_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades. _ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose". _ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.
Sujet: L'Océan pour seul Foyer Dim 19 Juil - 20:21
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Mer 22 Juil - 11:18
Le ciel d'Argyrei, pendant la saison de Enkilil, était un spectacle à lui seul. Tout le jour, de fins nuages, pareils à des morceaux de tissu immaculés, embellissaient la voûte céleste, déjà bariolée de couleurs chatoyantes, animée par les vents chauds en provenance du sud. Son sol, un plancher de sable rouge et brûlant, s'étendait doucement vers la mer turquoise, qui l'entretenait par ses vagues douces et fréquentes, s'étirant sur la rive comme une étreinte sensuelle.
Tout était calme. En fait, tout était mort.
Un silence morbide s'était emparé des Berges Dorées ; seuls les gémissements pénibles des matelots, les sanglots étouffés des mères de famille, les inquiétudes des enfants secouaient le calme plat des rives rouges, comme les appelaient Myriam Valombre. Une violence inouïe s'était réveillée il y a une semaine, sous la forme d'une bête de légende, d'un monstre marin ignoble. Sous la forme de Kron, qui avait répandu son voile noir sur les trésors des Berges. Les ports, constructions diverses et habitations en bord de plage avaient été emportés, anéantis sous des raz-de-marée surpuissants, les habitants noyés dans les eaux déchaînées, écrasés sous les décombres de leur village. Le destin avait frappé aux portes d'Argyrei. L'horizon inéluctable s'était révélé aux âmes du pays maudit. Un tel désastre avait laissé derrière lui cette sublime désolation, un calme soudain et paradoxal, un site paradisiaque. Les vents s'étaient calmés, la chaleur apaisée et une brise légère rafraîchissait l'atmosphère, des couleurs vives et une aura détendue sillonnaient les rives. Tel était le sillage de la mort. Divin.
Quelque part aux abords d'un port de planches réarrangées, de tôle ligotée et de cordages emmêlés, un navire marchand, tout ce qu'il y a de plus banal, entrepris les manœuvres d'amarrage entre quelques autres embarcations. Aucun nom n'était visible sur la coque, pas même une marque distinctive. Seulement un pavillon, celui des Marins de Noxis.
Une haussière fendit les airs depuis le navire et atterrit aux pieds de deux gamins qui s'occupaient de l’endroit, seuls. Ils s'enquéraient d'entamer le protocole d'amarrage au niveau d'un bollard un peu bancal, quand ils furent surpris par une petite forme qui usait du cordage tendu pour atteindre le pont de bois. Un capucin à la couronne sombre. Un collier supportait une gemme améthyste autour de son cou, luisant légèrement. Le petit singe se posta au sommet du bollard et surveillait les deux jeunes gens qui s'activaient en s'amusant du primate qui les fixait pourtant d'un air austère. Une coupée de bois s'effondra sur le ponton depuis le pont supérieur de la caravelle, et un homme de très grande taille, aux épaules carrées et à la voix tonitruante la dévala en beuglant :
- Qu'on embosse le navire messieurs ! Et que ça n'traîne pas ! Matelots, au pas de course, débarquez-moi la marchandise de c'fichu rafiot !
Plusieurs marins s'activèrent sur le pont et entamèrent les descentes de tonneaux et de quelques caisses, usant d'une grue ou bien d'un peu d'huile de coude, sous l’œil attentif et pénétrant de celui qui semblait être le maître d'équipage. Le capucin s'était positionné en équilibre sur un cordage tendu, raillant les adolescents qui accouraient pour aider l'équipage du Mirage. Il stoppa court quand des pas plus fermes frappèrent le sol de la coupée, annonçant l'arrivée du capitaine du navire. Venenosa, comme on l'appelait dans le pays depuis quelques années. Elle n'avait pas besoin de se présenter sous une autre forme que la sienne, car ici, elle était chez elle. La Gorgoroth s'arrêta où la coupée était fixée sur le pont, le menton haut, les yeux grands ouverts sur le spectacle qui s'offrait à elle, humant le parfum étrange qui lui parvenait de la plage.
