Un Vent de Perdition

News & Infos

C'est ici que vous trouverez les dernières infos du moment, les utiles et moins utiles.

Temps actuel

Effectifs

• Eryllis: 3
• Ladrinis: 9
• Eclaris: 5
• Prêtresses: 5
• Cavaliers de S.: 5
• Nérozias: 6
• Gélovigiens: 3
• Ascans: 0
• Marins de N.: 4
• Civils: 15

Lien recherché

- Walter cherche de Preux chevaliers.
_ Raël veut des clients.
_ Deirdre a besoin d'employé!

Les Rumeurs

_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
_ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose".
_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

Code par MV/Shoki - Never Utopia



 
AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  


-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

Partagez
 

 Un Vent de Perdition

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeDim 7 Juin - 0:55

Un Vent de Perdition Titre_12

Les quelques jours qui séparaient le Temple de Soulen à Gaeaf eurent le don de mettre mon corps et mon esprit à rude épreuve. Bien que le mois de Tiria débuta durant ce trajet, la saison chaude ne se faisait pas encore sentir, et bien qu'emmitouflée dans mon lourd manteau de cuir velours rouge doublé d'une courte fourrure blanche, le vent cinglant venait s'engouffrer sous ma large capuche pour me geler jusqu'à l'os. Seuls les mouvements des muscles puissants de Sjenomb galopant le long de la plaine givrée, m'apportaient quelques chaleurs.
Mon étalon d'ombre fut mon seul compagnon lors de ce court voyage où nous longions le lac gelé afin de ne pas perdre de vue notre destination. Le paysage était toujours aussi beau et hypnotisant qu'au temple de Soulen, mais la solitude commençait à me peser. Bien que je ne sois pas de nature loquace, la présence de mes pairs me réconfortait grandement. Nous chevauchions donc quasiment sans discontinuer tant que les soleils étaient levés. Le vent amenait les effluves salés de la mer charrier nos narines et remuait la fine poudreuse sous les sabots de mon cheval à la robe aussi noire qu'une nuit sans lune. Nous ne nous reposions que lorsque l'obscurité rendait le cheminement incertain voir dangereux. Les prêtres, et l'aimable Haute-Prètresse de Soulen, avaient fourni de quoi nous nourrir pour le voyage, de la viande séchée pour moi et du foin pour Sjenomb. Je restais à dessiner les environs et à observer le va-et-vient des vagues à l'horizon jusqu'à ce que la fatigue ne me terrasse. Je me blottissais contre mon cheval à la recherche d'un peu de chaleur, n'ayant pas pu faire du feu faute de bois sec.

Si ce n'était la grosse frayeur que nous suscita la rencontre avec un leweira solitaire et le large  détour que nous dûmes faire afin de contourner un troupeau de bufflon, le parcours ne posa pas vraiment de difficultés. Nous évitions aisément les crevasses et les escarpements camouflés par la neiges ou tout du moins nous y fîmes bien plus attention une fois que je me retrouvai allongée dans la neige à cause d'une stupide erreur d’inattention. Cependant, il est heureux qu'il n'y ait pas eu de problèmes plus sérieux.

Le cinquième soir fut marqué par l'espoir, car notre objectif apparut à l'horizon. Et malgré l'envie grandissante de me lancer à corps perdu sur le chemin de Gaeaf, de m'éviter une nouvelle nuit dehors, de rejoindre la civilisation et la chaleur d'un abri. Je ne souvenais même plus de la sensation de ne pas se prendre sans cesse un vent glacé au visage. Je ne rêvais plus que d'un lit, un vrai, et un repas chaud, je commençais à en avoir assez de la viande séchée. Et bien que le trajet ne paraissait pas aussi long que ça, pour moi c'était déjà beaucoup, je n'avais pas du tout l'habitude de partir en long voyage, et surtout toute seule. Mais la prudence voulait que nous attendions le lendemain pour repartir.

Lorsqu'en nous arrivions en ville, les soleils n'étaient pas encore trop haut dans le ciel et le vent fort chahutait la neige alentour rendant l'atmosphère déjà maussade encore plus morose. Le village rustique aux maisons de pierre n'était pas très engageant mais je m'y engouffrai avec optimisme et me dirigeai  vers ce qui semblait être la taverne, il y avait peu de chance de se tromper, étant donné le peu de bâtisses que comptaient le village. Peut-être étais-le un peu trop habituée aux grandes villes, mais le manque de vie de ce village me laissait perplexe et un brin mal à l'aise.
Alors que je me faisais servir par l'aubergiste, je m'enquis de la situation du commerce maritime du coin, et surtout si des bateaux en partance pour Hellas accepterait de me prendre à leur bord. Mon but étant de rejoindre le convoi qui m'avait accompagner de Tyhrénium au temple de Soulen, à Hellas, et le seul moyen était sans nul doute, la voie maritime.
J’eus la joie de pouvoir me laver et enfiler ma deuxième tenue de voyage composé d'un pantalon de cuir rouge sombre, avec bottes assorties et d'une chemise claire qui bien que lâche, était resserrée dans le dos afin de marquer la taille et la cambrure des reins.

Je n'avais jamais pris le bateau auparavant, et ma visite au domaine du Dieu des Mers m'avait laissée émerveillée et rêveuse devant la grandeur et la majesté de cette étendue indomptable. Ma curiosité me poussant à franchir le pas.

Je pris le chemin des quais où devaient attendre quelques navires, selon les dires du tavernier. Le port était bien le seul endroit du village qui manifestait un tant soit peu de vie et d'activité. Les premiers capitaines à qui je demandai de me transporter me répondirent par la négative. Non, nous ne prenons pas de personnes à bord, que des marchandises. Non, nous ne prenons pas les cheveux sur le bateau. Effectivement, je n'avais pas pensé à cet difficulté là, même si j'étais relativement sure qu'il saurait se tenir, il était difficile de rassurer quelqu'un d'autre. J'avais même eu une proposition déplacée à laquelle je ne cherchais même pas à répondre, des marins en voyage depuis longtemps, en manque de présence féminine, je ne pouvais pas leurs en vouloir. En attendant, mon problème n'était pas réglé. J'attendis encore un moment l'arrivée du bateau salvateur mais le froid commençait à m'engourdir l'esprit autant que le corps.

