_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades. _ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose". _ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.
Sujet: [TERMINER] Carpe Noctem Mar 19 Juin - 20:24
Comme une poupée ou une enfant perdue, Othello se laissa guidée à travers les corps en suspens, les pantins désarticulés dans des danses teintées d’ivresse, les dédales de pierres de la vieille arène, sans trop s’interroger sur leurs ultimes destinations. Le marin semblait savoir où il les menait – ou du moins, il savait parfaitement le prétendre. Et après une soirée aussi remuée, elle ne voulait plus se poser trop de questions, préférant se laisser faire plutôt que d’opposer la moindre résistance ou la moindre contrainte. Sur le chemin ils croisèrent plusieurs marchands, aux cernes creuses et à l’air hagards, certainement épuisés après une rude journée, qui leur proposèrent tout de même quelque rafraîchissement d’usage, ou quelques amuses-bouches aux saveurs étranges et exotiques.
C’est finalement au terme de quelques minutes qu’ils trouvèrent leur place sur un balcon, en hauteur de l’arène, caché des regards mais avec une belle vue sur la danse encore en cours et les toits de la cité. Le clair obscure argenté et froid de la nuit fut incroyablement reposant pour ses yeux fatigués, et permis de faire taire à moitié les émotions trop fortes qui l’habitaient à cet instant. Une chape de lumière et de nuit vint arrondir ses prunelles, à peine distinguables du reste de ses yeux, et elle se mit à couver d’une façon maternelle les formes dentelés et rupestre à l’horizon, les rideaux lointains dansant au rythme du vent comme les fenêtres scintillantes, quelques aveux de vie malgré l’heure tardive. Suivant le geste du marin qui s’était empressé de se libérer du masque en bois, elle lui emboita le pas et retira à son tour l’imposant ouvrage, sentant aussitôt un sentiment de liberté et de légèreté lui rendre son crâne.
Pouvoir voir le monde sans ces grossières œillères trouées fut d’abord un exercice, puis une vraie libération, mélangée avec la sensation peut-être un peu pompeuse de retrouver son identité. Othello posa ses ailes sur le rebord devant elle, et dévisagea un temps les deux trous vides et noirs, les yeux d’une autre qu’elle n’était pas : elle lui laissait volontiers ses souvenirs et sa prestance. Après tout, elle sentait bien que ce monde de paillettes et de luxures était loin d’être pour elle, et elle lui préférait la simplicité de ses robes usées et de ses algues séchées. Elle imagina que cette sensation paisible fut la même pour le marin, et son premier réflexe fut celui de lever les yeux pour retrouver son visage. C’était étrangement rassurant que de retrouver ce faciès familier dont elle connaissait à présent tous les contours, toutes les lignes et tous les reliefs avec affection.
« Le destin s’amuse à nous ramener sur des balcons... » Murmura-t-elle avec amusement en repensant à l’egyde du Lion. L’attaque ne remontait qu’à une poignée de mois, et pourtant elle avait la vive sensation que tout s’était passé il y avait une éternité. Le vent vint balayer sa crinière, emportant avec lui le tintement distinct et paisible des perles qui les nouaient.
Sous leurs regards, la fête battait toujours un certain plein. Les couples, bien que moins nombreux, continuaient de tournoyer, et à présent des bruits de verres s’entrechoquant s’ajoutaient à cette joyeuse cacophonie. Elle avait l’étrange sensation d’être le témoin silencieux d’un spectacle ébouriffant, avec des formes enrubannées et soyeuses qui se mouvaient au son de la musique lointaine. A présent il n’y avait que les éclats de voix qui remontaient jusqu’à leurs oreilles, doucement tamisés par les brises eridaniennes qui venaient balayer les hauteurs de l’arène. Le grain de la pierre rugueuse et granuleuse sous ses doigts l’invita à une certaine méditation, savourant la sensation minérale et naturelle qui lui changeait des paumes, et elle huma l’odeur fraîche et sobre des hauteurs comme une liqueur délicate, appréciant de ne pas respirer des odeurs de sueurs, de musk et de vapeurs éthyliques. Alors qu’elle était doucement absorbée par cette peinture, elle en oubliait presque les derniers évènements, la journée dense et leurs mutuelles péripéties. Ramenée sur le rivage par le souffle profond du marin, la naïade le regardant un temps, essayant de scruter au mieux dans son regard améthyste pour y déceler une onde, une étincelle, un éclat qu’elle pourrait comprendre. Son manque d’empathie devenait cruellement coupable dans ces moments, et elle s’en voulait de ne pouvoir faire plus pour dévoiler le tissu de non-dit et de secrets, ces choses cachées qu’il semblait encore avoir sur le bout de la langue, tout comme elle d’ailleurs.