La désolation a toujours autant de cachet (...) Je me souviens de cet endroit, de ce pont qui n'existe plus, de ces enfants dans leurs berceaux, des habitations disparues qui jalonnaient le sommet des sables... Un souvenir sans aucune saveur, comparé à celle de ce nouveau spectacle. Je reconnais là le raffinement de Kron, son affection pour la destruction de masse, son appétit pour les âmes futiles. Voilà qui donne sens. Voilà la réponse à l'absurde condition de feu les résidents de ces plages indolentes. Où sont donc passés les dockers ? Ces êtres comme des machines, à répéter toujours les mêmes mouvements et à scander les mêmes ordres. Les autorités ? Les miliciens, marins et pirates avares de hamacs entre les cocotiers ? Les promeneurs hagards dispersant leurs pas lents dans le sable rouge ? Rappelés à l'ordre par les Dieux donneurs de sens. La vie est passive là où la mort donne l'action : où a-t-on déjà vu autant d'affairement pour reconstruire un pont et protéger les rives d'un mur titanesque ? Une solidarité à toute épreuve ralliant les peuples ? (...) Et dire qu'il a fallut attendre le désastre avant de réagir. La vie est un obstacle au progrès. Il n'y a qu'à voir ce que la mort offre de perspectives aux jeunes gens de ce pays. (...) Mais je divague. Dans quelques mois, tout sera redevenu comme avant. Les gens oublieront. Les gens avanceront. Les gens recommenceront. Sans jamais tirer une seule leçon de leurs erreurs passées. De leur aliénante routine.
Clegane la rejoint rapidement, écoutant ce qu'elle avait à lui murmurer à l'oreille. Il hocha lentement la tête, puis regagna le pont supérieur où il coordonna l'élévation d'une caisse renforcée. Quant à la capitaine, elle observa un moment les adolescents de feu le village des Berges accourir pour aider son équipage. Elle en interpella un au passage :
- Toi ! Viens voir. Sais-tu ce qu'est devenu Monsieur Bill ?
- Euh, il a rejoint l'intérieur des terres m'dame, il a une nouvelle bâtisse à lui, son "usine" qu'y dit !
- Ramène-le moi. Fais savoir que le capitaine Venenosa exige son dû semestriel.
Le capitaine Venenosa ? C'tait qui celle-là ? Et pourquoi elle avait envoyé une gamine de son âge transmettre ses ordres ? Le gamin se demandait pourquoi il avait accepté l'ordre de cette illustre inconnue, puis se souvint du timbre inquiétant de sa voix et de la lueur sinistre dans ses yeux. Il ne lui en fallut pas plus pour accélérer le pas. Il tâcha de mémoriser les mots compliqués que venait de donner l'étrange... femme ? Et courut en direction du village reconstruit plus haut sur les Berges, révisant sans cesse les mots qu'il devait répéter pour ne pas les oublier.
Myriam Valombre claqua des doigts avec sonorité, interpellant Flynt qui s'entraînait au funambulisme sur une amarre tendue. Le capucin accourut et se réfugia sur l'épaule de la Gorgoroth, l'interrogeant du regard. Caressant sa pierre de sphène du bout des doigts, elle lui confia une petite bourse, qu'il attrapa et qu'elle fixa sur son dos à l'aide d'une cordelette. Elle lui susurra un ordre avant de le regarder détaler en direction des alentours du village reconstruit. Pour la première fois, une lueur d'inquiétude traversait son regard. Mais elle secoua la tête, et gagna les bâtisses du port pour glaner des informations.