Je décidai d'attendre à l'auberge, le gérant m'avait fait comprendre que les marins passaient presque nécessairement par chez lui avant de repartir. Autant attendre au chaud.
J'avais espéré un moment rencontrer un marin que j'avais croisé au temple de Soulen. Un colosse borgne et blond, un homme imposant difficile à oublier. Fenrir, ou Fenris ou prénom de ce genre, son surnom était facile à retenir pour une adepte de Fen telle que moi. Cependant, j'ignorais totalement s'il était déjà parti ou s'il était ne serait-ce qu'arrivé. En bref, je ne pouvais pas compter uniquement sur ma chance de tomber sur lui. D'autant que la chance ne semblait pas vraiment de mon coté ces jours-ci.

J'attendis encore une bonne heure en dessinant l'intérieur de l'auberge et ces quelques clients, qu'un nouvel équipage ne fasse son apparition. Les matelots ne pouvaient visiblement pas m'aider mais avaient apparemment du temps à perdre car ils restèrent jouer au dés avec moi. J'avais l'impression que je n'avais pas joué depuis des temps immémoriaux, et même si c'était un peu exagéré, mon humeur s'améliora nettement grâce à cela. Cela dit, je ne devais pas perdre de vue mon objectif, il était un peu trop facile pour moi de me perdre dans le jeu, d'en oublier le temps qui passe. Je me forcé donc à relevé la tête à chaque mouvements au cas où la personne pouvant répondre à mes attentes passerait le pas de la porte.

Je jouai machinalement avec ma griffe qui pendait au bout d'une chaîne en or blanc pendant que mes camarades lançaient les dés et buvait leurs verres à une vitesse effarante. J'écoutais avec attention l'histoire alambiquée mais au combien passionnante de l'un d'eux. Les marins semblaient très doués pour captiver l'auditoire même les autres étaient suspendus à ces lèvres bien qu'ils soit pourtant tous sensés déjà la connaître.

- C'était le long des cotes cimmériennes, on avait dépassé Oakbrigs depuis un ou deux jours. La tempête si vites qu'on eu a peine le temps de se mettre à nos postes. Quand soudain, surgit des eaux, un monstre gigantesque, à deux têtes, des dents aussi grandes qu'un zélos. C'est alors que j'eus l'idée de génie qui nous sauva tous ! ...
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeLun 15 Juin - 20:52

Chapitre V: Un Vent de Perdition
Acte I: Travelling Endlessly

La fumée de sa clope s’élançait en spirales successives dans le ciel blanc de Gaeaf, tandis qu’il réparait les mailles fines du filet qu’il avait entre les mains. Cela faisait des décennies qu’il connaissait l’endroit, ses gens bourrus et les berges gelées du grand nord, pourtant c’était la première fois qu’il voyait le bourg désert, comme un homme triste qui se morfond de ses pertes injustes. Fenris n’était pas étranger à celui qui avait été le premier port construit à Cimméria, qu’il fréquentait depuis que des affaires courantes l’occupaient dans la région.
Néanmoins le hasard avait voulu que son inquiétude pour Seior le retienne aux berges dorées pendant qu’un Colosse ainsi que ses Léviathans de compagnie ravageaient le village. Seulement il n’avait pas été beaucoup plus chanceux dans ses fréquentations cette fois-là. Il avait été confronté à une autre aberration solidement implantée dans les eaux méridionales, et surtout aux dégâts qu’elle avait causés. Sur le front où il avait bien failli mourir noyé, il avait vu de son propre œil ce que toute personne sensée aurait jugé inconcevable : la mise en mouvement d’El Bahari, son île d’appartenance, en réalité installée sur le dos d’une bête immense.
Ou comment échapper à une catastrophe pour se fourrer dans une autre, d’égale gravité... Tout un art. Dame Fortune avait vraiment un drôle de sens de l’humour. Comme si apprendre qu’il avait vécu sur une créature aussi dangereuse pendant la majeure partie de sa vie ne suffisait pas, Fenris avait également perdu une partie de ses amis, projetés dans une mer déchainée par les vagues.

À regarder les maisons éventrées, un vulgaire jouet cassé en deux par un géant imaginaire qui se serait amusé à tout renverser, un malaise grandissant le gagna. Il n’était qu’un marin sans prétention, alors que pourrait-il faire pour empêcher quelque chose d’aussi terrible ? Rien. Rien, et pourtant ce n’était pas son genre de rester là les bras croisés. Les douleurs sur son flanc lui rappelaient encore que sa témérité lui coûtait chaque jour un peu plus cher. D’une tape dans le dos il prit congé du pêcheur et des deux marins qui lui avaient tenu compagnie dehors, avant de s’écarter sur une autre plaisanterie vaseuse. Il leur faudrait au moins une dose d’absurde bonne humeur s’ils voulaient sortir la tête de l’eau, alors puisqu’il fallait un fou de service, autant que ce soit lui.
Sans grande conviction il laissa ses grandes enjambées le porter jusqu’à l’unique auberge restant debout, et où il avait pour l’instant élu domicile. Sa chambre n’était qu’une pièce austère et presque vide qu’il louait volontairement pour trois fois son prix, afin d’aider le jeune aubergiste qui avait pris le relais depuis la mort de son vieux père lors de l’attaque. Il préférait être pris pour un pigeon que pour un bon samaritain, c’était un choix qui ne datait pas d’hier. Depuis son arrivée Jan avait insisté pour lui préparer deux repas par jour qui bien que sommaires étaient très corrects ; et en échange sa fierté ainsi que ses finances en ces temps difficiles étaient à peu près saufs. Les scrupules en trop de l’un comblaient leur absence chez le second. Tout le monde en ressortait gagnant. Avec un peu de ruse manipulatrice certes, mais c’était un détail.

