La secte des égoïstes - PV Léna

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 La secte des égoïstes - PV Léna

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MessageSujet: La secte des égoïstes - PV Léna   La secte des égoïstes - PV Léna Icon_minitimeMer 3 Sep - 22:16

Très chère Léna,
Vous devez me trouver cavalier de vous contacter de façon si tardive, et surtout si impromptue, ma nièce, et vous m'en voyez très confus. J'ai pensé à le faire tant de fois, croyez-le, dès que certains de mes amis à Hespéria m'ont appris que vous y teniez une chapellerie ; très charmante, m'a-t-on dit. Mais je suis, et je le regrette, en mauvais rapports avec mon frère, votre père, aussi j'ai longuement hésité à défier sa colère en vous approchant. Mais qu'importe ! Il y a trop longtemps que je souhaite vous connaître, car vous êtes de mon sang, et rien n'est plus cher à mes yeux que ma famille : j'aimerais pouvoir vous rencontrer afin que vous ne nous ne soyons plus deux étrangers.
N'en dites rien à votre père, cependant, il empêcherait notre rendez-vous par tous les moyens ; vous connaissez cet énergumène, il a la rancune effroyablement tenace ! Vous pourrez l'avertir de notre entrevue une fois qu'elle aura eu lieu, il sera bien attrapé, et votre opinion à mon sujet, peut-être, aura le pouvoir de changer la sienne.

En vérité, j'aurais aimé vous rendre visite moi-même, à l'aventure, mais on m'a dit que vous ne vous trouviez que rarement à votre boutique, et de mon côté, hélas, je suis terriblement pris par mes affaires à Canopée, j'y suis jusqu'aux genoux, jusqu'au cou, jusqu'aux yeux, jusque par dessus la tête.
C'est pourquoi je vous invite à venir chez moi, selon votre bon plaisir, quand vous le souhaiterez : les portes de mon manoir vous sont grandes ouvertes ! Votre venue réparerait tout.

Je vous envoie ce que j'ai de meilleur dans mon âme, Léna, en attendant notre rencontre avec espoir.
Votre oncle, Daeron Jézékaël.

***

Cher Dareon,

Votre lettre m'a surprise et ravie - ce n'est qu'en de rares occasions qu'on se découvre un oncle. Je n'ai eu que trop l'occasion de rencontrer les miens les premières années de ma vie et, quoique je sois encore bien jeune, le chose me pèse. La solitude est un délice pour les hommes lorsqu'elle n'est pas sa seule compagne et qu'il y a, pour adoucir son coeur, une famille qui l'entoure et qui l'aime. Non qu'on ne m'aimât pas assez mais, hélas, on m'aime de trop loin ; bref, il me semble que mes sentiments sont clairs : votre invitation m'est précieuse. J'y réponds favorablement.
Quand donc puis-je vous rencontrer ? Et en quel lieu voulez-vous que cela se produise ? Je m'y rendrai sans plus attendre, et je vous informerai de la date de mon arrivée dès que vous me communiquerez ces éléments. Sachez que j'attends avec grande impatience votre réponse. Mon jeune coeur se réjouit de l'intérêt que vous me portez ; savez-vous combien de fois je me suis imaginé un oncle, une tante, un parent quelconque qui serait pour moi comme un refuge ! Pardonnez mon naïf enthousiasme et ne retenez que ma joie.
Bien à vous,
Léna.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: La secte des égoïstes - PV Léna   La secte des égoïstes - PV Léna Icon_minitimeDim 28 Sep - 21:55

