Un incident anodin dans une ville mondaine [PV:Calixte]

Voilà maintenant plusieurs jours que la conseillère était revenue de Tyrhénium, et faisait une halte bien méritée à la capitale. Il fallait avouer qu'elle n'était jamais particulièrement pressée de rentrer à Cimmerium, tout était devenu... triste depuis qu'elle ne voyait plus son ami Alastor. Elle avait si peu de camarades là bas que rien ne l'invitait à y demeurer, si ce n'était son sens du devoir et la volonté de faire évoluer la mentalité des sylphides. On a souhaitait la voir attabler au Conseil, certains devaient déjà le regretter.

Qu'importait! Tout cela ne pouvait entacher son éternel enthousiasme, si caractéristique de sa personnalité flamboyante. En effet, elle profitait de son escale pour rendre visite à quelques anciens patients, simplement pour prendre des nouvelles. Bien évidemment, cela lui avait demandé de recourir à ses anciens travestissements puisqu'elle avait quitté son rôle du "Vicomte d'Odessa" en laissant derrière elle son cabinet médical pour retrouver les siens. Ce ne fut pas bien difficile de remettre la main sur un costume masculin et de se coiffer comme autrefois, c'était comme si elle n'en avait pas oublié les attitudes et le port de tête. Voilà qui était bien avantageux d'avoir un visage qui pouvait se prêter aux deux sexes, bien que la délicatesse de ses traits avaient toujours eu quelque chose de bien féminin. Mais c'était sur le trouble de sa voix grave, le fait qu'elle écrase sa poitrine sous un bien solide bandage, que l'illusion marchait. D'ailleurs, ce fut le cas pour les quelques personnes qu'elle avait revu.

Après être retourné dans l'hôtel dans lequel elle avait pris temporairement congés, Calixte avait retrouvé la liberté de déambuler sous ses traits habituels, sa chevelure rouge qui flottait à chaque mouvement de sa démarche, une robe blanche sans fioriture mais élégante, avec une cape aux motifs brodés de fils argentés - à cause du temps qui se rafraîchissait et des pluies potentielles. Elle avait bien entendu une sacoche où elle prenait toujours le nécessaire minimal à ses fonctions, médicales bien entendu. Une conseillère n'avait besoin de que de son esprit.

Se promenant allégrement sur la place publique, la jeune femme fut alors le témoin d'un accident de carriole. Voilà qu'il était rare de voir des chevaux s’affoler en ville de cette manière. Quelques badauds tentèrent de faire ralentir le véhicule mais les canassons paniquèrent jusqu'au drame. Là, la voiture bascula sur le côté, un homme se retrouva la jambe coincée dessous. Un autre se fit blesser par un coup de sabot, et il était difficile de savoir si il y avait quelqu'un à l'intérieur de la charrette.

En moins de temps qu'il n'en fallut pour réagir, la foule s'agglutina rapidement autour des malheureux, observant le spectacle mais aucun ne semblait avoir le courage ou le désir d'intervenir. Cela avait le don d'agacer Calixte! Sans tarder, elle se fraya un chemin, bousculant ceux qui se trouvaient sur son passage.

" Poussez-vous!!! Poussez-vous s'il vous plaît! Je suis médecin! Poussez-vous! "

A ces mots, la sylphide se posta à genoux devant l'homme qui était coincé sous la carriole et qui hurlait à la mort.

" Ne bougez pas! Je vais m'occuper de vous. "

Fronçant les sourcils avec détermination mais aussi une pointe d'agacement face à la foule passive, elle se mit à les gronder.

" Qu'est-ce que vous attendez? Ne restez donc pas plantez là!! Que quelqu'un aide cet homme là bas et que l'on vérifie qu'il n'y a personne dans le véhicule! "

La voix pourtant si chaleureuse d'habitude de la sylphide devint curieusement incisive. Néanmoins, nulle méchanceté, simplement du bon sens. Quand on lui confirma alors qu'il n'y avait personne dans la voiture, elle ouvrit rapidement son sac et sortit un bandage qu'elle enroula fortement autour de la jambe de son patient. Il poussa un hurlement à la mort.

" Veuillez m'excuser. C'est pour éviter que vous vous vidiez de votre sang quand on redressera le véhicule. Une fois cela fait, je soignerais votre jambe. "

A cet instant, ses yeux dorés regardèrent vers le poids qui immobilisaient le blessé. Elle fronça les sourcils de concentration et usa de sa magie pour utiliser le métal provenant de la carriole. Elle modela de telle manière à ce que cela lui permette de servir de levier, et remit le plus délicatement possible l'engin sur ses quatre roues. Une fois cela fait, elle utilisa à nouveau sa magie, mais de soin pour directement l'appliquer sur la jambe broyée du passant.

