Allez viens boire un petit coup au Couteau Sanglant !

Allez viens boire un petit coup au Couteau Sanglant !

Comme d’habitude, au crépuscule, je regardais le soleil orangé fusionner avec son reflet à l’horizon. C’était une sorte de rituel pendant ma pause. Être assis là, sur un toit donnant aux docks, écoutant la mélodie de mon horloge de poche en boucle, m’imaginant à la barre d’un bateau et à chanter des chansons de pirate avec mon équipage. Chaque jour, je fais ce même rêve. Et chaque jour, je reviens toujours à la réalité. Toujours bloquer dans cette ville qui, bien possédait toute mon affection, commençait à me lasser. Je n’étais même pas encore un bandit sanguinaire que je me sentais déjà en prison. Une ville de pirate et de marin assimilée à une prison… ce n’est pas normal, pas vrai ?

Le ciel s’assombrit, il était temps pour moi de fermer mon horloge de poche et de retourner à la taverne. Si je ne me dépêchais pas, grand-mère allait me tuer. Je n’ai pas envie de me retrouver avec du plomb dans la cervelle, comme tous les amoureux de la vie. Je courrais dans les rues de Mavro Limani. La nuit, la ville était dynamique, je ne craignais pas de me faire agresser. Et puis, je connaissais les lieux comme ma poche, vu que j’avais passé toute ma vie ici. Je savais les endroits à éviter. De plus, j’étais armé, je pouvais facilement me défendre. Mais bon, les gars étaient trop ivres pour me remarquer. J’avais même failli rentrer dedans de vieux matelots, mais je pus me stopper sur une pointe des pieds, tourner sur moi-même et passer à leur gauche, profitant aussi de leur prendre une gourde de rhum dont je bus une gorgée durant ma course. Enfin, une gorgée… la moitié d’une, elle était pratiquement vide à mon grand malheur.

Le Couteau Sanglant. C’était comme ma deuxième maison tellement je passais mon temps là-bas. Pas pour prendre du plaisir, malheureusement, mais pour y bosser. C’était ma grand-mère qui gérait cette taverne. Maria Salvatore. Autrefois une capitaine de pirate redoutée, grand-mère aurait prit sa retraite pour s’occuper du Couteau Sanglant. Enfin, quand on a une durée de vie illimitée comme la sienne, le mot « retraite » ne doit sûrement rien dire pour ses oreilles. Arrivé là-bas, avant d’entrer dans la porte arrière réservée au personnel, je vérifie l’heure de mon horloge. J’étais revenu à temps. Enfin, selon mon horloge. J’entrais dans le bâtiment et, soudain :

*PAN* *PAN* *PAN*

- Tu es en retard, gamin !

Grand-mère venait, comme d’habitude, me tirer dessus. Heureusement que j’avais pu éviter à temps, je m’étais douté qu’elle allait me faire un coup pareil. Mais la balle avait effleuré mon chapeau. Encore heureux qu’elle ne l’avait pas touché.

- Pourquoi tu as esquivé ?! A cause de toi, j’ai failli abîmer le chapeau de ton grand père !

- Tu as failli me tuer et la seule chose qui t’inquiète c’est mon chapeau ?!

- Arrête de pleurnicher, tu serais ressuscité en Gorgoroth, dit-elle en rangeant son pistolet.

- Ce n’est pas parce que tu en es une que le jour où je casserai ma pipe j’en deviendrai un aussi ! Et je n’ai pas envie de courir le risque de vérifier !

Elle repointa son arme sur moi.

- Continue d’être en retard comme ça et ce jour fatidique viendra plus tôt que prévu ! Il y a encore du monde ce soir et j’ai besoin que tu ailles mettre l’ambiance avec les autres musiciens pour distraire ces ivrognes ! Alors vas-y, sinon…

J’entendis le chargement de son pistolet.

- D’accord, d’accord… Parfois je me demande ce que tu vas faire lorsque j’aurai rejoint un équipage.

*PAN*

Elle tira encore une fois, mais cette fois, elle visa mes pieds. Je fis un petit pas en arrière pour éviter le tir. Bien qu’elle ne m’ait pas touché, je sentais des picotements dans les jambes, ressentant à la fois un grand soulagement de ne pas avoir été blessé et la crainte d’avoir failli été blessé.

- Pour l’heure tu travailles pour moi, alors vas-y !

- Aye m’dame…

Heureusement que tout cela c’était passé à la réserve, sinon les clients auraient vu le spectacle. Vu le bruit que j’entendais dans la salle, cela m’étonnerait qu’ils aient fait attention aux coups de pistolet. Ce n’était pas inhabituel d’en entendre, de toute façon. Grand-mère pouvait se montrer intimidante. Je pense qu’elle est bien la seule chose dont j’ai peur dans ce monde. Même si je n’étais jamais allé le voir, ce monde vaste qui regorge de surprise. Enfin, il était temps de me remettre au boulot. Je partis chercher mon violon qui était rangé dans un placard et allait dans le salon pour rejoindre les clients. Grand-mère ne mentait pas : il y avait du monde. Comme d’hab, quoi. Mais cela manquait un peu de musique. Les musiciens virent que je venais d’entrer, derrière le comptoir réservé au barman. Me voyant, ils se préparèrent déjà à jouer de leur instrument. Pour ma part, je montais sur le bar, faisant attention de ne pas marcher sur les mains de quelqu’un, ni de renverser des verres.

