futilités ? Il s'agit de la réputation d'un honnête artisan. Comment peut-il survivre sans revenu décent puisqu'il n'a plus de travail à cause d'une rumeur infondée? »
s'insurgea Siliel.

« Allons, allons… Nous savons tous deux qui est votre client. Il y a chez lui plus d'indécence que d'honnêteté. »
L'avocat trouva sa saillie très drôle et ricana.

« Mon client a payé sa dette envers la société pour ses forfaits. Il tente vaille que vaille de reprendre sa vie en main depuis quelques années. »
Rétorqua Siliel du tac-au-tac, se sentant soudain une certaine affinité avec Corben. Quelque part n'était-il pas lui aussi une sorte de prédateur cherchant à trouver sa place dans le monde ?

« Ces gens là ne changent pas. Nous le savons tous deux parfaitement. »

Son interlocuteur était passé de la bonhomie feinte à l'agacement. Il se leva soudain pour venir s'appuyer sur le manteau de la cheminée. Le Syliméa l'observa pensivement. Ce soudain changement de comportement était anormal pour un vieil avocat qui maîtrise d'ordinaire ses effets dramatiques à la perfection. Il y avait inexplicablement de la colère au fond de ses yeux.

« Ils tuent, ils volent, ils attaquent les honnêtes hommes. Quand le ver est dans le fruit, il est bon à jeter. »


« Je suis persuadé que monsieur Criok a changé. Il n'est plus le même qu'avant. C'est un garçon travailleur et sérieux.»
tempéra maître Cemaën en se voulant la voix de la raison.

« Et vous croyez cette fable ?! »
s'emporta soudain le vieil avocat. « Vous croyez que rien ne les empêche de recommencer ? Je suis sûr qu'il ne pensait qu'à cela en entrant dans cette maison ! »

« Maître ! Vous ne pouvez préjuger des intentions de mon client ! L'on ne condamne pas un homme sur ses supposées intentions, encore moins sans preuves ! Quelle genre de justice est-ce là ? Celle où la présomption l'emporte sur les faits ? »
s'insurgea Siliel à son tour.

Un silence de quelques instants suivit cette tempête. Siliel observait l'homme en tentant de comprendre quelle était sa motivation. L'autre se frottait nerveusement le visage, les mains tremblantes.

« Vous êtes l'une de ses victimes. » lâcha Siliel qui comprenait enfin pourquoi le cœur du vieil homme était empli de tant de rage. « Depuis des années vous souffrez. Peut-être pas physiquement… Mais depuis vous vivez dans la peur qu'une telle chose recommence. » L'autre le fixa soudain, le regard empli de haine. « Vous l'avez croisé. Bien entendu, vous l'avez reconnu. Mais pas lui. Vous n'êtes qu'un anonyme dans cette grande maison. Alors, puisque vous souffrez encore vous avez décidé de le punir ; qu'il ressente autant de peine que vous. Vous avez dérobé les bijoux et lancé cette rumeur. »

« Vous êtes moins stupide que vous en avez l'air. Oui, je suis en colère mais non, je n'ai pas volé ces fichus bijoux. Quant à la rumeur... » La voix du vieil avocat était froide et distante. Cet homme intelligent et machiavélique ne s'était pas imaginé que le Zelos puisse se sortir de ce piège.

« Je pourrais vous poursuivre pour diffamation. Naturellement, nous serions déboutés compte tenu de votre grande réputation. Je ne pense pas que mon client devienne vindicatif à ce sujet, cependant je ne puis répondre des actes de ses anciens camarades qui pourraient venir vous trouver pour… Comment disent-ils ? Finir le boulot. »

« C'est une menace ? Comment osez-vous ! » rugit son interlocuteur en se redressant théâtralement.

« Ce ne sont que les faits. Vous l'avez dit vous-même, lorsque le ver est dans le fruit… Je vous souhaite une bonne fin de journée, maître. J'espère vous revoir bientôt sous de meilleurs auspices. » badina Siliel en se levant pour quitter la pièce.

« Vous devriez vous méfier de vos amis Ladrinis. Si vous les décevez ils vous feront subir mille supplices avant de vous faire disparaître. »

« Je n'ai ni amis ni ennemis, maître, je n'ai que des clients. » Siliel balaya la menace, ignorant de quoi voulait parler le vieil homme.

« Avec cette philosophie vous vous attirerez de nombreux ennuis. Un homme tel que vous aura toujours besoin d'alliés de bonne réputation. Mais soit… A vous de choisir l'orientation que vous voulez donner à votre vie. Feu votre oncle avait la sagesse qu'il manque au jeune loup carriériste que vous êtes. Je ne vous en tiens pas rigueur, votre enthousiasme est le fruit de votre candeur. Sachez que bousculer vos pairs comme vous venez de le faire ne facilitera guère votre ambition professionnelle. Prenez garde maître Cemaën, ceux qui désirent atteindre le sommet trop vite commettent des imprudences qui les font tomber dans l'abîme de la déchéance. »

Siliel était irrité par le ton paternaliste de son interlocuteur. Il aurait bien aimé lui faire ravaler son sermon à coups de barre de fer comme l'avait fait Criok. Il crevait d'envie de lui avouer comment il avait dévoré feu maître Cemaën, se délectant de ses chairs bouffies de graisse. Cela ne devait demeurer, hélas, que dans le domaine imaginaire puisque sa vie deviendrait rapidement un véritable enfer s'il s'en prenait au ténor du barreau. Il se dirigea brusquement vers la sortie, grand et raide, réprimant à grand peine l'ire qui faisait trembler ses épaules.