« Je vous ai vu tout à l’heure, avec la connaissance dont vous me parliez... Je suppose. » Souffla-t-elle finalement, pour rompre le silence et faire un pas timide. « Mais je n’ai pas osé vous déranger. » Son ton était gracile et calme, comme la brise qui s’évertuait à souffler sur eux son souffle tiède, leur apportant un semblant de fraîcheur après le bouillon étouffant du ventre de l’arène. « Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous le dire mais je suis heureuse que vous m’ayez trouvé. »
Loin d’être suffisant pour déposer les armes, elle espérait au moins pouvoir entamer la conversation sur des bases stables et détendues, consciente de marcher sur un chemin d’orties et de chardons.
Dernière édition par Othello Lehoia le Dim 12 Aoû - 18:09, édité 1 fois
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Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Dim 1 Juil - 8:03
Les rouleaux intenses des vagues n’ont de cesse de venir s’écraser contre les abruptes pans de falaise : loin dans ses souvenirs, Othello se rappelait exactement de la sensation brusque et assommante de se retrouver piégée dans les grandes prisons d’eau, de prendre le mur en pleine figure pour se retrouver coincée, plaquée contre la pierre rugueuse et couverte de coquillages. Et que ce fut les ondes tumultueuses et puissantes ou les vapeurs ambrées qui remontaient de l’arène, elle avait cette même sensation tétanisante qui pesait sur ses épaules comme le poids de l’océan tout entier. Elle n’avait pas besoin d’être empathe pour percevoir avec une netteté profonde le désarroi qui lui faisait face, la nervosité palpable qu’il trahissait par des gestes impulsifs, des rictus au bout de ses doigts grattant la pierre.
Quand Fenris finit par briser le silence, un nouveau rouleau vint la repousser vers les rivages rocheux. Coupable, Othello encaissa sans rien dire, s’en prenant mentalement à sa timidité, à son manque de confiance, peut-être. Encore aujourd’hui il lui était difficile de s’imposer, et elle se retrouver souvent victime de situation difficile car elle ne s’était pas imposée. Si elle avait osé, la soirée se serait déroulée autrement, et les choses auraient probablement été plus faciles pour tout le monde. Une erreur de parcours, quelques pas en moins, un sourire en plus... Le marin sembla alors se retenir, comme si un poids maintenait ses lèvres fermées. Néanmoins il poursuivit, ouvrant un peu plus une cicatrice qu’il aurait probablement voulu fermer en parlant de la tragédie ascane. En temps normal, la sirène aurait déposé sur son bras une main réconfortante, mais elle se retint à contrecœur de cette familiarité, de peur que cette proximité ne vienne raviver un feu déjà bien brûlant.
« Je suis navrée, j’aurai aimé entendre qu’il s’agissait de lui plutôt que d’un fantôme. » Elle se tu un instant, mais poursuivit tout de même. « J’espère que cette rencontre ne vous a pas fait trop de peine. »
Comme un chien blessé, Fenris semblait avoir tout le mal du monde à contenir un bouillonnement intense que la prêtresse percevait par vague, et dont elle tirait une vibrante douleur qu’elle ne pouvait s’expliquer. Elle n’avait jamais eu l’occasion de le voir dans cet état. Même dans les rues de la cité souveraine, sous sa forme de bête, ce grand loup sanguinaire, il n’avait pas renvoyé tant d’émotions complexes, tant de regards graves et de mains tremblantes. Et à le voir ainsi, elle ne pouvait s’empêcher de serrer ses mains en retour.