Il était près de midi lorsque Léna frappa à la porte de la demeure de Dareon Jézékaël. Elle tremblait légèrement, et se pressait nerveusement les mains; elle avait observé sa mise dans le verre de toutes les fenêtres qu'elle avait pu trouver sur son chemin: magasins, épiceries, tout ce qui, en général, permettait de se regarder à la dérobée. Son apparence lui avait toujours déplu. Elle portait une jolie robe de flanelle bleu pâle qui bouffait autour de sa taille et dont les mancherons étaient en dentelle. Elle était ceinturée par une cordelette teintée d'or qui se terminait par deux glands; à son bras, elle tenait, bien serrée tout contre sa poitrine, une capote grise toute propre. Elle chaussait d'élégants souliers qui émettait un petit bruit sec, mais charmant, en frappant le pavé et qui était nouée à son pied par des rubans de soie blanc. Malgré tout, Léna trouvait sa taille trop fine, et ses bras trop maigres, surtout au poignet. Elle n'aimait pas non plus ses chevilles dont elle trouvait le galbe trop abrupt, et sans féminité. Enfin, elle trouvait du charme à ses yeux, mais haïssait la pâleur de ses joues: Elle se trouvait l'air d'une morte.
Un domestique lui ouvrit. Il était vêtu d'une livre rouge aux armoiries de la maison Jézékaël; il avait le front haut, l’œil terne, le nez rouge et retroussée, et il affectait un air compassé plein de sollicitude qui déplut à Léna. Il la regarda d'un oeil torve, fronça les sourcils, avança la tête, se racla la gorge, et prononça d'une voix mielleusement dédaigneuse, comme s'il déclamait un dithyrambe:

- Vous êtes?

La question surprit la jeune sindarin. N'était-elle pas attendue? Dans sa lettre, pourtant, son oncle avait paru fort hâtif de la connaître;la chose l'avait enthousiasmée et c'est pourquoi elle avait répondu avec tant de joie. Mais, songea-t-elle, peut-être n'avait-il pas reçu sa lettre? Oh! Quelle idiote! N'aurait-elle pu s'assurer qu'elle était bien attendue ce jour là, à l'heure du déjeuner? Elle fut emplie de honte. Toutefois, elle s'efforça d'être polie, et de paraître respectable, malgré le rouge qui lui montait aux joues:

- Je suis Léna, la nièce de monsieur Jézékaël, déclara-t-elle d'un ton neutre. Je croyais être attendue aujourd'hui, mais peut-être me suis-je trompée. Sachez que je suis très confuse si tel est le cas.

Le domestique ne répondit pas tout de suite. D'abord, il la regarda fixement, comme pour l'évaluer. Il se redressa légèrement, eut un tic à la lèvre supérieure qui se retroussa nerveusement et il sembla réfléchir avec intensité. Léna le trouva gauche et fort emprunté: depuis quand affecte-t-on de penser, lorsqu'on ne songe qu'à de telles futilités? Finalement, le domestique ouvrit dune main ferme le lourd battant de la porte qui s'ouvrit sans bruit, et déclara machinalement:

- Entrez donc, Mademoiselle Jézékaël, et n'ayez crainte: vous êtiez bien attendus aujourd'hui.

