[Terminé] Tissons l'étoffe du monde

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• Eryllis: 3
• Ladrinis: 9
• Eclaris: 5
• Prêtresses: 5
• Cavaliers de S.: 5
• Nérozias: 6
• Gélovigiens: 3
• Ascans: 0
• Marins de N.: 4
• Civils: 15

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- Walter cherche de Preux chevaliers.
_ Raël veut des clients.
_ Deirdre a besoin d'employé!

Les Rumeurs

_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
_ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose".
_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 [Terminé] Tissons l'étoffe du monde

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MessageSujet: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeDim 26 Avr - 23:00

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  168156Sanstitre3


* Que veut Soulen de moi aujourd'hui ? *

 Telle était la sempiternelle controverse que Kalendra s'imposait chaque matin. Á chaque aube qui se levait sur le Temple, c'était l'identique questionnement qui faisait son retour. Sa première pensée se dirigeait vers Soulen, de manière systématique et immuable, alors que sa seconde allait vers cet épuisement atroce qui lui vrillait les tempes. Cette nuit, entourée par des ombres fébriles, son sommeil avait tardé à venir et les cauchemars s'étaient faits nombreux. Ce n'étaient jamais des visions, ou ce vide noir si sombre qu'il semblait tangible ; c'étaient des songes saugrenus, dominés par l'incohérence et l'excentricité. Ces illusions, ces chimères même, hantaient ses nuits depuis des semaines, lui semblait-il, et elle en ignorait la raison.

Étendue sur sa couche, elle percevait les rais des deux soleils même sous la fine membrane de ses yeux clos. La pièce embaumait son habituelle fragrance iodée et humide, qui caractérisait si bien le littoral du Lac Gelé – en réalité une mer fermée bien plus qu'un lac. Ici, là, dans le cocon protecteur de son lit, Kalendra n'avait nulle envie de sortir ; la chaleur était comme un baume recouvrant son cœur transi. Mais guidée par son devoir et sa raison bien plus que par ses lubies subites, la Haute-Prêtresse -car c'était ce qu'elle était- parvint à s'extraire de sa couchette, entrave à son destin. Les yeux plissés, la démarche titubante, elle se dirigea tant bien que mal vers le grand miroir qui occupait le coin de la pièce. Celle-ci, quoique modeste, était bien plus fournie que celle des simples prêtres. Là, au centre, trônaient une table et des chaises ; non loin, à côté, un grand lit à baldaquin et, adossée à un pan de mur, une commode boisée. Le miroir dans le coin près de la porte était tout ce qui aurait pu sortir de l'ordinaire : il était grand et inclinable à volonté grâce à un astucieux mécanisme. Sans hésitation, Kalendra jeta un regard dans la surface réfléchissante. Ce qu'elle y vit lui arracha un frisson, un frisson qui parcourut sa peau pour la rendre plus effroyable encore. Elle n'était qu'un corps fragile et aux formes à peine ébauchées, que la carnation de nacre ne faisait que souligner. Les traits de son visage semblaient s'émacier de jour en jour sans qu'elle ne puisse rien y faire. Sa main calleuse et endommagée par la mer agita soigneusement sa chevelure. Sous ses cheveux immaculés, qui lui paraissaient d'une clarté insipide, on ne voyait pas le bout pointu de ses oreilles ; il aurait été facile de la prendre pour une Terran, si elle n'avait pas été si maigre et filiforme. Seuls ses yeux, d'un bleu-violet pâle, avaient encore l'air vivants, portant une ultime étincelle de foi et de dévotion. Là, devant cette glace de vérité fatale, elle ne voyait plus l'Élue de Soulen, seulement la pauvre Sindarin à peine adulte, fille de marins. L'Élue de Soulen attendrait d'avoir passé le pas de la porte avant de refaire surface, pour une autre journée de jeu de parole et de manipulation.

Elle pria une heure, une heure Soulen, prise dans cette transe méditative qu'elle avait tant cherché à acquérir. Puis, dans le silence de ses quartiers, sans prononcer un mot, elle se vêtit d'une tunique céruléenne, aux discrets liserés noirs, dont l'indécence aurait sûrement fait pâlir quelques personnes misogynes. Seules comptaient les indications de Soulen. Toujours dans cette même quiétude qui avait pris part du Temple, elle traversa quelques couloirs pour se rendre dans la pièce où se tenaient toutes les cérémonies. A travers les fenêtres, on pouvait voir les soleils, maigres lueurs incarnats à l'horizon, mais qui distillaient dans le ciel des luminescences chamarrées, de rose, mauve et bleu. Enkilil était bel et bien arrivé, et il avait emporté avec lui toutes les tempêtes qui ravageaient habituellement Cimmeria. Il devait déjà être l'heure.

La vie au Temple était, d'ordinaire, paisible et bien rangée. Chaque jour aux mêmes heures, il y avait les mêmes cérémonies, rites, les mêmes prières et les mêmes réunions. Chaque jour étaient les mêmes prêtres, les mêmes initiés et la même Haute-Prêtresse. Ils offraient leur vie au temple, et Kalendra réglait leur vie. Il régnait dans le bâtiment une ambiance de calme incertain, un silence profond de respect de la foi ; mais il n'était pas rare que ce silence soit remplacé par des éclats de rire. Une majorité des prêtres de Soulen étaient des anciens marins reconvertis, qui avaient connu des incidents, et qui avaient vu leur vie sauvée par le Dieu des mers et des océans. Si leur croyance était inébranlable, leur ancien comportement l'était tout autant. Certains parmi eux étaient d'anciens pirates ; et la foi leur avait offert amnistie et absolution.
Les Dieux étaient les tisserands qui tissaient l'étoffe du monde, comme un motif d'une complexité effroyable fait de mille peuples, mille émotions et mille couleurs. Les Dieux n'étaient pas penchés sur un échiquier, ou une carte, à nous déplacer avec froideur, celle avec laquelle on bouge les pions ; si cela eut été le cas auparavant, ce temps était désormais révolu. Non ; et Kalendra en était convaincue. Les Dieux comme autant de fils disparates et peut-être inconsciemment, se faisaient guides de guides ; ils guidaient les guides des peuples vers une conscience commune universelle et générale : la foi. Et les Gélovigiens étaient là pour ça. Sauf qu'entre eux régnait une certaine discorde, ou du moins, une tension tacite. Kalendra condamnait la propension de ses confrères à voir chaque événement comme un châtiment plutôt que comme une épreuve. Et en cela, les religieux perdaient des admirateurs. Mais Soulen était mille fois différent des autres Dieux ; il régnait seul sur son empire et nous galvanisait tous à sa manière. La Haute-Prêtresse songeait à lui comme une femme songe à son amant : quotidiennement, sans retenue et avec une déférence et une dévotion non feintes. Si les voies des Dieux étaient impénétrables, leurs voix ne l'étaient pas.

Il n'était pas dans les habitudes de Kalendra de céder à ses envies soudaines ; les caprices n'étaient pas une attitude à avoir pour une Haute-Prêtresse. Mais voilà ; elle avait cruellement besoin de bons vêtements. Oh bien sûr, elle se savait très loin de ces femmes potiches et surfaites qui suivaient la mode comme une foi exigeante et contraignante ; mais la Sindarin avait bien le droit à un plaisir de temps en temps, non ? Elle avait bien quelques atours convenables, de belles tuniques, de belles bottes, un beau manteau à dorures ; mais il lui manquait une pièce dans sa collection qui lui siérait comme un gant et l'envelopperait d’un tissu peu commun. C'est pourquoi, quand un prêtre lui informa qu'il quitterait le temple la décade suivante pour Amaryl, elle lui attribua une mission ; rapporter avec lui plusieurs mètres d'étoffe d'une qualité inestimable du pays maudit. Il ne lui fallut pas beaucoup de baratin pour accepter sans douter : « C'est un vœu de Soulen » et « Cela permettra de développer le commerce de la région » avaient suffi. L'art tisserand était une des rares choses qu'il restait à Argyrei ; les nomades comme les Amaryliens perpétrèrent ainsi la production de textile qui faisait tourner l'artisanat local. Et pour un tissu peu commun, c'en était un ; elle ne connaissait rien de plus cher sur le marché, si on omettait la peau de Carnarys.
C'est ainsi que plusieurs semaines après, le prêtre revint et avec lui, deux mètres cinquante de textile. Il avoua avoir été un peu encombré par l'objet, ce à quoi Kalendra répondit par un hochement de tête. Heureusement pour lui, le tissu n'avait eu comme seul dommage que la morsure du froid et quelques flocons de neige. Pendant plusieurs jours, la prêtresse ne cessa de contempler l'étoffe ; elle était d'une douceur inégalée et d'une couleur proche de l'indigo – une teinture assez usitée en Argyrei. Il lui restait cependant à trouver le tailleur qu'elle sommerait pour cette tâche. Depuis peu de temps, un nom circulait, une réputation balbutiante qui cachait, elle l'espérait, un don prodigieux. Asnaell, telle était la personne qu'elle convoitait. Bientôt, une missive fut envoyée à Tyrhénium.

Telles étaient les pensées de Kalendra quand elle quitta la salle de cérémonie. La première prière s'était déroulée sans encombre, et la Haute-Prêtresse avait les idées un peu plus claires à cet instant. Après de nombreux couloirs, elle rejoignit une salle, une sorte de boudoir où elle officiait et recevait les visiteurs. Il comportait deux sofas face à face, séparés par une unique table basse. Au fond, derrière, devant un vitrail particulièrement bien réalisé -les souffleurs de verre étaient légions en Cimmeria-, se trouvait un bureau où s'alignaient sagement papiers, plumes et encrier. Alors qu'elle prenait place, un prêtra frappe à la porte, l'informant de l'arrivée d'une personne tant attendue... Avec un sourire satisfait et entendu, Kalendra hocha la tête.

«  - Très bien. Faites la venir ici même. »


Dernière édition par Kalendra Dogbar le Sam 27 Juin - 20:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeMar 28 Avr - 15:04

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre10

Un cahot de la route vint encore me secouer dans cette maudite carriole me forçant à émerger de mes pensées. Je déteste les voitures, je préfère nettement cavaler sur le dos de Sjenomb. Mon étalon noir au mauvais caractère. Mais il avait bien le droit de se reposer après ce long trajet.

Erielle avait reçu un message venant du temple de Soulen, en Cimméria. Il m'était destiné, mais ça ne l'a pas empêché d'en prendre connaissance. Et en arrivant au magasin ce matin, elle me fourra ma besace contenant mes instruments dans les mains en me poussant résolument vers la sortie. En effet, avoir une Haute-Prêtresse comme cliente, ne pouvait être qu'une aubaine pour nous. De plus, il semblait que je sois expressément nommée pour m'occuper de sa commande. Il semblerait que ma réputation est franchie la frontière. Erielle savait trouver les mots pour me motiver même si elle ne put s'empêcher de me glisser un ''il vaudrait mieux qu'elle soit satisfaite de toi'' en une menace à peine voilée. Je n'eus le temps que de lui répondre ''Bien sûr qu'elle le sera'', avec une fausse assurance, avant que la porte ne se referme sur moi.

