Gareth Ezéchiel

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 Gareth Ezéchiel

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MessageSujet: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitimeDim 1 Mar - 22:35



IDENTITE : Gareth Ezéchiel
AGE : 300 ans, à dix ans près. L’apparence d’un gaillard de 28 ou 30 ans.
SEXE : Masculin
PEUPLE : Sindarin
CASTE : Eclari
METIER : Savant d’une manière générale. Archéologue, historien, ingénieur, précepteur, musicien à ses heures perdues … Gareth n’a pas pignon sur rue, toutefois il est possible de prendre contact avec lui, via le bouche à oreille des grandes cités.
Au grand jamais Médecin, ni même herboriste – dont il n’estime que le travail d’un nombre restreint.


ARME PRINCIPALE : Une épée très simple d’apparence, aux proportions tout à fait classiques.
Elle se compose d’un manche d’ébène recouvert d’un alliage fin et résistant, ainsi qu’une garde amovible en acier ou en céramique. La lame est globalement très fine pour améliorer son tranchant et relativement épaisse à sa base – sans atteindre des proportions absurdes – pour accueillir un petit mécanisme. En actionnant une détente sur le manche, un arbre vient libérer une fine huile dans les rainures a priori esthétiques, ou bien un gaz qui enveloppe la lame. Un silex vient ensuite râper le métal pour germer une étincelle et enflammer l’épée.
Notons, qu’il pourrait bien se contenter de l’enflammer en utilisant sa maitrise du feu …

ARME SECONDAIRE : A sa ceinture, il a toujours une série de capsules explosives, soit elles provoquent de petites explosions qui brisent le verre, fendillent les roches dures, détériorent le bois. D’autres peuvent contenir des poudres en plus, des soporifiques ou des poudres blanches pulvérulentes qui troublent l’air environnant.


A son domicile ou à la Masure, Gareth a des dizaines de calepins griffonnés, raturés, noircis, il en porte toujours un sur lui, ainsi qu’un fusain pour toujours prendre des notes, noter des idées ou des remarques, voir même dérouler la satire d’un individu détestable. Ses carnets concentrent tout ce qu’il y a de plus précieux pour lui.
A son cou, une chaîne fait de maillons d’acier supporte un pendentif à clapet qui protège un portrait, à son dos une gravure éraflée détaille le nom de son porteur. Un second médaillon est une pierre léguée par sa préceptrice, la dernière lui vient d’un certain Gil. Chacune non rien de spécial, celle de sa préceptrice est un catalyseur dont-il n’a pas besoin, mais qui évoque une grande symbolique pour lui.
Une boucle de cape, qui ressemble un peu à un chapelet, mais sans aucun rapport à la religion.
Quelques pinceaux et instruments d’archéologie.

INVENTIONS : Dans son temps en tant qu’apprenti Eclari, il a inventé quelques  objets avec plus ou moins d’utilité. Sa première invention est une montre à gousset, qui mime l’horloge à petit échelle. Il faut la remonter de temps en temps pour qu’elle continue à donner une heure juste. Par la suite, Gareth s’est intéressé aux astres et aux ciels, leur organisation et leur mouvement. Il a donc développé le télescope, un agencement de miroir et autres piécettes permettant d’observer les astres. Sur la base de ses observations il a rédigé des manuscrits sur les astres, quoi en tirer et participé avec d’autres Eclaris à la conception d’une sphère armillaire. Elle mime le mouvement des astres.
La montre se trouve toujours dans sa poche, un télescope fixe – bien que simpliste – se trouve en haut d’un bâtiment de la Masure, et il part parfois à l’aventure avec un petit télescope sur son dos. L’étrangeté de l’appareil, qui consiste pourtant en un long tube sur trépied, lui vaut souvent l’intérêt des badauds et les noms d’oiseaux des ignorants.


DON : Sens développés
SPECIALITES – Caste des Eclaris
─ Mémoires surdéveloppée (hypermnésie)
─ Architecte

POUVOIRS
─ L’art de la transmutation. Cette capacité se résume en la transmutation d’un élément en un autre ou une composition d’autres éléments, moyennant l’implication de l’essence divine du mage. Il existe toute une catégorisation dans l’art de modifier la nature – chimique – de la matière. Passer d’un élément noble à un élément pauvre est d’une facilité déconcertante, l’inverse peu nécessiter du temps, de la concentration et bien plus de forces. Pour minimiser le coût d’une telle transformation, il est préférable de se limiter à de petites pièces, ou bien de faire preuve d’une intense patience ou encore de sacrifier une partie de la matière transmutée en échange.
La transmutation est un art maîtrisé par les alchimistes qui nécessitent une grande connaissance des matériaux et surtout, un art qui prend du temps. Il existe des limitations à cet art, la première étant qu’une transmutation implique un coût souvent porté par l’alchimiste. La simple transformation du plomb en or, pourtant classique – tant elle est fantasmée – n’est pas évidente et peut impliquer la mort du mage si elle n’est pas maîtrisée et raisonnablement limitée. Par ailleurs, il est impossible de transformer un matériau en matière « inconnue », de fait il est impossible de créer du sphène ou tous autres alliages mystérieux par cette voie. Par contre, il est tout à fait possible de dénaturer ces joyaux en matière vile (roche, plomb, …).
─ L’art de modeler la matière. Ce don permet de faire plier la matière à la volonté du mage et donc la création de structures (objets, généralement) plus ou moins complexes et plus ou moins grandes à partir d’un bloc de roche, par exemple. Pour ce faire, le mage doit visualiser ce qu’il souhaite créer dans ses moindres détails y compris dans sa conception. Cette étape passe souvent par le croquis et une longue méditation. Une fois le schéma connu et intégré il est possible de recréer l’objet en consumant la matière environnant la main du mage.
Toutefois, ces structures sont palpables et tangibles, elles n’apparaissent gratuitement, il faut sacrifier la matière qui les composent à la manière d’un forgeron. Pour imager, la création d’un mur utilisera la roche environnante pour lui permettre de perdurer.
─ La maîtrise du feu.


PRENOM : Etim
RACE : Hibou
SEXE : Masculin
POUVOIR : Empathie à son maitre
DESCRIPTION : Etim est un jeune hibou au plumage sombre, aiguisé et irisé d’argent, ses yeux sont d’ors. Il a le pouvoir de ressentir le danger, les intentions nuisibles ou la joie et d’en prévenir Gareth par de petites gestuelles tout à fait significatives.


PRENOM : Horoi
SEXE : Masculin
DESCRIPTION : Horoi est une monture vaillante, saillante et rompue au long voyage chargé. Son pelage est noir profond et sa crinière tire sur le gris foncé.


Gareth est un jeune Sindarin d’à peu près trois cents ans, la fleur de l’âge pour une espèce à la longévité démesurée. Il a le physique d’un homme d’une trentaine d’années. Plutôt grand, dans la moyenne haute, son allure est élancée par sa posture haute et droite, trapue et solide par une musculature saillante. Ses mouvements relèvent toujours d’une volonté propre et clairement définie, toutefois son épaule gauche souffre encore d’une violente altercation qui conduisit à une blessure profonde. Elle lui a laissé une cicatrice de part et d’autre de son omoplate qui s’étant sur une partie de son bras. En cas de grand froid, il lui arrive encore de ressentir la brûlure qui l’avait transpercé et de voir ses mouvements grippés par quelques rhumatismes. Tout près de ses marques qui ne rappellent qu’une barbarie passée, une tâche de naissance en forme de bec prend naissance non loin de ses reins et est parcourue d’une spirale qui ne laisse aucun doute sur son identité.

Son visage à la finesse de son peuple, ses traits sont bien définis, son nez légèrement courbé participe à la sensation de hauteur globale. Son regard est un mélange pourpré, perçant et éduqué par l’expérience des voyages et des comportements. S’il parait fatigué par instant, il n’en est rien, ses prunelles fixes toujours sans jamais clignées, jusqu’à ce que les intentions de son insistance lui soient révélées. Son regard pétille d’une curiosité constante et qui ne trouve jamais la satiété. Entre ses sourcils naissent de fines ridules, héritage de longues heures passée à lire à la lueur des bougies et de froncements de réflexion, d’incrédulité ou encore de profond désespoir. Parfois, une fine barbe vient accentuer l’ostracisme de son comportement ou ses longues divagations. Sa chevelure blonde tire sur le blanc, elle est généralement ordonnée comme les jours le veulent ou en fonction de l’autorité de ses mains. Celles-ci sont fines et souple, ses doigts sont longs et précis. Sa mère les qualifiait de mains de musicien, aujourd’hui bien qu’elles conservent leur agilité, elles sont plus rêches et éprouvées par le temps qui passe.

Du point de vue vestimentaire, il n’y a pas vraiment de règles, il porte généralement des chemises et des pantalons d’un classicisme ennuyeux. Un veston vient régulièrement couvrir ses épaules et une cape l’accompagne pendant ses déplacements.


La vie n’est qu’une suite d’événements fédérateurs et d’expériences. Chaque instant forge les traits d’un caractère généralement lié aux interactions sociales ou au contraire à l’absence d’interactions. La mémoire est le réceptacle de ce que l’on est et sera dans l’avenir, celle-ci est modelée par l’expérience d’une vie plus ou moins chargée de péripétie, plus ou moins calme, plus ou moins noble, modeste ou paysanne. Avec l’expérience se sculpte le caractère et la morale.

Dans sa jeunesse, Gareth était un jeune Sindarin très impétueux, avec un manque total de considération pour la plus part de ses ainés, sédentaire et plein de rêves, de voyages, de Monde. Le continent lui semblait bien grand et son pays si petit, si enclavé et limité qu’il n’arrivait plus à envisager ses journée autrement qu’à l’extérieur. Déjà jeune, Gareh avait une prédisposition pour l’apprentissage des choses, il percutait vite et retenait les choses vite et bien. Bien souvent le nez dans les livres, parfois dans les forêts de Canopée, il ne s’adonnait que rarement aux réceptions mondaines auxquelles de ses parents. Ces derniers l’y trainaient régulièrement pour profiter de sa grande mémoire, ils ne comprenaient pas vraiment d’où lui venaient cette capacité. Il ne s’agissait pas de magie mais plutôt d’une pathologie … Gareth souffre d’hypermnésie, incapable d’oublier même s’il le souhaite très sincèrement. Et c’est là l’ironie et le drame de sa vie, tout synesthèse qu’il est, Gareth est un amnésique récidiviste, il ne se souvient plus de son premier siècle de vie. Et si son caractère est probablement en grande partie le résultat de ces années, il les récuse. Il a un accès tout à fait incontrôlé à toutes ces compétences qu’il a acquit durant sa jeunesse, mais elles restent un profond mystère.

Dans sa jeunesse et même par la suite, il n’a pas eut une vie malheureuse, bien au contraire. Malgré ces trous dans sa mémoire et quelques malheureuses aventures, il est à la fois enjoué, taquin, incisif, cassant, cinglant et curieux de tout. C’est probablement ce qui l’a poussé à intégrer les Eclaris, peut-être aussi ce qui a convaincu ses paires de l’y initier. Particulièrement bordélique, son environnement est un amoncellement de livres, d’objets et de fatras. Toutefois, il ne vous y recevra jamais, il vous accueillera dans une pièce plus nette, mais le masque ne pourra perdurer que jusqu’à ce que vous remarquiez une feuille par terre, une couverture à terre ou nonchalamment déposée sur une chaise. Sa capacité à garder une salle rangée est probablement le reflet de son esprit, labyrinthique et désordonné pour un néophyte. Trop complexe et personnellement organisé pour être compris.

Il est têtu et profondément observateur du Monde et du monde. Les mystères attirent systématiquement son attention et sa capacité à faire abstraction de toute chose est alors très agaçante. Si une question se pose à lui, qu’il porte la main à son menton, ou qu’il croise les bras, ou encore qu’il tapote frénétiquement du pied au sol, il ne sert plus à rien de chercher à se faire entendre il ne vous considérera plus, à moins que vous apportiez un éclairage à son édifice. De la même façon, si vous provoquez en lui l’indifférence, dans le meilleur des cas il ne vous considérera plus, un véritable déni d’existence. Ou bien, il s’acharnera à vous faire comprendre à quel point vous êtes dans le faux, ou rien, au choix. D’un point de vue purement religieux, Gareth ne croit pas, il ne renie pas l’existence de dieux, ou d’un Dieu, ou d’un esprit supérieur, mais il n’adhérera à sa paroisse que s’il prouve très clairement et irréfutablement son existence et son influence sur les mortels. En bon érudit, il sait bien des choses et garde à l’esprit qu’il ne sait qu’une fraction minime de tout ce qu’il reste à découvrir. Ainsi, il persévère à combler ses lacunes et celles des Hommes, qu’elles soient intellectuelles, Gareth est un enseignant attentionné et persévérant … ou bien culturelle, sa préceptrice lui a enseigné le goût des belles choses, le goût de l’art et de la musique, qu’il pratique et aime transmettre.