*
* *
Flynt se dépatouilla comme il put dans le sable chaud, avant de sauter sur le rebord d'un trou faisant office de fenêtre, sur une cabane au devant du village en reconstruction. Il agrippa les pierres qui dépassaient du mur et atteint le toit suite à une acrobatie spectaculaire. Une fois en hauteur, il scruta les maisons en ruine et les maisons nouvelles, les bâtisses affaissées et les bâtisses hautes, les villageois qui passaient. Puis, il sauta sur un autre toit, et entreprit de répéter l'opération de toits en toits tout autour du village, jusqu'à gagner une cabane en plus ou moins bon état, en apparence vide. Alors, il soigna sa démarche pour ne pas alerter les passants de sa venue, et descendit doucement de son perchoir pour atteindre le rebord de fenêtre, là aussi un trou béant. Il observa silencieusement l'intérieur de l'abri et décela une présence dans la pénombre ; un homme, probablement assez jeune, affalé contre un mur, la tête baissée, le corps secoués de sanglots à peine réprimés. Son visage crasseux et la maigreur excessive de ses membres donnaient à penser qu'il ne s'était pas nourri depuis plusieurs jours. Alors Flynt, dont le médaillon luisait toujours d'une faible lueur améthyste, se positionna sur le sol juste au dessous de la fenêtre creusée, dos au mur. Il décrocha la bourse de son dos, et la jeta d'un geste vif au travers du trou dans le mur. Il s'assura qu'elle était bien retombée de l'autre côté, puis disparut. Un hoquet d'étonnement perça dans l'abris. Flynt sut qu'il avait mené sa mission à bien. Il regagna les toits pour s'élancer à nouveau de l'un à l'autre, en direction du port. Pendant ce temps-là, un jeune garçon revenait lui aussi du village, accompagné d'un petit homme ventripotent, à la démarche fiévreuse et au comportement suspect. Il tenait fermés les pans larges de son manteau, comme s'il y cachait quelque chose. Il ordonna au gamin de s'arrêter au niveau d'une bicoque entre le port et la plage, et d'aller prévenir le capitaine de sa présence.
S'exécutant en râlant quelque peu qu'on ne le paye pas pour les services qu'il rendait, le jeune homme traîna les pieds jusqu'à la coulée du Mirage, qu'il monta avant de se stopper et de scruter le pont supérieur. Aucune trace de la jeune fille de tout à l'heure. Il ne reconnut personne, et n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblait le capitaine ; ne s'y trouvaient que quelques matelots qui s'activaient encore, et, au centre, un grand gaillard à la stature impressionnante et au tricorne démesuré. Il plissa les yeux quand il crut apercevoir sa barbe se mouvoir contre le torse de l'inquiétant personnage. Ce dernier grommelait en le lorgnant, puis perdit patience :
- Dégage avorton ! Tu n'as rien à faire ici !
Prit de peur, le garçon détala et quitta le port, sans même chercher à retrouver Myriam Valombre. Pourtant, il semblait que sa voix retentissait dans la bicoque où s'était enfermé le bonhomme suspect de tout à l'heure. A l'intérieur, les esprits s'échauffaient.
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Jeu 30 Juil - 21:25
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Dim 9 Aoû - 19:37
- Espèce de sale enfoiré.
Dans la bicoque, un bruit sourd retentit. Quelqu'un venait de s'effondrer sur un mur. La voix de Myriam retentit à nouveau, de son ton impassible mais fort.
- Tes dias sont des contrefaçons, traître.
Alors Clegane, qui avait entendu le remue-ménage depuis le pont du navire, entreprit d'aller voir ce qui se passait, ignorant superbement l'homme borgne qui était adossé non loin, et qui pu à loisir observer la scène à suivre. Le Yorka ouvrit la porte avec toute la délicatesse qui était la sienne, d'une seule main, la projetant à l'intérieur de la petite bicoque. Contre le mur adjacent, le petit homme au ventre débordant de sa chemise mal boutonnée était écrasé par la force du bras que Myriam Valombre appuyait contre sa gorge, pointant les dagues de son tessen contre son nombril. Le terran suait comme un porc, ses petits yeux globuleux cherchant désespérément une porte de sortie derrière les verres en cul-de-bouteille de ses lunettes rondes.
- D... Dame Venenosa, bredouillait-il, je ne suis qu'une victime dans cette histoire ! Ces dias ne sont pas les miens. Comme vous le savez, je ne fais que les recevoir de votre homme en ville !