Il rentra au Harpon d’Argent, touchant le bord de son chapeau en guise de salut. La clientèle majoritairement masculine, semblait plus animée que de coutume, et il ne lui fallut qu’un coup d’œil pour comprendre pourquoi. Quelques commerçantes de passage avaient rejoint l’assemblée, et quelques femmes du village étaient aussi venues discuter un peu. Par ailleurs ce fut une silhouette inconnue qui retint son attention au milieu des habitués. C’était une femme dont la tenue soignée et adaptée au froid ne perdait pas de son extravagance sophistiquée. Sa chevelure opaline tombait en cascades, encadrant un visage fin et des yeux très sombres. En s’approchant le borgne perçut autant le danger que la paradoxale expressivité de ses prunelles fendues, ce qui alimenta ses interrogations. Il la reconnut comme une pèlerine qu’il avait croisée au temple de Soulen il y a quelques jours. Trois, quatre ? Peu importe.
Avec la permission des présents il dégagea le bas de son long manteau de cuir et prit place à leur table, sans interrompre l’homme qui racontait ses histoires. Il s’était déjà posé ses questions avant, sans grand succès. Oui, on peut dire qu’elle l’intriguait beaucoup, sans doute parce qu’en dépit de sa nature bestiale, il passait aisément pour monsieur tout le monde. L’étrangère n’était résolument pas Terrane, même s’il ne pouvait encore affirmer si elle était Lhurgoyf ou Yorka. Elle pourrait être affiliée à une forme reptilienne que ça ne l’étonnerait pas. Cela dit le manque d’écailles ainsi que son instinct lui murmuraient le contraire.
Avec tact il commanda une chope et s’intégra à la conversation sans faire de vagues, laissant le marin discourir sur les monstres sans nom que la mer avait recrachés et mis sur leur route. Il se garda même d’ironiser sur le ridicule de l’anecdote dont la crédibilité était à revoir, ce qui tint du miracle. Mieux valait parler d’on ne sait quelle autre expérience que de parler de ce qui s’était passé sur place, un sujet devenu tabou pour des raisons évidentes.
Comme les Cimmériens, Fenris aurait aimé pouvoir continuer à rire et inventer mille aventures insouciantes plutôt que revivre la sauvagerie de la réalité. Sur ce plan il partageait la douleur et le désarroi, et l’empathie qui le caractérisait n’y était pour rien. Son frère avait embarqué sur l’un des navires qui avait combattu le Colosse, alors la notion de ce qui s’était vraiment passé, il l’avait. Un peu trop même.


« Et les sirènes prisonnières de la glace au pied d’Oakbrigs, tu les as vraiment vues ? T’es sûr que le rhum ne t’a pas fait halluciner, où que tes sourcils d’ours ne t’ont pas obscurci la vue ? » Le groupe de marins s’esclaffa. Il ne leur fallait pas grand-chose après quelques tournées. Fenris sourit d’un air de vieux renard chafouin, amusé par la mine presque scandalisée du trentenaire Terran qui lui faisait face. Sa moustache se souleva en une moue contrariée si comique que ça en devenait une invitation à poursuivre les provocations. Ce pseudo roi des mers boréales se prenait vraiment trop au sérieux. « Moi j’en ai déjà vue une vraie, de sirène. Et c’est une des créatures les plus belles qu’il m’ait été donné de voir. » Son œil violet se fit brillant de malice, alors qu’il revoyait l’Ondine silencieuse sur son bateau, il y a cinq ans de cela.
Mais l’image ne dura pas, parce que la conversation dériva sur la beauté des femmes de ce monde. Les puristes vantèrent la féminité délicate des prêtresses de Kesha, alors que des plus extravagants soulevèrent l’exotisme mystérieux des nomades du désert, au corps recouvert de tatouages et de bracelets clinquants. Cependant tous tombèrent d’accord concernant la tyrannie qui pouvait se cacher sous leurs traits enchanteurs. Ils maudirent alors feu l’ancienne grande prêtresse Elerinna et la lignée Lanetae. L’un des plus virulents manqua même de cracher par terre, mais en fut dissuadé par un regard noir de l’aubergiste. Les cimmériens ne rigolaient plus du tout sur ce sujet, ça au moins, c’était très clair.


« Elle était belle comme on en fait peu, mais pourrie de l’intérieur. »
« Pas que de l’intérieur si tu veux mon avis. »
« Une belle grognasse, oui. » Fen soupira et alluma une cigarette, non sans en proposer à Asnaell. Il avait eu l’occasion de croiser Elerinna une seule fois de près, et ça lui avait suffi pour tirer cette seule conclusion. Car une femme qui vient lui prendre son frère jusque dans son repère au bout du monde, c’était forcément une grognasse, aussi désirable puisse-t-elle être.

« Enfin, une femme n’en vaut pas une autre, pas vrai ? » Il rit avec plus de bonhommie dont il se sentait capable, et laissa les autres bavarder de choses et d’autres. Il avait enfin l’occasion de discuter avec l’énigmatique inconnue, et il n’allait pas se priver. « Je vois que vous avez fait bon voyage depuis la demeure de Soulen, ça fait plaisir de vous revoir en forme. Alors dites-moi, avez-vous finalement trouvé quelqu’un pour vous amener à la capitale ? » Il avait bien envie de lui poser un tas d’autres questions, seulement il n’était pas certain qu’elle soit réceptive à sa curiosité naturelle. Alors il entreprit enfin de retirer son chapeau et de lisser les fils blonds retenus en une longue queue de cheval.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeLun 6 Juil - 16:44

HRP:

Un Vent de Perdition Titre_15

Tout à l'écoute du marin bavard, je ne me rendis pas tout de suite compte de l'arrivé du nouveau venu. Je dois bien avouer que ma vigilance était largement à revoir mais à ma décharge, l'histoire tournait presque au rocambolesque, attisant ma curiosité de spectatrice. Évidemment, ce qu'il racontait était hautement improbable mais c'était bien ce à quoi je m'attendais. La réalité apportait son lots de malheurs et ce n'était généralement pas très agréable ni à entendre, ni à raconter. Il serait bien dommage de démoraliser ces gens venus boire un coup pour se changer les idées. Les sombres événements ayant frappés cet endroit devait être encore bien trop frais dans leurs esprits. Les anecdotes farfelus avaient le don de détendre l'atmosphère.

Je reportai mon attention sur le blond colosse qui venait de s’asseoir à notre table. Il répondait tout à fait à mon souvenir, qui ne datait pas de très longtemps je veux bien l'accorder. Le long manteau et chapeau de cuir, la clope au bec et sourire engageant. Sa peau tannée par le soleil témoignait du temps qu'il avait passé au grand air. Je ne pouvais que me réjouir, la chance commençais enfin à tourner en ma faveur, tout du moins j'osais l’espérer. Après tous ces lancés de dès foireux, j'avais du attirer la pitié de Dame Fortune pour qu'elle mette cet homme que j'avais rencontré peu de temps avant sur mon chemin.