Enfin, c’est observateur du monde, mais aussi un observateur des Hommes. Son regard fixe le monde et son évolution, les Hommes, leurs réussites mais aussi leurs erreurs. S’il vous fixe, c’est qu’il cherche à vous percer à jour, à comprendre les intentions qui vous animent. Cette situation à la fois frustrante et pesante provoque parfois le malaise et l’indignation. La curiosité est probablement le pire de tous ses défauts.

« Le remède à l'ennui, c'est la curiosité. La curiosité elle, est sans remède. »
« Je voudrais mourir par curiosité. »


Dernière édition par Gareth Ezéchiel le Jeu 5 Mar - 0:20, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitimeMar 3 Mar - 0:38

Ce jour, le port offrait une vue claire et ensoleillée sur la mer, un ciel dépourvu du moindre nuage. La brise portait les embruns marins chargés diode, un air salin qui brûle la peau sous un soleil de plomb. Tout un équipage s’agitait comme un seul homme, portant des caisses, des étoffes, des épices et toutes autres marchandises pour autant d’escales autour du vaste continent. L’Alizée se dressait devant eux, un navire gigantesque munit d’au moins trois mâts principaux pourvut de plusieurs voilures imprimées d’un blason, signe de l’autorité de son Capitaine et de son Créancier. Sur le pont, derrière les deux hommes sindarins, Gareth observait la danse des marins d’un œil avisé. Leur coordination avait quelque chose de fascinant, à Canopée tout le monde se bouscule et s’agite, pressé et sans intérêt pour l’autre, sauf si sa considération apporte dans le jeu politique. Le Capitaine lui ébouriffa la chevelure, comme s’il n’était qu’un enfant, en considérant leur différence d’âge, son comportement se justifiait pleinement – le sindarin approchait au minimum les cinq cents ans. Il fit signe à son second, ce dernier s’empara de sa main et le conduit sur le navire au pas de course. Gareth ne sortait que rarement de Canopée, une enclave dorée où tout lui était appris au travers de lectures ou de longues explications d’un de ses proches ou encore de son précepteur. Il se faisait l’exigence de rien oublier, de la plus futile à la plus importante des données, un trait de caractère fortement apprécié par le second des deux hommes, son père. Cartographe, théoricien, tacticien, ses qualités multiples sont appréciées dans le « jeu politique », comme il s’amuse à l’appeler.

Sur la proue, son premier enfant l’observait avec ses yeux de Sindarin dans la fleur l’âge. Pas encore adulte, plus du tout gamin. Il ne portait plus aucune attention au marin qui lui expliquait le fonctionnement d’un navire aussi important que l’Alizée. Du haut de sa jeunesse avortée, pourtant pleinement consommée, Gareth comprit qu’il préférait la liberté, même s’il fallait s’accommoder du sel qui fouette le visage. Sa première discussion avec un homme d’Etat comme les suivantes, lui avait toujours laissait un goût amer. L’âpreté d’une profonde déception, celle que l’on ressent lorsqu’un discours transpire les faux semblants. Une illusion à laquelle il s’était longuement plié avant que son père ne cède à ce qu’il l’accompagne le temps d’une aventure, même édulcorée.

« Le chargement est terminé. Faites vos adieux à vos femmes, qu’elle n’espère plus vous revoir ! Lever l’ancre, nous partons pour contempler notre amante ! » Ces quelques mots suffirent à faire disparaître son guide-marin dans un nouveau ballais. En moins d’une dizaine de minutes, quelques baisers furent échangés et le vent portait l’Alizée vers le large.

La journée chaude et ensoleillée au large du continent et de son rivage escarpé ne laissait suggérer les événements dramatiques qui suivirent. Rythmé par la houle et la verve châtiée du Capitaine, les passagers et leurs hôtes se laissaient voguer vers le nord avides de découvertes, de récifs inconnus, ou plus simplement d’histoires, de paysages … et sans s’en cacher, de profiter d’une profession bien agréable et des voyages associés.

« Tenez le cap ! Et écopez-moi tout ce souk, bande de mollusques ! »

Le Capitaine, un brave Sindarin avait l’expérience des mers, des mers et des femmes, un peu rustre pour son peuple trop prude à son goût. Il considérait la mer comme la seule maîtresse qui ne l’ait jamais trompé. Enfin, jusqu’à ce jour. Avec le crépuscule, le ciel s’assombrit, ne laissant aucune étoile percer un épais manteau brumeux. L’équipage observait le spectacle d’un ciel obscur, fracassé, séparé en deux par des éclairs d’une rare violence et suivi d’un tonnerre assourdissant qui couvrait même les hurlements de leur Capitaine.  A mi-chemin entre anxiété et émerveillement, tous les membres de l’équipage et les passagers furent les témoins et victimes d’un naufrage inévitable. La coque émit un profond grincement en se frottant de trop près à des récifs non répertoriés – ironie du sort –, avant de craquer sous la pression des vagues et de l’eau s’y engouffrant. En silence, tremblotant, le regard livide et éprouvé, les survivants se laissèrent dériver de longues heures sur un canot balloté par la houle puis la marrée, avant d’atteindre un rivage. Au fil du temps, ils oublièrent l’épreuve mais toujours guidé dans leurs actes par une force invisible, probablement la crainte de mourir sans avoir vécu. Quant aux plus anciens d’entres-eux, ils leur arrivent encore de se retourner vers le large et de jurer son infamie, toujours en silence.


Le naufrage à l’Ouest du Continent fit probablement moins de bruit qu’un marchant aphone. Les quelques voyageurs, bien heureux de récupérer des marchandises échouées ne signalèrent pas immédiatement les caisses mystérieusement apparues sur les rivages. Plus au nord, un groupe de barils dérivèrent au large, avant de rejoindre la cote. Un seul de ces barils survécut aux rochers et aux courants à l’embouchure du fleuve, l’inertie de son poids l’avait probablement sauvé d’une fin bien malheureuse. Il poursuivit son chemin, empruntant fleuves et rivières, quelques fines cascades et des réseaux d’affluents creusés au fil des âges dans les chaines de montagnes, non loin de Tyrhénium. Une dernière cascade, un peu plus violente que les précédentes et le tonneau vint s’échouer sur les bords d’un lac emprisonné entre plusieurs pics montagneux … Le baril aventurier venait d’entrer sur le domaine de Nyx.

Nyx est une minuscule région enclavée par une chaîne montagneuse et un lac prenant sa source dans des rivières souterraines, le seul accès facile à cette petite communauté. La cité est menée par Lionel de Nyx, le régent lui-même soumis à une autorité supérieure. Nyx vit replié sur elle-même, les habitants se nourrissent en fonction des saisons et de la pêche, les échanges commerciaux se limitent à l’exploitation d’une mine riche en minerais diverses. Lionel tient une grande partie de son savoir et de son appréciation du monde d’une femme. Léanne appartient au peuple des Sindarins, anciennement Eclari, elle a quitté les pleines d’Argyrei et son statut lorsqu’elle choisit d’accueillir un Sylphide. Les raisons de ce partage sont encore flous, mais les deux esprits partagent un corps en parfaite équité l’un profitant des expériences de l’autre. Lionel l’accueillit comme une gardienne des savoirs auxquelles il n’aurait probablement jamais accès, et qu’il ne saisirait pas de toute façon. Elle se chargerait de l’instruction de son fils pour qu’il lui succède en tant qu’homme compétant. En échange de sa fidélité, Lionel ne savait lui refuser quoi que soit. Ce jour, Léanne se promenait au bord du lac, elle vint à s’assoir pour tremper ses petons endoloris dans l’eau fraîche, perdue dans ses songes et ses réflexions un tonneau lui effleura le pied. Tout d’abord surprise, prise d’un sursaut elle bondit, puis elle entreprit une fouille de l’objet. Qu’elle fut sa surprise lorsqu’elle y découvrit un individu inconscient. Elle fit signe à deux hommes qui vinrent l’aider à le transporter dans sa demeure. Allongé sur un lit couvert d’une soie douce, Gareth, inconscient, s’emmitoufla dans la douceur de ces draps ce qui rendit la tâche de Léanne plus complexe. Elle défit les boutons de sa chemise, jusqu’à tomber sur les médaillons qu’arborait le cou du jeune homme. La facture des objets ne laissaient aucun doute sur sa provenance, mais cette découverte titillait d’autant plus sa curiosité qu’elle ne saisissait pas comment il survit à un quasi-tour du continent dans un baril de vin malodorant. A son réveil, elle se tenait à son chevet, ce qui surprit Gareth. A son tour il faillit bondir du lit s’il n’était pas si doux et que son corps le lui permettait. Puis, rapidement, un plateau de fruits a attiré son attention, il était prêt à lui répondre en toute sincérité pourvu qu’elle le laisse boulotter au même temps … quelques raisins, une pomme, même un bout de pain.

« Comment vous appelez-vous ?
– Hummm … » Mais il ne l’écoutait plus, les joues bombaient comme celles d’un hamster, il se reprit. « J’imagine que vous vous demandez comment je m’appelle ?
– Pour tout dire, oui ?
– Pour tout vous dire je n’en sais pas plus que vous à ce sujet !
– A quel sujet, le tonneau ou votre nom ?
– Le tonneau … Et mon nom, mais si j’en crois cette babiole autour de mon cou, c’est Gareth. Ou quelque chose du genre, certaines lettres on souffert pendant mon voyage. Si toutefois j’ai voyagé, tout ceci n’est peut-être qu’une mauvaise farce, j’ai encore mal au crâne, vous seriez bien aimable de ne pas jouer avec un malade. Pis, comment que vous vous appelez, juste pour échanger les politesses ?
– Léanne. Pour un malade, l’appétit ne vous manque pas.
– Vous j-en voulez j-un bout ? »

Elle accueillit sa dernière remarque et son expression grossièrement ridicule par un rire interminable. Mais il ne riait pas. Toute l’ironie de la situation s’évapora lorsqu’elle s’en rendit compte, il venait de prendre conscience des faits et des problèmes qui s’y associaient. Le déni laissait place à une réalité bien moins réjouissante, il ne fait pas bon de ne plus se souvenir de qui l’on est et de ne pouvoir se défendre face à des inconnus. Pourtant, il se sentait bien, hormis une légère douleur au crâne et ce bandage qui lui irritait le front. Elle s’apprêtait à le changer, mais il lui prit la main pour la repousser, se lever et lui demander de partir. Léanne lui accorda près d’une semaine de répit, seuls quelques individus venaient lui porter de quoi manger, se changer mais jamais un seul ne lui posa la moindre question sur sa présence ou même ses actes. Le lendemain du septième jour, c’est Léanne qui ouvrit la porte, elle portait une tunique blanche ceinturée d’une sorte de lanière dorée. Sans s’étonner de tout ce luxe, il s’exécuta lorsqu’elle lui fit signe de reboutonner sa chemise correctement et d’arrêter de gesticuler avec une arme à la main, il prit appui sur celle-ci la tête légèrement penchée pour montrer l’incompréhension qui commençait à l’envahir. Il comprit, lorsqu’une main plus charnue entrouvrit un peu plus la porte pour laisser apparaître un homme d’un certain âge, il portait une cape rouge pourvue de fourrure au niveau de son cou, ses habits, son air sérieux presque stricte, son allure jusqu’à ses apparats transpiraient la noblesse. Pour autant, le jeune homme n’entreprit pas la moindre courbette. Aucune arrogance ici, simplement il ne courbait pas l’échine face à un inconnu d’autant plus après une semaine entière dans la plus grande des ignorances.

