Répandre la joie [mission avec Alana Cartaigh]

Les beaux jours revenaient depuis quelques temps mais, la route avait été longue depuis Hellas. Cela faisait un peu plus de deux mois que Kelsier avait pris la route. Il devait arriver à Canopée avant le quatorzième jour de Mirios. A priori, il était dans les temps mais, étant parti en plein Nivéria, le froid n'avait pas facilité son avancée. Il aurait dû arriver trois jours plus tôt mais, il avait dû ménager Fae et a fait plusieurs escales imprévues en début de voyage afin de s'abriter du froid. Il lui restait deux jours pour atteindre son objectif, ce qui lui suffirait amplement mais, même si le jeune homme se moquait du confort, il avait hâte d'arriver et de pouvoir se reposer. Bien que le Nérozian avait déjà beaucoup voyagé, il n'était encore jamais venu à Canopée. Il était déjà passé dans les environs mais, cette ville étant essentiellement peuplée de nobles, il n'avait jamais été très attiré. S'il se rendait là-bas, c'était pour répondre à la requête d'une certaine Dame Arwena. Cette dernière cherchait des volontaires pour animer une fête locale. Bien que celle-ci n'était pas du domaine habituel de Kelsier, ce-dernier avait décidé d'y participer car il n'avait pas énormément d'argent et puis, cela ne s'opposait pas réellement à ses idéaux. Il allait devoir déambuler en ville pour y répandre la joie. Après tout, c'était ce à quoi il aspirait. Un monde meilleur. Bon, là ça ne durerait que le temps d'un festival et dans un seul lieu, qui plus est, pas dans celui qui en avait le plus besoin selon lui mais, ce n'était pas contraire à son éthique. Le seul problème, c'était qu'il allait devoir porter une tenue claire et il n'avait pas ça en stock.Bah, il aviserait. Il pourrait sans doute trouver ça dans une échoppe.

Fae avançait à une allure calme. Kelsier siffla pour appeler Zéro, son aigle et le chargea de faire un tour des environs. Celui-ci s'éleva dans les airs et s'éloigna en avant. Il fallut quelques minutes avant qu'il revienne. Par rapport au temps que l'oiseau avait mis, le vagabond estima le temps restant avant d'arriver à une heure. En effet, Zéro pouvait voir particulièrement loin même pour un aigle. Même s'il n'avait pas mis longtemps pour repérer la ville, il en faudrait d'avantage à la jument pour l'atteindre. Enfin, une heure ce n'était pas très long. Il avait passer deux mois à parcourir les routes et l'objectif était tout proche. Il poussa un soupir de soulagement. Il allait pouvoir dormir dans une auberge et manger un repas digne de ce nom. Même quand on n'aime pas le luxe, deux mois de galère dont un en pleine saison froide sont relativement éprouvant.

L'entrée de Canopée n'était plus qu'à quelques mètres. Kelsier fit accélérer Fae jusqu'à ce qu'il y arrive puis, descendit de cheval et en tint la bride. Il marchait d'un pas calme et observait les gens, leur style vestimentaire. Il devrait trouver une tenue dans ce genre pour le festival alors, il était attentif. Au fur et à mesure qu'il avançait, de plus en plus de monde se trouvait dans les rues. Il interpella un homme et lui demanda où il pourrait trouver une auberge pas trop chère. L'homme sourit et lui dit de le suivre. Alors qu'ils marchaient, le Sindarin lui dit:

"Une auberge pas chère, par ici tu trouveras pas mais, j'ai une écurie où tu pourras laisser ton cheval et j'ai une chambre de libre chez moi depuis que mon fils vole de ses propres ailes. Bien sûr, ce sera donnant-donnant. Je ne te demande pas grand chose ne t'en fais pas. Ma femme et moi avons toujours vécu ici et il est trop tard pour partir voyager. Bien sûr on a encore de nombreuses années devant nous mais, elle a eu un accident et a perdu sa jambe gauche. Partir d'ici nous sera difficile. Tu as l'air d'avoir beaucoup voyagé alors, en échange de quelques nuits au chaud, tu pourras nous raconter comment c'est ailleurs.

-Je n'y vois pas d'inconvénient. C'est fort aimable à vous!"