Puis, avec le sourire, je commençais à jouer avec mon violon une musique entrainante et dynamique, les autres musiciens suivant mes notes. Je laissais mon corps se laisser entrainer par le rythme énergétique… traduction, je dansais sur les notes de ma musique sur la table, en évitant d’écraser quelqu’un et de renverser les boissons et la nourriture. J’étais un professionnel, quand même.

Codage par Libella sur Graphiorum

Allez viens boire un petit coup au Couteau Sanglant !

La majorité des clients appréciait ma musique et ma danse. Je les voyais m’applaudir et me siffler quand ils n’étaient pas occupés à s’enivrer davantage. Encore une fois, le public avait été conquis par ma musique. Je ne me lasserais jamais de cette fierté qui animait mon esprit. Je dois l’avouer, même si je rêvais de quitter cette ville pour la mer, j’adorais mettre de la joie et de la bonne humeur avec mon violon… Enfin, ce violon appartenait au Couteau Sanglant, mais qui se souciait des détails, sérieusement ? Evidemment, après le morceau fini, je tirais ma révérence, remerciant tout le monde de leur applaudissement. Lorsque j’avais la tête penchée vers l’avant, j’aperçu Atalya, une habituée, assise devant le boire, à commander des boissons. C’était vrai que je n’avais pas pris le temps de regarder quel pirate ou autre Marin de Noxis se trouvait au pub ce soir. Alors que je m’apprêtais à rejoindre une de nos fidèles cliente, une autre pirate vint m’interroger.

- Dit moi petit quel est le titre de cette chanson que tu viens de jouer, cela me rappelle quelque chose de très vieux. Et je ne crois pas t’avoir vu souvent. Qui es-tu ? Sur quel navire travailles-tu ? Quel est ton nom ?

Bien que je ne l’eusse jamais rencontré, je savais qui était cette Gorgoroth. Elle était assez connue. Il s’agissait de Samaléone, la Dévoreuse. J’avais entendu beaucoup de Marin de Noxis dire qu’elle était folle, cruelle et immorale. Son équipage était, d’ailleurs, composé de Gorgoroth, tout comme elle. Au moins, les critères pour rejoindre son équipage était précis, simple, facile à retenir mais un peu raciste j’ai envie de dire... Mais, bizarrement, elle ne me paraissait pas si malfaisante que ça. Ok, j’admets qu’elle ressemblait à un statut de glace vivante et flippante avec ses yeux verts, mais pas de quoi en chier des galettes non plus. Peut-être que c’était son sourire qui la faisait paraitre moins dangereuse qu’on le disait.

- Je suis Neal, lui répondis-je avec un sourire enjoué. Je ne fais pas vraiment partie d’un équipage vu que je travaille ici depuis pratiquement toute ma vie. Mais, vu que je suis un Terran et que j’ai l’intention d’y rester, je suis déjà recalé pour faire partie du votre, n’est-ce pas capitaine ? continuais-je toujours avec enthousiasme.

Je me disais que si elle voulait connaitre ce genre de chose sur mon compte, c’était parce que je l’intéressais. Non, pour être franc, j’espérais que c’était pour cette raison. Dommage que son équipage n’acceptât que les Gorgoroth. J’étais tellement en chien d’équipage que j’accepterai n’importe quelle invitation de n’importe quel capitaine de n’importe quel bateau.

- Mais, pour la chanson, je peux vous dire que-

- C'est le bon rhum de Binks si je me souviens bien. C’est ça ?

Je n’avais jamais croisé le client qui avait trouvé le titre de la musique. Il avait une tête de lézard à écaille blanc. Enfin, ce n’était pas le seul Yorka reptilien à trainer ici, mais perso, il ne me disait rien. Par contre, il n’avait pas l’air d’aller bien. Peut-être qu’il n’avait pas aimé ma musique ? Ou alors, il ne tenait pas l’alcool ?

- Hmm à vrai dire, je ne sais pas trop. C'est ma grand mère qui m'a apprit à jouer jouer cette musique. Mais, vous êtes sûr que ça va ? Vous avez abusé de l'alcool vous, non ?

Il était trognon, elle n’avait pas croisé d’enfant en 38 ans de navigation et même si elle avait repris contact avec la mer depuis peu, c’était le premier qu’elle croisait.

Samaléone : « Ah ah effectivement mon garçon, il te manque un prérequis et ce serait celui d’être mort, mais si tu veux je peux t’aider. Il n’y a à rien de plus simple que de tuer quelqu’un. »

Elle se retourna ensuite vers la personne qui avait répondu à la place de Neal.

Samaléone : « Oh un lézard qui parle…et gorgoroth. Est-ce que tu as un équipage beau écailleux ? Je suis toujours à la recherche de nouveau membre pour me rejoindre sur la mer ».

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