« Léanne, vous ne m’aviez pas dit qu’il mettrait tout sans dessus dessous. Pourquoi tous ces livres jonchent le sol, que signifient tous ces gribouillis, ces feuilles un peu partout et mes murs, mes murs, regardez l’état de mes murs. Lâchez cette épée, que faites-vous avec une épée ! La salle des armes n’est pas ouverte aux étrangers !
– Je sais visiblement m’en servir, votre tenture à un peu souffert au début, mais c’est la convalescence … Pas ma faute.  Une fois que j’ai fini de me morfondre sur mon existence, je me suis longuement ennuyé, donc j’ai lu tout ce qui me passait sous la main et vos ouvrages sont sympathiques. Vos études aussi, quoi que certains calculs d’extraction soient vulgairement faux. Tout comme l’estimation du minerais qu’il vous reste. Mais, c’est compréhensible.
– Gareth …
– … Tais-toi ?
– Laissez-le donc parler, il va me falloir quelques arguments supplémentaires si vous vous voulez me faire croire à vos balivernes.
– Je ne sais pas moi-même comment je le sais, mais je le sais. Léanne ne vous a pas expliquer, si je n’avais pas ces babioles autour du cou, dit-il en désignant une chaîne autour de son cou, je ne saurais même pas mon prénom. Et encore je me trompe peut-être, d’ailleurs mon nom est toujours un mystère. Par contre, je vous engage à faire bûcher des gens sur tout ça, déjà pour vérifier que je ne suis pas un idiot qui s’ignore et surtout, ça vous donnera confiance. Je comprends qu’un régent ne se fie pas au premier gringalet venu.
– Léanne … Comment ? Vous lui avez ?
– Je ne suis pas venu ici depuis plusieurs jours, mais … Ca me … balbutia-t-elle.
– Vous avez l’âge d’un homme mur, votre ton trahis votre confiance, tout comme vos bijoux surtout cette chevalière à votre doigt. On ne vous a pas laissé entrer en premier, mais vous avez poussé la porte franchement, ce qui montre que vous n’êtes pas invité. Et surtout, s’il s’agit de vos murs, c’est votre propriété. Si vous avez la propriété de ce grand bâtiment dans cette petite région visible depuis cette fenêtre. » Le temps d’une pause, il ouvrit la fenêtre, avant de s’approcher tout près de l’homme et de lui tendre une main assurée. « C’est que vous êtes l’homme qui dirige, ici. Je m’appelle Gareth, enfin je crois, je suis amnésique.
– … plait, conclut Léanne. Lionel de Nyx, voilà l’individu au tonneau dont je vous parlais. Si toutefois vous l’acceptez, j’aimerais lui fournir l’hospitalité et l’aider à retrouver la mémoire. »

Sans laisser transparaître la moindre incompréhension, Lionel sortit de la pièce dans un grand coup de cape. Il avait le charisme des dirigeants, ceux qui s’affirment par leur simple présence. A vrai dire, l’appoint de Gareth l’intriguait autant qu’il l’agaçait, son répondant il le recevait presque comme une insolente arrogance. Une arrogance qu’il ne supportait pas habituellement, et qu’il réprimandait à son échelle par une rhétorique brulante. Pourtant ce jour, il ne dit rien, il se tenait face à Léanne, qu’il avait lui-même intégré à son groupe de proches et elle le lui avait bien rendu. Sa diplomatie, son passif d’Eclari et toutes ses connaissances lui avait permis d’évoluer dans le bon sens. De toute façon, il ne savait pas lui refuser quoi que ce soit. Ses prunelles avaient raison de sa dureté et avec le temps, il accorda une confiance certaine au jeune Sindarin qui devait initialement servir de compétiteur à son propre fils. Le pousser à se dépasser et devenir meilleur, comme il avait lui-même procédé dans sa jeunesse.

Les dizaines d’années qui suivirent, Gareth développa ses compétences au côté de Léanne. Il suivait aussi les leçons qu’elle donnait à Léon, le fils de Lionel, dans le plus grand des silences. S’il vouait une grande admiration à sa préceptrice, au contraire il trouvait Léon détestable, suffisant, plein d’une arrogance incroyable. D’ailleurs, Léon ne le portait pas non plus dans son cœur. Léon ne voulait pas apprendre à découvrir son don et le contrôler, sous prétexte que son intelligence et sa verve lui suffirait à se défendre sur la scène politique. Chaque nuit, Léanne et Gareth se retrouvaient dans une mine désinfectée pour qu’il poursuive son apprentissage. Le don de Léanne était tout particulier, elle avait le pouvoir de plonger son sujet dans un état second qui devait le rendre plus réceptif et lui permettre de s’ouvrir plus facilement. Il apprit beaucoup dans ces conditions. L’ancienne Eclari avait un objectif bien particulier, elle voulait lui transmettre son savoir. Et elle ne voyait pas comment un jeune esprit pourrait assimiler sans qu’elle ancre tous ces principes, mais tout ce processus n’a fonctionné que parce qu’il ne se débattait pas. A l’initial, cette technique devait le pousser à renouer avec son passé. Des une dizaine d’années d’échecs  la conduisirent à utiliser cette technique pour lui en apprendre plus sur le monde, sur l’Histoire, sur les sciences qu’elles soient occultes ou exactes, sur la linguistique, sur l’Homme et sur tous nos échecs. Quelques temps après cet échec, un homme aux allures de chevalier est arrivé dans le quotidien du duo. Gilbert, le dénommé Gil, un autre Sindarin, politicien, tacticien, aventurier dans l’âme, il vint à la demande de Lionel pour des raisons encore obscures. Il n’en a jamais parlé, mais il s’est rapidement attaché à l’un et à l’autre, il comprit qu’ils étaient certes respectés mais profondément isolés dans un « Univers » de mortels enfermés dans leur quotidien. Gil leur contait ses aventures et ses déboires politique à Canopée, pendant de longues heures il racontait Canopée à Gareth … Il lui a souvent proposé de l’y accompagner, mais le jeune a toujours refusé malgré ses insistances. Il lui apprit à perfectionner sa défense, à manier les armes, il lui apprit la vaillance pour qu’il n’est jamais à faillir par manque de courage. Mais il lui inculqua aussi l’humilité dont il manquait farouchement, en lui prescrivant de grandes dérouillées dont-il a encore le secret.

« Je ne sais peut-être pas forger et je ne connait pas la mécanique, mais ça ne m’empêche pas de te mettre les quatre fers à l’air. Il y aura toujours quelqu’un de plus fort.
– Je mourrais probablement avant de comprendre tes images, à force de me faire tomber sur la tête, tu sais, je finirais par oublier tout ce que tu me dis … Je suis un récidiviste. »

D’échange en échange, ils lièrent une relation assez paternaliste. Gilbert lui proposa même de lui présenter sa famille et plus précisément l’une de ses filles, comme à chaque proposition faisant tinter le spectre de Canopée, Gareth refusait avec tout l’appoint à sa disposition, parfois des excuses ridicules. Ce refus avait le don d’agacer le Sindarin, aussi il lui fit une autre proposition, il s’agissait de l’accompagner dans ses déplacements en dehors de Canopée. Ce n’est qu’à la mort de Lionel, quarante ans après son arrivée, à l’âge de quatre-vingt six ans, et l’accès au trône du fils prodige que Gareth fit ses adieux à Léanne. Il lui proposa de partir avec lui, mais ce fut au tour de la préceptrice refuser. Sa vie elle l’avait longtemps vue au bord d’un lac agréable, elle n’avait plus l’âge de voyager à travers le monde.

« Je le connais le monde et il y a des endroits où on ne veut plus me voir. Puis, je ne peux pas laisser tout le travail de Lionel à la dérive.
– Mais ! On s’en fiche de tout ça, non. Non ? … Je reviendrais de temps en temps alors.
– Pour qu’il cherche à profiter de toi ? Encore ?
– Je pense que sa chaire se souvient encore de notre dernière dispute, dit-il avec un sourire vainqueur.
– Oui. »

Puis, il partit. Pendant ces années, il voyagea à travers le continent, mais toujours pour des objectifs bien définis, définis par Gilbert qui l’accompagnait et le considérait plus comme un disciple que comme un compagnon de route. Pourtant, Gareth n’a jamais souhaité être considéré en tant que tel. Leurs aventures étaient rythmées de découvertes et de règles assourdissantes. Les ennuis leur tombaient régulièrement dessus, si bien que Gareth apprit la mesure et même le silence.


Le groupe devait se rejoindre un peu avant le crépuscule, sur la cote ouest du continent dans une taverne à l’entrée d’un village marchand. Le crépuscule venue, personne, Gareth prit place à une table pour commander de quoi patienter, de quoi boire et grignoter en attendant l’arrivée tardive de Gilbert. Il avait toujours une bonne excuse, des affaires pressantes, la diplomatie, les affaires de famille, la naissance d’un nouvel enfant, mais combien d’enfants pouvait-il bien avoir … Une bonne question, Gareth estimait ce nombre à six ou peut-être sept, Gil a toujours était très distant lorsqu’il s’agit dans savoir plus sur ses enfants les plus âgés. Ce n’est qu’un peu plus de deux heures après son arrivée qu’il fit une entrée tonitruante. Il finit le verre de Gareth ainsi que son dernier morceau de pain, puis il l’entraina par le col à l’extérieur sans qu’il puisse exiger une explication ou au moins grogner son mécontentement. Devant la porte, une adolescente les attendait, elle serrait son baluchon entre ses mains, la peur au ventre qu’un loubard vienne la soulager de sa besace. Elle était vêtue d’une tunique rouge foncée, probablement en soie, soigneusement tissée et brodée de fils blanc argenté. Son cou et son décolleté révélait un collier d’or et d’acier fileté sur lequel pendait une croix très symétrique. Un châle fin et transparent suggérait son dos dénudé. Pour autant, il n’y avait rien de vulgaire dans son allure, presque de l’innocence juvénile. Gareth époussetait son col déformé par la violence du chevalier, quand il fit les présentations. C’est mortifié qu’il comprit à qui il avait à faire. Cette fois, c’est lui qui saisit son camarade par la chemise pour le conduire à l’écart. La jeune fille observait la scène avec un certain amusement, Gareth gesticulait dans tous les sens en bâtant l’air dans de grands gestes. Elle se demandait pourquoi toute cette colère, son allure lui déplaisait ou bien il était peut-être furieux de voir son dîner interrompu. Rien de tout cela.

« Tu te fous de moi, tu comptes vraiment m’embarquer dans un voyage avec la gamine du gars qui m’a forcé à quitter mon confort, mes amis ?
– Elle a fait le voyage jusque Canopée pour venir te chercher. Sauf que, tête de mule que tu es, tu refuses toujours d’y mettre les pieds. Et si je t’avais tout expliqué tu serais venu ?
– Certainement pas, je te rappelle que cet enfoiré m’a mis le couteau sous la gorge pour de l’or et du sphène … Comme si j’étais foutu de synthétiser du sphène. Ce gars est un crétin.
– Elle ne m’a pas parlé de son père une seule fois, elle est là, uniquement pour toi.
– Quoi elle a le béguin ? Je suis trop vieux pour m’enticher d’une jeunette Gil, conclut-il non sans insister sur le caractère juvénile de leur protégée.
– De toute façon, il faut la reconduire à Nyx, avant que son paternel ne lance une armée à sa recherche.
– Pis, comment elle est allée jusqu’à Canopée, la cité est bloquée dans une chaine de montagne, je dois te rappeler comment j’y suis arrivé ? C’est une gamine, elle ferait demi-tour en pleurnichant à la moindre égratignure, surtout si elle a le caractère de son père.
– En parlant du nouveau régent … Il a fait construire une route, elle est escarpée, mais visiblement praticable. Je ne te laisse pas le choix de toute façon. »

Il s’en retourna sur le chemin en bougonnant pendant près d’un long kilomètre sans accepter, sans refuser, juste en marmonnant dans sa barbe. Puis, jusqu’à ce que la nuit les empêche de progresser, il fit preuve du plus grand désintéressement pour leur protégée comme son ami. C’est dans une vallée qu’ils décidèrent de s’arrêter pour la nuit. Là encore, même lorsqu’il allumait un feu en approchant sa main d’un tas de bois et qu’elle l’observait avec une attention insoutenable, il ne lui adressait pas la parole. A vrai dire, il se perdait dans des divagations, partagé entre le plaisir de revoir Léanne et lui raconter ses aventures dans le monde extérieur mais aussi, la crainte de revoir son « demi-frère » et ce qu’il pourrait lui faire s’il laissait ses plus bas instincts le dominer. Volontairement, Gilbert ne revenait pas, il voulait provoquer le dialogue entre les deux butors qui l’accompagnaient. Le silence de la jeune Terrane l’exaspérait, son regard oppressant aussi. Elle avait quelque chose à lui dire mais, elle gardait le silence, elle n’osait pas ou bien elle voulait qu’il fasse le premier pas.