Et, d'un geste, il l'invita à franchir le seuil. Léna s'empressa de pénétrer dans vestibule, dans lequel on accédait en franchissant quelques marches. Là, le domestique la débarrassa de sa capote et ouvrit cérémonieusement la porte qui menait à ladite demeure. Celle-ci donnait sur une grande pièce traversante au parquet clair. En face de Léna, une grande fenêtre qu'encadrait de grands rideaux d'un rose fort pâle laissait pénétrer un flot de lumière. Des tentures rouges tapissaient les murs ornées de doreries florales et de peintures exotiques. Au centre de la pièce, un petit salon, composé d'une table en acajou et de quatre élégantes chaises aux coussins de tissus mauves agrémentait l'ensemble; un joli naperon recouvrait la petite table. Dans le coin, à gauche de la fenêtre, une console qui sentait la cire donnait à l'ensemble un charme suranné mais exquit qui fit un grand effet à Léna.
Mais le domestique ne s'y arrêta point; il guida Léna jusqu'à une porte qui s'ouvrait au milieu des tentures et la pressa de l'y suivre. Elle menait à un corridor lambrissé qui débouchait sur un escalier étroit de pierres soigneusement équarries; les souliers de Léna émirent un son clair en percutant celles-ci, et celui-ci se propagea dans l'air comme un murmure, car il y avait un léger écho.
L'escalier débouchait sur un petit couloir qui menait lui-même à une antichambre. Celle-ci était garnie d'une console où s'étalaient quelques bibelots et au dessus de laquelle était accrochés une série de tableaux qui donnait un aspect monumental à la pièce; Léna y aperçut un portrait qui lui plut, et un paysage champêtre qui lui sembla de fort bon goût. On y voyait une charrette embourbée dans un ruisseau, que s'efforçait de tirer hors de l'ornière deux paysans à l'allure gauche et farouche.Des rideaux blancs encadraient les grandes fenêtres qui dispensaient une douce lumière. Deux fauteuils et un sofa complétaient l'ensemble. La jeune sindarin trouva la pièce luxueuse et de fort bon goût; elle en fut toute intimidée.
A l’extrémité de la pièce était encastré dans le mur une porte blanche à la poignée d'or. Le domestique s'arrêta devant elle d'un air grave et cérémonieux; Léna devina qu'elle devait mener aux appartements privés de son oncle. Un grand émoi la saisit; elle sentit sa poitrine s'engourdir et s'affoler tout à la fois. Il lui sembla qu'elle ne saurait que dire ou que faire, et qu'elle serait gauche, maladroite, et très impolie. Dans son trouble, elle n'osa pas même demander au domestique la conduite qu'il lui fallait tenir.
Interdite, elle scruta minutieusement la porte blanche. C'était une belle porte, qui semblait avoir été peinte il y a peu. Les gonds même semblaient sans trace, et rutilaient sous l'éclat de la lumière; Léna admira leur lustre, ainsi que celui de la poignée qui décrivait comme une volute. Mais, elle trouva un petit défaut dans la porte, dans cette porte blanche, si blanche qu'elle en était presque aveuglée, et qui lui faisait si peur: un petit accroc, peut-être un coup, à l’extrémité du coin gauche de celle-ci laissait une tâche étrange dans la blancheur si pure de cette porte qu'elle n'osait pas franchir. Le domestique haussa un sourcil et, d'un air compassé, lâcha:

-Entrez, Mademoiselle Jézékaël. Monsieur vous attends.

Léna acquiesça, et avança d'un pas. Elle étendit la main, caressa la froide poignée d'or et l'actionna. Elle entra sans un bruit, le souffle court, comme on pénètre dans un tribunal ou lors d'un office, le coeur battant, l'âme attentive grave.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: La secte des égoïstes - PV Léna   La secte des égoïstes - PV Léna Icon_minitimeLun 6 Oct - 13:48

« Gillean, dis-moi n'aurais-tu pas vu mes lunettes de lecture, je ne distingue pas une ligne de ce que je suis en train d'écrire...
– Je les ai trouvées, Père.
– ...ou bien, je t'en prie, demande à ta mère si elle les a vues, elle a dû les ranger quelque part, acheva Daeron avec agacement, en tournant vaguement la tête de droite à gauche.
– Je les ai trouvées.
– Où donc ?
– Juste sur votre nez, Père.
– Oh... » marmonna-t-il, l'air contrit.

Il reposa lentement sa plume dans son encrier et leva un regard fatigué vers son fils aîné, qui portait une tasse fumante de café à la main et qui l'observait en haussant les sourcils. Tous deux se ressemblaient si fort que face à face, ils se donnaient toujours l'impression de se voir plus âgé ou plus jeune qu'ils ne l'étaient l'un et l'autre. Ils avaient chacun des cheveux blonds, presque châtains, très épais, qui leur tombaient en boucles élégantes sur les épaules, un visage osseux et des yeux noirs très luisants sur une peau pâle.
Gillean, fort bien mis à cette heure de la journée, considéra son père d'un air navré, tandis que Daeron nettoyait consciencieusement ses lunettes dans un petit chiffon de soie, enfoncé dans son fauteuil en cabriolet.