- Vous pensez me faire gober ça, Monsieur Bill ? Mon homme ne m'a jamais causé d'ennuis jusque ici. Vous voulez que je vous dise ? Je pense que vous avez gardé ses dias pour vous tout seul, et que vous pensiez pouvoir m'en refourguer des faux. Ni vu ni connu, le bon plan.
- C... Capitaine Valombre, ce n'est plus le même homme !
L'homme s'étrangla sous la pression qu'exerçait sur lui la Gorgoroth. Visiblement contrariée, cette dernière semblait décidée à en finir. Mais Monsieur Bill tâchait tant bien que mal de prononcer quelques mots, frénétiquement, entre deux régurgitations de salive.
- Comprenez-moi, disait-il, ce n'est... Littéralement pas le même homme !
La capitaine relâcha quelque peu son emprise.
- Qu'est-ce que vous me racontez-là ?
Le terran profita de ce moment de répit pour reprendre son souffle, tremblant de peur.
- Votre homme, Davii, il est mort ! Au cours d'un duel. C'est Talyrn Moria qui a pris sa place, c'est lui le nouveau boss. Et c'est lui qui m'a versé la somme de ce mois...
La Gorgoroth se recula, rétractant son tessen. Elle avait l'air intriguée, mais fronçait les sourcils. Elle jeta un regard à Clegane, qui attendait à l'entrée les bras croisés, s'amusant de la scène et se moquant du pauvre homme s'efforçant de reprendre ses esprits.
- Tué ? Lors d'un duel ? Il n'y a décidément nul part où l'on peut faire affaire sans accroc, ou sans crétins comme collaborateurs. Je vais vérifier vos dires, couard. Mais je vous préviens, si vous me mentez Monsieur Bill, je vous retrouverai.
Le terran semblait se ratatiner sur lui même, le menton tremblotant et les lèvres humides. Il lâchait des petits couinements, comme pour répondre le plus docilement possible à la menace de la capitaine. Il hocha plusieurs fois la tête.
- Clegane, tonna-t-elle en se tournant vers lui, s'avançant vers la sortie, trouve-moi des hommes motivés pour une mission à risque. Je n'irai pas seule, mais je compte bien remettre les points sur les i, sur cette plage de malheur.
Le Yorka s'enquit de lui adresser un signe de tête en guise de réponse et tourna les talons, se mettant déjà au travail. Mais après quelques pas vers le Mirage et un examen rapide des alentours, il stoppa net. Face à lui, il reconnut après quelques secondes Fenris. Les deux hommes s'étaient déjà rencontrés, ou plutôt ils avaient déjà collaboré. Clegane croisa les bras en le toisant d'un regard complice, le gratifiant d'un sourire hautain qui, chez lui, était l'équivalent d'un témoignage de sa sympathie.
- Capitaine, s'exclama-t-il sans détourner les yeux du borgne qui clopait adossé à un mur, je crois que je n'aurai plus à chercher bien loin à présent.
Myriam sortait à ce moment de la bicoque, et reconnut instantanément Fenris, elle aussi. Elle fit un signe du menton à son Second, qui signifiait qu'il pouvait disposer. Contrairement à lui, au moment d'approcher l'invité surprise, elle n'esquissa pas la moindre trace d'estime ni de contentement. Elle le toisa de son habituel regard noir et lui adressa la parole comme à n'importe quel membre d'équipage.
- Tiens donc. Voilà un moment qu'on ne vous avait pas croisé. Vous cherchez du travail, ou je me trompe ? Suivez-moi si tel est le cas.
La Gorgoroth, sans témoigner davantage de considération au loup de mer, s'engagea à grandes enjambées en direction du pont supérieur de son navire, les mains tenues dans le dos.