« Ce silence finira par me faire perdre mon sang froid, comment vous appelez-vous et pourquoi vous me cherchez ?
– Amélia. » Il s’en suivit un long silence. « Je peux payer pour le voyage. » Dit-elle en cherchant sa monnaie dans l’une de ses poches provoquant des soupirs d’exaspération chez son interlocuteur. Elle sortit quelques pierres iridescentes de sa manche pour les lui tendre. D’un geste, presque violent, il fit valser les pierres au feu. Elle se recroquevilla sur elle-même froissée par cette réaction qu’elle n’avait pas prévue.
« Où avez-vous trouvé ces pierres ? Votre grand-père, un homme juste, c’est toujours refusé à les extraire, le sphène coûte mais chez vous il ne s’extraie pas sans danger !
– Dans … dans un coffre, je ne savais pas.
– Pourquoi vous voulez me reconduire là-bas, il veut encore de nouveaux minerais ? Il sait pourtant que je refuse de l’aider ! Votre père est un homme cupide !
– Léanne …
– Quoi, elle s’est enfin décidée à déserter ? Enfin ! Cria-t-il en se levant, dans de grands gestes.
– Elle m’a demandé de te retrouver.
– Pourquoi, elle ne connait pas le chemin vers Canopée, elle y a déjà une chambre visiblement ! C’est fou je ne …
– Elle est morte, Gareth. »

Le reste du voyage, il ne dit plus rien, elle n’osait pas non plus lui en dire plus si ce n’est qu’elle était envoyée par la préceptrice, qu’il y avait un certain nombre d’objets et de documents qu’il devait récupérer. Pour une fois, le vieux Sindarin trouvait le moment inopportun pour toute forme de divagations dont il avait le secret. Il se renfrognait dans ses cartes et ses livres ou bien il tenait compagnie à leur jeune protégée. Il envoyait volontairement Gareth chercher du bois ou bien remplir des gourdes d’eau, le temps d’expliquait à la demoiselle la marche à suivre lorsqu’ils arriveraient à destination. Qu’ils ne resteraient que le temps de récupérer ce qu’il y avait à récupérer, puis qu’ils repartiraient.

Deux jours plus tard, sur le sentier qui menait à la ville, Amélia croisa un autre adolescent du même âge qui entreprit de vérifier qu’elle n’avait rien et de la sermonner sévèrement pour son départ. Puis, il la rassura en lui assurant qu’il l’avait couverte en inventant les plus gros bobards de son existence. Amélia fit les présentations, il s’agissait de son frère d’un an son aîné il avait l’air plus érudit que son père. Il l’observa de haut en bas, d’un œil vilain et inquisiteur avant de le qualifier comme « c’lui qui est parti là ! ». Si les circonstances avaient été tout autre, Gareth lui aurait probablement remis les idées au clair avant de le mettre à l’eau pour les lui rafraichir. Mais, il préférait passer son chemin en demandant à Amélia qu’elle lui montre le chemin. Il s’en souvenait parfaitement, il se souvenait de tout depuis toujours, mais c’était un prétexte comme un autre pour couper court à toute forme d’explications ou de justification. Elle le conduit rapidement jusqu’une petite montagne surplombant le grand lac de la cité, puis elle s’éclipsa en lui demandant de ne pas bouger d’ici, qu’elle puisse le retrouver facilement. Il s’assit, le paysage avait changé, de grands pontons étaient accostés par des barques. Certaines étaient pleines de poissons frais et de marins qui hurlaient dans un langage propre à leur profession. Ces mots le frigorifiaient de l’intérieur comme s’il était trempé, autant qu’ils l’étaient eux-mêmes. D’autres, à deux doigts de couler, abritait des cailloux, de nombreuses roches brillantes, des minerais en provenance de la mine. Ces marins-là, ils revenaient le visage noirci par le charbon, ils ne débarquaient pas leur marchandises, ils s’en allaient probablement boire, manger et dormir sans même se laver. Pourtant, il y avait dans l’air ambiant ce petit quelque chose qui lui donnerait envie de s’installer en bon sédentaire. Amélia revint en courant, les bras chargés d’affaire et son frère la suivait le regard bas, les bras chargés de milles autres affaires ayant appartenues à Léanne. Gareth leur fit signe d’approcher et de s’assoir, il voulait s’avoir pourquoi une jeune Terran aurait été contre l’avis de son père, braver les dangers de l’extérieur pour retrouver une connaissance de sa préceptrice. Cette fois c’est Elliot –l’ainé– qui prit la parole.

« Moi j’étais pas pour. Mais, dans une lettre, elle nous demandait d’aller chercher un homme plusieurs fois centenaire, qui répondrait au surnom de Gil. Et qu’il saurait te retrouver. Moi, je n’voulais pas qu’elle parte, mais Léanne pensait qu’il valait mieux qu’elle en soit. Du coup, avant que je lui donne ma décision finale, elle s’est barrée en pleine nuit la cruche.
– Pour Léanne, il ne s’agissait pas que d’une simple connaissance, tentait-elle de se justifier.
– Puis elle n’aurait pas appris tout ce qu’elle savait au premier blaireau venu. Pis, visiblement elle était touché par ton histoire, là … Faut quand même être simplet pour oublier ces jeunes années. » Gareth ne répondit rien, ne sachant trop comment se positionner face à un compliment mêlé d’insultes.
« Elle nous disait que tu n’oublis rien et que c’est pour ça qu’elle voulait t’instruire, mais comment c’est possible de tout retenir … J’arrivais déjà pas à retenir le théâtre, cette connerie.
– Elle vous enseignait le théâtre ? C’est un peu chiant le théâtre …
– Très, acquiesça Elliot.
– Léanne avait un don, celui d’enseigner, de transmettre avec douceur et d’ancrer en vous son savoir … Pourvu que vous soyez réceptif. »

Ils en restèrent pantois, visiblement, elle ne leur avait pas tout expliqué. Puis, la plus jeune lui tendit une lettre dans laquelle elle lui expliquait tout, qu’elle était malade depuis bien des années, qu’elle ne regrettait pas tout ce temps, qu’elle regrettait pour l’incident de la mine, des séquelles qui s’en suivirent et de son départ forcé à la suite de cet incident. Elle lui demandait aussi de remplir quelques affaires pour elle, transmettre quelques effets à certaines personnes. Il ne pouvait de toute façon pas refuser. Elle lui offrait aussi plusieurs objets, des documents, des partitions, des recherches qu’elles avaient entreprises, d’autres à destination des Eclaris à la grande bibliothèque d’Argyrei. Il plia la lettre avant de la ranger dans une poche intérieur, puis il se retourna à nouveau vers le lac. Léanne l’emmenait souvent ici, elle disait que l’ondée lui permettait de méditer sur des sujets très divers, Amélia lui tendit un carnet en l’ouvrant à une page particulière, celle de son arrivée dans la cité à bord d’un tonneau de vin rance. A partir de là, tout semblait tourner autour de leur quotidien, au début l’opinion de la préceptrice laissait à désirer. Elle le décrivait comme un jeune fou, inconscient du risque et arrogant. Puis, son avis c’est affiné et il devint presque un sujet d’étude. Elle parlait de son hypermnésie et de l’ironie que représentait son amnésie dans ces conditions. Elle décrivait ses états d’âmes, ses sautes d’humeur, ses disputes avec le fils de l’ancien régent, ses peut-être premiers amours … Comme si toutes ces choses avaient un intérêt scientifique. Au début, le récit fit rire le Sindarin jusqu’à ce qu’il arrive au dernière page, les mots devenaient plus sinistres, plus désespérés, la dernière page avait tout au plus l’allure et la forme d’un testament signé d’une main tremblotante. Alors qu’il fermait le livret, une voix désagréable vint briser sa mélancolie, il frotta son visage du revers de la manche avant de se lever le poing ferme et prêt à prescrire quelques coups. Mais, il était accompagné du regard sévère de Gilbert qui le refroidit en quelques instants. Son ennemi régional lui tendit une petite boite funéraire, avant de le sommer de disparaître avec toutes ces babioles sans intérêts. Son poing vint frôler le visage de l’impertinent, alors que Gilbert rassemblait toutes les affaires. Le régent se retrouvait fesses à taire, la joue rouge, le regard dans le vague. Gareth se saisit de l’urne, en l’arrachant des mains rugueuse du nouveau régent.

« Elle comptait aussi pour moi. » Dit-il, en époussetant son pantalon. « Qui va évaluer mes ressources maintenant, à moins que tu te décides à me servir ? »

Gareth s’apprêtait à s’en retourner lui offrir le coup auquel il avait échappé, les yeux brillants d’une rage qui lui était encore inconnu, mais Gil lui prit le bras pour le forcer à quitter les lieux. Il fallut beaucoup de force et de persuasion au Sindarin pour forcer son protéger à le suivre. Et lorsqu’il crut réussir, il lui échappa une fraction de seconde, le temps de laisser son poing atteindre sa cible. La nuit venue, sur leur campement de fortune, Gareth ne ferma pas l’œil de la nuit les yeux rivaient sur les objets et documents légués par Léanne. Le lendemain, Gil constatait les yeux rouges de Gareth et une nouvelle pierre à son cou. Il y avait de la pitié dans son regard et le ton avec lequel il lui demandait de venir avec lui, à Canopée. Qu’il évite les sottises et prenne le temps de réfléchir aux événements à venir. Refus catégorique.

« Laisses moi quelques années. Pendant les dernières on a fait beaucoup de choses et j’en ai fait d’autres dont je suis plus ou moins fier. J’ai encore besoin de voyager. Et pendant quelques temps, je préférerais voyager seul, après j’irais où tu voudras m’emmener. »

Résigné, presque désespéré par la sottise qu’il n’arriverait pas à endiguer, le Sindarin lui tendit une bourse à moitié pleine de pièce d’or, de quoi tenir quelques temps, sans avoir à dévaluer la monnaie locale au moyen de magie. Puis, Gilbert lui glissa un étui de velours dans la poche, il contenait une pierre qu’il qualifiait de particulière. De ses propres aveux, il ne comprenait pas son fonctionnement, mais avec un peu de chance elle le sortirait du pétrin dans lequel il finirait par se mettre à force d’agir sans discernement. Leurs chemins se séparèrent à nouveau, Gil rejoint son foyer et ses responsabilités, toutefois il ne cessa de garder un œil sur Gareth pour les années qui suivirent. Quant à lui, il entreprit de voyager tout autour du continent sans avoir un but défini par une caste ou une instruction particulière, si ce n’est les courriers laissaient par Léanne. Sur le chemin, il fit des rencontres surprenantes, des savants, des aventuriers, des mercenaires plus ou moins bien intentionnés. Pendant quelques années, il s’installa dans l’échoppe d’un forgeron qui lui apprit à mieux maîtriser ses dons et à s’en passer, cet homme lui instruit la forge, des principes mécaniques d’une simplicité insolente et pourtant redoutable. Plus que cela, il lui apprit l’art de la discrétion et de ne pas ébruiter ses compétences pour éloigner la convoitise.


Les péripéties des courriers de son mentor le conduisirent peut-être non loin du domaine des Eryllis, dans une forêt épaisse. Encore aujourd’hui, il ne saurait plus s’y repérer ni même déterminer où se trouve le village de ces amazones. Il ne l’a jamais su, tant elles gardent leur secret qui jalouse bien des cartographes, et des chasseurs de prime … Et un certain politicien. Toutefois, comme Léanne l’avait prévu, il n’eut pas à chercher sa sœur, c’est elle qui vint à sa rencontre avec la pulsion sauvage qu’elle lui accordait. Il lui apprit la nouvelle, c’est là que tout le courage de cette vaillante femme s’effrita pour laisser apparaitre la fillette pleine de regret. Il lui remit les effets qui lui étaient destinés, puis ils restèrent là, dans une grotte aménagée au sommet d’une montagne pourvue d’une cascade pendant plusieurs heures, puis quelques journées. Elle lui fit goûter aux douceurs des Eryllis comme leur poison, si bien qu’il entrevu une facette bien différente de celle qu’on leur faisait. Les raisons pour lesquelles elles ont rejoint les amazones restent vagues, tout comme celle qui a amené Léanne à abandonner le dernier de ses proches pour rejoindre le groupe des Eclaris, comme si les deux fonctions ne pouvaient cohabiter. Pendant son court séjour, jamais il ne rencontra d’autre femme du groupe, jamais elle ne lui avoua quoi que se soit au sujet de ses « sœur », ni de leur mœurs … Et un matin, à califourchon sur ce dernier, le corps recouvert d’une fine étoffe qui lui laissait apprécier le spectacle de ses formes, elle lui mit le couteau à la gorge, les ongles ancrés profondément dans son torse.