- Et les sirènes prisonnières de la glace au pied d’Oakbrigs, tu les as vraiment vues ? T’es sûr que le rhum ne t’a pas fait halluciner, où que tes sourcils d’ours ne t’ont pas obscurci la vue ?

Je ne pus que sourire devant la mine totalement indigné du conteur. Le pauvre n'avait pas l'air d'apprécier la concurrence.
Il faut bien admettre que le pays des neiges était on ne peut plus propice aux mythes et légendes. C'était bien une des raisons de pour lesquelles les artistes de tout bords s’enthousiasmaient pour ces plaines givrées et étendues tumultueuses. Les esprits fertiles y avaient tôt fait de donner vie à leur chimères favorites. Peut-être était-ce une marque de naïveté ou étais-je trop inspirée pas les peintures abstraites d'où se ressentaient la magie, mais j'avais bien envie de croire à ces légendes, que le monde de l’imaginaire puisse parfois se fondre avec la réalité.

- Moi j’en ai déjà vue une vraie, de sirène. Et c’est une des créatures les plus belles qu’il m’ait été donné de voir.

L'étincelle dans son œil solitaire faisait écho à son sourire à cette évocation. J'étais curieuse d'entendre cette histoire. Encore un cœur dérobé par l'immensité glacée de l'océan ? Emporté par une de ces créatures fantasmagoriques dont les rumeurs accordaient de nombreuses facultés, dont leur fabuleuse beauté.
La beauté. La suite de la conversation m'intéressait beaucoup moins, d'autant plus lorsqu'il s'agit de beauté féminine, je crois ne pas être munie de ce qu'il faut pour écouter ça. Je finis mon verre d'une traite afin d'avoir l'excuse de quitter la table pour aller m'en refaire servir un.  Je n'avais clairement pas envie d'entendre ce que les hommes avaient à dire. Étant tout à fait consciente de ne faire partie d'aucune de leur catégories, je ne tenais pas vraiment à me miner le moral pour une conversation aussi triviale.
Quand je revins avec mon verre de nouveau plein, la discussion portait sur une femme en particulier, Elerinna Lanetae. Bien évidemment, j'avais entendu parler de ces histoires, mes clients étaient de vrais bavards en matière de potins politiques. Cela dit, je n'étais pas suffisamment au courant pour en dire quoi que se soit. De toute évidence, l'avis des personnes autours de cette table, voire de toute l'auberge, avaient un avis bien tranché sur la question.

J'acceptai volontiers la cigarette que Fenris me tendit pendant que j'écoutais ce joli monde converser de sujets légers et sans réel importance.

- Je vois que vous avez fait bon voyage depuis la demeure de Soulen, ça fait plaisir de vous revoir en forme. Alors dites-moi, avez-vous finalement trouvé quelqu’un pour vous amener à la capitale ?

Un éclat métallique à son poignet attira mon attention lorsqu'il enleva son chapeau, cependant la longue manche de son manteau ne me permit pas d'en voir plus. Ses long cheveux blond presque blancs me donnaient à penser que j'avais peut-être affaire à un compatriote pourtant sa peau halé étant loin du standard lhurgoyf.

- Le plaisir est tout partagé. Malheureusement, non. Il semblerait que Soulen n'ait pas répondu à ma prière jusqu'ici, je commençais presque à désespérer.

Un des hommes m'interpella par mon nom pour jouer, mon tour était arrivé. J'avoue ne pas avoir vraiment suivi l'avancement de la partie, cela dit, à l'expression perdue des autres participants, je ne devais pas être la seule. Comme je pensais bien que nous avions perdu le compte des points depuis un moment.  Je lançai quand même les trois dés. Le résultat fut à l'image des précédents, soit consternant. Pas de combinaison et les tirs suivants ne furent pas meilleurs. Je soupirai avant de me retourner vers le marin borgne avec un pale sourire.

- Comme vous pouvez le voir, je n'ai pas beaucoup de chance aujourd'hui... Et vous, dîtes moi. Depuis combien de temps êtes-vous là ?

L'échange de politesses étaient un passage inévitable, bien que ce ne soit pas ma tasse de thé, je n'ai jamais été très douée pour tourner autour du pot, ou plutôt je n'y voyait pas tellement d’intérêt. Je décidai d'entrer dans le vif du sujet, ne perdant pas de vue l'essentiel de mon problème. Mon visage exprimant ma lassitude devant cette désolante constatation, laissa place à mon sourire des plus sincère, je ne pouvais dissimuler l'espoir qui pointait dans ma voix quand je continuai. La perspective de pouvoir repartir bientôt m'enthousiasmait plus que je ne le pensais, le voyage en bateau n'était pas ce que je trouvais de plus rassurant, mais pour rattraper la caravane à Hellas, il s'agissait de l'unique solution, d'autant que j'avais toute confiance en ceux qui avait fait de l'océan leur terrain favoris.

- D'ailleurs, le voyage à Hellas dont vous m'aviez parlé, est-il toujours prévu ? J’espérais assez pouvoir en profiter, j'ai de quoi payer bien entendu.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeVen 17 Juil - 2:38

Chapitre V: Un Vent de Perdition
Acte II: Another Trip

La surprise ponctua le sourire de Fenris lorsqu’il se rendit compte qu’Asnaell avait accepté sa cigarette. Il ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’une marchande élégante soit portée sur des plaisirs simples et éphémères. Sans doute s’était-il laissé porter sur les ailes des idées préconçues, bien qu’à sa décharge il faille admettre qu’il était inhabituel de voir une femme se mêler à une communauté majoritairement masculine avec autant de naturel. Ce n’était pas qu’il juge qu’elle n’y avait pas sa place, ou qu’il fasse partie de ces misogynes vulgaires qui ne trouvaient pas mieux à faire que de rabaisser le genre opposé. Simplement il n’était pas courant de voir une femme instruite et indépendante trouver son compte dans ces petites communautés souvent méfiantes et pas franchement distinguées. Il fallait du courage pour savoir s’imposer sans forcer la main, et autant pour rester accessible en dépit des blagues vaseuses et des commentaires désobligeants. Cette visible adaptabilité lui inspira un début de respect, reflété dans son regard.
Le borgne fouilla dans ses poches jusqu’à trouver un briquet à silex qu’il tendit à Asnaell, goûtant à l’aigreur familière de sa blonde jusqu’à ce qu’elle lui rende son dû. Ce ne fut qu’ensuite que le tabac mêlé à la douceur de la fleur d’oranger et des épices envahit ses poumons, finalement expiré dans l’air en un petit nuage soufflé vers le plafond. Il ignorait si ce mélange étrange pouvait satisfaire la jeune femme, aussi il guetta sa réaction avec curiosité sans préciser les composants exotiques de sa création. Peut-être était-elle ouverte aux excentricités importées du sud, après tout.