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Jeu 13 Aoû - 18:52
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Dim 23 Aoû - 18:02
Le capitaine Venenosa passa d'un pas rapide entre les barils qui traînaient encore sur le pont et que les matelots se hâtaient de dégager sur son passage, caressant du bout des doigts les planches que Ratchet, son gabier multi-tâches, installait et sur lesquels il disposait nombre de marchandises de qualité. Elle arbora l'espace d'un instant un regard inquiet, car il s'agissait de leurs dernières marchandises en provenance d'El Bahari. Ces dernières avaient fait la fortune de Myriam durant la dernière décennie, et elle regrettait les récents événements concernant le devenir de l'"île". Elle se fichait bien du désastre en lui-même et des très nombreuses pertes. Mais elle s'inquiétait pour l'avenir de son commerce, et de ses rentrées de dias qui promettaient de s'amoindrir. Fenris, qui la talonnait et qui se faisait dévisager par la plupart des hommes de Myriam, réagit à l'acidité de son accueil :
« Cap'taine... en voilà des manières d'accueillir un vieil ami ! Moi qui pensais qu'un retour aux sources vous amènerait au moins à me décocher un p'tit sourire... Allez quoi, ça vous fait pas plaisir de me voir ? »
Mais elle ne prit pas la peine de lui répondre. Elle traversa le pont supérieur et descendit les quelques marches en planches de bois qui menaient à la cale, où elle rejoint sa cabine et laissa la porte ouverte pour que Fenris, qu'elle imaginait la suivre, puisse entrer avec elle. Avant de s'asseoir, elle s'empara de sa pipe à opium, posée sur son petit bureau, et tassa la drogue à l'intérieur du compartiment destiné. Elle en proposa à son invité, montrant les autres pipes empilées dans un coin. Toujours sans décrocher un mot. Le mercenaire renchérit alors :
« Toujours aussi cruelle, à lacérer le cœur des hommes comme on pèle une orange. Vous n'avez pas changé d'un iota, il faut dire. Toujours aussi... Aussi zélée.»
- Et vous, vieil ami, vous êtes toujours aussi naïf. Je fais mon travail, simplement, dit-elle en s'asseyant, las. La cruauté est une marque de fabrique, et j'en fais aussi un outil de travail. Vous qui passez vos années à écumer les ports de tous continents, vous devriez être habitué.
Quand elle s'adressait à l'Ascan, Myriam parlait avec une voix plus douce qu'à l’accoutumé (mais l'adjectif "doux", chez Venenosa, avait une consonance particulière). En sa présence, elle n'était pas méfiante et ne s'inquiétait pas de lui. C'était un comportement qu'elle ne réservait qu'à une élite de contacts, en lesquels elle avait toute confiance. Quant à Fenris, qu'elle avait toujours apprécié pour ses compétences remarquables, et ce depuis leur première rencontre, elle n'était pas mécontente de le croiser en ce jour. A vrai dire, elle était ravie. Nul mieux que l'Ascan n'était plus à même de régler le problème qui la tracassait présentement. Elle leva les yeux vers lui, ses yeux d'une profondeur abyssale et d'un gris surnaturel. Elle le toisa avec tout le sérieux du monde, durant une bonne vingtaine de secondes, avant de lui adresser un franc sourire.
- Je suis néanmoins heureuse de vous revoir, Fenris. Voilà bien longtemps que nous ne nous étions pas croisés. Prenez place, dit-elle en lui indiquant le fauteuil face à son bureau. Elle tira une bouffée d'opium de sa pipe fumante avant d'ajouter : l'affaire qui me préoccupe est assez... Délicate, je dois dire. Mais je sais que, si elle vous intéresse, vous saurez en apprécier la teneur.