« Jures que tu ne diras rien, que tu ne reviendras pas, que tu oublieras jusqu’à mon existence et ces dernières semaines ! » Non sans la contrainte, il hocha la tête d’un air étonné, mais le sourire aux lèvres, il savait distinguer le vrai du faux et la menace était clairement fausse.
« Jurer de ne rien dire, je peux. Jurer d’oublier c’est trop me demander, même d’essayer … Encore moins dans cette position.
– Qui suis-je ? »

Elle devrait se contenter d’un sourire crispé, il n’émit pas un mot. Ce qui s’avérait difficile à interpréter, puisque l’amazone intensifia la pression de sa lame en embrassant le front de sa victime. Deux actions à la fois antinomique et complémentaire qui se conclure par sa disparition dans une volupté et une grâce propre à la personne qui ne lui laissait comme unique souvenir, l’étoffe qui protégeait l’intimité de ses formes. Là aussi, elle semblait lui demander de ne jamais revenir, d’oublier jusqu’à son existence mais de garder ces derniers jours à l’esprit. Probablement la femme la plus simple, la plus complexe et la plus impulsive de sa vie. La rupture brusque de cette relation naissante le laissait soucieux et intriguait, il comprit toutefois pourquoi Léanne s’en était allée. Cette vie ne lui aurait pas convenue, trop de restrictions et une vision du monde qu’elle ne partageait pas.

Après ces quelques temps de repos et de sociabilisassions, ses pas le conduisirent au dernier lieu de résidence de la défunte, le domaine des Eclaris à Argyrei. La région le surprit, la désolation de ces terres encore marquées par les séquelles du temps. Seules quelques bourgades retrouvaient les lueurs de la vie mais, la plupart du temps, les cités entre les ruines restaient vides de monde et les populations voyaient l’étranger d’un œil incertain. Jaugeant ses intentions, sans venir lui demander quoi que ce soit ou même le chasser de leur domaine. Non loin de sa destination, Gareth fit une longue pause, de plusieurs journées le temps de finir les écrits de Léanne, de lire chaque carnet, chaque page volante, comme elle le lui avait demandé et de pas les oublier.

« Les Eclaris ont vocation à profiter au plus grand nombre, leurs travaux à servir un jour ou l’autre, mais ils se cachent dans leur tour, loin des peuples, craintifs qu’on vienne à les utiliser. Certains ont perdu leur vocation première, ils étudient dans leur intérêt propre et cache désormais tout ce qu’ils découvrent comme un précieux qui ne saurait se laisser observer. Si mes travaux devaient subir le même sort, je t’en laisse le seul légataire, ne cède jamais à la pression ou au secret que la minorité voudrait imposer. Demande à voir Sillus, simplement Sillus. »

A pas de chat, Gareth pénétrait dans un lieu de démesure, si contrasté avec la région d’Argyrei qu’il ne savait comment réagir. Une sylphide vint à sa rencontre, il lui tendit une lettre, elle était si pâle, son teint laissait presque sous entendre qu’elle n’avait jamais vu la lumière du jour. Pendant quelques minutes, elle lut avec profondeur, le regard grave, le souffle long, alternant sa lecture de rapide coup d’œil sinueux et suspicieux. Elle lui tourna le dos un instant, avant de lui faire face à nouveau, puis lui tourner autour, le décortiquer sous chaque couture, détailler son allure, sa barbe naissante, son regard fatigué mais pétillant qui soutenait le sien, sa posture droite, galbée, fière, presque arrogante. Puis, enfonça son doigt dans son torse, presque pour lui faire mal, en lui posant la question.

« Je sais que cette lettre n’est pas dérobée, je sais la raison de votre présence et je sais que vous savais cacher ce que vous ne voulait pas révéler. Vous n’êtes pas à l’aise, vous vous présentez fier et digne mais votre allure ne soutien rien de tout cela … Sillus comment ?
– Si vous me posez la question c’est que vous connaissez déjà la réponse, je perds mon temps, conclut-il exaspéré en tentant de lui dérober la lettre des mains.
– Sillus comment !
– Simplement Sillus. »

D’un air victorieux, enfonçant un peu plus son doigt crochu, elle saisit l’un des boutons de sa chemise pour le tirer, presque le tenir en laisse, vers une autre salle en contrebas, un peu plus loin dans la demeure. Puis, ils s’échappèrent d’un grand hall pour déambuler dans un jardin, observait par des individus le nez dans leurs livres et parchemins. Une fois à destination, elle lui rendit l’usage de son vêtement déjà déformé, puis elle s’épousseta les mains avec dégout. Elle fit la grimace, puis disparut dans des grognements d’insatisfaction, toujours en se frottant les mains, elle jeta la lettre au sol, sur un monticule d’autres feuilles volantes, livres ouverts, désordonnés, nonchalamment jeté au sol, de maquettes, de fioles … Cette pièce n’était rien d’autre qu’un véritable capharnaüm. Il s’accroupit pour récupérer sa lettre et quelques autres feuillets qu’il entreprit de lire. Puis d’autres. Il finit en tailleur au centre d’un cercle bien organisé. C’est à ce moment qu’un vieil homme fit son apparition, il descendait l’escalier menant à la mezzanine avec la vigueur d’un jeune homme.

« Si la vue d’un bureau encombré évoque un esprit encombré … Dit-il, avant d’être complété par Gareth.
– Que penser d’un bureau vide ! Elle me le disait souvent, c’était sa manière de défendre mon manque de discipline, je pense. »

L’homme, qui répondait au nom de Sillus émit un rire court, presque étouffé. Puis à la façon de l’impertinente qui le conduisit jusqu’ici, il lui tournait autour, le regard vivace. Puis il s’accroupit et tendit la main, sans un mot. Gareth lui remit un sac, plein d’une confiance qu’il ne saurait expliquait que bien plus tard. Il repartit, la pipe au bec, toussotant une fumée aussi grisonnante que sa fine barbe. Il portait des lunettes rondes, ridicules, son nœud de cravate n’était pas droit, il déviait sur la droite, le bouton de sa manche gauche pendouillait et virevoltait à chacun de ses pas dans une valse insensée. Il l’abandonnait à ses activités, il ne cherchait pas à cacher tout son bazar, qui représentait probablement la complexité de son esprit ou le début de sa décadence. Il s’est passé une journée, puis une nuit avant qu’il ne l’appelle d’une voix roque et grave, par son nom que le Sindarin n’avait jamais prononcé depuis son arrivée. Statufié, il fit mine de ne rien entendre dans un premier temps. Ce n’est qu’au deuxième appel plus strict et sévère qu’il prit le chemin de l’escalier, qu’il grimpa marche après marche, en veillant à ne pas brusquer le silence du lieu. Enfin, il pénétra dans une succursale, derrière un rideau. Il régnait une atmosphère assez sombre et nuageuse, fumeuse. Il lui indiqua un fauteuil sur lequel poser son fessier et lui tendit une tasse pleine d’une eau brulante à l’odeur d’épice. Il but une gorgée, avant de déposer la tasse sur une table encombrée, le visage grimaçant. A nouveau ce rire court, presque âcre vint lui hérisser le poil de la barbe.

« Il faut sucrer avant de boire.
– Merci, mais c’est un peu tard, je n’en prendrais pas une gorgée de plus.
– Vous préférez quelque chose de plus corsé ?
– Pourquoi pas ?
– Je n’ai que ce thé.
– Alors, je me contenterais de mon reste de salive. » Puis plus rien, avant que le vieil homme ne pose la main sur la pile de documents qu’il lui avait apporté.
« Pourquoi venir si loin de chez vous ? Alors que la vente de ces documents vous aurez rapporté plus que je ne pourrais jamais vous offrir. Je n’ai rien à offrir d’ailleurs. Et quand bien même j’aurais quoi que ce soit à offrir, je mens j’ai bien des choses à offrir, je ne vous offrirais rien pour l’instant.
– Vous savez, avant de venir ici j’ai beaucoup voyagé et si tout tourne bien autour de l’argent et du pouvoir, cette fois-ci, je n’ai rien à demander.
– Vous avez voyagé ? Vous avez fait beaucoup de choses ?
– Oui.
– De bonnes choses ?
– Et de mauvaises, d’autres entre les deux, d’autres encore qui dépasse ma conception de ce qui est bien ou mal. Beaucoup de choses grises, si elles ont profité à certain, elles auront forcément causées du tords à d’autre.
– Vous savez en quoi consistaient les travaux de Léanne ?
– J’ai terminé de les lire avant de vous les donner.
– Et vous n’avez pas peur d’en perdre des miettes ?
– Oui et non.
– Vous savez que vous étiez son sujet pendant un long moment, et encore un long moment plus tard.
– J’étais le sien, elle était le mien.
– A la bonne heure, vous a-t-elle raconté la raison de son départ ? » Voilà quelque chose qu’il ne savait pas. « De toute façon, vous n’avez pas à savoir. Vous ne comprendriez pas. Mais j’ai une question. Qu’avez-vous étudiez d’elle ?
– Vous n’avez pas à savoir, plus que je n’ai à savoir. » Il fronça les sourcils.
« Léanne était une bonne personne, bien meilleure que nous tous, bien plus attentionnée par le sort des autres que nous tous. Bien plus concerné par votre sort qu’eux tous. Mais j’ai une question alors ?
– Laquelle ?
– Si, l’histoire est aux historiens, que la science est aux scientifiques, que la magie est aux magiciens, que reste-t-il au savant ? Qu’est-ce qu’ils savent plus que les autres ? Prends ton temps. » Et il prit son temps, le temps pour le vieil homme de s’assoupir la pipe au bec, enfumant de plus en plus l’atmosphère. Il était la représentation même du savant dans son monde, marmonnant de grandes idées et de grands échecs, l’histoire des hommes et ses blessures passées. Lorsqu’il s’éveilla à nouveau, Gareth était debout face à la fenêtre du bureau, un bras croisé l’autre frottant son menton jusqu’à ce que dans un éclair de lucidité il lève le doigt et se retourne.
« Je ne sais pas.
– Allons, prenez un peu plus de temps avant de vous décourager !
– Je l’ai pris le temps, il ne sait pas, voilà tout ce qu’il sait. »

Sillus prit une gorgée de son infâme mixture avant de retirer ses lunettes ridicules et de se lever. Sans véritable raison, il s’approcha pour lui tapoter sur les épaules, le regard pétillant d’une profonde tristesse. Celle d’un homme qui regrette ses actes manqués – ne pas avoir correctement protégé son élève, Léanne – et qui ne peut plus revenir en arrière mais plein d’ardeur pour le futur. Ce cérémonial un peu étrange signait le début d’une longue collaboration entre l’équipe de Sillus et Gareth. Une équipée pendant laquelle ont lui enseigna tout ce qu’il n’avait pu apprendre jusque là, on lui ouvrit les portes de la Masure, on lui laissa le temps de se développer, de voyager, de découvrir des ruines oubliées, de définir des cartes inconnues, d’apprendre à apprendre et transmettre. D’apprendre à ne pas perturber le calme des bibliothèques où le silence est surveillé de près. Les années passèrent et avec le temps ses centres d’intérêts le conduisirent à développer les outils de ses ambitions, ainsi que des objets du quotidien. Dans un souci de transmission, il posait ses écrits dans des carnets et des schémas qui vinrent joncher les espaces vides du sol de Sillus … Il mit au point des télescopes, dont les principes aussi basiques soient-ils, ouvraient les portes à la compréhension des astres et d’un monde encore méconnu. Cette période de son existence lui attira tant d’intérêts que d’ennuies, selon les communautés. Positionner les astres, en découvrir certaines subtilités, tout cela posé autant de problèmes que de solutions. Il a longtemps voyagé pour changer d’axe d’observation et démocratiser son propos, sa méthodologie et ce qu’il nommait vulgairement « la beauté d’une constellation ». Par la même occasion il accompagnait Jude, une autre Eclaris du petit groupe, sur des sites de fouilles archéologique. Pendant un moment, Gareth ne lui servait que de bras ou de mule et elle se plaisait à le regarder bucher sous un soleil de plomb. Puis lorsque le spectacle finit par la lasser, elle l’initia à son domaine de prédilection qui devint aussi un de ses domaines de prédilection. Ils firent quelques découvertes, dénichèrent des objets anciens et beaucoup d’ennuis … Fuir ou s’attirer les coups de personnages peu recommandables.

Un jour, alors qu’ils s’affairaient à sortir quelques jarres, vasques d’un ancien temps, un groupe de voyageurs les accostèrent pour leur demander ce qu’il pouvait bien faire. Jude, dans sa bonté et son besoin de tout partager pour élever, leur proposa le thé et l’hospitalité d’une tente de toile. Ils s’installèrent sur une table de bois bancale, jonchée d’ustensiles et de vieux objets déterrés certains recouvert d’or, d’autres en pure céramique. Le thé servit, Gareth s’en alla chercher un carnet qui trainait à terre, à l’instant même où il détournait le regard vers le sol, une masse venait s’abattre sur le derrière de sa nuque en l’assommant de plein fouet. Avant de sombrer définitivement, il vit Jude faire tomber sa tasse et s’affaler sur son siège, visiblement droguée. Lorsqu’il ouvrit les yeux à nouveau, ils se trouvaient dans une sorte de cage géante, au dehors le bruit réveillait une migraine probablement liée à cette énorme bosse sur le dos de son crâne. Jude se réveillait elle aussi, sans aucune forme de pitié pour son état, il ronchonnait et braillait après la naïveté de l’Eclari.