Othello cilla, réalisant bien amèrement ce qu’elle n’avait pas réussi à s’avouer. A partager cent moments, l’homme à ses côtés n’avait jamais failli, et à force de s’imposer, de converser tendrement, elle avait fini par l’emmêler dans des filets de verre et d’argent dans lequel il se débattait péniblement. La nature de leur relation lui posait toujours beaucoup de questions, et elle persistait à se mentir et à s’oublier pour ne pas avoir à s’interroger d’avantage, ne voulant creuser plus des sables mouvants dont elle ne comprenait rien. En apnée sous une mer indomptable, les vagues déchaînées s’enchaînaient, une à une, et balayaient son visage sans qu’elle ne puisse faire quoique ce soit à part contempler l’onde brisée. Avec la force d’une tempête, le marin lui faisait face, le visage douloureusement grave, les traits tirés, l’aveuglant d’une vérité qu’elle s’acharnait à maintenir dans un coffre doré. Son œil unique palpitait comme une torchère, un cœur saignant qui crie à l’aide, ou qui appelle à la colère. Encaissant les coups, au dépourvu, Othello levait vers lui des yeux grands comme des soucoupes, larges et défaits, écrasée un peu plus par chaque mot qui se répétait plusieurs fois dans son esprit.
Quand brusquement il s’arrêta, la paume crispée et nerveuse, les mots raisonnèrent plus bruyamment que jamais dans ses oreilles de poissons, et alors qu’il tournait la tête, elle maintint la sienne. Son souffle se mêlait à un vent docile et rafraîchissant, mais la naïade restait sourde à ces mots qui ne venaient jamais, mais dont elle entendait pourtant le son distinctement avec le même rythme que son cœur vacillant, se débattant lourdement dans sa poitrine. Elle s’était douté que le sujet ne soit un jour soulevé, seulement elle ne s’attendait pas à l’intensité de la tempête. Ses lèvres se crispèrent, tremblantes. Puis ses mains tombèrent défaites le long de ses hanches. Elle avait toujours rêvé, idiotement, pouvoir faire face à la mer comme les falaises qui restaient droites face aux attaques. Il faut croire qu’elle n’était pas de la même pierre après tout...
Depuis leur rencontre, dans chaque sourire complice et dans chaque contact, fut-il doux, suave, prémédité ou non, dans cette danse incertaine de liens, de rapprochement plus ou moins maladroit, elle avait toujours su : ce que ce cœur llughoyf cachait, ce qu’elle avait enfoui au fond du sien. Et à présent, une main coupable s’enroulait autour de sa gorge, lui faisant regretter de ne pas l’avoir compris tout de suite... Il avait fallu d’un balcon.
A de multiple reprise, elle se tut, retint son souffle, ne sachant par où commencer. Mais elle devait le lui rendre : il méritait la vérité, aussi crue soit-elle.
« Duscisio est un vieil ami. » Commença-t-elle, essayant de trouver le chemin le plus simple pour une épopée compliquée. Sa voix se brisa en cours de route, et elle se tu pour la cacher. « Il était là quand j’ai conclus le pacte, et s’est toujours montré présent et bienveillant, bien que rongé par ses propres démons. » Elle savait que Fenris avait eu vent des sentiments que ressentait l’herboriste à son égard, aussi elle se demanda s’il était sage de poursuivre ou non dans cette direction. Un secret de polichinelle qui ne devait échapper à personne, aussi se contenta-t-elle de laisser planer ce spectre dans le silence épais. « Je... Je savais qu’il éprouvait pour moi un amour que je n’étais pas capable d’éprouver, pas de la même façon. Néanmoins nous restâmes amis... » Comme pour plonger sous l’eau, elle retint son souffle, ferma les yeux, et revit les évènements défiler sous ses paupières closes. Tout cela n'avait d'importance pour personne. Pour personne sauf pour lui. « Avant que vous n’arriviez, il venait de m’embrasser. Je n’ai rien vu venir, je... Je n’ai rien pu faire.»