« Rassurez-vous maître, je connais mes capacités et je n'ai nullement l'intention de m'investir dans des affaires retentissantes. Vous parliez de feu mon oncle et de sa sagesse ; je compte bien suivre son exemple et continuer à gérer l'étude qu'il m'a léguée de la même manière qu'il le fit : avec discrétion et sérieux. » dit-il en entrouvrant la porte.

« Allons bon mon jeune ami, inutile de vous fâcher… »
Le vieil avocat avait finalement découvert le point faible de Siliel : sa fierté. Un sourire matois étira ses lèvres. Le Syliméa avait percé à jour ses manigances, il prouvait en retour qu'il pouvait reprendre le dessus dans leur tête-à-tête de manière assez mesquine en jouant de son défaut.

« Allons plutôt écouter ensemble ce qu'a à dire la camériste de madame L'Anivelle, elle aura peut-être son idée sur l'identité du larron. » proposa t-il comme pour tendre une branche d'olivier au Syliméa.


***

« Et alors ? »demanda Criok, les poings sur les hanches.

« Alors je me suis assuré que votre réputation soit lavée. Bien entendu aucun héraut n'ira le crier sur la place publique mais je me suis assuré que le fauteur de trouble cesse ses manigances et chante soudain vos louanges. D'ici peu la rumeur fera état de votre honnêteté et de votre professionnalisme, vous devriez retrouver quelques contrats.»

« J'aimerais bien attraper le coquin médisant plutôt que de le laisser courir. » grogna le boucher, la main sur le manche de son coutelas.

« Non ! » s'écria Siliel, dont l'idée de se retrouver mêlé à une affaire sordide le mêlant à la mort d'un collègue lui donnait des sueurs froides. « Sachez que cette personne… Ou son entourage… Pourrait vous créer de graves ennuis. Des ennuis mortels. Aussi je vous conseille d'abandonner cette idée et de laisser le temps faire son œuvre. »

Les Zelos grognèrent, l'avocat crut entendre « foutus aristos » mais ne sut lequel de ses interlocuteurs lâcha l'insulte.

« Concernant les bijoux la servante de madame L'Anivelle n'avait pas grand-chose à dire, puisqu'elle seule et sa maîtresse ont la clé de la chambre. Personne n'est entré et la serrure n'a pas été forcée. Nous avons fait venir un serrurier pour vérifier. La femme est irréprochable, elle sert sa maîtresse depuis des années et n'a pour ainsi dire aucune vie sociable en dehors de son service. La manière dont s'y est pris le cambrioleur reste un mystère.»

« Alors on ne retrouvera jamais les bijoux. » Constata Corben, haussant les épaules d'un air découragé. Même si la rumeur le dédouanait, il aurait sûrement préféré que l'enquête aboutisse afin de confronter le voleur.

« Si cela peut vous consoler, il y a peut-être une chance que l'or soit dans un nid. La camériste nous a dit que le seul fait notable cette semaine là était qu'une pie s'était introduite dans la chambre tandis qu'elle aérait la pièce. »

L’événement parut si grotesque à Siliel qu'il éclata de rire. Les deux Zelos ne partageaient pas son hilarité. Ils se regardèrent, les yeux ronds puis tournèrent leurs visages aux traits épais vers le fond de la boutique. Les minutes qui suivirent furent un peu floues. L'avocat sentit quelque chose lui frôler la tête puis comme d'un seul homme les Zelos le bousculèrent, le jetant d'un mouvement d'épaule sur le pavé. L'arcade sourcilière ouverte, groggy par le choc, le Syliméa les vit détaler dans une ruelle à la poursuite d'un oiseau noir et blanc. Quant à l'aide du boucher, il s'était envolé, littéralement. Il comprit en quelques instants que l'emplumé avait profité de la confiance de ses amis pour leur soudoyer des informations. Ainsi il pouvait choisir quelles maisons cambrioler et s'y introduire à l'insu de tous grâce à sa petite taille, se faufilant par les fenêtres ou les conduits de cheminée. C'est pourquoi Criok avec son physique désavantageux et son lourd passif judiciaire avait pu passer pour le coupable idéal, risquant la potence pour des faits dont il était -pour une fois- innocent.

Maître Cemaën décida alors de rentrer chez lui, il en avait déjà assez fait pour des honoraires qui ne lui rapportaient que trop peu. Sa chemise était tachée de sang et il avait besoin de se panser. En chemin il se persuada qu'il avait en quelque sorte résolu l'affaire. Ainsi donc, une fois rafraîchi et soigné, il s'installa dans son sofa pour déguster un bon cru.

Son homologue au service de madame l'Anivelle l'informa personnellement au petit jour que les bijoux avaient été récupérés de façon pour le moins fracassante puisqu'on les avait jetés à travers la fenêtre du petit salon. Siliel assura qu'il ignorait l'identité du bon samaritain, eut quelques mots compatissants pour la frayeur causée par le bris de glace mais précisa qu'en aucun cas son client ne devait en être tenu une nouvelle fois pour responsable sans aucune preuve tangible.

Lorsqu'il retourna à l'étal en soirée il trouva le boucher seul en train de découper férocement des pièces de viande. Il lâcha que l'on n'était pas prêt de revoir son ancien ami avec un sourire cruel qui le rendait extrêmement effrayant. Criok était quant à lui à son domicile, il avait soit-disant besoin de se reposer. Siliel ne posa pas de questions, il n'était pas certain qu'on lui donnerait des réponses ni d'avoir envie de les entendre. Le larron n'aurait jamais la chance d'être remis à la justice. Il y avait une très forte probabilité qu'il soit déjà mort. Corben étant maçon, il pouvait très bien avoir été enterré sous une terrasse ou coulé dans du ciment. Le Syliméa dédaigna la promotion sur le filet de poulet et jeta son dévolu sur un beau foie de veau puis rentra chez lui, heureux de savoir son client satisfait.
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