« Sois plus sociable, qu’elle disait, ne sois pas si renfrogné, qu’elle disait. Essayes de comprendre, que tu disais !
– Ne sois pas si ronchon, tu m’assommes.
– Nuance, j’ai été assommé. » Une voix fit son apparition, tonitruante avec un arrière goût de guerre vaincue.
« Tu vois pourquoi je ne fais pas confiance aux gens ? Encore une crapule !
– Crapule ? J’ai fait mes classes à la mine, en dirigeant les escl… braves excavateurs de la mine de mon père ! Gareth, que de beaux joyaux tu nous apportes encore, tu voudrais peut-être savoir où nous sommes ?
– A Thémistos, je sens sa puanteur d’ici, ou bien c’est peut-être la tienne ! Elliot, tu n’étais qu’un gamin docile à l’époque ! Comment vas ta sœur, elle n’a pas été pourrie par la connerie de ton père au moins ?
– L’autre niaise, elle joue de la musique, la vie de bohême ! Une fainéante ! Ne me parles plus de cette crétine ou je te tue. Au lieu de ça, tu vas m’expliquer comment fonctionne tous tes jouets que je les revende au prix fort. »

Il ne dit mot, même après quelques baffes, les mains attachées dans le dos. Sa mâchoire ankylosée n’aurait pourtant pas tenu beaucoup plus longtemps. Le soir venu, la garde les laissait à leur sort, qu’auraient-ils pu faire de toute façon, Gareth avait les mains attachées et une pierre pointue enfoncée dans la chair de son bras neutralisait toute sa magie. Il était bien plus efficace pour eux de s’en aller boire une bière bien fraiche à la taverne du coin, la chaleur de l’air les étouffait. Jude avait aussi les poignets solidement attachés, mais le rejeton de Nyx n’estimait pas assez la vigueur de la lionne. Elle s’approcha de son ancien disciple, lui chuchota ses plans à l’oreille et sans considérer les hochements de tête réprobateurs de Gareth, elle saisit la pierre entre ses dents et l’arracha avec une force qui la projeta en arrière, avec un grand sourire sanguinolent. Les dents serrées pour retenir ses vociférations, Gareth gardait les sourcils froncés encore quelques instants, le temps que la douleur deviennent gérable. Puis dans un râle de soulagement, il ouvrit yeux pour diriger son regard plein de rancœur vers la douce Jude qui lui faisait tout un tas de signes, avec sa pierre entre les dents. La situation lui donnait un air de folle furieuse. En touchant les liens de ses doigts, il s’en défie en brisant l’anneau métallique qui venait enserrer les lanières de cuir. Une fois libre, Jude le gifla avec toute la force qui lui restait, elle considérait peut-être que s’ils en étaient là ce devait être de sa faute, parce qu’il ne lui avait pas raconté toute ses jeunes aventures. Il saisit ses poignets pour la calmer.

« Ce soir, on ne se bagarre pas. Promis, je te mets à l’eau dès que l’occasion se présente, mais pour l’instant, je vais te donner l’occasion de fuir. Tu vas partir pour Thyrhénium et chercher une taverne avec un emblème de loup … Je ne me souviens plus du nom, tu devras y être pour demain soir quelques heures après l’ouverture. Tu demanderas un verre de cidre chaud pour Gil, là un homme se retournera et il dira ‘Chaud ! Mais il fait déjà chaud ma p’tite dame !’. Oui, il prend toujours un accent crétin dans les tavernes. Tu lui expliqueras la situation.
– Mais, pourquoi on ne part pas ensemble, on retourne à Argyrei.
– J’ai quelques objets à récupérer et s’il me voit fuir, il nous poursuivra. Toi, par contre, il ne te reconnaitra pas.
– Il m’a vu !
– Tu peux te transformer en louve, je te rappelle ! Et  quand bien même, pour lui, tu n’es qu’une femme parmi les femmes … Pas vraiment importante, pas vraiment aguicheuse, pas assez galbée, pas rousse, pas opulente …
– Ca va ! Restes si tu veux. »

En toute discrétion, Gareth fit céder le verrou de la cage, pour laisser sortir Jude. Il prit la pierre dans la main, avec un profond soupir puis l’enfonça dans la plaie en grinçant des dents. Après cela, Jude remit ses liens en place, son sourire perdait de son éclat à mesure qu’elle le sentait faiblir. Ils n’étaient jamais tombés aussi bas. Elle fuit, seule et à la vitesse d’une louve il lui faudrait bien la nuit et la journée pour atteindre sa destination. Tout ce chemin lui laisserait le temps de réfléchir à la situation. Le lendemain dans l’après-midi, Gareth ne sursautait plus aux hurlements d’Elliott, même l’adrénaline de l’instant ne vivifiait plus ses sens endoloris. Son bourreau le saisit par le col avec une force qu’il ne lui connaissait pas, puis il le secoua avec une vigueur qu’il ne lui connaissait pas, par contre il lui donnait la nausée avec une haleine forte qu’il lui connaissait bien. Sans raison, il se mit à lui raconter ses plans, ses affaires florissantes.

« Je comptais la vendre ton amie, pas pour grand-chose mais quand même.
– Que veux-tu que je te dise, elle a probablement fuit pendant la nuit, la bougresse. Tu me fatigues et tu me donnes la tournis, lâches moi un peu. » Il exauça son veut en le jetant en dehors de sa cage contre une table qui débordait de plomb et de métal. Pour la seconde fois en quelques heures, quelqu’un retiré cette pierre maudite de son bras. Il entreprit vainement de refermer l’objet de ses souffrances avec sa main, dans un nouveau râle difficile à interpréter. « Puisque la belle s’est fait la malle, il va falloir compenser …
– Tous les objets que tu m’as volé, on plus de valeur que ta saleté de mine, mais tu n’as pas la clarté d’esprit pour t’en rendre compte.
– Les gens d’ici, ce qui leur plait, c’est les armes, les lames, les flèches, les arbalètes … Et moi aussi, ça me plait.
– Regardes toi. J’espérais un peu mieux pour toi. Tu ne ressembles plus à rien.
– Tu nous as abandonné ! J’ai survécu !
– Comment ? J’ai suivi mon chemin, vous aviez des terres, des terres et de l’argent !
– Tais-toi, tu vas me faire des armes avec ce plomb, et je veux de l’or, de l’argent, des ornements virils et barbares.
– Je ne suis pas forgeron et tu n’as pas de forge, dit-il en s’asseyant, exténué par les événements et la bêtise du Terran.
– T’fous pas de moi ! On sait tous ce que tu sais faire ! J’étais là quand vous faisiez vos petites affaires avec Léanne.
– Respectes la mémoire des Défunts.
– Fermes-là et obéis, ou je te tue, et je préférerais éviter, demain je te vends à la place de ta copine.
– Si ça peut m’éviter de te voir plus longtemps. »

Cette dernière phrase lui valut quelques coups supplémentaires qui ne l’aideraient pas à faire ce qu’il lui demandait. Le dos lacéré, il entreprit de transformer tout ce métal pauvre en arme, comme il le lui avait demandé. Il le ferait mal et comme un souillon, de toute façon son état et sa vue trouble ne lui permettrait pas une grande maitrise de ses dons, il l’aurait su s’il avait étudié et développé ses propres dons. Elliott a toujours dénigré les dons personnels, en réalité il n’a jamais rien fait pour se maitriser et se canaliser, il préfère encore utiliser l’autre pour parvenir à ses fins, il le démontrait encore. Le lendemain, le soir venu, les crapules de Thémistos se rassemblèrent dans son échoppe, répondant à l’appel d’offre qui courrait dans la ville, pour une vente illégale d’armes et d’objets dérobés. Les objets en question venait de tous les coins du continent et même d’El Bahari, seul les Eryllis n’étaient pas représentées, réputées invivables et difficiles à dénicher. Parmi ces objets, il reconnu sa montre, le clapet était ouvert et le mécanisme en piteuse état, son télescope aussi faisait parti du lot, tout comme certain de ses carnets de notes, qu’il vendait comme un extrait des bibliothèques inaccessibles de la Masure … Il n’était plus à un mensonge près. La foule s’agitait dans un brouhaha et une cacophonie désagréable. Ils maugréaient des injures, lançaient des propositions d’achat, exigeaient un test des armes sur les esclaves, les clampins et les sans abris de Thémistos. D’autres se plaignaient déjà de l’entretient qu’exigerait tout cet attirail qu’il ne saurait jamais utiliser de toute façon.

« Justement, pour un bon prix je vous offre mon ingénieur dans le lot. Il est un peu trop encombrant pour mon marché … Faites tinter vos bourses. » Une bourse plus remplie que les autres atterrit en face de l’avide qui se jeta dessus comme une charogne pour en évaluer le prix. « Adjugé ! Barrez vous ! Bande de larves, vos bourses seront jamais aussi juteuses que c’là ! »

Après quelques échauffourées, quelques coups de point et des injures par milliers, l’atmosphère de la boutique s’adoucit, contrairement à son odeur. L’homme encapuchonné avança pour pénétrer dans l’arrière boutique et évaluer ses biens futurs. Il fit remarquer l’état pitoyable de certains objets et le manque de délicatesse du contrebandier. Il lui fit la leçon, pour lui expliquer qu’un objet se dérobe selon quelques règles évidentes de conservation. Encore plus lorsqu’il s’agit d’êtres vivants. A quoi son technicien pourrait bien lui servir s’il n’était pas capable de marcher. Les explications d’Elliott commençait à l’agacer, tout comme ses explications sur l’utilité de chaque objet, qu’il ne comprenait pas lui-même … Lorsqu’il lui vendit le carnet comme provenant de la Masure, on discernait presque la fumée s’échapper par sa capuche, qu’il retira au plus grand plaisir de Gareth. L’homme plaqua le contrebandier contre un mur, avec une telle force qu’il en mouilla ce qui lui servait de tunique et de se laisser tomber lentement contre le mur.

« Gareth, récupère ce qui t’appartient, nous partons d’ici immédiatement. » Le Sindarin s’exécuta lentement mais sans un mot et au moment de partir, il s’accroupit face à celui qui aurait pu devenir son disciple, une dague à la main.
« La prochaine fois que nous nous croiserons, je te reconnaitrais, évites moi. La prochaine fois je te tue de sang froid. Je te laisse tes armes, puisque tu ne comprends que ce langage, elles sont toujours en plombs de toute façon … Tout comme celles que tes amis t’ont achetées, je te souhaite bien du courage pour le leur expliquer. Je pars, pas de reprise, pas d’échange, pas de service après vente. » Alors qu’il se retournait pour s’échapper une bonne fois pour toute, Elliott lui planta une flèche dans le dos, comme pour montrer qu’il n’acceptait pas qu’on lui tienne tête.
« Hin … Bien du courage pour jouer à l’alchimiste maintenant. »

Dans un énième juron, le regard embué, Gareth lui assainit un violent coup avec le manche de sa dague avant de réclamer le soutien de son ami, la boucle se bouclait enfin. Gilbert n’attendit pas plus longtemps pour le prendre sur l’épaule et quitter la pénombre de Phelgra pour une longue chevauchée d’une semaine dont le blessé ne se souviendrait pas. Une ironie de plus.


Dernière édition par Gareth Ezéchiel le Mar 3 Mar - 19:35, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitimeMar 3 Mar - 1:02


Arrivé à Canopée, Gilbert prit la direction de sa demeure, puis celle d’une chambre libre suffisamment à l’écart. Puis, il fit appeler son aînée. Cette dernière s’approchait du lit, d’un pas pressé, le regard mêlé de questionnement et réprobations. Sans un mot, elle se mit au travail, brisant le bois de la flèche nette et proprement. Malgré son état et sa grande ignorance dans les choses de la médecine, il comprenait parfaitement ce qu’elle s’apprêtait à faire et il refusait furieusement, en se relevant dans de nombreux signes de tête … « Pas sans de quoi m’anesthésier, Gil où tu planques tes bouteilles ! ». Ce dernier entreprit de le plaquer contre les draps, pendant que son « aînée » appuyait avec la force de dix hommes sur la pointe pour la faire traverser. Dans ses actes, elle tentait de le rassurer, il ne sentirait plus grand-chose après. Elle n’avait pas tort, il se sentait défaillir à chacun de ses gestes, son dernier souvenir, c’était encore la voix fluette de la demoiselle, qui réclamait un flacon.

