Mémoires d'une illettrée androgyne.

La tarentule est immobile.
On se regarde.
Je soupire.

« J'ai 18 ans ma vieille et cesse donc de me regarder ainsi veux-tu ?
J'ai 18 ans et je ne sais toujours pas lire et écrire.
Qu'ai-je fais de mon enfance ? Rien. Qu'ai-je eu comme éducation ? Rien. Qu'ai-je appris ? Rien.
Je ne sais rien parce que je ne suis rien.
Je pensais être quelqu'un d'autre que l'enfant bâtard de la ville.
Je me trompais.
Je suis bel et bien ce que je ne veux pas être.
Mais de quoi je me plains ?
Je pourrais être malade.
Je pourrais être mourant.
Je pourrais être privé d'air.
Je pourrais être prisonnier.
Or...
Je ne suis pas malade.
Je ne suis pas mourant.
Je ne suis pas privé d'air.
Je ne suis pas prisonnier.
Oui.
Mais de quoi de je me plains ?

Je me plains de...
De ne pouvoir déchiffrer les caractères,
Ceux qu'elle a couché sur un parchemin,
Ceux qu'elle m'a destiné avant de...

Je me plains de...
De n'avoir pu lui écrire tout ce qui m'inondait le cœur,
Tous ces mots qui refusaient de franchir le seuil de mes lèvres,
Tous ces mots qui me brulaient les doigts mais que je ne savais écrire,
Tous ces mots impossibles.
Et puis ceux, tout simples,
Ceux qui m'auraient permis de lui "je t'aime".

Tu ne peux pas savoir toi,
Meolia.
Les tarentules ne savent pas écrire.
Mais je suis sure que tu peux comprendre,
A quelques points ça me déchire.
Tu as 8 yeux.
Assez pour voir le monde,
Assez pour voir les hommes,
Assez pour décoder les expressions.

J'espère qu'un jour...
Quelqu'un m'apprendra à lire...
Et à écrire... »

Comme toujours, la tarentule n'esquisse pas un mouvement.
Nouveau soupir.

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