Je me suis donc mis à la recherche d'un convoi en partance pour Cimméria, il était beaucoup plus sûr de voyager en groupe. Je finis par demander de l'aide à mon ami Ecis, qui se targuait de tout savoir dans cette ville. Il ne trouva qu'une caravane de marchands qui se dirigeaient vers Hellas en passant par Thémisto puis par Gaeaf. Je fis en sorte de... convaincre le chef de convoi de me déposer au temple de Soulen, à moindre prix évidemment. Bien que se ne soit pas le chemin le plus court pour moi, c'était le plus sécurisant.
Avant de partir, Ecis me fit don d'un manteau d'un rouge sanguin, en cuir velours doublé d'une courte fourrure blanche et dotée d'une large capuche. ''Imagine un peu, si je t'avais laissé partir sans ça, que tu te perdes au milieu de la neige de Cimmeria, on aurait bien du mal à te retrouver.'' m'a-t-il dit avec son sourire narquois habituel lorsqu'il me taquinait pour la pâleur extrême de ma peau.

Nous primes le chemin pour Thémisto et bien que je ne souhaite pas m'y attarder plus que nécessaire, la caravane devait s'y arrêter pour se ravitailler. Le trajet de six jours se passa sans heurt, et nous n'avons croisé que peu de personnes, ce qui rendait le chemin encore plus morne au fur et à mesure qu'on se rapprochait de la cité noire. Je n'avais jamais aimé Phelgra et sa capitale était à l'image de mon ressentiment, j'avais l'habitude des bas fonds de Tyrhénuim, mais il y avait quelque chose de malsain dans cette ville ou était-ce tout simplement l'inquiétude liée à mon passé qui me faisait la voir comme une sombre toile du peintre macabre Kaho. La météo sombre et nuageuse n'améliorait pas mon humeur, mais nous n'avons pas tardé à quitter la ville. Cependant, le ciel se dégagea dès qu'on s'éloigna de la capitale de Phelgra même si nous ne pûmes pas vraiment en profiter en entrant dans la forêt qui nous séparait de ma destination.
La route bien que facile à suivre était semée d’embûches qui ralentissaient le passage de la voiture contenant les produits. L'avantage d'une caravane de plusieurs marchands était l'effet dissuasif du nombre, mais aussi la garde plus efficace et moins chère. Ce qui nous fut des plus appréciables, durant la dizaine de jours que nous passions dans la forêt, il fallait bien se défendre contre les bêtes sauvages qui n'avait pas pris peur. Nous avions fait une courte escale à Lindholm avant de repartir pour le temple de Soulen.
C'est en sortant de la forêt que la beauté froide de Cimmeria me sauta aux yeux. Les étendues glacées, des prairies givrées, la surface de saphir. Le froid du début de journée embrumait le tableau  d'un voile opalin, faisant ressortir le mysticisme de la scène. Je comprenais l'amour que les artistes de tout bord éprouvait pour ce pays. Cependant, l'apaisement qui m'avait atteinte devant ce cadre fut atténué par le froid pénétrant. Étant extrêmement frileuse, je ne pouvais que me féliciter d'avoir un ami aussi prévenant que mon Ecis qui me connaissait si bien.

Nous finîmes par voir le Temple au loin, mais il se faisait trop tard pour que j'y aille de suite. Le convoi me laissa dans une petite auberge proche du Temple, à quelques heures à peine. Ce qui me permit de me débarrasser de cette odeur de cheval et d'échanger ma tenue de voyage pour une autre plus adaptée à une rencontre avec une cliente. Un bustier de satin blanc rehaussé de dentelle rouge sombre, refermé par de petits boutons sur le flan, un pantalon de cuir pourpre dont des motifs baroques en reliefs ornent les cotés de mes jambes, finie par une paire de bottes en cuir acajou. Une robe aurait peut-être été plus appropriée, mais il fait bien trop froid dans ce pays.

L'auberge avait mis à disposition des pèlerins, des carrioles afin de rallier le temple de Soulen plus facilement.
C'est ainsi que je me retrouvai à regarder par la vitre de la voiture, en attendant impatiemment d'arriver. Être bringuebalée et secouée dans tous les sens me rendait folle. Je sautai du véhicule avant même qu'on vienne m'ouvrir. Je fus accueillie par la face peu amicale de Sjenomb et je le confiai au premier prêtre qui me le proposa.
Je pus enfin profiter du paysage, le temple était une merveille d'architecture et totalement en accord avec son environnement. La mer qu'était le lac gelé était animée par un léger vent dont le parfum d'iode vint m’envelopper alors que j’emplissais mes poumons de l'air frais et marin, et resserrais précipitamment les pans de mon manteau autour de moi.

Un autre prêtre vint me chercher afin de m’amener auprès de l'élue de Soulen. Je laissai mon regard vagabonder sur les murs recouverts de tapisseries élégamment brodées et tableaux à l’atmosphère éthérés, les quelques statues de glaces typiques de Cimmeria.
J'attendis qu'il prévienne la Haute-Prêtresse de ma présence. Le silence qui régnait dans le temple, m'était très inhabituel et me mettait un brin mal à l'aise et je m'empressai de suivre le prêtre qui m'introduisit dans le bureau de Kalendra Dogbar. Une petite salle agréablement agencée, j'étais particulièrement impressionnée par le vitrail, une technique irréprochable. Précisément, le type d'objets qui manquent à ma collection.
Je fus surprise du physique de la prêtresse. Elle était aussi pâle que moi, les cheveux de neige comme les miens, une personne souffrant de mauvaise vue aurait pu nous prendre pour des sœurs. Mon regard de couturière prit rapidement note de son style avant de me présenter avec un sourire sincère, inclinant légèrement la tête sur le coté en signe de respect.

- Dame Dogbar. Asnaell, pour vous servir.

Les civilités n'étaient pas vraiment mon truc, les ronds de jambe non plus, mais je me devais de faire un effort. Il s'agissait, entre autres, de l'inquiétude d'Erielle lorsqu'elle m'envoyait travailler ailleurs.

- J'espère que ma présence ne s'est pas trop faite attendre.


Dernière édition par Asnaell le Lun 4 Mai - 15:10, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeMer 29 Avr - 23:36

Le prêtre ferma la porte en silence, et Kalendra ne se départit pas de son étrange sourire. Celui-ci toujours fixé sur ses lèvres, elle prit place à son fauteuil. L'arrivée impromptue de la couturière, appelée peu auparavant, lui plaisait. Elle ne l'avait pas oubliée.  Elle n'avait rien oublié. Aussi soudaine qu'attendue, une brise se leva et avec elle, un sifflement aigu se fit entendre. La Haute-Prêtresse, facilement frigorifiée et peu résistante aux chaleurs extrêmes, ne s'était jamais accommodée au climat polaire de Cimmeria. Prise d'un frisson, elle se frotta frénétiquement les bras pour faire partir ce gel qui figeait son corps – comme son esprit. Ces vents étaient monnaie courante au Temple, qui, s'il bénéficiait d'une température d'ordinaire clémente, laisser parfois passer un ou deux courants d'air. Alors, la Sindarin se saisit d'une veste, sur le dossier de son fauteuil, de manière presque inconsciente. Son vêtement, gris anthracite, était brodé çà et là de d'arabesques argent et aussi long que sa tunique. Le regard perdu, l'air absente, elle passa ses bras dans les manches amples de l'habit soyeux. Voilà qui allait mieux ; mais il lui restait beaucoup à faire. D'un geste qui respirait l'expérience, elle s'empara d'un simple parchemin et trempa une plume sombre dans l'encrier. Le vitrail en verre dans son dos, projetait sur le meuble des lumières colorées qui respiraient la vie et le jour. Après avoir inlassablement contemplé ce spectacle, Kalendra commença alors à griffonner soigneusement le papier, qui bientôt se noircit d'une encre pourpre.

Souvent, quand les voyageurs débarquaient au Temple de Soulen, ils affichaient le même visage ébahi d'épuisement et d'émerveillement. Leur périple devait avoir pris forme dans le froid et le gel, sous le blizzard incessant du pays des glaces. Ils avaient parcouru des milliers de lieues d'une toundra recouverte d'un suaire d'albâtre, parfois entrecoupée d'une taïga aussi dense que dans les contes. Et un matin, au crépuscule de leurs forces mais à l'aube du monde, alors que leur corps est meurtri par les neiges éternelles, un éperon rocheux perce à travers la brume épaisse – cette même brume dont le cœur palpite des rayons de l'aurore opalescente. Et tout au sommet du pic, un joyaux de finesse comme de dureté, dans un écrin de coton. Ils marchent et marchent encore, jusqu'à une grande porte d'entrée ; un prêtre leur ouvre, leur parle, et les prie de venir patienter dans le hall. Parfois, selon la raison de leur visite, ils doivent attendre plus longtemps ; mais jamais cette attente ne paraît terne, tant elle offre de merveilles à leurs yeux. Pour les cimmériens, c'est du pareil au même, mais les étrangers semblent étonnament ahuris par les prouesses des autochtones. Si ce sont des pèlerins, la Haute-Prêtresse les accueillent comme il se faut. Mais si c'est autre.. C'est dans son antre que vous allez. Les couloirs qu'ils parcourent s'ornent de statues, de verre mais surtout de glace, et les murs portent sur eux la marque de l'histoire et du temps. Ici, tout vous appelle à la glace du pays et à l'eau de Soulen.

Et bientôt, on toqua à la porte, on l'arracha à ses pensées. Ou plutôt, elle ne s'y enfonça qu'un peu plus. Car peu après, dès qu'elle en donna l'autorisation, le prêtre ouvrit pour laisser place à une femme. Et celle-ci avait le visage marqué par le voyage et l'admiration, coutumière réaction des pèlerins de passage, mais aussi par l'attitude fervente du devoir à accomplir.

« Dame Dogbar. Asnaell, pour vous servir. J'espère que ma présence ne s'est pas trop faite attendre. »

Sa voix résonna dans la pièce, claire et cristalline comme une cascade d'eau douce. Si les deux femmes étaient surprises, elles ne le montrèrent pas. Effectivement, la personne répondant au doux nom d'Asnaell était, à l'instar de Kalendra, le résultat d'une imbrication de multiples teintes pâles. Leurs chevelures et leurs carnations étaient en tout point semblables, cependant, la Haute-Prêtresse parvenait à saisir une nuance ; alors que son interlocutrice dégageait une sensualité et une certaine chaleur, la Sindarin était empreinte d'une aura froide et posée. Sans plus attendre, elle lui fit signe de s'asseoir sur un des sofas.

« - Que Soulen soit témoin de notre rencontre, Asnaell. J'espère que vous avez fait bon voyage. Venez, venez, fit-elle d'un geste de la main et d'un faible sourire. Prenez place. Vous aimez le thé ? Je vais bien trouver un pr... »

Elle laissa sa phrase en suspens et son visage afficha un air vaguement troublé. Le pas léger mais déterminé, elle s'engouffra dans le couloir à l'extérieur de la pièce, et s'empressa d'interpeler une prêtresse qui passait par là. La jeune fille qu'elle somma de ramener du thé acquiesça fébrilement et se hâta vers les cuisines.  Kalendra, l'ombre d'un sourire sur les lèvres, regagna la salle, passa derrière son bureau, et s'empara du rouleau de l'étoffe précieuse sous celui-ci. Quand elle reprit sa place en face de la couturière, elle lui tendit l'objet, tout en en appréciant la texture, douce et chaleureuse, que la couleur d'indigo violacé ne faisait qu'accentuer. C'est quand elle s'en saisit que Kalendra songea finalement à observer Asnaell. Ses courbes et ses traits paraissaient doux et sans aucune imperfection. Elle s'était vêtue dans un style qui plaisait à la Haute-Prêtresse : une attitude masculine, mais qui ne se départait pas d'une certaine féminité. C'était le genre d'atours qu'aurait pu porter l'élue de Soulen, avec ses fins symboles baroques et ses couleurs discrètes. Cependant, pour la Sindarin, les enjeux étaient autrement plus grands. Pendant qu'elle l'observait, une prêtresse rentra dans la pièce et déposa d'un geste tremblant un plateau sur la table. Il était chargé d'un service à thé dont sortait des effluves sucrées et fleuries. Sans demander l'avis d'Asnaell, elle commença à la servir dans une petite tasse ouvragée, en même temps qu'elle prit la parole.