« Vous n'avez pas pris assez de repos cette nuit, j'ai l'impression, releva Gillean, en notant les cernes qui soulignaient les yeux de son père.
– Apparemment non, répartit-il, avec légèreté. Mais le sommeil n'a pas beaucoup de sympathie pour moi, d'autant que je devais avoir préparé le nouveau plan budgétaire avant le début de la semaine, soit... Hé bien, quel jour sommes-nous ?
– Nous sommes dimanche, Père, et le soleil brille. » répliqua Gillean en s'écartant d'un pas alerte pour tirer sèchement les rideaux.

Daeron poussa un petit gémissement étouffé quand la lumière aveuglante du jour tomba sur lui et il reposa nonchalamment sa tête contre le dossier de son fauteuil, les yeux fermés, comme un grand félin qui se prélasse au soleil.

« Grands dieux, merci, j'ai l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des siècles, expira-t-il, dans un souffle profond.
– M-hmm. Tenez, voilà votre café, dit Gillean, en le lui tendant avec un sourire conciliant. Essayez de savourer celui-là, vous savez que vous m'avez donné d'autres tâches plus intéressantes à remplir... Et Mère m'a dit de ne plus vous en apporter d'autre tasse si je vous reprends à y diluer de l'alcool.
– Mais jamais je ne ferais une chose pareille, s'insurgea Daeron, tandis que Gillean ouvrait les grandes fenêtres. ...si tu peux t'en apercevoir. » marmonna-t-il en versant discrètement quelques gouttes d'une flasque dans sa tasse.

Il rangea sa flasque dans son gilet et porta sa tasse à ses lèvres d'un geste élégant. Gillean s'était avancé sur le balcon et s'était accoudé à la balustrade, sous une arcade en bois ouvragé. Il observait le jardin immense et touffu du manoir, adossé à flanc de montagne où bondissaient des cascades cristallines. Le garçon rêvassa quelques instants, en flattant la branche habillée de lierre d'un arbre qui montait jusque là.

« Attendez-vous quelqu'un ? demanda-t-il, finalement, d'une voix claire. Il n'y a rien qui figure aujourd'hui sur votre emploi du temps et vous êtes affreusement dépenaillé.
– Quoi ? s'exclama Daeron, en s'étouffant à moitié dans son café. Est-elle ici ? C'est un plan de dernière minute. Certains de mes amis m'ont fait savoir que la jeune personne dont je t'ai parlé devait arriver aujourd'hui, et peu après, j'ai reçu une de ses lettres, s'exclama-t-il en bondissant de son fauteuil. J'avais presque oublié.
– Vous avez du temps à accorder aux plans de dernière minute ?
– Bien sûr que non, rétorqua-t-il d'un ton tranchant, en chargeant à travers le grand salon pour rejoindre sa chambre. Mais dis à Alfred de la faire traîner un peu dans les couloirs, je dois m'habiller. »

***

Daeron continuait d'écrire d'une main alerte, à son bureau, quand il entendit la porte s'ouvrir, avec ce grincement si caractéristique dont il avait dû vanter le charme familier à ses domestiques pour les empêcher d'huiler les gonds comme il l'aurait fallu – et il fallait bien l'avouer, il détestait qu'on entrât chez lui sans en être averti dans la seconde.
Il ne releva pas la tête quand la personne entra et signa un de ses derniers papiers avec énergie, tout en feignant de ne pas savoir qui se présentait à lui à cette heure de la journée.