« Soulen semble sourd aux prières de tous ses fidèles dernièrement. » Il avait parlé à voix basse, évitant ainsi d’obscurcir la bonne humeur générale par des faits déprimants. Il voyait mal comment éviter d’être défaitiste après tout ce qui s’était passé, alors autant éviter de contaminer les autres.

De nombreux marins hésitaient à reprendre la mer après ce qui s’était passé, non seulement par peur de retomber sur des créatures gigantesques et meurtrières, mais aussi par peur de se retrouver dans la ligne de mire du souverain des océans. Ce qu’avaient subi les caravelles et les galions de la compagnie des Eaux Dorées, malgré leur armement et leurs moyens, n’était rien comparé à l’hécatombe qui guettait les chalands et autres caboteurs en cas d’attaque. Pour ces raisons, c’était assez difficile de les blâmer sans faire preuve d’une énorme mauvaise foi. À leur place combien n’aurait pas simplement changé de cap et ignoré la menace qui pesait sur le lac gelé ? Fenris lui-même n’était pas certain de ce qu’il aurait fait dans ce cas de figure.
Pensif il prit une autre latte, surveillant d’un œil absent ce qui se tramait dans la partie. Il regardait les mouvements des uns et des autres sans réellement les voir, venant progressivement à suspecter un jeune brun avec des lunettes perchées sur le bout du nez de tricherie. Son attention devint plus focalisée sur les détails en un réflexe de vieux roublard. Les mains du joueur allaient et venaient, couvrant les dés plus de fois que nécessaire, déguisant ses manœuvres en des gestes rituels destinés à attirer la chance. Un comportement typique et pas subtil pour deux dias. De quelques gestes discrets Fen indiqua le tricheur du menton, laissant Asnaell décider de quoi faire de l’information.


« Cela fait… moins de deux jours, je crois. » Il se gratta la tête, peu sûr de son coup. Le temps n’était plus qu’un ballet incessant et incertain lorsque les marées rythmaient le quotidien. « Comme prévu me voilà à Gaeaf après avoir prêté mes hommages à Soulen. Je travaille sur un navire commercial Cimmérien, le Carmenis. Nous attendons le retour des pêcheurs pour procéder au chargement de vivres qui doivent être acheminés vers la capitale. Les conditions climatiques ne sont pas les meilleures pour le moment, et puis les bateaux ont pris du retard suite aux mesures préventives de l’armée, ce qui fait que notre départ est prévu pour demain à l’aube, au plus tôt. Même avec toute la bonne volonté du monde je doute qu’il soit possible de partir aujourd’hui, donc j’espère que vous n’êtes pas pressée. Si cela vous tente, que vous n’avez pas le mal de mer et que vous supportez l’odeur de poisson, alors je suppose que c’est l’occasion en or que vous attendiez. Ce sera toujours plus sûr que d’essayer de traverser le désert de glace sans escorte. »

Et justement les escortes se faisaient plutôt rares. L’armée ne pouvait pas être partout entre l’aide aux réfugiés, la défense des frontières, la surveillance du territoire maritime, et toutes les autres choses dont il n’avait pas connaissance. Autrement dit il était improbable que la garde accepte d’escorter des civils, à moins qu’ils n’aient une grande importance politique. « Serait-ce indiscret de demander ce qui vous amène à Hellas ? »

Ce n’était que de la déduction mais comme elle n’avait que peu de biens sur elle il était peu probable qu’elle fasse ce voyage sans une raison précise. Asnaell était bien équipée pour le froid mais elle n’avait pas les traits, la gestuelle ou la posture d’une Cimmérienne. Apparemment elle ne connaissait pas non plus de marins acceptant de la conduire à destination, ce qui la rendait dépendante de ceux qui voulaient bien accepter sa requête. En outre le grand nord n’était pas vraiment la destination de vacances rêvée des étrangers. Autant dire que soit elle était plus fortunée qu’elle ne le montrait, soit elle espérait se faire pas mal de bénéfices en atteignant la cité afin de rentabiliser le déplacement. « Normalement le trajet s’élève à cinquante dias, mais je pense pouvoir négocier à quarante, peut-être trente-cinq si le capitaine s’est levé du bon pied. Ça vous semble raisonnable ? » Avec flegme le marin expira de la fumée par les naseaux, tel un dragon endormi se tenant pour gardien silencieux perché au-dessus des flots glacés.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeLun 17 Aoû - 22:09

Un Vent de Perdition Titre_16

- Soulen semble sourd aux prières de tous ses fidèles dernièrement.

C'était le moins qu'on puisse dire. Et il semblait évidant que ses adeptes se soient détournés de lui, lors de mon séjour en son temple, il y avait finalement bien peu de pèlerins. Les événements récents démontraient que le dieu des océans se désintéressait d'eux, laissant ses créatures abyssales propager la peur et la destruction sur les côtes. Ou bien au contraire, le maître des mers déversait sa colère sur nous, ses lieutenants étant l'instrument de sa fureur. Aucune de ces options n'était très réjouissante. Je ne m'étais pas rendue compte de la situation avant d'arriver à Gaeaf, en sécurité au milieu des terres, les histoires qui nous parvenaient n'avaient pas l'envergure de la réalité, seul la vue de la ville ravagée se relevant à peine me faisait la comprendre.
Finalement, il n'était pas si étonnant qu'il y ait si peu de navires au port, et repenser à ces bouleversements ne me rassurait absolument pas, l'idée que je repoussais autant que je le pouvais de mon esprit, de me perdre au milieu d'un domaine indomptable laissé au bon vouloir de créatures menaçantes au possible ne m'aidait pas. Cela dit, ce n'était pas comme si j'avais réellement le choix, prendre la mer semblait ma seule option, en espérant que Soulen veille sur nous en remerciement de service rendu à son élue. Après tout, avec toute la malchance qui s'est abattue sur les cotes cimmériennes, il ne devait plus rester que de la chance.