"Vous savez, votre nom revient souvent au détour des rues, quand on sait où aller. On vous connait tout particulièrement pour votre sens du beau et votre capacité à faire de la couture un art à part entière. Du moins, c'est ce qui se raconte. Des clients satisfaits, vous vous en doutez
."

Elle fit une pause dans son discours, autant pour son interlocutrice que pour elle-même, raffermissant un peu plus son contrôle spirituel de la situation. Tout allait pour le mieux. Kalendra reprit sans plus attendre.

"Si j'ai fait appel à vous, c'est pour cette étoffe. Elle m'a été ramenée d'Argyrei, et tissée par des tisserands Amaryliens. Je pense que vous saurez reconnaître la qualité d'un tel produit, souligna-t-elle d'un geste envers le rouleau de tissu. Cependant, vous aurez remarqué que je ne fais ni dans le jupon, ni dans la dentelle ; et c'est sûrement la seule contrainte que je vous impose. Je ne veux pas ressembler à ces nobliaux qui se croient omniscients et omnipotents. De tels atours me rendraient ridicule."

Une nouvelle pause, un peu plus longue cette fois-ci. Mettre l'interlocuteur à l'aise est une chose aisée -les personnes modestes entretiennent toujours une certaine rancœur de la bourgeoisie-, d'une aisance ridicule, même. Mais captiver est une autre affaire, bien plus complexe cette fois-ci. Le discours et l'art de la rhétorique nécessitent un rythme méticuleux comme une imaginaire valse à 5 temps. Et là où l'âge force l'expérience, l'élue de Soulen avait tout appris sur le tas. Ou bien était-ce une capacité innée ?

"Non, bien sûr. Son ton était péremptoire et inspirait l'évidence. Ce que nous autres les Hauts-Prêtres portons, les autres Gélovigiens le voient et c'est un moyen d'accroître.. Comment expliquer ? Elle fit mine de réfléchir, une lèvre pincée. Si votre création me plait, je la porterai, et si elle plaît à d'autres, votre nom passera comme un souffle et bientôt, tout le monde ne parlera plus que de vous, et de vous seule. On ne soupçonne pas le pouvoir de la religion. Faites-moi une tunique, ou un manteau, brodez où vous voulez... Enfin bref. Juste une chose qui sache attirer le regard sans l’écœurer, une chose qui sache être raffinée sans être extravagante. Vous habillez un représentant des Dieux, et vous le savez."

Si ses paroles couchées sur le papier étaient lourdes de sous-entendus, elles étaient à l'oral dites sur une tonalité des plus décontractées. Kalendra termina sur une note qu'elle espérait réconfortante et porteuse d'espoir, et c'était à double-tranchant. Elle avait l'espoir que la couturière trouve de quoi lui donner un peu plus de charisme mais elle redoutait autant une abondance qu'un manque de fantaisie. Mais elle savait qu'elle avait bien choisi, et que la femme en face d'elle saurait trouver l'équilibre. Si Kalendra savait avoir acquis du charisme avec la force de son expérience chez les Gélovigiens, elle avait une image à entretenir. Et si le Temple reflétait à merveille la somptuosité de Cimméria, elle devait en faire de même pour Soulen Si Asnaell avait l'air bien jeune, elle savait que l'âge, ce n'était rien qu'un nombre qu'on appose sur une force impalpable, sur une force qu'on ne peut contrôler à sa guise. L'âge n'était rien aux yeux de la femme blanche.
Lentement, elle porta la tasse dans ses mains à ses lèvres. Le liquide lui décrocha un frisson.

"Vous travaillerez dans la pièce jouxtant celle-ci. Il y a également bien plus de chambres qu'il n'en faut pour tous les prêtres de ce Temple ; vous serez donc logée ici jusqu'à nouvel ordre ou jusqu'à la fin de votre travail. Et bien évidemment, vous serez payée en conséquence. Des questions ?"
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeLun 4 Mai - 15:28

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre11

Les courants d'air inattendues s'insinuaient partout et me faisait frissonner de l'intérieur. L'atmosphère nébuleuse, entre froid et lumière, même les couleurs diffusées par le vitrail semblaient vouloir apporter une chaleur presque surnaturelle qui n'arrivait pas à me réchauffer. La Haute-Prêtresse désigna un des sofas en s'adressant à moi. Je remarquai alors que malgré la finesse de mon interlocutrice, ses mains avaient été endurci par le labeur.

- Que Soulen soit témoin de notre rencontre, Asnaell. J'espère que vous avez fait bon voyage. Venez, venez, fit-elle d'un geste de la main et d'un faible sourire. Prenez place. Vous aimez le thé ? Je vais bien trouver un pr... 

Elle sortit un bref instant et envoya quelqu'un nous chercher le plateau de thé. Là est tout l'intérêt de l'autorité, se faire obéir aux doigts et à l’œil. Son attitude respirait la confiance en soi, ce qui était on ne peut plus compréhensible pour une élue divine.  Sa démarche était gracieuse, cependant son maintient bien droit était presque raide.
Je pris place sur le divan, alors que Dame Dogbar revenait avec un léger sourire sur le visage. Elle alla récupérer un rouleau vers le bureau au fond de la pièce.

- Le paysage est splendide, mais le voyage n'est pas de tout repos. Je suis bien contente d'être enfin arrivée.

Elle me tendit ledit rouleau. Le regard perçant de la prêtresse me scrutait avec attention et je reportai la mienne sur l'étoffe indigo qu'elle venait de me remettre. Magnifique, d'origine amarylienne a n'en pas douter. La couleur était riche, la texture moirée, d'une excellente qualité sans aucun doute. Les étoffes venant du pays maudit étaient généralement très agréables à travailler , celle-ci est dense et fluide.
Une jeune prêtresse entra discrètement dans la pièce, elle déposa le plateau à thé sur la table basse. Son geste était incertain et tremblant, et j’espérai un instant qu'il s'agissait de respect envers l'élue de Soulen et non de la crainte. J'imagine assez bien la prêtresse devant moi être capable de se montrer d'une poigne de fer, cependant je ne me figure pas cette femme d'autorité sombrer dans la cruauté aveugle des despotes frustrés.

- Vous savez, votre nom revient souvent au détour des rues, quand on sait où aller. On vous connaît tout particulièrement pour votre sens du beau et votre capacité à faire de la couture un art à part entière. Du moins, c'est ce qui se raconte. Des clients satisfaits, vous vous en doutez.

J'avalai de travers ma petite gorgée de thé en entendant ces paroles, me brûlant la langue au passage. Heureusement, ma réaction fut discrète. Je ne m'étais pas doutée un seul instant avoir une telle réputation, j'étais consciente que mon travail était  des plus appréciés, cependant, c'était Erielle pour qui les nobliaux se déplaçaient. Il était certain que celle-ci s’étoufferait si elle devait partager la vedette. Et même si ma réputation n'était pas d'une importance capitale pour moi, il était tellement agréable de savoir que son talent est reconnu.

- Si j'ai fait appel à vous, c'est pour cette étoffe. Elle m'a été ramenée d'Argyrei, et tissée par des tisserands Amaryliens. Je pense que vous saurez reconnaître la qualité d'un tel produit, souligna-t-elle d'un geste envers le rouleau de tissu. Cependant, vous aurez remarqué que je ne fais ni dans le jupon, ni dans la dentelle ; et c'est sûrement la seule contrainte que je vous impose. Je ne veux pas ressembler à ces nobliaux qui se croient omniscients et omnipotents. De tels atours me rendraient ridicule.

Il était plutôt flagrant, que son style était loin de la surcharge de motifs et je m'étais faite une idée de ce qui pourrait lui aller dès le premier regard, déformation professionnelle sans doute. ''Ces nobliaux qui se croient omniscients et omnipotents'', quelle jolie manière de qualifier les bourgeois qui ne sont strictement rien sans leur argent et donc l'expose de toutes les manières possibles. Vestimentairement, cela se traduit par un abondance de brocart, de bijoux, … De quoi compenser leur défauts et leur manque de personnalité. De plus, une étoffe pareille serait parfaite pour une forme fluide.

- Je ne peux que vous féliciter pour le choix de cette étoffe. Les tissus d'Argyrei sont particulièrement adaptés aux températures extrêmes, elles permettent de tempérer les chaleurs du désert autant que les courants froids de Cimméria de part leur forte densité, mais il est trop léger pour un manteau. Il serait plus adapté pour une tunique, une robe ou une chemise. De plus, vous pouvez vous rassurer, je ne donne pas dans les robes à corbeille et autres extravagances de ce genre. La richesse d'une tenue ne tient pas à la surabondance de breloques, de dorures ou de tissus.

- Non, bien sûr. Son ton était péremptoire et inspirait l'évidence.Ce que nous autres les Hauts-Prêtres portons, les autres Gélovigiens le voient et c'est un moyen d'accroître.. Comment expliquer ? Elle fit mine de réfléchir, une lèvre pincée. Si votre création me plait, je la porterai, et si elle plaît à d'autres, votre nom passera comme un souffle et bientôt, tout le monde ne parlera plus que de vous, et de vous seule. On ne soupçonne pas le pouvoir de la religion. Faites-moi une tunique, ou un manteau, brodez où vous voulez... Enfin bref. Juste une chose qui sache attirer le regard sans l’écœurer, une chose qui sache être raffinée sans être extravagante. Vous habillez un représentant des Dieux, et vous le savez.

Je n'écoutais qu'a moitié, mon esprit était en ébullition, j'avais déjà des idées et les premiers dessins que j'avais fait lui conviendraient peut-être. Une représentante de Soulen devait personnifier la mer, incarner la fluidité et l’impétuosité de la mer. La Haute Prêtresse avait une digne présence et du charisme, elle devait simplement incarner la majesté de l'océan. J'avais en tête une toile d'un artiste cimmérien, des teintes bleues en pagaille d'où ressortait les contrastes démontraient l'imprévisibilité de l'étendue azur, entre apaisement et ébullition.

- Vous travaillerez dans la pièce jouxtant celle-ci. Il y a également bien plus de chambres qu'il n'en faut pour tous les prêtres de ce Temple ; vous serez donc logée ici jusqu'à nouvel ordre ou jusqu'à la fin de votre travail. Et bien évidemment, vous serez payée en conséquence. Des questions ?