« Ha, Gillean, mon garçon, je me demandais ce que... fit-il, en rencontrant finalement Léna du regard. Oh. Excusez-moi, s'arrêta-t-il, soudain, d'un air embarrassé, les lunettes à demi tombées sur son nez, qui lui offraient, malgré son costume impeccable, l'avantage d'un petit défaut. Bonjour, mademoiselle, à qui ai-je l'honneur... ? Attendez. »

Il s'appuya sur les accoudoirs de son fauteuil et s'arrêta quelques secondes, avec une expression entre la surprise suprême et la curiosité polie. Il replia ses lunettes et les posa sur la table en pinçant les lèvres.
Daeron profita de cette position qui lui offrait le luxe d'observer sa visiteuse sans paraître grossier, et du prétexte de l'étonnement dans ses yeux qui cachait la mécanique calculatrice de ses pensées, pour détailler la silhouette, le visage et la tenue de Léna avec minutie. C'était une petite souris, bien proprette, habillée de bleu pâle, de blanc et d'un gris terne, et qui baissait la tête timidement. Discrète, effacée, ingénue. Elle n'avait pas frappé, ni n'avait demandé à être introduite, ce qui laissait penser qu'elle n'était pas habituée le moins du monde à la vie des hautes-gens en société, et son habit modeste et sobre, qui voulait bien paraître et ne pas trop en dire, le confirmait aisément. Il pensa un instant à Léogan et se retint d'esquisser un sourire sarcastique. Si elle n'avait pas été pourvue de cette épaisse toison noire qui la rappelait au patrimoine des Jézékaël, il aurait été difficile de croire qu'elle était sa fille. Quant au reste, le visage blême, les yeux sensibles et profonds, la silhouette fragile et les articulations étroites, elle semblait bien insignifiante, mais Daeron n'ignorait pas que les faiblesses physiques, si elles laissaient beaucoup deviner des défauts du tempérament, pouvaient aussi se compenser par un caractère bien trempé qui servait souvent de carapace épineuse. Il décida de se laisser encore un peu de temps pour en juger.

« Par Fen... Léna, c'est bien vous ? » murmura-t-il, en esquissant peu à peu un sourire radieux.

Il repoussa son fauteuil derrière lui et s'avança d'un pas leste au milieu du salon pour la considérer avec la bienveillance éclatante d'un oncle débonnaire.

« Ça, par exemple ! s'exclama-t-il, en laissant échapper un rire lumineux et léger. J'aurais reconnu ces cheveux noirs entre mille ! Mais entrez, entrez donc ! Grands dieux, où sont mes manières ? Tenez, asseyez-vous. » dit-il en présentant d'un geste avenant un confident capitonné, paré d'une étoffe à la couleur claire et chatoyante, et qui était disposé face au balcon.

Le bureau – reconverti en salon immense – était d'un blanc cassé, balayé des raies lumineuses du soleil qui bondissaient sur des arcades en bois et en pierres, sculptées comme des réseaux de racines en voûtes au dessus de leurs têtes. Les six portes fenêtres que Gillean avait ouvertes montaient très haut vers le plafond et donnaient l'illusion que la salle était ouverte sur le balcon, sur la montagne, sur les bois et les cascades qui se précipitaient dans le jardin dans un bruit apaisant. Les souffles d’air, en traversant la pièce, repoussaient, d’un côté, les rideaux au-dehors et, à l’autre bout, les gonflaient en dedans comme des drapeaux au ton pâle, les envoyaient en torsade vers la complexité architecturale qu’était le plafond, puis répandaient sur le tapis fleur de souffre des ondulations, le couvrant d’une ombre comme fait le vent sur la mer. Les seuls éléments immobiles du salon semblaient être les quelques meubles élégants qui y étaient disposés comme des îlots solitaires dans la vaste étendue de la pièce – le bureau et le fauteuil de Daeron, placés perpendiculairement aux fenêtres, et derrière lesquel s'élevait un mur tapissé de livres dans leurs étagères ; le confident devant une table basse en acajou ; des fauteuils disséminés ça et là ; et au fond de la salle, de grands placards ouvragés.

Daeron se redressa dans la lumière et inclina un peu la tête sur le côté, haussant les sourcils avec un sourire pour encourager la jeune fille à s'asseoir.