Je tirai une latte sur la cigarette généreusement offerte par Fenris, tout en continuant de jouer. Je fus surprise par la saveur inattendue du tabac, inattendue mais pas désagréable, le parfum épicé, et je crus déceler une pointe d'agrume, cependant je n'étais pas une experte en la matière, remplaçait le goût habituel. J'irais même jusqu'à dire que j'appréciais, et si je fumais plus souvent je me tournerais sûrement vers ce type de cigarette, cependant la fumée s'élevant des tiges brûlant ne me suivait que dans les soirées alcoolisées de Tyrhénium.
Je suivis le signe de tête du marin blond me désignant un des joueurs, en faisant un peu plus attention, je remarquai enfin ce que voulait me montrer Fenris. La tricherie du jeune homme à lunette paraissait presque flagrante à présent. Comment ne l'avais-je pas vu plus tôt ? Je me consolai en me disant que les autres n'y avaient pas fait plus attention que moi. Je ne pus cacher ma déception, j'aimais les dès parce qu'il s'agissait de hasard pur, tricher à ce type de jeu me frustrais. Tricher aux cartes, pourquoi pas, j'étais la première à le faire quand il y avait de l'argent en jeu, mais pas aux dès, j'étais contre pour le principe, au delà du fait de se faire soulager de quelques dias. Dans le cas présent, il n'y avait pas grand chose sur la table, ce n'est pas pour autant qu'on devrait laisser passer ça. Je réfléchis à ce que je pourrais faire de cette information tout en écoutant les paroles du borgne à l’œil bien plus affûté et observateur que les nôtres qui en avions deux. J'étais plutôt curieuse de savoir comment il l'avait perdu mais c'était sûrement un peu trop personnel.

- Cela fait… moins de deux jours, je crois. Comme prévu me voilà à Gaeaf après avoir prêté mes hommages à Soulen. Je travaille sur un navire commercial Cimmérien, le Carmenis. Nous attendons le retour des pêcheurs pour procéder au chargement de vivres qui doivent être acheminés vers la capitale. Les conditions climatiques ne sont pas les meilleures pour le moment, et puis les bateaux ont pris du retard suite aux mesures préventives de l’armée, ce qui fait que notre départ est prévu pour demain à l’aube, au plus tôt. Même avec toute la bonne volonté du monde je doute qu’il soit possible de partir aujourd’hui, donc j’espère que vous n’êtes pas pressée. Si cela vous tente, que vous n’avez pas le mal de mer et que vous supportez l’odeur de poisson, alors je suppose que c’est l’occasion en or que vous attendiez.

Bien qu'un peu déçue de ne pouvoir partir que le lendemain, je devais admettre que ça ne me mettrais pas en retard pour autant. Le convoi que je comptais rejoindre avait plusieurs jours d'avance que le bateau devrait me faire rattraper. Même en appareillant seulement demain, j'avais une petite chance d'arriver avant lui à la capitale cimmérienne.
Je ne pus retenir un léger rire à cet exposé oh combien avantageux de Gaeaf, avant de répondre le sourire au lèvre.

- Le moins qu'on puisse dire c'est que vous savez vendre la ville. Vous donnez vraiment envie d'y rester.

- Ce sera toujours plus sûr que d’essayer de traverser le désert de glace sans escorte.

- C'est certain. Je crois avoir suffisamment patauger dans la neige durant mon voyage à Gaeaf pour un moment et je m'ennuierais beaucoup trop toute seule.

J'esquivai volontairement l'évocation d'éventuelles mauvaises rencontres d'un sourire en coin. Du danger il y en avait partout, chaque option comportait leur lot de risques, qu'on soit escorter ou non finalement. Leweiras ou garagos dans les interminables étendues blanches ou léviathan et autres joyeusetés inconnues dissimulés sous les vagues tumultueuses. Je préférais ne pas y penser alors que  la situation commençais enfin à avancer, mieux valait rester optimiste.

- Serait-ce indiscret de demander ce qui vous amène à Hellas ?  

- En fait, je compte rejoindre un convoi de marchands, ils ont louer les services d'un groupe de mercenaires pour les protéger et ils avaient gracieusement accepté que je les accompagne de Tyrhénium au Temple, en passant par Thémisto. Passer par Hellas est un grand détour pour rentrer mais étant donné la situation... tendue avec Phelgra, il ne serait pas raisonnable de refaire le chemin inverse.

Et si je pouvais trouver une nouvelle pièce pour ma collection, je n'aurai pas tout perdu à faire ce détour. Ce voyage est loin d'être rentable,

- Normalement le trajet s’élève à cinquante dias, mais je pense pouvoir négocier à quarante, peut-être trente-cinq si le capitaine s’est levé du bon pied. Ça vous semble raisonnable ?

- Croisons les doigts que votre capitaine soit de bonne humeur alors. Excusez moi, je vais réserver une chambre.

Un des joueurs  m'interpella une nouvelle fois alors que je me levai de ma chaise, je lui enjoins de continuer sans moi, arguant que je n'avais plus d'argent à perdre. Ce qui me donna une idée. Je me retournai sur notre ami le tricheur, la tête penchée sur le coté je plongeai mon regard dans le sien avec un sourire énigmatique aux lèvres. Il se retrouva soudain très distrait et agité, cela dit, être ainsi sous le feu d'un regard que certains dépeindraient comme démoniaque ne devait sans doute pas être très confortable. En m'asseyant sur le bord de la table à coté de lui, je me penchai pour lui murmurer à l'oreille sans me départir de mon sourire. Je ne perdis pas mon temps en argumentation, l'image de ce qui se passerait si ses comparses apprenaient ses entourloupes s'imposa à son esprit, et étonnement, le fit m’obéir sans problème. Il me rendit mon argent et une partie des bénéfices aussi discrètement que possible. Je lui laissai le reste, après tout il avait travailler pour l'obtenir, enfin travailler est un bien gros mot... Ce n'était certes pas très honnête et je n'en étais pas très fière mais sa punition aurait pu être bien pire. Passant à coté de Fenris, je tendis la part des bénéfices sur la table devant lui avec un clin d’œil.