Kelsier était agréablement surpris. Il arrivait dans une ville de nobles et s'attendait à ce que tous le prennent de haut mais, il avait encore été chanceux. Bon, ça remontait à longtemps la dernière fois où il l'avait été autant. Cela dit, ce n'était pas rien. Sa rencontre avec Gawell alors qu'il cherchait les Nérozias s'était déroulée de la même manière et il ne l'oublierait jamais. Gawell était-il encore vivant? Un jour, il aurait peut-être une réponse.

Le Sindarin s'arrêta devant une maison modeste à côté des autres mais, plus luxueuse que n'importe quelle demeure dans laquelle Kelsier n'était jamais entré légalement. Ils emmenèrent Fae dans l'écurie puis se rendirent à l'intérieur. Une femme dont le vagabond n'aurait pas su dire l'âge tant les Sindarins et les Terrans étaient différents sur ce point là le salua poliment et ils s'installèrent autour d'une table de salon. L'homme alluma un bâton d'encens et il se rendit compte qu'il ne s'était pas présenter. Il s'annonça sous le nom de Ralric et désigna sa femme comme s'appelant Fréane. Kelsier en fit autant et une longue conversation commença. Ils mangèrent également et la soirée fut riche en échanges. Quand son hôte lui avait demandé ce qui l'amenait à Canopée et que le Nérozian lui avait raconté tous les détails, Ralric avait même décidé de lui offrir une tenue adaptée à l'événement. Le vagabond était gêné mais, il savait qu'il ne pouvait pas refuser sans vexer son hôte alors, il le remercia chaudement. La soirée continua jusque tard et ils finirent par tous aller se coucher.

Le lendemain, tous se levèrent tôt. Ralric, en bonne hôte s'était levé avec sa femme pour être sûr que quand Kelsier se réveillerait, le petit déjeuner soit prêt mais, ce dernier n'avait pas le sommeil lourd et s'était levé juste après eux. Ce n'était pas grave. Ils s'assirent à la table et burent leur thé puis, le Sindarin expliqua à Kelsier comment rejoindre le point de rencontre avec Dame Arwena.

Kel arriva devant une grande bâtisse avec une tenue locale de couleur claire; un pantalon vert et une longue veste marron avec des ornements dorés. Il entra et montra l'annonce à la personne derrière le guichet. On le conduisit jusqu'à Dame Arwena. Il fit une révérence puis, il dit:

"Bonjour Dame Arwena, je me présente, Kelsier Hammond et je suis là pour vous servir. Et pour le coup, ce n'est pas juste une formule de politesse!

-Bien, la dernière phrase n'était sans doute pas nécessaire mais, je n'en tiendrai pas rigueur. Après tout, vous ne semblez pas être du genre à faire des manières et vous vous montrez tout de même fort respectueux. Alors, le festival a lieu après demain. Je demandais à ce que les gens arrivent au plus tard demain pour avoir le temps de les préparer un minimum mais, c'est bien que vous arriviez avant.

-J'ai fait ce que j'ai pu. Bon du coup, pour l'instant, vous avez d'autres personnes sous la main ou je suis seul?

-Je n'ai pas encore de nouvelles mais, la date limite étant fixée à demain, j'ose espérer que vous ne serez pas seul. La ville est grande et les gens sont nombreux. Une assistance ne vous sera pas de trop.

-Je ne dis pas que je peux faire des miracles mais, amuser les gens n'est pas la mission la plus compliquée à laquelle j'ai dû faire face.

-Plus exactement, ce que je vous demande, ce n'est pas de fanfaronner mais, de répandre la joie au sein du peuple."

Kelsier rit. Bien entendu ce n'était pas ce qu'on lui demandait. Il commençait même à se rendre compte du pourquoi du comment de cette manœuvre. En agissant ainsi, ils allaient détourner l'attention du peuple des conflits politiques et diminuer les risques de rébellion ou autre manifestation du genre. Il n'avait pas réfléchi avant mais, il s'était engagé dans un projet qui allait dissiper toute idée de révolte.Il ne se désista pas pour autant car de toute façon, une ville peuplée uniquement de nobles ne serait sans doute pas un berceau de la révolution. Il allait saluer Dame Erwana et quitter les lieux quand on frappa à la porte.