Je dois l’endormir, je dois récupérer un éclat de pierre s’il veut encore pratiquer son art … Ha ! Non c’est bon, il s’endort seul.
– Il perd conscience plutôt.
– Ca revient au même, papa. »

Lorsqu’il s’éveilla à nouveau, il était seul, au calme. L’air sentait bon l’écorce, un courant d’air venait rafraîchir une compresse sur son front. Il s’en sépara, puis se leva, son bras était en écharpe et une partie de son dos recouvert de fines bandes de tulle imprégnait d’onguents qui le grattaient affreusement. Sur la table, proche du lit, une tasse fumante qu’il devait visiblement boire, son goût infecte soulageait ses reins et lui redonnait une certaine sérénité d’esprit. A nouveau debout, les jambes encore faibles, il ouvrit une porte légère donnant sur un balcon et un environnement incroyablement grand et boisé, paisible et emplit d’une profonde fraîcheur. La brise lui caressait la joue délicatement, agréablement. Il contempla Canopée pendant quelques heures, sans plus comprendre ce qui avait pu le repousser si longtemps, jusqu’à ce que l’ennui d’un paysage trop calme le gagne. Il s’intéressa alors à l’intérieur de la pièce, tous les murs étaient couverts de livres et d’objet divers. Sa mauvaise curiosité reprit rapidement le dessus sur sa raison, et dans ses mauvaises habitudes il en lut un premier, puis un second … Jusqu’à ce qu’une partie du sol de la pièce soit recouverte de ces différents ouvrages plus ou moins intéressants, plus ou moins bien écrits, plus ou moins naïfs, plus ou moins enfantins. Jusqu’à ce que les portes s’ouvrent et que Jude lui saute au cou. De son étreinte démesurée naquit des gémissements brulants qui poussaient déjà la demoiselle à s’écarter.

Je dois retourner à la Masure.
– Qu’est-ce qu’il s’est passait ?
– La fille de Guilbert t’a soigné, de la médecine, elle est tout à fait surprenante. Elle a tout de même extrait trois pierres avec une précision diabolique !
– J’en ai senti une, soupira-t-il en enserrant son épaule qui le faisait souffrir rien qu’au souvenir de ces instants terribles.
– Oui, mais si elle ne l’avait pas fait, aujourd’hui tu serais infirme ! Et tu ne pourrais plus utiliser ta magie.
– Pour ce qu’elle m’a servi, ma prétendue magie. Où se trouvent toutes mes affaires ?
– Sur la table, là-bas, dit-elle en pointant un amoncellement sous une montagne de livre. Tu n’as pas perdu de temps, mais tu pourrais respecter un peu plus le foyer de tes hôtes.
– Gil connait tous mes vices, enfin au moins celui-ci, ça ne l’étonnera pas. Emporte ces pierres à la Masure et offres-les à Sillus de ma part, il trouvera bien à qui les faire étudier plus en profondeur. Je ne sais pas comment il a pu avoir un tel objet en sa possession.
– Qui était cet Elliott ?
– Une vieille connaissance qui s’est perdue en chemin, rien d’important. S’il t’importune d’une façon ou d’une autre, fais le moi savoir. Je me rappellerais à son bon souvenir.
– S’il me touche, je lui coupe la main.
– Ne me fais pas rire comme ça, je ne suis pas en état. Mais tu peux, tu as ma bénédiction. Je vais rester ici, un peu plus longtemps je pense. »

  Depuis sa fenêtre ouverte, affalé sur son rebord, il la vit disparaître dans un hameau très verdoyant, après un dernier au revoir de la main. Même s’il ne comptait pas s’exiler de la Masure, il pressentait qu’il n’y retournerait pas pour y rester et à vrai dire, il n’était même plus certain de le vouloir. Assis sur le rebord, les doigts de pieds en éventail, il prenait l’air, la brise venait lui rafraîchir le visage, il faisait bien trop chaud à l’intérieur. Depuis son départ de la cité minière jusqu’ici, en passant par la Masure, le temps s’était étiré de tout son long, il ne comptait plus vraiment les années. Toutefois, ce n’est qu’à cet instant précis qu’il pensait au chemin parcouru et au mystère qui planait sur son commencement et à quel point son parcours était décousu et accidenté. Pourtant il n’en changerait pas un bout. Un hurlement strident brutalisa ses divagations et ses tympans au point de troubler sa quiétude et de contracter ses muscles. La folle manquait de le faire tomber dans le vide rien qu’avec des mots ou plutôt des cris. Elle lui prit la manche, toute haletante et tremblante, le priant de ne pas faire de bêtise qu’il y avait bien des choses dans la vie, qu’il ne fallait pas s’arrêter à un petit accident. « Petit accident ! Petit accident ! Petit accident ! Passez moi une dague que je vous plante et on reparlera de petit accident ! Un meurtre, oui ! » – Qu’il lui aurait gentiment fait remarquer, sur un ton associant le sarcasme et une forme de rancœur. Mais il n’en fit rien, il se contenta de se lever, non sans une immense peine, celle de quitter une position si réconfortante pour ses lombaires. Elle le conduit dans une pièce, plus ou moins ouverte sur l’extérieure, garnie d’un bassin en son centre. Ses cheveux virevoltants, elle lui faisait face à nouveau, son regard avait changé il se voulait beaucoup plus sérieux, quoique plein d’une malice qui devait lui être caractéristique.

« Tout nu.
– C…comment ? Dit-il, dans un étonnement caractéristique.
– Quand on est invitée dans une demeure noble, on se présente propre !
– Non mais … Alors, comment expliquer. Voilà. Je comprends bien la raison de votre propos, mais, pourquoi ?
– Comment pourquoi ?
– Pourquoi, pourquoi vous là, maintenant, vous ne comptez tout de même pas à ce que je me …
– Hoo ! Vous n’êtes pas le premier Sindarin dont je verrais l’oiseau ! Ne vous complexez pas.
– Non, mais alors, non, mais … pas du tout. Pis vous n’êtes certainement la première non plus. Il n’y a qu’un petit détail, voyez-vous ?
– Hé bien ! Allez-y, qu’est-ce qui vous gène …
– Généralement, pour ses occasions, la condition est partagée. »

Le teint écarlate, elle le dirigea vers une sorte de haut paravent fait de bambous et de toile. Entrer dans la contradiction le fatigué déjà, quoiqu’il ne fallait pas grand-chose pour le fatiguer ces derniers jours. Aussi, il choisit d’obéir docilement en laissant consciencieusement chaque vêtement ci et là, comme pour marquer son désaccord, un peu à la façon d’un enfant. Puis, il vint s’assoir dans une eau tiède et mousseuse, il n’y avait rien de désagréable en soi … Ce n’était pas la première fois qu’une jolie demoiselle lui massait le dos. Sans bouger d’un poil, il accédait à chacun de ses désirs et à vrai dire, même lorsqu’elle lui retira tous ces bandages qui le momifiaient, elle avait une infinie douceur dans chacun de ses gestes. Elle lui savonna le dos, le torse, les bras, les cheveux et alors qu’elle s’apprêtait à les lui rincer, il pencha la tête en arrière pour la fixer et lui demander son nom. Elle lui répondit la voix tressautant.

« Anniella.
– Ce n’est pas très Canopéen d’y donc … Annie, je peux vous appeler Annie au moins … »

Dans un mouvement de crispassions incompréhensible, elle lui renversa tout le contenu de son sceau et le sceau au visage, avant de se lever d’un bon, et dans une volte-face, lui tacler la porte au dos. Son sceau sur la tête, il lui fallut quelques instants pour considérer la situation dans sa globalité, si toutes les femmes de ce pays étaient aussi capricieuses et indéchiffrables que celle-ci, il valait peut-être mieux qu’il quitte le pays aussi vite que possible. Son ton caustique ne résisterait pas longtemps à l’acharnement et leur sceau d’eau, voir pire. Une fois débarrassé du sceau, il se sécha comme il le pouvait tout infirme qu’il était, enfila un pantalon de toile et l’écharpe sur laquelle reposait son bras. Heureusement, elle ne l’avait pas giflé, quoi qu’un bon revers l’ait probablement moins vexé. Là, le sceau ne lui avait même pas laissé le temps de déchiffrer son expression … De la vexation ? De la gêne ? De la fureur ? Non, même sa façon de claquer la porte, ne lui disait rien … Son comportement n’avait rien de gauche pourtant. Evacuant, les méandres du genre féminin, ou plutôt de ce genre féminin, il s’installa sur un banc en face d’un clavier et d’un bout de papier griffonné de notes qu’il trouvait quelques temps plus tôt dans un tiroir caché. Pendant plusieurs heures, il pianotait, s’arrêtait, griffonnait des commentaires, haussant des épaules, pinçant les sourcils, murmurant la mélodie comme pour parvenir à compléter les vides. Rapidement, les événements intimidants du bassin et frustrant des derniers jours passaient aux oubliettes.

Derrière la porte, une femme – une de plus – d’un âge plus mature pleine d’une profonde prestance et d’une dignité à toute épreuves s’approchait de la porte, à grand pas, le regard plein d’une fureur qu’elle ignorait jusqu’à présent. Les frasques de son mari lui suffisait, elle n’acceptait pas qu’un de ses amis viennent doubler sa peine. Elle s’apprêtait à ouvrir la porte en grandes pompes, en faisant le plus de boucan possible, pour que son invité remarque sa présence et son mécontentement. Mais finalement, son ouïe fine lui imposa le calme, contrastant ses intentions, elle tournait la poignée délicatement et avancée à tâtons, un pas après l’autre. Suffisamment proche, elle observait la scène et ne comprenait plus comment un jeune freluquet aussi paisible aurait pu chagriner une jeune femme forte et pleine de caractère. Sa fureur s’adoucit, Gareth ne la remarquait pas, il ne voulait probablement pas la voir. Sa colère s’apaisait au son mélodieux de ces touches qu’elle lustrait en toutes occasions, la surprise la gagnait, puis un certain mal être lorsque la mélodie lui parut plus familière. Finalement la colère, de nouveau, lorsqu’elle vit son bien raturé. Elle frappa un grand coup sur le bois de l’instrument, laissant à peine le temps à Gareth d’ouvrir de grands yeux pourpres écarquillés de stupeur et de retirer ses doigts avant qu’elle ne claque le pupitre violemment. Il fit un bon en arrière, manquant de trébucher sur le petit banc. Elle fit un esclandre, montant haut dans les aigus et tapant frénétiquement sur la partition, elle ne lui laissait pas le temps de lui répondre ni même de s’expliquer. Elle n’était pas prête, même pour entendre ses excuses qu’il répétait avec frénésie tout en reculant à chaque fois que la dame faisait un pas de plus. Puis, figée elle lui fit remarquer qu’on ne se baladait pas torse nu, à moitié vêtu comme un paysan, lorsque ses hôtes se présentaient et qu’ils avaient eut la charité suffisamment grande pour accueillir un vagabond de grand chemin, un voleur peut-être ! Gilbert l’avait bien prévenu, mais sa femme avait un pouvoir vocal et un débit qu’il n’imaginait pas. Il se sentait petit face à la fureur de ce petit bout de femme, qui lui arrivait à peine au cou et lui tapotait le poil et le torse du papier au centre de sa colère. Comme pour fuir son regard accusateur, il se retournait, tendant le bras vers une chemise qui traînait sur un fauteuil, s’excusant presque de ne pas réussir à l’enfiler, de ne pas avoir le cheveu aussi sec qu’il l’aurait voulu.

« Je ne compte pas rester. Je n’attends simplement que Gil… »

Ses explications s’effondrèrent lorsque le doigt de son hôte se mit à parcourir son dos et ses cicatrices, une en particulier, si ancienne qu’il ne s’en rappelait plus, ni même des tristes événements qui l’accompagnait. Il frémit sous la pression de son index puis de sa paume, puis de ses deux paumes. La situation échappait à son contrôle, à vrai dire elle glissait comme du sable entre ses doigts depuis plusieurs heures déjà. Elle l’entoura de ses bras, ses mains peinaient à se joindre sur son ventre. Il sentait jusque la chaleur de son souffle sur son omoplate. Figé, il n’osait plus bouger, jamais il ne s’était retrouvé dans une telle situation. Lorsque son étreinte prit fin, elle défit  l’attache de son collier d’une main, à la plus grande surprise de Gareth. Le souffle et la voix de la dame tressautait, comme celui de la précédente, un mal familial, probablement.