- Il vous le doit bien. Vous ne l'avez dit qu'à moi.

Je reparti en direction du comptoir afin de payer ma chambre, faisant tomber la cendre de ma cigarette dans le premier cendrier venu avant de suivre le gérant. Je déposai mes affaires au pied de d'une petite table où reposait une bougie et une large coupe d'eau clair. Je redescendis ensuite retrouver l'agitation du rez-de chaussé. Je posai mon manteau sur le dossier de ma chaise, étant vouée à passer la soirée ici, autant se mettre à l'aise, d'autant qu'il ne faisait pas si froid, la clientèle enthousiaste réchauffant l'atmosphère de l'auberge.
Me retournant vers le marin borgne, je ne pus m'empêcher de penser au voyage de demain et au fait que que la météo n'était pas des plus favorables, ainsi que la population abyssale. D'autant que ses paroles un brin pessimistes me laissaient à penser qu'il avait peut-être lui-même vécu une situation aussi désastreuse que ce qui s'était produit à Gaeaf. Je tentai de camoufler mon trouble en buvant une gorgée de mon verre.

- Depuis combien de temps arpentez-vous les mers ? Avec ce qui se passe ces derniers temps, vous avez du voir de nombreuses choses.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitimeDim 30 Aoû - 10:35

Chapitre V: Un Vent de Perdition
Acte III: Playing for keeps?

Fenris ne voulait pas s’apesantir sur le côté morne de la situation dans le coin, aussi quand la jeune femme souligna son rapport peu flatteur il haussa les épaules d’un rictus peu convaincu. Sa belle rhétorique de conteur n’était pas suffisante à couvrir un aussi gros mensonge. Prétendre que tout allait bien après ce qui s’était passé était trop malhonnête, même pour lui. Oh parfois les scrupules ne l’étouffaient pas et il aimait préserver les bonnes affaires, mais ce coup-ci le jeu ne valais pas les vies qui pourraient être mises en jeu. D'autant plus qu'Asnaell aurait tout le loisir de constater les faits par elle-même tôt ou tard, alors autant la mettre au courant plutôt que la laisser s’exposer bêtement. Son sourire se fit plus sincère à l’expression étonnée de la demoiselle, qui découvrait les joies de son tabac artisanal, plus épicé et odorant que ce qu’on vendait dans les commerces.
Et puis arrière-pensées mises à part, cela lui faisait du bien de fréquenter une femme. Certains avaient beau jouer les balourds sûrs de leur fait, Fenris admettait sans mal aucun que cela avait un charme bien différent de ses compagnons habituels. Néanmoins malgré ses blagues vaseuses et sa conversation amicale il ne pensait à rien si ce n’est à prendre du bon temps tant que c’était à sa portée. Le prochain voyage vers Hellas risquait d’être mouvementé à cause des intempéries, ce qui dissuadait de faire des plans sur la durée avant d’être fixé. Et il semblerait que sa potentielle cliente sache se préserver du danger, ce qui était une bonne chose. Trop d’étrangers manquaient de bon sens et finissaient dans les emmerdes à force de se croire intouchables.


« Phelgra a toujours été un terrain compliqué en affaires et c’est d’autant plus vrai depuis que les choses se sont gâtées. » Lui-même s’était écarté de sa patrie de naissance depuis plus de deux siècles, n’ayant plus le moindre sentiment d’appartenance envers ces terres où la terreur avait constamment le dernier mot. « Fort heureusement Tyrhénium semble loin de ces prises de bec, et j’espère que cela ne changera pas. C’est une des rares grandes villes où il fait encore bon vivre. »

Connaissant l’ambition des puissants il ne misait pas gros là-dessus, mais il ne pouvait s’empêcher d’espérer quand même. Taulmaril était une leçon qui devait rester fraîche dans les mémoires afin que ses erreurs ne soient jamais reproduites. Dommage seulement que l’humain ait tendance à oublier aussi facilement. D’un signe de tête il laissa Asnaell s’occuper des formalités de sa chambre, déviant son attention sur la bière qu’il avait commandée. Les bribes d’informations qu’il avait pêchées entre les lignes l’avaient rendu encore plus curieux sur elle. Il était désormais clair qu’il s’agissait d’une commerçante, autrement le convoi n’aurait jamais accepté de l’attendre. Quoi qu’il en soit les détails logistiques l’intéressaient peu, ce qui l’intriguait était ailleurs.
Mais alors qu’il s’absorbait dans les bulles dorées de sa boisson son interlocutrice s’arrêta et se pencha vers le tricheur qu’il avait débusqué plus tôt. Ses oreilles lupines ne captèrent pas le contenu de leur échange, à supposer qu’il y en ait eu un. Partiellement distrait, Fenris les observa sourcil levé, se demandant un instant si l’Eridanienne cherchait vengeance en jouant de ses charmes pour troubler le malheureux. Plutôt amusé par le revirement de situation, il rit sous cape en voyant l’air faussement concentré du binoclard qui tentait de garder contenance. On ne pouvait pas vraiment le blâmer d’être mal à l’aise sous le regard perçant de quelqu’un qu’il venait de rouler, une femme qui plus est.
‘Les femmes en colère sont l’espèce la plus dangereuse après les krakens, tout homme raisonnable devrait le savoir.’

Il dodelina de la tête, sans la moindre sympathie envers le pauvre type, puis accepta l’excédent de primes sur la table avec une parodie de salut militaire. Il n’en avait pas espéré tant, mais il ne ferait pas la fine bouche. Quelques dias en plus ne seraient pas un luxe, avec ce qu’il devait financer. Repérant un anneau qui à la revente vaudrait une belle somme, il se mit à projeter les pièces neuves qu’il achèterait pour parfaire sa chère Bianca. Souriant à son voisin de table qui le regarda sans trop comprendre ce qui se passait, Fen haussa les épaules et évita des questions poussées avec quelques plaisanteries et deux ou trois anecdotes. Au lieu de ça il paya une nouvelle tournée pour fêter sa paie inespérée, ce qui sur un coup de baguette magique convainquit les sceptiques restants de sa bonne foi.