Je déposai avec délicatesse la tasse de thé pour me saisir de ma besace. Je ne mis qu'un court instant à trouver mon carnet de dessin dont le cuir brun-rouge vieilli était gravé de motifs abstraits. Diverses feuilles dépassaient entre les pages et j'en sortis une où était présentée une robe vue de face et de derrière.  La jupe asymétrique dont un pan est plus long que l'autre, une échancrure devant la jambe gauche, et une ouverture à l'arrière de la jambe droite, mais refermée au bout du pan, les fronces afin de créer les plis. Le corsage drapé où la taille resserrée était encore marquée par de légers plis et mettaient en valeur la poitrine. Les manches amples étaient ouvertes à partir du creux des coudes. Le tout bordé de liserés blancs et argentés, sans excès cependant.

- Je souhaitais vous montrer ce que j'avais dessiné en chemin. C'est l'idée que je me faisais d'une robe de prêtresse de Soulen. Du drapé pour la fluidité, mais assez près du corps pour le mettre en valeur. De l'asymétrie, parce que la mer est imprévisible et des ouvertures pour la féminité. Dites moi ce que vous en penser afin d'avoir une base de travail.

Je lui tendis le dessin et récupérai la tasse de thé en attendant la réponse de la Haute-Prêtresse. J'ignorais ce qu'elle pourrait en dire, mais il fallait bien commencer quelque part et je tenais à m'y mettre assez vite. Cimmeria est un pays magnifique, le temple en est un parfait exemple, mais la température ne me convient vraiment pas.

- Aussi, je vais devoir prendre vos mesures et je pourrai vous laisser travailler.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeJeu 7 Mai - 20:14

La foi était partout, dans les étoiles, les nuées et le cœur des hommes, comme autant de regards des huits Grands.
Ziria et Doroma étincelaient dans le ciel d'une lueur qui, adoucie par le verre du vitrail, dispensait à la pièce des lumières aux teintes et aspects oniriques. Celles-ci se rassemblaient, se dispersaient au gré des danses des astres solaires et de leurs éternels sujets, cocons de vapeur qu'on nommait vulgairement nuages. Oh, mais à quel piètre bal s'adonnaient ces rais lumineux, autant rendus vifs que flous par le travail de l'artiste, souffleur de verre cimmérien. Ce bien piètre bal conférait à la pièce cette ambiance subaquatique où chaque geste était un mouvement estompé par l'eau, où chaque geste était ralenti par le liquide vital. Le temps semblait s'amenuiser pour n'apparaître qu'au second plan, alors que l'espace prenait tout son sens, alors que l'espace était dense et à s'approprier.
Mais tout est éphémère, vous le savez. Autant ces pauvres isthériens, disciples des causes ancestrales et absurdes, que le monde dans lequel ils vivaient. Oh oui, tout est éphémère, et l'élue de Soulen le savait. D'une pensée, d'une torsion de l'esprit, l'ordre silencieux de son essence pouvait se répandre partout, dans la pièce, dans la nature et dans les êtres. La magie, cet art si fascinant qui trouvait sa source dans l'essence même des Dieux, pouvait se faire créatrice, destructrice, protectrice et guérisseuse. Mais la foi était partout, dans les étoiles, les nuées, le cœur des hommes, tout comme les Dieux ; et tout deux avaient instillé en Kalendra cet art qui engendrait autant la crainte que l'admiration des profanes. Kalendra savait que ses pouvoirs lui venaient de son Dieu, ô grand Soulen ; ils étaient eau et air, houle et ressac, vents violents et brumes opaques. Ils étaient éphémères, mais sur l'instant si puissants et tangibles qu'il lui semblait parfois faire vivre les créations oniriques d'un enfant rêveur. Mais c'était tout ; une fois la magie passée, une fois l'essence divine épuisée, il ne restait que la satisfaction du devoir accompli inhérente aux grands mages.

C'est ainsi perdue dans ses rêveries et ses songes que la Haute-Prêtresse conservait son faible sourire d'apparat, rassurant pour les pèlerins mais dénué de toute sincérité ou chaleur. C'était un automatisme, activé dans la plus pure inconscience, mais qui s'effaça quand Asnaell prit la parole -non par mécontentement mais par simple oubli ou par refus de son propre corps. La couturière tenait dans ses mains un carnet rouge aux multiples arabesques, et quelques feuilles, de toute évidence des croquis, en dépassaient.

- Je souhaitais vous montrer ce que j'avais dessiné en chemin. C'est l'idée que je me faisais d'une robe de prêtresse de Soulen. Du drapé pour la fluidité, mais assez près du corps pour le mettre en valeur. De l'asymétrie, parce que la mer est imprévisible et des ouvertures pour la féminité. Dites moi ce que vous en penser afin d'avoir une base de travail.

Pendant qu'Asnaell expliquait, en phrases claires et concises, sa démarche, Kalendra affichait une mine soucieuse, trahie par ses mains dans sa chevelure ou ses doigts jouant distraitement avec ses médaillons. A travers le tissu de sa tunique, elle en percevait tous les contours ; ce jour-là, les deux plus importants pour elle pendaient à son cou. Le premier était le médaillon de Kelor des Gélovigiens, et le second, en argent finement ciselé, une large amulette circulaire où le symbole du Dieu Soulen était gravé et agrémenté de quelques pierres. Quand Asnaell lui tendit la feuille, elle s'en saisit. La première seconde de stupéfaction passée, elle prit le temps d'observer plus attentivement la « base de travail ». Les traits étaient fins, les idées avaient une symbolique si importante qu'elle doutait d'en avoir fait autant à sa place. Pour autant, elle n'était pas impressionnée, juste agréablement étonnée du style, léger, aérien, arachnéen mais pas moins puissant. Si certaines choses étaient à déplorer, comme les manches qui pouvaient être encombrantes ou la longueur de la robe qui pourrait la tasser, elle n'en était pas moins enchantée.

- Très bien. J'aime beaucoup vos idées, et plus particulièrement la symbolique que vous associez à chaque couture et chaque forme. C'est très important, et un bon point pour vous. Cependant, je doute que les manches soient adaptées pour des voyages, sûrement peu confortables mais surtout, la forme pourrait me faire paraître petite. Et vous savez, quand vous vous devez de... Galvaniser les personnes, convaincre vos confères, c'est une chose peu aisée si on leur rappelle que vous êtes une si petite chose.

Et hop, un nouveau sourire d'apparat venait conclure cette phrase. Aujourd'hui, elle se trouvait particulièrement loquace ; mais qui ne se soucie pas de son apparence et de sa prestance ? Plus qu'une question esthétique, car la robe dessinée par Asnaell était vraiment harmonieuse, c'était une question pratique. Elle ne doutait plus désormais de la capacité de la demoiselle à la satisfaire, elle saurait trouver, assurément.
Elle rendit la feuille à Asnaell et but son thé, qui avait un peu refroidi, mais qui n'en était pas moins bon, même s'il a semblé à Kalendra qu'il avait perdu un peu de son goût. Doucement, elle prit le temps de sentir le breuvage dans sa bouche puis dans sa gorge, seul élixir guérisseur des coeurs et corps blessés. Après que la couturière ait évoqué les mesures, elles se levèrent toutes deux, et, à l'aide d'un fin ruban gradué, Asnaell entreprit de mesurer diverses parties du corps de la Haute-Prêtresse, puis les notait. Alors qu'elle demandait à Kalendra de tendre les bras, l'élue de Soulen reprit :

- Je suis sûre que vous ferez des merveilles. Cependant, si vous voulez vraiment tirez le meilleur de vous même, et le meilleur parti de ce voyage ici, restez autant que vous le souhaitez. Ce pays est doté d'une grande culture, notamment dans le domaine artistique, et les paysages glacés attirent chaque année de nombreux voyageurs. Vous en imprégner ne pourrait qu'améliorer la qualité de votre oeuvre.

Alors, après qu'Asnaell eut achevé son office, Kalendra lui fit signe de la suivre et d'un geste, ouvrit la porte sur le mur adjacent. Celle-ci s'ouvrit comme un souffle qu'on expire, sans les brises fugaces qu'on évite toute sa vie, ou sans même le grincement effroyable des vieilles choses. La Haute-Prêtresse, après avoir fait quelques pas, se tourna vers la couturière. Le plafond de la pièce était étonnamment haut et sculpté, comme la table massive de pierre qui trônait en son centre, ornée de gravures et de reliefs étranges, qui semblaient rappeler sans cesse la splendeur des eaux. A l'autre coin de la salle, à plusieurs mètres de là, était un coffre qui contenait des outils de couture, et juste au dessus, dans une alcôve circulaire de la profondeur d'un bras, quelques chutes de tissus et des rouleaux de fils. De toute évidence, d’autres couturiers semblaient être passés par là, sans avoir su satisfaire l'élue de Soulen.
Après voir laissé à Asnaell le temps de faire le tour de la pièce, Kalendra lui fit à nouveau signe de l'accompagner ; elle la mena à sa chambre. Celle-ci, à quelques couloirs à peine du  bureau, comportait un modeste bureau, un petit lit et un coffret à ses pieds.

- Voilà. Vous y êtes. Les repas se prennent à 9, 12 et 18h, et si vous avez des questions, n'hésitez pas à vous rendre à mon bureau. Sur ce, je vous laisse, vous devez avoir beaucoup à faire, notamment reprendre des forces
.

Kalendra la salua et quitta la pièce.

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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeMar 26 Mai - 18:35

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre12

La Haute-Prêtresse me donna son avis sur mon croquis et me laissa prendre ses mesures. Je me dépêchai de ranger mon carnet de dessins alors que la gélovigienne se levait déjà pour me faire la visite du temple. Je la suivis en n'oubliant pas de récupérer ma besace de cuir et m'engouffrai dans ce qui semblait être ma future salle de travail. Cette pièce contenait de quoi faire le bonheur de n'importe quelle couturière, il était rare de voir autant de ressources chez un client et bien qu'ayant apporté mes propres outils, j'aurais pu les oublier, j'aurais quand même eu de quoi travailler. Bon nombre de tailleurs avait du passer ici, ce qui m’amenait à ne me faire aucune illusion quand à l’exigence de la Haute-Prêtresse.  

Elle m’entraîna ensuite dans ce qui serait ma chambre pour les jours à venir, simple mais confortable. Je déposai ma besace sur le bureau pendant que la prêtresse s'adressa a moi avant de repartir vaquer à ses occupations.

- Voilà. Vous y êtes. Les repas se prennent à 9, 12 et 18h, et si vous avez des questions, n'hésitez pas à vous rendre à mon bureau. Sur ce, je vous laisse, vous devez avoir beaucoup à faire, notamment reprendre des forces.

Un prêtre vint frapper timidement à ma porte pour apporter les sacs qui étaient restés sur Sjenomb, je le remerciai sans faire attention à son regard intéressé, il faut avouer que ma ressemblance avec la Haute-Prêtresse avait de quoi intriguer.
Quand je me retrouvai seule, je fus submergée par le silence du temple, simplement troublé par le vent cinglant qui s'engouffrait par la petite fenêtre de la chambre. Je ressentis soudain la fatigue du voyage s'abattre sur mes épaules mais il était encore tôt et je n'étais pas habituée à dormir avant que la nuit n’envahisse le ciel.
Je me mis derechef à travailler, bien que dessiner ne soit pas vraiment du travail pour moi, et me saisis donc de mes fusains et d'une feuille afin de faire de nouveaux croquis. Je ne vis pas le temps passer mais il ne m'en avait sûrement pas fallut en prendre beaucoup, elle n'avait pas remis en cause le style mais le coté pratique ce qui était on ne peut plus facile à corriger. Les manches seraient alors plus serrées comme deux rubans s'entrelaçant jusqu'au coudes et des gouttes aux épaules.