Elle le toisa à nouveau d'un regard mystérieux, son visage dissimulé derrière un écran de fumée parfumée. Elle ne souriait jamais vraiment, mais feignait des rictus amicaux pour mettre à l'aise les quelques personnes auxquelles elle réservait sa sympathie. Son inquiétude la quittait au fur et à mesure qu'elle se souvenait des talents du borgne. Elle s'était d'abord crispée quand elle apprit le meurtre de Davii, l'un de ses hommes en qui elle avait confiance. Son affaire venait de lui glisser des mains, et voilà qu'un nouvel intriguant tentait de la duper avec de faux dias. Cette histoire l'agaçait au plus au point, car elle signifiait une perte de temps conséquente. Et Myriam Valombre ne supportait pas qu'on lui fasse perdre son temps. Alors, quand Fenris se présenta à l'improviste sur le port, elle s'était aussitôt réjouie de le voir ; même si la surprise ne se lisait pas aisément sur son visage désabusé. Elle ajouta :
- On a essayé de me duper. J'ai donc des comptes à régler, et je compte bien le faire le plus rapidement possible. Je n'ai pas de temps à perdre, des affaires plus urgentes m'attendent. Mais avant de vous en dire plus, je dois savoir si vous êtes disposé à m'accompagner. Elle posa sa pipe à opium sur le coin du bureau et se tourna vers un meuble sur lequel se trouvait un coffre assez haut. Elle trifouilla quelque chose que Fenris ne pouvait voir, car elle lui tournait le dos, puis le coffre s'ouvrit. Elle sembla ranger quelque chose, puis sortit une bourse du coffre, qu'elle déposa face à l'Acsan. La paye reste inchangée, mercenaire. Il s'agit d'une descente musclée ; on parle d'une dizaine d'hommes, armés. Suivez-moi et touchez vos dias dans l'heure qui suit la résolution de l'affaire. Je n'ai rien à ajouter, c'est à vous de me dire ce qu'il en est.
Elle planta ensuite son regard dans celui de Fenris, attendant sa réponse. Mais le connaissant, elle se doutait qu'il ne dirait pas non. Elle avait eu vent de quelques mésaventures qui l'avaient récemment poussé à beaucoup voyager, aussi se doutait-elle qu'il ne pourrait refuser ses dias. De même, le mercenaire n'avait jamais refusé de faire affaire avec Myriam. Cette dernière en était d'ailleurs assez fière, car cela témoignait de son respect quant à ses méthodes. Elle accompagna son offre d'un léger sourire, un rictus d'excitation malsaine, présageant une suite pour le moins mouvementée...
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Jeu 3 Sep - 6:42
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Sam 19 Sep - 17:24
La Gorgoroth observa Fenris prendre place, en se s'asseyant elle-même. En le voyant gesticuler de la sorte, mal à l'aise sur son siège, et parler de sa voix de loup de mer, elle se souvint des nombreux contrats qu'elle lui avait proposé et qu'il avait toujours brillamment conclut. C'était un homme professionnel. Sympathique aussi, mais il ne fallait se fier aux apparence ; car le borgne savait y faire et derrière son apparence tranquille et espiègle, il cachait un grand potentiel, révélé au combat comme dans les négociations. L'efficacité est une vertu que Myriam appréciait grandement. Elle l'avait décelé en lui au cours de quelques affaires délicates qu'ils avaient dû régler ensemble, et où elle eut l'occasion de l'observer sur le terrain. Plus que l'efficacité, c'était la confiance qui les avait sauvés des pires situations. Aussi étrange que cela puisse être, Venenosa avait pleinement confiance en l'Ascan, au même titre que pour Clegane ou ses hommes les plus fidèles. Elle fut tirée de ses souvenirs par le ton joueur de Fenris :
« Certains hommes apprécient se faire mener à la baguette par un vis-à-vis féminin, mais comme vous avez pu le constater depuis le temps, ce n’est pas mon cas. En ma présence vous pouvez être vous-même, vous savez... Une femme passionnelle qui cache bien son jeu sous une tonne de formalités et de pragmatisme. »
- Si je pouvais rire aux éclats, lui confit-elle alors, je le ferai. Mais vous n'avez pas besoin de cette démonstration pour être assuré de ma sympathie.