La sirène déglutit douloureusement, trouvant sa gorge étrangement sèche et brûlante, avant de regarder la pierre rugueuse en quête de salue. Les derniers mots étaient tombés de sa langue comme des pierres lourdes et pointues, et elle anticipait déjà le mal qu’ils pouvaient semer. Comme lui, quelques secondes plus tôt, elle crispa ses petits poings dans le vain espoir de se contenir, de garder sous maîtrise le maelström d’émotions qui tourbillonnait, incontrôlable, dans son esprit chahuté. Dans la foulée, elle souffla, la voix brisée et tremblante, espérant de nouveau jeter un souffle d’eau claire sur les braises enhardies, tout en présentant priant pour ne pas voir le marin s’enfuir à jamais.
« ... Pardon de vous faire souffrir, Fenris... C'est la dernière chose que je souhaite. »
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Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Sam 7 Juil - 13:46
Dernière édition par Fenris Skirnir le Mar 10 Juil - 23:21, édité 3 fois
Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Mar 10 Juil - 22:56
Du bout de ses prunelles sombres, sans quitter la pierre, la sirène espérait capter un geste rédempteur. Sans grande surprise, elle le vit se crisper, serrer son nez de sa main ouverte, et dans sa grande ignorance, elle ne comprit pas tout de suite ce que cela voulait dire. Elle percevait toujours distinctement la gêne et la colère, quoique cette fois-ci le prisme d’autres émotions ne viennent les distiller. Elle espérait pouvoir trouver dans la brise et dans l’air frais une fraîcheur salvatrice, qui pourrait emmener la frustration comme une traînée d’eau claire. A l’inverse, chaque brise avait l’effet d’une étincelle sur une paille sèche, et les secondes de silence qui s’égrainaient comme la poudre d’un sablier plongeait un peu plus la sirène dans un bain sombre et étouffant.
Finalement, le loup entrouvrit ses lèvres, et Othello reçu sa réponse comme une nouvelle vague – plus intense, néanmoins, que toutes les précédentes. Bien simplement, elle osa ouvrir la bouche en guise de réponse mais s’aperçu qu’elle n’avait ni les mots, ni les excuses pour contrattaquer, ni même les arguments en sa faveur pour faire valoir son attitude. De plus, la rhétorique de Fenris mettait en lumière tout ce qu’elle n’osait pas affronter : son attitude, ses envies, ses choix... Elle. Forcée d’entendre le sermon et d’en accepter les conséquences, elle ne put que se taire docilement et apprendre, certaine bien malgré elle qu’il avait entièrement raison. Il venait de mettre le doigt sur un point sensible, une corde faible et rêche, pour beaucoup usée, dont le crin abîmé n’était plus guère tendu. Il était vrai que son estime n’était ni reluisante, ni un bijou qu’elle portait avec beaucoup de fierté. Au contraire, bien qu’on l’ait poussé sur le devant d’une scène trop grande, elle préférait se cacher dans l’ombre, secrète et oubliée, et dans les actes d’autrui pour ne pas avoir à en essuyer les choix. Ce manque de confiance trouvait sa source dans trop de raisons qu’elle avait cessé de les compter, et Othello se délassait plus aisément à passer entre les mailles des filets qu’à apprendre à s’écouter.