Je toquai au bureau de la prêtresse sindarine et entrai afin de lui montrer les nouveaux dessins et se mettre d'accord sur la forme. Je préfère toujours être certaine d'avoir l'assentiment de la cliente, aucun artisan n'aime passer du temps sur une création et qui, finalement, ne conviendra plus. D'autant que la Haute-Prêtresse semblait plutôt intransigeante, mieux valait se concerter d'abord.
Je déposai mes ébauches sur le plateau quand elle me permit d'avancer.

- J'ai fais quelques modifications. Le col drapé en v permet d'allonger la silhouette, quand à la longueur de la jupe, pour agrandir la taille, nous avons le choix entre du très court ou du très long. Dans votre cas, je vous conseille le long, bien entendu c'est à vous de décider mais vous êtes une prêtresse...

Je laissai ma phrase en suspens avant que ma parole ne dépasse ma pensée. Une Haute-Prêtresse est sensée aspirer le respect et non la concupiscence. Je repartis donc en direction de ma chambre lorsqu'elle me donna son avis.

Je pus enfin entreprendre la tâche pour laquelle on m'avait fait venir jusque là. Je décidai de rester quelques jours au pays des glaces. Je comptais bien suivre le conseil de la gélovigienne et profiter de mon séjour pour n’imprégner de l'atmosphère pure et apaisante du temple de Soulen. Je passais mes journées dans l'atelier à travailler sur la tenue de la Haute-Prêtresse et après chaque repas du soir, j'allais faire une balade dans les montagnes autour du temple.
Je récupérais mon étalon noir aux écuries et partais chevaucher pendant quelques heures dans les plaines enneigés. Bien que Sjenomb soit cajolé dans l'étable des prêtres, il était sauvage et impétueux, et plus que ravi de me suivre dans mes pérégrinations nocturnes. C'est lors de ces promenades, que je ressentais la déception et la frustration de ne pas avoir apporté mes accessoires de peintures. Les paysages de Cimméria prêtaient tellement à l'évasion, et je pouvais rester longtemps à fixer le ciel, hypnotisée comme j'étais par les lumières presque chaleureuses du couché de soleil puis perdue dans la contemplation des étoiles, si visibles dans le ciel parfaitement dégagé de la saison d'enkilil. Blottie dans mon manteau doublé de fourrures, je ne m’éveillais de cette douce langueur que quand je sentis le froid engourdir mes membres. La beauté de l’environnement pouvait m'accaparer pendant de longs moments, mon cœur d'artiste n'en battait que plus fort mais j'étais bien trop sensible au froid pour l'oublier.

Je finissais par rentrer au temple au milieu de la nuit, je croisais parfois des prêtres encore éveillés, je m'arrêtais pour jouer au dés avec eux. Bien que prêtres, ils n'en restaient pas moins marins et il était tellement agréable pour moi de pouvoir jouer et discuter avec légèreté. Je me sentirais presque à Tyrhénium. Il n'était pas aussi simple de converser avec la Haute-Prêtresse, ce qui était relativement logique, elle était d'un plus haut statut social, de plus elle semblait plutôt distante et presque sèche avec certaines personnes ces temps derniers. Il se disait dans les couloirs qu'elle avait le sommeil agité et ce, malgré les potions somnifères. Ces histoires ne me concernaient pas vraiment, et la Haute-Prêtresse cachait plutôt bien son état de fatigue, bien qu'elle se montre parfois distraite au point d'en perdre son masque de la bienséance, celui que tout les orateurs ont pour camoufler leurs véritables pensées. Cela dit, je ne comptais pas m'en mêler, jusqu'à le quatrième jour.

J'avais quasiment terminé la robe, ne manquaient plus que les dernières retouches lorsque Kalendra Dogbar l'essaiera. J'avais tenter de prendre mon temps pour profiter au mieux de mon séjour, mais je ne pouvais pas ralentir mon travail, l'inefficacité n'était pas très naturel chez moi, je n'arrive pas à perdre du temps dans mon travail. Alors, je choisis de repartir en vadrouille plus tôt que les jours précédents pour pouvoir jouir une dernière fois de l'influence onirique du couché de soleil du haut de la montagne cimmérienne. Même le froid ne réussit pas à me déloger de mon observatoire avant que la fatigue ne me force à revenir.
Le temple me parut très froid ce soir là, et même les statues de glace et vitraux colorés devant lesquels je me pâmais immanquablement ne rayonnaient pas autant que dans mes souvenirs. Au détour d'un couloir, je dus éviter de justesse une jeune prêtresse totalement affolée, à cause de la Haute-Prêtresse semblait-il. Ladite prêtresse était une jeune femme très timide, d'une douceur extrême, et d'une extrême sensibilité, et bien que je m'entende mieux avec les hommes que les femmes, je devais admettre qu'elle respirait la bonté de manière totalement désintéressé. Je ne voyais pas vraiment ce qu'elle avait bien pu faire pour mettre la gélovigienne en rogne.

Je commençais à légèrement m’inquiéter du verdict que ma client pourrait donner le lendemain. Il est évident qu'un client de bonne humeur est plus facile à contenter, j'en venais à me demander si je ne devrais pas mettre mon grain de sel. Après tout, il serait novateur d'utiliser mon don pour autre chose que de voler des secrets dans de pauvres esprits sans défenses.
Je me débarrassai de mes vêtements trempés par la neige et détachai mes boucles avant de me glisser dans les draps. Peu à peu, le sommeil m'envoya au doux pays des rêves. Même s'il ne s'agissait pas de mon rêve, et qu'il n'avait pas l'air si doux que ça. En fait, je m'attendais à des cauchemars sombres et désincarnés mais ce n'était pas le cas. J'ignorais qu'elle était le problème de la Haute-Prêtresse mais j’espérais bien pouvoir l'aider.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeJeu 28 Mai - 18:57

Kalendra marchait.
Kalendra marchait, mais pas comme marchaient ceux qui avaient la volonté divine sur les épaules ; non, pas comme ceux dont ce poids semblait donner des ailes et des mots séditieux. Les voies spirituelles, ou leur voix -tout semblait avoir un double-sens- n'était non pas un poids comme on pouvait l'entendre communément ; ce poids ne pesait rien. Si quelque chose devait peser dans cette volonté divine, c'était le devoir et la responsabilité envers les fidèles. En effet, à l'image de pères et mères avec leurs rejetons, la protection de la foi et de leurs récepteurs incombait aux Hauts-Prêtres ; maigre charge comparée à ce sentiment de toute-puissance qui saisissait parfois Kalendra, quand elle sentait Soulen si proche. Elle le sentait proche comme dans ces moments, où , lasse de toutes les choses de la vie à seulement son premier centenaire, elle observait le ciel. Le ciel était beau, il était simple. Etait-il le reflet de la pensée des Dieux ?
Kalendra marchait, tantôt lasse, tantôt colérique, hantée par une colère profonde sortie de ses entrailles ou du fin fond d'elle ne savait où. C'était une colère tenace et insidieuse, qui surgissait sans crier gare, assise sur un lit d'herbe ou sous les vents, partout elle pouvait la saisir. C'était cette colère si dangereuse qu'elle lui faisait grincer les dents, serrer les poings, et parfois même, dans les cas les plus extrêmes, déclencher sa magie. Une colère impromptue, mais d'où provenait-elle ? Quelle en était la source ? Mais peu importait, Kalendra marchait, faisant fi du vent cinglant et de la brume crépusculaire. Il ne fallait pas s'arrêter.

Plusieurs heures passèrent, et Kalendra était toujours penchée sur ses papiers, dans son bureau. Certains étaient des courriers envoyés par des connaissances ou des inconnus, l'invitant en tel ou tel lieu, ou recquérant la présence d'un de ses prêtres. Alors, elle rédigeait patiemment une réponse d'une calligraphie respectable, et à l'encre violacée, une grande plume dans le creux de sa main gauche. Mais pour la plupart, c'étaient des livres, des manuscrits même, qui s'étaient entassés en une pile désordonnée sur son bureau, et issue de sa bibliothèque personnelle. Tous les sujets étaient abordés, mais davantage concernaient la magie ; et les schémas côtoyaient sagement les lettres, comme tant de petits soldats, sous une flamme de bougie vacillante. Recroquevillée dans son fauteuil, l'ouvrage au creux des mains, les doigts sur une couverture usée, l'arrivée de son tailleur la surprit davantage qu'elle n'aurait aimé le montrer. Avant de lui donner la permission de rentrer dans la pièce, elle se rassit convenablement et remit en place sa chevelure. Alors, Asnaell lui montra son nouveau croquis, dessiné du même trait fin qui l'avait fasciné plus tôt dans la journée. La Gélovigienne nota plusieurs améliorations, et l'allure générale de la création lui plaisait davantage. A vrai dire, elle s'imaginait déjà dedans.

- J'ai fais quelques modifications. Le col drapé en v permet d'allonger la silhouette, quand à la longueur de la jupe, pour agrandir la taille, nous avons le choix entre du très court ou du très long. Dans votre cas, je vous conseille le long, bien entendu c'est à vous de décider mais vous êtes une prêtresse...

- Ce sera long, alors.

Sous son ton lourd de sous-entendu, la Haute-Prêtresse, une main sous son menton, sourit en haussant un sourcil, avant même de répliquer. La couturière, avisée, quitta ensuite la pièce quand elle la congédia.

Mais bientôt, le soir vint et avec lui tout son cortège d'atrocités ; un cortège long de rêves et d'étoiles mortes. Les nuits se faisaient, pour la Gélovigienne, de plus en plus courtes. Les chimères et les fantasmes qui la hantaient sans relâche ne semblaient pas vouloir lâcher leur prise. Ils assommaient Kalendra de leur myste rouge, de châtiments divins, de Léviathan aux dents longues et acérées... Les couleurs étaient le rouge du sang, et le noir du ciel, l'argent du fer et du fracas des armes. Tout était prétexte à devenir un monstre cauchemardesque, en effet ; le myste qui la laissait démunie, les évènements récents qui ne l'avaient épargnée que de peu, ou son passé qui la rattrapait. Alors, quand elle se levait, quelques étirements martiaux étaient de rigueur pour pallier à sa fatigue chronique. Mais si l'exercice pouvait distraire aisément son corps, il était tout autre pour son esprit. Jamais elle n'avait connu une telle situation et il lui semblait clair que ces rêves étaient des messages – bien que Kalendra n'eut pas été dotée du don de vision.