La Gorgoroth avait prononcé ces quelques mots avec un ton assez décontracté, que Fenris pourrait se féliciter d'avoir provoqué en la mettant à l'aise. Elle était tellement peu ménagée ces derniers temps qu'elle ne prenait même plus la peine de faire attention à ses manières, lesquelles avaient pourtant beaucoup d'importance à ses yeux puisqu'elles garantissaient une cohésion nécessaire entre elle et ses hommes. Elle avait bien besoin de vacances... Mais à y réfléchir, cela ne lui serait pas permit de si tôt. De très grands projets l'attendaient à son retour à Phelgra, et juste après, il lui faudrait déjà retourner préparer l'exécution de ses desseins à Eridania. Un programme très chargé. Alors elle n'avait pas besoin qu'une bande d'inconscients viennent troubler ses projets. Le problème était d'autant plus agaçant que, pour le régler, il lui faudrait aller jusqu'à payer un mercenaire, l'Ascan, alors que ses affaires ne tournaient pas au mieux en ces temps de crise. Heureusement, se dit-elle, qu'elle gardait toujours un fonds pour ce genre de situation et que certains... Amis, l'aidaient toujours promptement, concernant les dias et divers dépannages. En tous les cas, elle contait bien en finir le plus rapidement possible avec cette affaire.
« Qui sont ces types ? » demanda Fenris en se saisissant de la bourse pleine de dias. « Des civils, des officiels ? Entraînés ou pas ? Et elle aura lieu où, cette descente ? »
- Si mes informations sont bonnes, et je me plais à croire qu'elles le sont en effet, ce sont des malfrats assez médiocres mais suffisamment crétins pour tenter de se mesurer à un mercenaire tel que vous, et à moi-même. Ce sont d'anciens pirates, mais je n'ai pas suffisamment de renseignements pour connaître l'identité de leurs anciens capitaines. Quoi qu'il en soit, il faut s'attendre à ce qu'ils soient armés et féroces. Mais nous pourrons compter sur leur manque de discipline, et sur le couardise. Leur chef, en revanche, semble être une tête brûlée ; en revanche je n'ai aucune information à son sujet. Restons sur nos gardes.
« J’ai juste besoin d’une vingtaine de minutes pour récupérer du matos. Des carreaux supplémentaires et une paire d’autres petites choses. Dix gusses ce n’est pas grand chose, mais je préfère être préparé. »
- Très bien, vous savez ce que vous avez à faire.
« Au fait combien on sera ? »
- Je n'espère pas avoir besoin d'être d'une grande violence. Je compte sur l'intimidation, ce pourquoi je ne veux pas rameuter mes hommes. Vous, moi. Il ne sera pas nécessaire que d'autres nous accompagne. S'il faut en venir aux armes, c'est le chef qu'il faudra éliminer. La lâcheté des autres et la crainte que je leur inspirait autrefois suffira à leur rappeler les bonnes manières.
Myriam trifouilla dans les tiroirs de son bureau et en sortit un rouleau froissé et jauni par le temps. Elle le déplia face à elle, l'examina quelques secondes avant de le tourner vers Fenris. C'était une carte, ou plutôt une esquisse du grand village qui terminait la plage. Les dessins représentaient la configuration du hameau tel qu'il était avant les désastres récents, alors il faudrait un peu d'imagination pour se le représenter tel qu'il était à ce jour. Venenosa pointa du doigt l'ébauche d'un grand bâtiment.
- C'est ici que nous les trouverons. Il s'agit du repère d'une guilde marchande peu connue, ainsi que d'une cache pour objets de contrebande. Elle appartient à mes hommes, ceux que nous allons voir et dont le chef a tenté de me duper. La configuration est simple : une entrée principale du côté nord, une porte dérobée à l'arrière, et un toit plat par lequel il est possible de s'infiltrer, pour se cacher parmi les poutres. S'y trouvent de hauts caissons et de longues rangées d'étagères pleines de matériel, il est difficile de s'y repérer si l'on est pas habitué. Vous vous sentez d'attaque ?
La Gorgoroth toisa l'Ascan d'un air de défis, attendant sa réaction et d'éventuelles remarques. Elle rangea ensuite la carte dans les pans de son manteau et entreprit de vérifier l'état de son Tessen. Nul doute qu'il allait bientôt lui servir...
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Sujet: Re: L'Océan pour seul Foyer Ven 30 Oct - 3:50