Acquiesçant sans rien dire, elle baissa un peu plus les yeux, trouvant en ses mains aplaties un curieux repère. La rage contenue du marin semblait prendre un nouveau tournant, et se muait en une frustration dont elle ne discernait pas encore les contours. Mais cela eut la vertu de verser un peu d’eau sur les flammes de son cœur, et la sirène, faute de peur et de colère, ne se retrouvait plus qu’avec un esprit douloureux et embrumé, une gueule de bois sans l’ivresse. Elle devinait sans peine la colère qu’il avait face à l’herboriste, et c’était toujours imaginé une telle issue s’ils avaient dû se confronter. Elle retint un soupir soulagé, heureuse que les évènements ne se fut pas enchaîné ainsi. Imaginant cette possibilité, elle accueillit la main du marin avec rassurance, comme si elle amenait avec elle un peu de pardon. Son discours était toujours distillé par des minutes de silence, entrecoupé de souffle profond et d’éclats de rire venus de l’arène. Une bouffée d’air frais pendant lesquels ils pouvaient tous les deux remonter à la surface et reprendre leurs souffles. Pensive, elle laissa filer quelques secondes pendant lesquelles elle se calma, mais n’hésita pas longtemps avant de répondre. Si elle devait faire ce geste pour lui montrer sa bonne volonté, elle le ferait volontiers.
« Je vous le promets. » Lui souffla-t-elle en esquissant un sourire apaisé. Il lui fallut puiser de sa force pour empêcher une nouvelle poignée d’excuses de franchir ses lèvres, mais elle jugea que ça ne ferait que relancer la flamme, et elle n’en avait aucunement l’intention. « Et vous n’avez pas à vous excuser, il n’y a pas de fautes commises. »
Insouciante, la sirène se surprit presque à donner autant d’importance à cette promesse, consciente que cela lui imposait plus que de simples pas en avant. Mais il avait raison : que ce soit pour lui, ou pour elle-même, c’était important qu’elle laisse monter sa voix au milieu de la foule au lieu de se laisser guider par les choix alentours, aussi confortable c’était.
« Merci pour votre patience, j’ai peur de l’user jour après jour. » Sans même s’en rendre compte, elle vint enlacer ses doigts avec les siens, retrouvant alors une sensation bien familière. « Ménagez-vous tout de même, sinon vous n’en n’aurez plus pour les mois à venir. » Elle releva vers lui ses grands yeux noirs, où se reflétaient les lointaines torches encore brûlantes, les pas de danse et l’ivresse. Encore une fois, les battements de son cœur repartirent dans une nouvelle sarabande. Alors que ses pensées s’éclaircissaient et reprenaient des formes plus familières, elle percevait au loin un démon qu’elle avait peur d’affronter, une conversation qu’elle redoutait d’avoir depuis ses retrouvailles avec le marin, autant qu’elle redoutait d’affronter ses propres désirs. Au bout d’un océan translucide, il avait à la fois la forme d’un ange, à la fois la redoutable apparence d’un refus ou d’un départ.
« Tout ceci m’est inconnu, j’ai parfois l’impression d’avancer sur un chemin d’épines. » Murmura-t-elle bien perdue, contemplant le lointain avec un calme de façade, masquant bien maladroitement le brouillard trop épais que couvait son esprit. Tout paraissait parfois si simple dans le givre des profondeurs. Mais il y avait une évidence qu’il lui sautait aux yeux. « Sauf avec vous. »
L’entité se faisait plus net et plus précise, à la fois source de promesses et d’inconnu, à la fois splendide et terrifiant. Noyée, Othello se sentait déjà entraînée dans une mer de doutes épaisse comme une mélasse. Jamais autant que sur ce balcon elle ne s’était approchée des sentiments intenses et intimes que Fenris lui inspirait, et, à défaut de savoir les dompter, elle espérait au moins pouvoir les comprendre. Cette flamme incontrôlée et magnifique, à la fois sauvage et docile, dont elle ne percevait pas les limites ni la raison, mais qui se cachait dans ses veines comme dans les yeux intenses et vibrants qu’elle renvoyait vers lui. Brusquement, elle baissa le regard, comme apeurée de son audace, apeurée des conséquences que ses questions pourraient avoir sur eux. Encore une fois, elle n’osait pas se lancer, briser la chrysalide de pudeur et de secrets qu’ils avaient tissés, emprisonnant le papillon qui y avait élu domicile. Les secondes tombaient à présent, très lentement, si lentement qu’elle les entendait presque comme le battement d’une aiguille. Elle serra doucement la main qui recouvrait la sienne : elle voulait s’évader de ces doutes, mais ne pourrait y arriver seule.