Les jours suivants furent d'autant plus difficiles que la fatigue s'était saisie de la Gélovigienne. Ils se succédaient, tour à tour, et ne se rassemblaient pas. Quand un pèlerin partait, un autre arrivait. Mais si le temple était vaste, il n'empêchait pas les rencontres, et il arrivait parfois à Kalendra de sommer un de ces hommes et femmes de foi. Ils connaissaient des choses. Ils voyageaient. Ils avaient des idées ; pas forcément les mêmes que les siennes, mais cela importait peu. Peut-être avait-elle seulement besoin de compagnie ?
Et plus Kalendra marchait, plus la colère montait. La colère était grande. La colère était force et forte. Elle était un raz-de-marée pétrifiant qui balaierait ses convictions d'un revers de la main. Et un matin, un matin qui promettait une belle et paisible journée, sa colère n'avait pu être contrôlée. Elle avait crié, crié fort sur la fragile petite prêtresse, cette même qu'elle avait affecté à son service en espérant l'endurcir. L'élue de Soulen s'était très vite excusée, prétextant de forts maux de têtes, mais le mal était fait. La jeune femme avait acquiescé avec ferveur, mais tremblait comme une feuille quand elle s'en était allée. La Gélovigienne regrettait, elle regrettait toujours ses excès de colère, les condamnait fermement. Mais rien n'y faisait.

Mais un défi plus grand encore que celui de la vie l'attendait dans la nuit. La nuit et ses sous-fifres l'agripperaient encore ce soir là, dans la chaleur factice de sa chambre, et ils la rendraient encore plus susceptible qu'elle ne l'était déjà. Les chimères persisteraient, injectant dans son subconscient la graine d'un monde pourpre, où les reptiles carnivores sont citoyens et où la fuite est la seule solution. Mais cette nuit, non, cette nuit, quelque chose changerait. Quelque chose changeait.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeMer 3 Juin - 18:50

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre10

Je me trouvais perdue dans un univers à la nébulosité fiévreuse, la brume sanglante du myste rouge surplombait l'étendue tourmentée qui se déroulait autour de moi. Je tournai sur moi-même essayant vainement de me retrouver dans cette environnement étrange et étranger, sous le regard morne des étoiles éteintes, éparpillées dans l'océan d'ombre qu'était le ciel. Un hurlement bestial et strident retentit soudain, se propageant dans cette espace embrumé, j'ignorais alors de quoi pouvait bien provenir un tel cri, sûrement un monstre d'une taille démesuré à la plainte interminable et monstrueuse qui faisait battre l'inquiétude en moi.

Le plus difficile dans la visite du rêve de quelqu'un d'autre est que la différence entre mes propres émotions et celle de l’hôte n'est pas aussi marquée qu'on pourrait le croire. Bien que pouvoir les ressentir est un atout pour orienter le rêve, dans le cas présent, il s'agirait plutôt d'un inconvénient. Je dois avouer être une parfaite novice en matière de résolutions de cauchemars. Ma longue expérience en visite de rêves d'autrui se cantonnait à des entrevues avec mon père, en prison à Umbriel, et les pillages de secrets de presque inconnus. Je n'ai que rarement était dans une situation de ce genre, ma connaissance parfaite de mon esprit et mon âme me permettrait de me focaliser sur ma mission et de ne pas sombrer dans l'angoisse de la propriétaire de cet esprit qui s'enfonçait dans les affres du désespoir. Dans le cas contraire, je ne risquais pas d'être d'une grande aide.

Je partis à la recherche la Haute-Prêtresse, cependant, pas après pas, je n'avais pas l'impression d'avancer dans cette atmosphère déformée. La sindarine blanche apparut bientôt à l'horizon, elle me tournait le dos en proie à ces propres tourments, faisant face à un gouffre menaçant où la brume rouge du myste se reflétait dans le chatoiement des vagues. La complainte du vent vint se mêler au cri du serpent géant, me faisant frissonner l'un de froid, l'autre de peur et de colère.

Au fur et à mesure que je me rapprochais de la gélovigienne, la terre grisâtre et desséchée laissa place à un plancher de bois. Ce support était bien moins stable qu'auparavant et je pus rétablir mon équilibre avec facilité. Je tentais d’éloigner l’incompréhension qui s'emparait de mon esprit pour me rendre enfin compte que nous nous trouvions toutes deux sur le pont d'un navire, au cœur de cette étendue de ténèbres, fouetté par les vagues. Bientôt, des formes tordues de brumes claires nous encerclèrent mais paraissaient tout à fait inoffensifs et pacifiques envers nous, les êtres inconnus vaquaient à leurs occupations comme s'ils ne remarquaient même pas les volutes rouges du myste se faufiler entre eux.
Sans doute, cette scène était tirées des souvenirs de Kalendra, de l'époque où sa vie se trouvait en mer et pas encore au temple de Soulen, peut-être un moment fatidique de sa vie.

Je commençais à me faire une idée des troubles de la Haute-Prêtresse, le myste rouge semblait une de ses premières préoccupations. Ces nuages sanglants ne m'avaient pas angoissés plus ça, mes pouvoirs n'étant pas indispensables à ma survie et ma forme protectrice m'étant toujours accessible, je ne me sentais pas mise en danger par ces brumes. Cependant, je comprenais parfaitement qu'une personne comptant énormément sur ses pouvoirs puissent s'en ressentir vulnérable. Cela dit, le problème devait être plus profond que cela pour venir la perturber depuis si longtemps.
En ce qui concernait l’événement qui se déroulait sous mes yeux, je ne pouvais pas encore interpréter quoi que se soit.

Je m’apprêtais à dévoiler ma présence à la gélovigienne lorsqu'un nouveau cri emplissait l'air, il semblait plus fort que la dernière fois, comme si la source se rapprochait de nous. La Haute-Prêtresse était enlisée dans un schéma perpétuel et incessant qui perdurait nuit après nuit, ce à quoi mon assistance était sensée  mettre un terme. La forcer à se battre plutôt que fuir, affronter sa bête noire plutôt que de la laisser grandir et prendre plus d'importance.
Il est évident que mon arrivée dans son rêve allait intriguer la sindarine, mais heureusement pour moi, la première pensée de la plupart des individus quand ils trouvent quelqu'un de presque inconnu dans ses rêves n'est pas que son esprit se fait envahir. Heureusement, sinon je me serais faite expulser plus d'une fois. Mes victimes, anciens et futurs, ne sauront sûrement jamais que ma présence était due à ma volonté et non la leur.

Je tentai de la rassurer et de la persuader que c'est son esprit qui m'avait fait venir parce qu'elle se rendait compte qu'elle avait besoin que quelqu'un l'aide. Ou encore que Soulen m'avait envoyé afin de soutenir son élue contre les démons qui la tourmente.
Les bourrasques se firent plus violentes et j'ignore si mes mots parvinrent aux oreilles de la dame blanche. Les vagues vinrent frapper la coque avec brutalité. L'origine de toute cette agitation nous fit enfin l'honneur de sa présence. Enfin façon de parler. Le gigantesque serpent géant fit son apparition. J'avoue n'avoir jamais vu de léviathan, cependant sa taille et celles de ces crocs me semblaient disproportionnés, et aussi fou que cela puisse paraître, j'avais l'impression qu'il se moquait de nous, peut-être son rictus que je trouvais méprisant. Il semblait presque aussi détraqué et malsain qu'une œuvre de Kaho. Les appendices pointus autour de sa tête vibraient de rage alors qu'il nous hurlait dessus encore une fois. Les marins brumeux qui nous accompagnaient se jetèrent à l'attaque du monstre aquatique.

Je me détournai de ce spectacle pour me concentrer sur la Haute-Prêtresse. Je me rapprochai d'elle pour lui souffler de prendre confiance, de se battre.


- Vous n'êtes plus seule.

Je ne pouvais évidemment pas la forcer mais le but était de se débarrasser de ce spectre. En espérant qu'elle trouve la source de sa hantise et qu'elle s'en débarrasse.


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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeJeu 4 Juin - 20:39

 Les rêves étaient des choses bien étranges. Nuit après nuit, Kalendra vivait les mêmes chimères, sans que la tempête interne incarnée dans son esprit ne s'apaise. Nuit après nuit, elle devait combattre le même monstre, sous les mêmes nuages et sur le même bateau. Tout droit sorti de ses songes (et c'était le cas de le dire), ce rêve mélangeait le pire souvenir de son existence, à ses craintes actuelles et passées. Nuit après nuit, elle s'endormait la peur au ventre, avec cette sensation ultime de fatalité. Elle ne pouvait rien y changer. Alors elle allait se coucher, le pas lent, profondément las, et s'étendait sur son lit avec l'idée bien en tête de ce qu'elle ne souhaitait pas voir, mais allait voir quand même. Y avait-il un quelconque message de son Dieu Soulen là-dedans ? Lui fallait-elle combattre ses démons intérieurs avant d'essayer de vaincre ceux des autres et de la réalité ?

Alors quand elle plongeait dans le rêve, son corps paralysé et immobile, elle n'avait plus aucune prise sur le temps et le monde. Ses réactions y étaient très souvent exacerbées, ou même totalement absurdes, adoptant un comportement aux antipodes des normes de la civilisation ou de de la société. Si ce manque de logique flagrant aurait pu surprendre, ce n'était pas le cas. Jamais elle ne prenait conscience du rêve qu'elle faisait, ni n'en relevait l'absurdité. Kalendra y avait aussi une mémoire totalement atrophiée. Jamais elle ne se souvenait de choses pourtant simples de sa vie courante, des choses qui l'aurait bien évidemment rappelée à sa réalité. Alors nuit après nuit, son esprit attendait.

Mais cette fois, lorsque la Gélovigienne s'immergea dans les ténèbres profondes de ses songes, quelque chose avait changé. C'était quelque chose d'imperceptible, qu'elle ne remarqua pas au premier abord mais qui bientôt, fut une évidence. Elle avait conscience. Elle avait conscience de tout ; du temps, de l'espace et même des émotions. Comme on émerge d'un océan, toutes ses sensations furent claires, et sa mémoire, intacte. Elle savait ce qui allait arriver, et même avec ça, elle avait peur. Oh bien sûr, elle était bien moins effrayée qu'à l'accoutumée, pour l'instant.

Au début c'était toujours la même chose, l'inlassable identique schéma qui se répétait. Elle marchait, pieds nus, sur une plage du lac gelé, recouverte d'un sable noir et fin, balayée par des vents secs. Des vaguelettes, de plus en plus puissantes, vinrent lécher ses orteils et l'eau glacée, la faire frissonner. Mais bientôt, ce ne fut plus une lande grisâtre qu'elle touchait, mais le pont de l’Éclat d'esclandre, le bateau du Capitaine. Elle était à la même place qu'à ses souvenirs, au milieu de ses camarades, qui cette fois-là avaient un aspect assez fantomatique, voire spectral, comme de simples réminiscences qui prenaient forme à travers sa volonté. Ils étaient des auras, luminescentes mais dépouillées, bleutées et violacées, qui se déplaçaient lentement et laissaient une trace sur le passage. Le prêtre qui l'avait détectée comme élue, était bien distinct des autres : il luisait comme un phare à travers le brouillard, penché sur ses pensées et le bastingage. Les paroles de ses compagnons et le brouhaha qui y régnait en général lui parvinrent comme à travers une couche d'eau.
Comme à son habitude, comme chaque nuit depuis des semaines, le navire fendait les eaux de la mer intérieure avec aisance, comme il l'avait toujours fait. Cependant, autour de lui, tout était rouge ; la brume lacustre, les nuages. Tout était de pourpre, tout était de sang ; tout était de myste. Si auparavant la Haute-Prêtresse paraissait garder un semblant de sang-froid, c'était une froide incompréhension qui la saisissait, contre sa volonté même. Comme si une force inconnue la poussait à craindre, à avoir peur et à fuir. Bientôt, le léviathan surgirait. Mais pas tout de suite.