Ses cheveux balayaient son visage émacié comme la crinière d'un lion, ses yeux noirs luisaient d'un éclat de vive sympathie. Son sourire sur son visage pâle était très blanc, aussi blanc que sa chemise aux manches larges, qu’il avait agrémentée d’un ascot vert profond à motifs satinés et exotiques, et qu’il avait épinglé avec une broche en argent, émaillée de petites émeraudes qui figurait deux feuilles entrelacées. Son habit était mystérieux. Il portait en outre en gilet aux boutons lustrés, brodé d'arabesques, un frac à revers de soie, tous deux vert bouteille, et des chaussures à boucles et à talons plats, soignées et cirées. Son pantalon droit, à la coupe impeccable, également vert bouteille, rehaussait sa taille très élancée et son port étudié et dessinait en paraphe l'élégance de ses jambes. Il était difficile à croire que quelques instants plus tôt, cet homme avait été au bord de la décadence vestimentaire. Daeron avait appris depuis l'enfance à se parer comme un comédien qui doit changer de costume pour la scène suivante ; et il mettait tant de naturel à son maintien qu'il était difficile d'y voir un artifice déployé en extrême urgence.
Il tira une montre à gousset en bronze de son gilet en répandant un parfum profond de musc et d'ambre et regarda l'heure en haussant un sourcil. Alors, il se tourna vers son majordome avec un air de reproche qui se rapprochait de la peine sincère :

« Mais voyons, Alfred, vous manquez à tous vos devoirs. Cette jeune fille ne méritait-elle pas de m'être annoncée, au même titre que tous mes invités ?
– Que Monsieur me pardonne, Monsieur, je ne sais pas où j'avais la tête.
– Eh bien, tâchez de la retrouver au plus vite, mon ami, cela pourrait me coûter des surprises plus désagréables que celle-ci. » répartit flegmatiquement Daeron, tandis que le domestique s'inclinait poliment.

Puis il se retourna d'un pas dansant vers Léna et inclina une autre fois la tête pour la considérer avec ravissement.

« Vous êtes charmante, conclut-il. Vraiment, ce qu'on m'a dit de vous ne vous rend pas grâce, je retrouve un peu de votre père, et un peu de votre mère sur votre visage, c'est fort plaisant, quoi qu'un peu triste au fond, murmura-t-il, le regard balayé d'une ombre, qu'il chassa pour reprendre avec enjouement. Mais quel tour nous allons lui jouer là, haha ! C'est bien ce qui fait que vous n'êtes pas eux, et que je trouve à notre rencontre autant de piquant ! »

Il leva un doigt malicieusement pour manifester qu'il oubliait quelque chose et se dirigea rapidement vers les placards, au fond de la pièce, sa silhouette verte et élancée se détachant hasardeusement dans les rayons du soleil. Il ouvrit les battants en bois du meuble et laissa sa main blanche errer sur les bouteilles et les verres qui s'y trouvaient, un air embarrassé sur le visage.

« Voulez-vous boire quelque chose ? demanda-t-il, de loin. C'est affligeant, je n'ai que de l'alcool fort. Du vin brûlé, du whisky, du cognac, du rhum... Vous comprenez, je ne reçois ici que de pompeux aristocrates avec qui je parle de propriétés foncières, de taxes et de réinvestissement toute la journée, et il me faut bien une certaine compensation pour ne pas mourir d'ennui sur ce bureau. Ah, mais qu'ai-je là ? Du thé, oui. Du fort bon thé, beaucoup le trouvent trop fort, mais il en est d'autant plus raffiné pour ceux qui savent vraiment l'apprécier. Je peux vous faire porter du lait, de l'eau ou de la limonade, selon votre bon plaisir. A moins que vous ne préfériez l'alcool fort, évidemment, conclut-il, en lui offrant une œillade malicieuse. ALFREEEED ! »

Et aussitôt le majordome se planta au garde à vous sur le pas de la porte.
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