« Qu’il y a-t-il entre nous, Fenris ? » demanda-t-elle, osant finalement briser le silence, sa voix comme de l’eau clair, un navire perdu à la recherche d’un phare, d’une main tendue... A la recherche d’une clef pour pouvoir se comprendre et enfin ouvrir les yeux.
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Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Jeu 12 Juil - 17:50
Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Mar 17 Juil - 9:23
Beaucoup de pensées s’entrechoquaient dans son esprit, un vacarme d’entités qui se chevauchent et se cognent dans un furieux bourdon, alors que l’air se faisait plus frais et la musique plus douce. Elle hésita longtemps à ravaler ses paroles, à faire machine arrière en marmonnant quelques excuses, et en proposant un sujet vague et distant pour leur permettre à tous les deux de reprendre pieds. Mais si elle priait pour sortir enfin la tête de l’eau, une autre part d’elle-même voulait mettre un terme à l’ambiguïté qui les unissait, et mettre un mot, une bonne fois pour toute, sur ce qu’elle ressentait pour lui. Pendant un bref instinct, elle se pencha un peu, regarda droit devant le sol en contrebas, distinguant dans la clarté d’une torche le sol poussiéreux et piétiné où gisait le cadavre d’une pivoine. La fleur, éclatée, était entourée de ses plus fidèles pétales, et avait sûrement était oubliée par une belle qui s’était laissée séduite. A trop regarder la plante, elle fut secouée par un brusque tournis qui la contraint de reculer sans pour autant retirer sa main.
L’air froid s’insinua alors dans ses poumons plus brusquement que jamais : la sirène s’aperçut qu’elle était en haleine, bloquée dans une forme d’apnée comme une enfant crédule et naïve. Brusquée par la pensée, Othello voulu enfouir un peu plus sa tête contre sa poitrine, et se retrouva bien silencieuse alors que le marin à ses côtés cherchaient les mots : elle distinguait du coin du regard l’ébauche d’un sourire mais n’en était pas sûre. Si elle n’avait jeté qu’une question à la mer pour écoper un peu le surplus qui pesait sur son esprit, beaucoup d’autres s’étaient soulevées en même temps, et elle avait l’aigre sensation d’assister à une vraie mutinerie. A chaque seconde passant, elle voyait se consumer le navire qu’elle avait construit sous l’incendie qu’elle avait contribué à allumer.
A chaque instant, elle avait la sensation que le sol pouvait se dérober sous ses pieds, et qu’elle pouvait perdre l’équilibre sur ses chevilles fragiles. Qu’attendait-elle ? Il y avait tellement de questions qui s’entrechoquaient au bout de ses pensées, et dont elle ne percevait qu’à peine les enjeux. C’est alors qu’elle se rendit compte avoir donné un coup de pied à une fourmilière et qu’elle ne devinait sa taille que grâce aux insectes qui s’en échappaient, toujours plus nombreux. N’allait-elle pas le faire fuir ? Qu’en était-il de ses fonctions, de son travail ? De leurs races respectives ?... De son humble place, elle ne percevait de l’avenir que les mois qui suivaient, et cela la rassura un peu de ne pas se projeter : au moins elle n’avait pas les yeux jusqu’à l’horizon, mais bien face à elle, sur des mains liées.