Le vent se leva, faisant voleter la chevelure immaculée de Kalendra, et la jeune femme resserra les pans de sa pèlerine saphir autour d'elle. Elle sentait sa prise sur le rêve s'amincir, les contours redevenant flou. Elle devait rester consciente jusqu'à l'arrivée du léviathan, et surtout, avant qu'il ne la saisisse ; car c'était l'issue de tout ses songes, aussi absurde que cela puisse paraître.  Alors le serpent des mers fendit les flots, véritable geyser, et vint ouvrir sa gueule tout prêt du bon. Lui, à l'inverse de ses camarades, était le même que dans ses souvenirs. Immense, signe de son grand âge, il alignait des dents acérées et des écailles irisées que la Haute-Prêtresse devinait se prolonger loin en-dessous de ce qu'elle pouvait voir. Sa prise sur son rêve s'amincit encore plus...

- Vous n'êtes plus seule.

... Puis se raffermit. Kalendra se retourna, et identifia la nouveau personnage onirique comme étant Asnaell, sa tailleur. A vrai dire, cela ne sembla pas la surprendre, et dans ses mots, elle décelait le soutien. La femme était rayonnante, et presque palpable, à l'inverse des autres passagers. Sous la brume sanglante, tout se parait de rouge et devenait effrayant. Mais pas elle. Les reflets innombrables du myste rouge la magnifiait comme autant de rayons de soleil sur sa peau de nacre. Sa chevelure, tout aussi immaculée que celle de la Haute-Prêtresse, entourait agréablement on visage et voletaient aussi au vent.
La Gélovigienne fit de nouveau face au Léviathan. C'était le dernier combat, et tout avait changé. Tout ses ennuis, ses doutes et ses questionnements s'incarnaient dans le serpent des mers, pâle copie de celui qu'elle avait connu jadis. Alors, elle rompit le voile fragile que constituait le myste de ce monde onirique, et activa sa magie. A l'inverse de la réalité, elle n'eut pas à la diriger, sa simple volonté, sa simple prière à Soulen déchaînèrent les éléments sur le monstre qui sombra. Il sombra, sous le coup d'une pluie intense et d'un vent violent que Kalendra se savait incapable de reproduire sur la plan réel.  Son cauchemar était mort et vaincu. Ç’avait été si simple. Quand elle se redressa, quelques rayons des soleils, dorées, vinrent l'éblouir et la réveiller.

Quand l'élue de Soulen ouvrit les yeux, dans le silence de sa chambre, c'est une divine impression de quiétude qu'elle ressentit, et nullement la fatigue. L'épuisement s'était complètement évanoui, au profit d'une forme qui la submergeait comme une vague. Sa tension avait disparu. Son seul désir actuel demeurait la foi et le devoir à réaliser. Le changement avait été brutal. De tendue, une nuit la fit passer à un état de méditation et de calme supérieurs à tout ce qu'elle avait connu pendant des semaines. Et il avait juste fallu un déclic, un rouage dont elle ne connaissait ni les tenants, ni les aboutissants. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était en forme et à accomplir sa journée avec plus de vigueur que jamais.
Il lui suffit d'à peine cinq minutes pour être prête : tresser sa chevelure et enfiler une tunique fut une affaire de quelques secondes. Avant de sortir, à cœur d'avoir l'air soucieuse de son apparence, elle se saisit d'un manteau sans manche brodé qu'elle avait longtemps porté, avant de se rendre dans son bureau. C'est presque joyeuse qu'elle accomplissait ses tâches quotidiennes ; elle avait retrouvé son esprit pragmatique et son sens du devoir ; jusqu'à ce qu'on frappe à la porte.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeLun 8 Juin - 21:24

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre_13

Je ressentais le changement qui s’était opéré dans l'esprit de la Haute-Prêtresse. Ses doutes, ses incertitudes qui obscurcissaient son jugement et ébranlaient sa volonté. Ces ombres volèrent en éclats dans un violent déchaînement de magie submergeant le léviathan de la colère de Soulen. La tempête de vent et d'eau en était la manifestation autant que l'expression de la libération de Kalendra. Une lumière soudaine m'aveugla lorsque le monstre retourna dans les abysses d'ombres dont il était issu.

Lorsque je rouvris les yeux, l'environnement était tout autre. Je mis un peu de temps avant de reconnaître où j'étais. Ce n'était pas le pont d'un bateau perdu dans une brume sanguine. Ce n'était pas non plus ma chambre familière et apaisante de ma maison à Tyrhénium. Ma tête battait la chamade au même rythme que mon cœur. Le soulagement et l'euphorie que j'avais ressenti il n'y a pourtant que quelques instants commençaient déjà à s'évaporer, ces sentiments n'étant pas les miens.
Je me levai et me dirigeai vers la bassin d'eau fraîche, qu'une aimable prêtresse laissait chaque soir sur le bord du bureau. L'eau presque glacée sur mon visage m'aida à reprendre mes esprits, remettre de l'ordre dans mes émotions, et eut le don de me dynamiser un peu.

J'attachai rapidement mes cheveux, et revêtis ma tenue habituelle, remplaçant mon bustier de dentelle par une chemise de flanelle blanche, dont une petite fronce permettait de resserrer l'arrière pour marquer la taille. Ma griffe d'obsidienne retombait discrètement dans mon décolleté serré.
Mes pas me semblaient lents et mon corps engourdi pendant que je rejoignais la salle de couture où je pus travailler durant ces derniers jours. Pourtant, revoir ces amoncellements de tissu, les rouleaux bien rangés dans l’alcôve et les fils en tas bien présenté sur le bureau, me donnaient l'impression que j'avais quitté depuis des lustres. Après mettre servie de mon don, il n'était pas inhabituel que je m'en trouve déphasée, les scènes de cette nuit étaient encore vivaces dans mon esprit.

La tenue que j'avais préparée pour la Haute-Prêtresse trônait au centre de la pièce sur un mannequin de bois sans formes et sans visage. Je revérifiai encore une fois le retombé fluide, la netteté des coutures et des ourlets. L’échancrure devant la jambe gauche et ''l’œil'' sur l'arrière de la jupe permettaient de lui donner une forme et une direction au plis qui prenaient origine par les fronces au-dessus de ces ouvertures qui étaient autant des mes marques de fabrique autant que les broderies baroques le long des coutures pour les camoufler. Ici les coutures ne suivaient pas de lignes droites pour accentuer les formes et la souplesse, ce qui avait rendu le travail plus ardu mais le résultat visuel n'en était que plus agréable. L'argent des broderies rehaussait l'indigo du tissu d'Argyrei. La taille était plutôt resserrée et le drapé du décolleté mettrait la poitrine en valeur. Les gouttes aux épaules ornaient les manches moulantes couvrant les bras jusqu'au coudes.

L'heure de présenter ma réalisation à la sindarine arrivait. Je frappai à la porte du bureau de l'élue de Soulen, adjacent à l'atelier. J'entrai quand elle me le permit. Je fus agréablement surprise par le ton presque guilleret avec lequel elle me répondit. Quand je la vis, je découvris une tout autre personne que celle que j'avais rencontrée quelques jours plus tôt.
Son teint pâle était éclatant, la Haute-Prêtresse irradiait de satisfaction, proche de la félicité. Ses cernes s'étaient complètement évanouies et son regard brillait d'un éclat nouveau.
J'étais plutôt fière d'être la personne qui avait pu être à l'origine de ce renversement d'attitude, même si finalement mon intervention fut relativement minime, j'appréciais l'idée d'y être un peu pour quelque chose. J'aimerais pouvoir dire que mon action ne fut motivée que par bonté d'âme, l'envie de porter assistance à autrui. Cependant, pour être tout à fait honnête, la nécessité d'avoir pour cliente une personne à l'esprit clair et comblé fut mon motif principal. Bien que je sois relativement sure de mon talent, l'épisode où l'on reçoit les critiques n'est jamais plaisant et mon ego n'en avait absolument pas besoin.

J'invitai la Haute-Prêtresse de Soulen à suivre dans la salle contiguë pour qu'elle essaie la tenue que j'avais confectionné à sa demande. Je la laissai se changer derrière un paravent de bois massif, qui bien que pourvu de motifs gravés manquait de finesse.

- Vous semblez bien enjouée ce matin, Dame Dogbar. Vous êtes radieuse. Une bonne nouvelle sans doute ?

La curiosité est un bien vilain défaut mais je ne pouvais que tenter de savoir ce dont elle se souvenait. Si l'empreinte de rêve n'était plus qu'une impression de victoire, une simple brume sans images ou si au contraire, elle se le remémorait tel qu'elle l'avait vécu la nuit précédente. Et surtout, si elle se souvenait de moi et comment elle avait interprété ma présence. Effectivement, il y avait peu de chance que la sindarine se doute de la vérité mais je serais très attentive à tout cela. La question que je me posait aussi était : que pouvait bien symbolisé le léviathan, même si je doutais bien que l'élue de Soulen n'allait pas se mettre à évoquer ce genre de questionnements avec une personne qui n'était finalement qu'une inconnue. Bien que j'en sâche maintenant plus sur elle que l'inconnu lambda et peut-être même plus que la plupart des prêtres du temple, elle n'était pas sensée le savoir.


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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeJeu 11 Juin - 10:36

HRP:

Voir une personne, et la voir après en avoir rêvé... sont deux choses complètement différentes. Surtout quand cette personne vous est apparue dans ce rêve comme un cheveu sur la soupe, ou plutôt comme la cerise sur le gâteau, en l’occurrence. Il y a toujours cette sorte de gêne caractéristique, étrange, comme si la personne savait que vous aviez rêvé d'elle ; mais heureusement, il n'en était jamais rien.

- Oh vous voilà ! J'étais sûre que vous viendriez aujourd'hui ! Alors alors... Allons voir ce que vous nous avez fait.  

Asnaell était toujours splendide, dans des vêtements qu'elle avait sûrement elle-même confectionné. Elle avait troqué ce jour-là son bustier contre un haut plus sobre, mais pas moins bien conçu ni élaboré. En une seconde, d'un geste, la Haute-Prêtresse se leva de sa chaise avec une vigueur dont elle ne se serait même pas cru capable, et sans même attendre le signal de la couturière, se dirigea vers la pièce adjacente. Ouvrant les portes d'un grand geste de bras, ou peut-être d'une bourrasque de vent, elle ne semblait pas vouloir perdre plus encore de temps. La pièce, qui, quelques jours plus tôt, paraissait abandonnée, avait repris des couleurs, comme si la venue temporaire d'Asnaell avait redonné vie à la salle. Au centre, trônait l'antique table, recouverte de chutes de tissus en tout genre, et au fond de la pièce, couvrant un large espace, un paravent en bois, du même bois que le mannequin à côté de la table. Un mannequin sans réel corps ni tête mais qui portait tout de même avec grâce un produit bien trop raffiné pour lui.

Dans cette pièce, de bleu, blanc et marron, le "produit" irradiait. La robe, longue, soulignait la silhouette inexistante du mannequin de bois, et les broderies ajoutaient de la fantaisie dans l'indigo uni. De la même démarche guillerette et gracieuse qu'elle avait utilisé précédemment, elle alla se saisir de la tenue et se dépêcha derrière le paravent massif. De la même hâte qui la saisissait depuis le début de l'entretien, elle se déshabilla, et c'est alors que la voit d'Asnaell s'éleva. Elle pouvait presque y percevoir une pointe d'hésitation, sortie de nulle part, à laquelle elle n'avait pas été habituée ; elle en compris bientôt la raison.