« Jan, n’oublie pas notre invitée ! » L’aubergiste passa sa tête par l’embrasure de ses cuisines et grommela pour confirmer qu’il l’avait comptée. Il râlait et semblait toujours un peu maladroit, mais Fenris ne manquait pas l’étincelle de gratitude dans son regard. C’était un gentil gamin qui apprenait sur le tas et qui s’adaptait à sa nouvelle vie sans se plaindre, même si ses qualités d’hôte laissaient encore à désirer. Enfin... n’avaient-ils pas tous été jeunes et cons un jour ? « Hum ouais il me semblait aussi qu’elle t’avait tapé dans l’oeil. » Il le provoqua volontairement, sachant qu’il prendrait au premier degré, comme d’habitude. Un regard noir fut sa seule réponse, ce qui loin de l’intimider le fit rire. L’petiot avait besoin de se dérider un peu.

Cela dit le départ temporaire d’Asnaell lui rappela qu’il devait encore transférer ses bagages jusqu’à sa chambre... ce qu’il ne se sentait pas de faire dans l’immédiat. Le borgne se leva pour farfouiller dans le sac en cuir qu’il avait posé dans un coin de la pièce, près du comptoir. Y trouvant enfin la réserve de tabac qu’il cherchait, il se mit à rouler de nouvelles cigarettes sur la table, non sans satisfaire sa conscience en posant son arbalète à côté de lui. Ce n’était pas qu’il se sente le besoin d’être armé sur le moment, seulement ce ne serait pas la première fois qu’un gars trop soûl essaierait de lui prendre Bianca. On n’était jamais trop prudent... et si ça aurait pu être drôle d’en voir un ou deux échouer à armer les carreaux, la seule idée de voir quelqu’un d’autre manier la prunelle de ses yeux lui donnait de l’urticaire. Couvant son chef d’œuvre de son œil unique malgré les chansons à boire qui tonnaient de temps à autre, il salua le retour de sa future compagne de voyage avant de peser une réponse.


« J’avais treize ans la première fois que j’ai mis les pieds sur un bateau. Le hasard m’a alors amené sur les rives d’El Bahari, où j’ai vécu la plupart de ma vie. C’est... c’était mon pied-à-terre. » Il se corrigea avec amertume, éludant le sujet. ‘Ça fait une éternité que j’suis parti de Mavro, il semblerait.’ La plupart lui aurait donné le début de la trentaine alors que son âge réel avoisinait le triple de l’estimation générale. Saurait-elle le deviner et voir au-delà des apparences ? Elle-même cachait sûrement de nombreux secrets derrière sa peau pâle et ses yeux fendus. « J’étais dans le sud lors de l’apparition des bêtes du lac gelé, c’est mon frère qui a eu le déplaisir de le voir de près. Heureusement il s’en est tiré avec des blessures mineures et son bateau a résisté également. » Il était plutôt fier de son alter ego, qui avait dû composer avec les aides étrangères pas toujours très compétentes. De son côté il n’avait pas non plus eu le loisir de se la couler douce, étant donné que les Berges Dorées avaient connu un destin similaire aux côtés de Cimméria. Un autre colosse moins agressif en théorie avait fait parler de lui de la façon la plus inespérée qui soit, chassant tous les Ascans de leur foyer.

« Vous avez entendu parler du colosse tortue, j’imagine... » C’était le surnom qu’avait récolté l’île flottante animée, un surnom qui lui laissait un goût âcre dans la bouche. « J’étais au port quand il s’est mis en mouvement, alors bah... j’ai pris l’eau avec les autres. » Il tira une grande bouffée sur sa cigarette et darda son regard améthyste sur le profil d’ivoire de la jeune femme. « Une épaule déboîtée et une chirurgie mineure pour extraire des éclats de verre et de métal de mes plaies. Je m’en suis bien sorti, étant données les circonstances. » Il était chanceux, oui. Du moins il fallait s’en convaincre. Il but de longues goulées de bière, qui furent une bénédiction pour sa gorge sèche. Ce n’était pas son genre de raconter l’histoire de sa vie au coin du feu, surtout qu’il y avait des sujets plus passionnants.
« Vous aussi semblez avoir de l’expérience dans le métier et vous ne manquez pas d’organisation. Je pourrais jurer que ce séjour n’est pas un coup d’essai, mais je ne sais toujours pas ce quel genre de commerce vous amène. Je dois dire que vous avez davantage le profil d’une artiste que d’une négociatrice. » La fumée sortit par petits ronds d’entre ses lèvres, masquant à peine un sourire espiègle. Finalement il leva une main, réalisant que ses dires pouvaient être mal interprétés. Il ne la pensait pas faible ou vulnérable, au contraire il se méfiait de ce qui pouvait se cacher derrière son amabilité. D’autre part l’ingénieuse intervention auprès du tricheur avait prouvé qu’elle savait mener sa barque et défendre ses intérêts. « Je ne disais pas ça par mépris de l’art, au contraire. Les gens qui n’ont pas d’obsession pour l’argent sont infiniment plus faciles à vivre. » Il tourna la tête sur le côté pour lui faire face, se demandant ce qu’elle était au juste. Dans sa posture il n’y avait ni peur ni agression, bien qu’il lui soit difficile de contenir la curiosité téméraire qui lui donnait envie de poser des questions indiscrètes. Se pouvait-il qu’une bête sommeille aussi en cette femme ?
Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé

MessageSujet: Re: Un Vent de Perdition   Un Vent de Perdition Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Un Vent de Perdition
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Portée par le vent... [HOT]
» Dès que le vent soufflera ...
» Un vent d'aventure (termine)
» Aro Vanzig, Vent de Liberté
» Lame de Vent... [PV :Yersin Aellyen]

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Istheria, le monde oublié :: La Communauté & ses échangesTitre :: • Corbeille :: • Les vieilles aventures-
Sauter vers:  

(c) ISTHERIA LE MONDE OUBLIE | Reproduction Interdite !