Une crainte résonnée s’empara discrètement d’elle et commença à se mélanger à son sang comme un poison insidieux. Dans son esprit, les vagues devenaient une houle déchaînée, et elle attendait maintenant que le marin ne mette fin à cette patience, soit en la tirant de la tempête, soit en la brisant sous les rouleaux. L’entité se tenait toujours devant elle : si belle, si terrifiante. Et là... Avec un soupire mystérieux, Othello ne pu s’empêcher de libérer un soupir de soulagement quand Fenris lui remit sa parole. Elle s’était laissée avoir par ses émotions fugueuses sans s’en remettre à la tranquillité paisible du marin, dont les mots mystérieux ne pouvait que la mettre face à ses propres convictions. Elle n’aurait pu s’attendre à meilleure réponse, et pourtant c’était si prévisible venant du marin qui semblait s’évertuer avec une infinie prévenance à la mettre avec douceur devant ses vérités.
Le reste de sa réponse lui hotta définitivement un poids du cœur, mais restait entouré d’un doux mystère : le voile finissait peu à peu par tomber, mais il lui appartenait de tirer une fois pour toute dessus. Balançant son visage sur le côté, elle laissa sa crinière basculé devant elle, et le frottement des perles sonna comme un doux caducée. L’œil unique du marin la fixa de sa lueur ardente, et elle ne pu s’empêcher de renvoyer son regard avec la même profondeur, un abîme profond et intense. Sans s’en rendre compte, un feu secret naquit dans ses joues, et Othello, touchée par cet aveu, chercha à son tour les bons mots. Plongeant à son tour la tête la première dans sa mer de doute, la sirène contempla un instant les abysses, s’attendant à des flots déchaînés par la passion sourde, la tendresse déchirante. Mais elle ne trouva rien de cela : la houle dévastatrice s’était mue en une onde paisible et claire, et elle l’accueillit de ses bras étendues, pleins de poissons argentés et vibrants. Elle avait redouté que sa question et son audace ne soulève trop de problème, qu’à vouloir chercher le soleil, elle avait déchaîné les tempêtes. Mais elle avait oublié qu’à la place d’un dragon une fleur courageuse et belle poussait là, bercée par les mailles d’un filet et les vapeurs d’un thé chaud.
« Vous avez d’ors et déjà plus que mon amitié... » Souffla-t-elle dans un murmure tendre. « ... Bien qu’il m’ait fallu du temps pour le reconnaître. » Au lieu d’être étouffée par la force d’un aveu, elle sentit un poids lourd se dégager de sa poitrine, et sa respiration s’ouvrir de nouveau. Secrète, la naïade avait du mal à croire que les mots avaient franchis ses lèvres. Il lui faudrait probablement une bonne nuit de sommeil pour bien mesurer l’ampleur de ses paroles, mais elle se contentait déjà de la légèreté de son cœur et du sentiment de plénitude qui l’accompagnait. Le reste viendrait en temps et en heure : relevant les yeux vers le marin, et lui sourit avec tendresse, un peu perdue mais libérée.
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Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Jeu 9 Aoû - 7:49
Sujet: Re: [TERMINER] Carpe Noctem Dim 12 Aoû - 18:08
Un sourire vint embraser ses lèvres avec une vivacité pleine et naïve en réponse à la pétillante lueur qui illuminait le regard solitaire du marin. Si la sirène n’avait pas anticipé un tel retour, elle devait admettre ne pas être surprise par la joie qui dansait face à elle, et elle ne pu retenir un frisson familier qui coula le long de sa colonne jusqu’au bout de ses pieds. L’allégresse foisonnante vibrante du lupin lui rappelait son explosion de joie quand elle lui avait demandé son aide avant d’entreprendre ce long voyage, et elle devait admettre que cet aspect de lui, cet enthousiasme débordant, cette extrême sincérité, était belle et charmante. S’abandonnant aux sentiments communicatifs, elle attendit la main tendue vers elle comme une promesse et vint déposer sa joue dans cette paume chaude et rassurante, en posant sur elle sa main froide et soulagée.