- Vous semblez bien enjouée ce matin, Dame Dogbar. Vous êtes radieuse. Une bonne nouvelle sans doute ?

Prise dans sa transe presque frénétique, elle ne remarqua le peu de cérémonie de la couturière ; enfin ce n'était pas tout à fait exact. Elle l'avait bel et bien remarqué, mais ne semblait pas d'assez mauvaise humeur pour lui faire un sermon ; et à vrai dire, son rêve de la nuit passée avait largement fait changer l'avis de Kalendra à l'égard d'Asnaell. Elle avait été dans son rêve. Inhabituellement. La couturière, qu'elle soit une bourgeoise ou une fermière, était sous l’œil de Soulen désormais, sous sa fervente protection. C'était un signe. Tout était un signe. Il fallait juste savoir les recevoir et les interpréter. Et Asnaell était un signe parmi d'autre ; elle était juste apparue avec plus d'importance au milieu de la masse d'éléments qui devait jouer un rôle dans le déroulement de l'Histoire, et des évènements.

- Oh non vous savez, rien de plus qu'à l'accoutumée ! On lit tellement de choses en étant Haut-Prêtre que tout en devient presque banal. En revanche, voir les choses est tellement plus différent. Vous me suivez ? A ce moment, alors qu'elle s'échinait toujours à se vêtir de la tenue confectionnée, elle sortit sa tête du paravent afin de voir la couturière, avant d'y revenir aussitôt. Nous avons des rôles très divers, et même si nous sommes la plupart du temps à notre Temple, il nous arrive de devoir en partir pour des raisons aussi variées que vous pouvez en avoir de quitter votre chez vous. Des raisons simples, ou des raisons obscures.

L'élue de Soulen fit quelque pas de côté, regardant dans sa démarche les ondulations produites par le bas de la robe. Plus lentement encore, elle s'installa en face d'un grand miroir dans un coins de la pièce. Presque distraitement, la Gélovigienne se mit à effleurer les gouttes sur ses épaules, appréciant leur forme, née de Soulen, et observa les motifs baroques très légers le long des coutures, comme la signature de la couturière - elle l'avait de nombreuses fois aperçue avec ce motif. Satisfaite, un sourire s'afficha sur son visage. Cette femme savait mettre les formes en valeur ; la coupe à la taille et le décolleté échancré en étaient la preuve.

- Qu'en pensez-vous ?

Après cela, la couturière fit quelques retouches, très légères, qui ne prirent que quelques minutes pour être reprises. Pendant ce temps, Kalendra n'eut d'autre occupation que de rester debout, bras tendus ou mains sur les hanches, à observer la pièce ou à réfléchir sur ce qu'elle ferait après cette entrevue. Rapidement, une fois qu'elle eut fini, la Haute-Prêtresse se rhabilla, puis toutes deux rejoignirent le bureau, en quelques secondes seulement. Discrètement, Kalendra s'installa sur sa chaise et sortit une petite bourse de Dias.

- Combien en demandez-vous ? la questionna-t-elle

Après sa réponse, elle retira quelques pièces de la bourse et les posa devant Asnaell. Presque mélancolique, son regard se dirigea vers la jeune femme en face d'elle, tentant vainement d'en percevoir toute la profondeur, toutes les facettes.

- Bien. Elle prit une grande inspiration. J'espère que vous avez passé un agréable séjour en Cimméria. Je suis très satisfaite de votre travail, vous ne savez pas le bien fou que peut faire la visite d'un tailleur, parfois ! Se comprenant elle-même, un rictus déforma son visage et un gloussement étouffa ses derniers mots. Elle se racla la gorge. Je n'hésiterai pas à faire appel à vous, comme vous n'hésiterez pas à revenir de temps en temps au temple si l'envie vous en prend !

Enjouée, la Haute-Prêtresse sourit et lui glissa un clin d’œil, juste avant qu'Asnaell, sa complice onirique inconnue, ne quitte la pièce. Alors, Kalendra fut de nouveau seule.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Tissons l'étoffe du monde    [Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Icon_minitimeSam 27 Juin - 19:42

HRP:

[Terminé] Tissons l'étoffe du monde  Titre10

La bonne humeur de l'élue de Soulen était contagieuse, je ne pouvais m'empêcher de sourire devant sa hâte. Le même empressement qu'une enfant qui avait attendue toute l'année pour recevoir son nouveau cadeau.
Je ne m'attendais pas tellement à ce qu'elle me réponde. La Haute-Prêtresse que j'avais rencontrée il y à quelques jours m'aurait sans doute rabrouée devant tant de familiarité, mais elle semblait aujourd'hui bien plus ouverte à la discussion.

- Oh non vous savez, rien de plus qu'à l'accoutumée ! On lit tellement de choses en étant Haut-Prêtre que tout en devient presque banal. En revanche, voir les choses est tellement plus différent. Vous me suivez ?

Avant mon séjour au temple de Soulen, je ne savais absolument pas comment les prêtres pouvaient bien occuper leurs journées, à part prier bien entendu. Maintenant, je n'en savais pas beaucoup plus, mais j'avais cru remarquer que l'élue de Soulen passait effectivement le plus plus clair de son temps à lire. Étant habituée au rythme des grandes villes, je m’imaginais mal passer mon temps de cette manière, je m'ennuierais comme un rat mort si je devais rester coincée dans un bureau à lire des lettres de personnes qui ne m’intéressent sûrement pas le moins du monde.
Pour la suivre, je la suivais très bien. Il était une chose d'entendre les histoires racontées par quelques marins ivres, krakens et autres chimères, l'avoir vécu, même un très court instant en ce qui me concerne et dans un espace onirique qui plus est, leur donnait une toute autre dimension. Bien plus réelle, voire dangereuse.

- Nous avons des rôles très divers, et même si nous sommes la plupart du temps à notre Temple, il nous arrive de devoir en partir pour des raisons aussi variées que vous pouvez en avoir de quitter votre chez vous. Des raisons simples, ou des raisons obscures.

Mes propres raisons pour quitter Tyrhénium était légions, livraisons, commandes, enrichir ma collection, pèlerinages, simples caprices parfois dont certains n'étaient pas des plus avouables. Je ne devrais pas être surprise qu'il en soit autant pour une dame telle que Kalendra Dogbar, en tant que Haute-Prêtresse, elle était une femme de pouvoir et j'étais toute à fait sure qu'il n'était pas rare pour les personnes de pouvoir de côtoyer l'obscur.

La sindarine sortit enfin de derrière le paravent vêtue de ma création. Sa démarche gracieuse mettait en valeur la forme fluide de la robe. J'étais satisfaite des plis et mouvement du tissu mais mon regard acéré de couturière exigeante partait déjà à la recherche des moindres imperfections, scrutant chaque parcelle du tissu, chaque liseré de mon œil expert.

- Qu'en pensez-vous ?

La voix de la Haut-Prêtresse ne suffit pas à me sortir de ma concentration. Armée d'un ciseau et d’une aiguille, je rattrapai les très légers défauts que je repérai, guidant la pâle sindarine pour qu'elle prenne les positions que je lui demandais. Lorsque j’eus finis, je pus enfin admirer mon œuvre un court instant. Le sourire de Kalendra Dogbar y rendait hommage avec une sincérité qui fit chaud à mon cœur de tailleur difficilement satisfaite.

- Parfait, Dame Dogabr. Tournez encore une fois sur vous-même... Elle vous sied comme un gant. J'espère que vous êtes satisfaite de votre commande.

Alors qu’elle retourna se changer, j'entrepris de rassembler mes affaires, les ciseaux, les aiguilles, les bobines de fils que j'avais emmenée avec moi, sans oublier les croquis et patrons que j'avais patiemment fignolée.
Je suivis ensuite l'élue de Soulen dans la pièce attenante, elle se dirigea directement derrière son bureau où je la vis sortir une bourse.

- Combien en demandez-vous ?

Voilà une préoccupation que j'avais presque oublié. La venue d'une professionnelle au fin fond du pays des glaces était de toute façon coûteuse, d'autant que les tarifs habituels que demandait Erielle Gustavo n'était généralement pas donné, néanmoins la prêtresse ayant elle-même payé la magnifique étoffe d'Argyrei, le prix sera plus abordable. Même si je ne doutais pas qu'une Haute-Prêtresse ait suffisamment d'argent, je rechignais à augmenter les prix.

- 125 Dias, si cela vous convient.

Je rangeai rapidement l'argent qu'elle me tendit avec le sentiment de travail accompli. Et pour une fois, j'avais le plaisir d'avoir rendu service à mon prochain sans contrepartie, ce qui était relativement nouveau pour moi. C'était plutôt gratifiant, je ne dis pas que ça deviendra une habitude  mais c'était agréable.

- Bien. J'espère que vous avez passé un agréable séjour en Cimméria. Je suis très satisfaite de votre travail, vous ne savez pas le bien fou que peut faire la visite d'un tailleur, parfois ! Je n'hésiterai pas à faire appel à vous, comme vous n'hésiterez pas à revenir de temps en temps au temple si l'envie vous en prend !

Je ne pus réprimer mon sourire à la remarque de la prêtresse, elle ne savait visiblement pas que je voyais tout à fait de quoi elle voulait parlé mais j'étais ravie que mon passage dans son rêve l'ait un tant soit peu soulager.

- Avec plaisir. Mon séjour fut des plus réjouissants, il me sera très plaisant de revenir faire un tour par ici. Je suis ravie d'avoir pu vous rendre utile, je suis à votre disposition, Dame Dogbar.

L'idée de repartir aussi vite du pays des neiges ne séduisait pas vraiment, je dois même dire qu'elle me consternait. Certes, la température était un peu trop basse pour moi, néanmoins l'envie de me perdre dans cette immensité glacée avait un quelque chose d'attirant. La houle marine qui se faisait entendre par la fenêtre m'hypnotisait presque. Le clin d’œil dont me gratifia l'élue de Soulen conforta mon envie de prendre la mer.
Je n'avais jamais les pieds sur un bateau, exception faite du rêve de Kalendra, mais je ne pense pas que cela compte vraiment. Je n'avais jamais eu ni l'envie, ni, je dois bien l'avouer, le courage. Être perdue au sein de l'immensité insondable et incontrôlable du royaume de Soulen, m’inquiétait un peu. Cela dit, l'aval de son élue me rassurait grandement.

Je récupérai rapidement mes affaires, de la chambre que les prêtres avaient mis à ma disposition, et de l'atelier où j'avais pu utiliser mes talents. Je passais dire au revoir à certains marins devenus prêtres avec qui j'avais liés connaissance. Je n'avais passé que peu de jours en ces lieux pourtant j'avais l'impression de quitter un abri rassurant.

La journée était très peu entamé et je partis en direction de Gaeaf, d'où j’espérais pourvoir prendre le bateau jusqu'à la capitale. Il s'agissait d'un gros détour, mais je tâcherai de trouver un cadeau pour Erielle afin qu'elle me pardonne une énième fois une de mes innombrables envies de voyages.
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