Lorsque l'on jouait avec le temps, il fallait être capable de faire preuve de sang froid et d'efficacité, surtout en médecine. Les gestes se devaient d'être précis et sans hésitation. Le moindre tremblement pouvait être responsable de bien des malheurs. Calixte pouvait au moins se vanter sur ces qualités. Bien qu'elle était une femme d'un caractère curieux et enjoué, lorsqu'il s'agissait de sauver une vie, elle devenait tout autre. D'ailleurs, avant que son pouvoir de soin ne se manifesta, elle pratiquait l'art de la guérison de manière tout à fait traditionnelle et conventionnelle. De plus, certaines personnes avaient quelques aversions pour certaines pratiques magiques et imaginaient des choses un peu paranoïaques. Raison de plus d'avoir su conserver la bonne attitude et le bon doigté dans le maniement du scalpel.

Ce fut l'instinct qui la conduisit en premier lieu à agir rapidement. Alors qu'elle gronda les badauds, un inconnu vint à son aide et se posta près du blessé. Elle n'eut qu'un regard superficiel sur ce dernier, car l'empressement l'avait gagné... mais cela ne l'empêcha pas de l'écouter.

" C’est en effet une bonne idée, mais si nous ne nous dépêchons pas, vous le condamnerez à l'amputation. Nous avons fais face à de nombreux cas similaire. Nous vous prions de vous fiez à notre expertise. "

" Oh? Seriez-vous donc un confrère? "

A ces paroles, la jeune femme rousse plaça l'un de ses bandages pour contenir l'hémorragie avant de s'exécuter à soulever la carriole par la magie. Dans le même temps, l'inconnu s'évertua de lui donner quelques conseils supplémentaires.

" Nous vous arrêtons de suite. Si ce n’est pas pour désinfecter et traiter la blessure, il ne vaudrait mieux pas que vous continuez. Des échardes se sont sans nul doutes fichées dans la chair et aux cris de cet hommes, ses nerfs semblent aussi touchés. Si vous le restaurer ainsi, il risque de souffrir de lésions et de dommages internes et pourrait peut-être même y laisser sa jambe. "

A ces paroles, la sylphide arqua un sourcil d'étonnement et s'attacha à l'observer un peu plus en détail. Il semblait grand et présentait bien de sa personne, des cheveux noirs de jais, un port altier. Un noble? En tout cas, il sortit une mallette qui laissa à penser qu'il devait être de la même profession, ce qui arracha un sourire de soulagement à Calixte.

" Vos paroles sont sages mais pardonnez-moi mon optimisme en vous signifiant que cet homme ne perdra pas sa jambe aujourd'hui. "

A ces mots, la conseillère s'appliqua dans ses soins guérisseurs. La jambe de son patient était bel et bien endommagée en de nombreux points : fractures ouvertes, et tout ce qui pouvait y avoir comme dommages collatéraux. Toutefois, la magie avait dû bon : régénération des os, de la chair, des nerfs et de la peau... quand on commençait à la maîtriser comme Calixte, on pouvait être plus efficace que quiconque.

Alors que ses mains se tenaient au-dessus de la plaie, la jeune femme leva la tête vers son collègue de métier et afficha un large sourire.

" Voyez? Les choses s'arrangent pour lui.... Cet accident ne sera bientôt qu'un désagréable souvenir. Tenez bon mon cher monsieur... tenez bon. "

Calixte se tourna vers le blessé et chercha à se montrer chaleureuse pour le rassurer. Plus la guérison avançait, moins la douleur était soutenue. Par contre, cela ne signifiait pas qu'il n'était pas blessé ailleurs!

" Avez-vous mal autre part? Ce monsieur pourrait vous soigner pendant que je m'occupe de votre jambe. D'ailleurs... Monsieur comment? "

Le regard doré de la sylphide se posa sur son confrère.

" Je suis le doct... pardon... la conseillère Calixte Telenna. Enchantée. "

Elle aimait toujours son titre de docteur, mais elle devait s'habituer à se présenter sous le rôle qui était le sien aujourd'hui. Une politicienne de Cimmerium qui visiblement, n'avait rien de commune.