Pendant les mois qui avaient suivis leur retrouvaille, elle s’était acharnée à se cacher des sentiments qui tempêtaient en son cœur, tout en recherchant paradoxalement ce qu’elle cherchait à fuir. A la fois le mystère et sa résolution, Fenris était devenu une énigme indispensable, un rempart bienveillant sur lequel elle pouvait compter et que la vie ramenait sans cesse sur ses rivages. Il était à la fois la lueur qui s’acharnait dans les pires moments, à la fois l’impulsion solide qui la poussait à avancer alors qu’elle perdait tout espoir. Pendant des mois, la sirène avait dessiné autour de lui de grands cercles vagues, cherchant à laisser juste ce qu’il fallait de distance entre eux pour ne pas risquer de se brûler les ailes, mais sans le voir tout à fait disparaître de sa vision. Mais ces derniers mois, il lui était devenu de plus en plus dur de s’échapper de cette présence chaleureuse, de ces sourires complices et cette vibrance solaire, ce regard bienveillant qui l’avait attendri depuis le pont du bateau jusqu’à ce balcon solitaire, surplombant la foule sans être remarqués. Alors qu’elle sentait sa main s’entremêlait dans ses mèches blanches et argentés, et que sa force l’attira contre lui, elle cessa enfin de luter pour ne plus s’approcher plus près.
Envahie par la sensation étrange de faire corps avec ses désirs, elle finit par rentre son étreinte en entourant la taille élégante contre elle de ses deux bras pleins, découvrant la pression complice et partagée d’une étreinte.
« -Vous êtes le seul à remercier dans cette histoire, et je suis la première à vous devoir des remerciements. » Souffla-t-elle, souriant calmement contre la poitrine masculine.
La houle avait finit par se taire, laissant de l’océan déchaîné qu’une onde calme et docile qui promettait un voyage passionné et passionnant. Bercé par les bras forts et chauds qui l’enlaçaient avec une tendresse communicative, Othello ferma doucement les yeux. Enfin libérées des chaînes dans lesquelles elle s’était enfermée, elle avait la sensation vive de pouvoir enfin s’autoriser une sérénité à moitié devinée, à moitié interdite. L’odeur de sable et de musc qui se dégageait de la peau marine la ramena à différents endroits dans des souvenirs désordonnés, et elle finit par savourer l’odeur de l’instant comme si elle la découvrait à peine. Comme accueillie par des vagues chaudes et douces, elle réalisa alors s’y sentir parfaitement bien, en sécurité, enveloppé d’un charme enfantin dont la joie semblait se diffuser comme la lueur entourant la flamme d’une bougie.
Encore une fois, un frisson parcouru son dos quand il posa la question fatidique. Dans une bulle éthérée, elle avait encore du mal à bien comprendre ce qu’il se passait, et ne pouvait empêcher son naturel craintif de lui faire redouter ce qu’elle savourait au même instant, et les questions se soulever comme des vagues lointaines. Mais elle chassa avec bien plus d’aplomb cette pensée d’un revers de cil. Après tout, il lui transmettait la sensation que rien ne pourrait arriver en cet instant, et alors que le monde menaçait de s’effondrer à chaque souffle, elle ne pouvait que rêver de prolonger ce moment pour les temps à venir. Bien qu’elle doute encore de sa propre force, le sourire de Fenris lui prouvait que lui ne craignait rien, et c’était assez pour la convaincre d’écouter son coeur.
« - Vous supposez bien. » Son sourire s’entendait dans ses paroles, et elle poursuivit doucement. « Et je serais plus heureuse encore d’être appelée votre compagne. »
C’était pour elle une curieuse promesse, aussi ambitieuse que terrifiante. Mais elle avait confiance dans cette nouvelle relation : elle avait encore beaucoup à apprendre dans ce domaine, pourtant quelque chose lui disait que Fenris serait le meilleur des partenaires après ce qu’ils avaient traversés ensembles. Alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer pour un voyage qui les emmènerait peut-être au bout du monde, elle eut la sensation vive qu’ils y avanceraient ensembles, et que peut-être ils finiraient par le tenir dans leurs mains.