« Comment ? Je n’ai jamais réussi à le défaire, il faut me montrer !
– Vous ne l’avez jamais retiré ?
– Jamais, il a toujours été à mon cou, pourquoi ?
– A quoi correspondent ces pendentifs.
– On me les a offert, ou bien je les ai reçus … en héritage. Il n’y a que le boitier que j’ai toujours eut. Il y a mon nom dessus, enfin une partie le reste est rayé. C’est en le lisant qu’on m’a rappelé mon nom, Gareth.
– Gareth et c’est tout.
– C’est déjà bien suffisant, pour moi, conclut-il en tripotant la lanière de cuir à son poigné. Je ne voulais pas l’abimer.
– De ?
– Vôtre partition, elle est incomplète, j’essayais juste de la compléter, je ne supporte pas les vides.
– Ce n’est plus grave, continuez, dit-elle en marchant d’un pas pressé vers la porte, ma fille viendra vous examiner et refaire vos bandages.
– Vous ne me le rendez pas ? Il m’appartient et je ne suis pas prêt à vous le vendre. »

De loin, elle lui murmurait presque sans voix que son mari le lui apporterait, qu’elle allait le faire nettoyer. A nouveau esseulé, ce n’est qu’après de longue minute qu’il reprit consistance. Si son sens de l’analyse ne lui faisait que rarement défaut, à l’instant il ne comprenait plus le déroulement des événements, si ce n’est l’effet pervers qu’il semblait avoir sur les individus de cette maison.

La fille de Gilbert lui rendit visite, elle s’affaira sans un mot, elle ne répondait même plus lorsqu’il lui faisait remarquer que son talent ferait pâlir plus d’une prêtresse. Elle était gênée, il voyait bien qu’elle ne savait plus quoi dire, donc il en fit de même. Et lorsqu’elle finit, elle se releva puis s’en alla le pas pressé, sans même répondre à ses remerciements ou l’aider à mettre cette fichue chemise. Il en fit une boule pour la jeter par terre avant de s’assoir sur le sol d’une terrasse légèrement surélevée, ses pieds balançaient nonchalamment dans l’air. La situation commençait sérieusement à le lasser, à le frustrer, et plus sa frustration grandissait plus il y repensait … Sa seule distraction de la journée a consisté à raconter ses histoires aux deux cadets de Gilbert qui couraient dans tous les sens. La simple évocation du monde les faisait palpiter tant ils ne connaissaient que Canopée, leur situation très privilégier pour l’extérieur n’avait rien de si privilégiée. Ils ne manquaient de rien mais passait à côté de beaucoup. Rapidement, ils s’en allèrent rejoindre leur précepteur, qui observait Gareth d’un œil méfiant mais pas uniquement, il décelait chez l’enseignant la lueur d’un questionnement, lui-même il se questionnait beaucoup. Le soir venu, la nuit tombée, il reconnut les pas lourds de son ami et sa façon de jeter sa veste, c’était probablement lui qui lui avait appris à jeter les choses de cette façon. Il s’assit aussi, observant le ciel tout soupirant, quelques bougies éclairaient les alentours. Il avait deux verres dans les mains qu’il remplit avec un absinthe boisé. Il lui tendit l’un des verres et engloutit le second.

« Tu n’observes pas les étoiles, pourtant tu n’as jamais eut l’occasion de prendre cet axe.
– Une lentille est brisée, je n’ai pas encore la force de la réparer, ni la patience, ni même l’envie. Le ciel peut bien attendre, il a attendu jusque là.
– Et …
– Et on s’occupe de moi, on s’occupe de mon corps, par contre on m’hurle dessus, on me verse des sceaux sur la poire … Tes enfants sont admirables, mais il faudra les laisser partir, ils sont trop ignorants du monde.
– Je sais, mais avec l’épidémie, je n’ose pas envisager les voyages. Tu n’as pas d’enfants, tu comprendras plus tard, tu n’as pas d’enfants au moins ?
– Hum.
– Tu as connu des femmes ?
– Ha. » Il lui sourit, son ton paternaliste lui avait manqué. « J’ai connu des femmes, j’ai eut des aventures, mais à ma connaissance je n’ai pas d’enfants, non.
– Des enfants cachés …
– Le propre de l’enfant caché, c’est qu’il est caché …
– Cesses d’être caustique, et tournes-toi que je vérifie quelque chose. » Il s’exécuta, cette fois, c’est la chaleur de la flamme qu’il sentait le parcourir. Gilbert déglutit, il se servit un verre de plus qu’il engloutit, avant de rire à s’étouffer la main sur le visage. « Comment … Comment j’ai pu être si stupide, aveugle, incapable, crétin, naïf, déb…
– Oui, bon j’ai compris, mon dos te donne l’impression d’être un incapable, d’accord mais limites-toi en superlatif. » Gilbert rit à nouveau, en lui frottant violemment le cuir, comme à son habitude. Puis il lui tendit son bijou, honteusement volé par sa femme.
« Je ne sais pas comment j’ai pu passer à côté, après tant d’années. Il a fallu que deux personnes le remarque avant moi.
– Bon, à la fin, vous avez fini avec tous ces mystères. Ca en devient vexant.
– Vexant, il rit encore, même ça, c’est caractéristique. Gareth, Anniella n’est pas fâchée.
– Ha. On dirait pas, qui elle est d’ailleurs ?
– Une connaissance de longue date. Mais, comment dire, on ne l’avait plus appelé Annie depuis très longtemps.
– Ce n’est pas une raison pour me balancer un sc…
– C’est toi qui l’appelais comme ça, quand vous étiez jeune.
– Mais bien sûr, quand j’étais jeune, je ne connaissais même pas son nom avant qu’elle ne me frotte le dos.
– Tu ne comprends pas ?
– Non et non !
– C’est incroyable, tu ne te souviens vraiment de rien de ta jeunesse, les cent premières années, rien, rien du tout ?
– Non, rien et tu sais que je n’aime pas en parler.
– Gareth … Cécile ne s’est pas énervée parce que tu as gribouillé sa partition. Elle s’est énervée parce que tu as gribouillé la vôtre. » Gareth le regardait comme un fou qui divague. « Il y a maintenant bien trop longtemps, nous avons voyagé sur un navire, l’Alizée qu’il s’appelait … Le bateau a fait naufrage dans une tempête, tu es mort dans cette tempête. » A nouveau, il l’observait comme s’il perdait l’esprit, il prit même la température de son front, et lui tira sa bouteille des mains. « Si elle s’est attardée sur ton dos si longtemps … Tu as une tâche de naissance qui a une forme très particulière et une cicatrice qui date de bien avant tous ces événements, elle traverse la tâche en spirale. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le pendentif autour de ta chaîne, il y a un portrait à l’intérieur, lui aussi il date. » Cette fois, il se servit un verre qu’il engloutit à son tour. « Ton nom complet c’est Gaelreth Ezéchiel, voilà ce qui n’apparait plus sur la gravure … Gareth, tu es mon fils ainé.
– Stop, stop-top-top-top, on se calme tout de suite, dit-il en se relevant pour faire les cent pas, sa main valide gratouillait son menton barbu. Comment ça, je suis mort ? Comment ça, je suis ton fils ?
– Lorsque le navire a coulé, tu es tombé à l’eau et tu as disparu sous une vague. Tu ne savais pas nagé à cette époque, c’était ton premier voyage en dehors de Canopée. »

Le visage du père était fermé, la culpabilité creusait ses traits. Gilbert est un homme fort, rompu à l’exercice de l’apparence, il ne montre jamais ce qu’il ressent véritablement, simplement ce que son interlocuteur voudrait qu’il ressente. Mais cette fois, sa gestuelle, son expression, la façon dont-il détournait le regard, tous ces points transpirés le véritable Gilbert, un homme meurtri par les épreuves qui s’était relevé peu à peu.

« Donc tout ça, c’est le fruit d’une coïncidence, conclut Gareth en baissant les bras.
– Une suite de coïncidences. Mais maintenant tout va changer !
– Pourquoi ? Qu’est-ce qui devrait changer ? » Il vint se rassoir. « Qu’est-ce qui devrait changer, tu es déjà bien assez paternaliste, parfois tu me tapes sur le système, souvent tu me sors de l’embarra, parfois de situation pire encore. Tu m’as accompagné dans les moments difficiles. Ce soir tu me révèles juste mon identité.
– Et ? Dit-il dans une nouvelle gorgée brulante.
– Je suis désolé Gilbert, je ne renie rien mais, je ne me souviens de rien. Depuis, je me souviens de tout, tout dans les moindres détails …
– Oui, c’était déjà le cas avant.
– Je pense que je ne souviendrais jamais de ce temps, je voudrais mais je … On fera sans. Par contre, tu ne me retiendras pas. Je décevrais toujours les ambitions que tu avais pour moi, j’ai pris un chemin probablement très différent. Je ne partage probablement pas toute la culture de ce pays … Je ne crois pas en un dieu, je ne pris pas et je ne croirais que s’il vient me serrer la pince.
– Peu importe tout ça, Ga…
– Gareth, je suis Gareth. »

Encore une fois, il ne savait plus comment interpréter ce qu’il voyait. En quelques jours, toutes ses certitudes s’évanouissaient, laissant place à l’incertitude des jours à venir, de qui il était et d’où il allait. Il apprenait que tout ce qu’il était, il le retrouverait ici, dans les pièces d’une demeure plus grande que toutes celles qu’il n’avait jamais fréquentées. Qu’il était probablement destiné à entreprendre bien des ambitions dont-il n’avait plus idée. Gilbert le prit par le cou, avant de lui ébouriffer les cheveux et de le serrer dans ses bras dans un profond soupir, presque un long râle de fin de vie. Et après, il le frappa dans le dos, de cette façon caractéristique, un effet viril pour cacher les apparences.

« Tu sais, je n’avais pas besoin de lien filial. Ca me suffisait. »

Gilbert rit aux éclats pour ne pas fondre en larme. Avec le temps, Gareth s’est forgé un caractère trempé, une coque suffisamment solide pour ne pas se laisser trop ébranler par des révélations troublante. Mais lui, même s’il le refoulait, il était à vif tout ce que son enfant avait oublié lui revenait au fil de la discussion. Pour adoucir son âme, il but, Gareth aussi. La nuit se conclut dans des rires et des anecdotes … Gilbert le moralisa aussi pour ses aventures, mais sur un ton qui lui retirait toute crédibilité.
« Au fait, mon autre fils est venu te voir ou merde ? Avec un truc qu’il a acheté, là. Haaa … C’est un bon militaire, mais il est naïf ce gamin.
– Euh… Oui, enfin non. Enfin oui, mais il est parti vexé je crois.
– Pourquoi que quoi … Qu’il est parti vexé ?
– Sa couronne, c’est une jatte … Une belle jatte ancienne, mais que les Eclaris me virent si quelqu’un lui affirme que c’est une couronne de Taulmaril. C’est une très belle jatte, mais c’est juste bon à accueillir des carcasses de volailles, certainement pas la tête d’un Roi.
– Plus sérieusement, demain il faudra que l’on parle tous ensemble.
– Tant qu’on le me lacère pas le poil à coup de papier, j’accepte. »

A nouveau, l’un comme l’autre rirent aux éclats, sur un ton moqueur mais chaleureux, comme ils le faisaient avant toutes ces révélations, comme si elles n’importaient pas. Comme si toutes ces aventures n’étaient que le fruit de leur imagination trop fertile.

Ainsi débute la longue vie de Gareth Ezéchiel.

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Un millier d'excuses pour la longueur ;_;
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Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitimeJeu 5 Mar - 0:01

C'est non sans ... Sans rien du tout, en fait, que j'indique que je viens de mettre un point à cette fiche. Merci bien pour l'attente =) !

Petits crédits Parce que vous le valez bien :
* à la CB pour les franches rigolades !
* Léo, Irina et Sighild pour les nombreuses réponses, à mes nombreuses et répétées questions.
* A Léo pour sa lecture et son avis avisés sur quelques modifications :3 !

THE END
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MessageSujet: Re: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitimeSam 7 Mar - 13:46

Hohoho! On peut dire que tu nous as fait un véritable roman! Mais c'était très bien et très complet!

Il faudra juste faire attention avec tes pouvoirs de modélisation et de transmutation, de ne pas t'emballer! lool Et noter que tu ne peux pas utiliser les deux pouvoirs en même temps. (simple rappel! lol).

Fiche validée


Tu vas pouvoir ouvrir ton compte en banque, ton journal, ta boîte aux lettres et enfin ton inventaire.

Il te faudra aussi faire une demande de rang personnalisé et te recenser.^^
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MessageSujet: Re: Gareth Ezéchiel   Gareth Ezéchiel Icon_minitime

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Gareth Ezéchiel
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