A future made of Blood

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Les Rumeurs

_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
_ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose".
_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 A future made of Blood

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MessageSujet: A future made of Blood   A future made of Blood Icon_minitimeJeu 9 Juil - 22:40

A future made of Blood 194295Afuturemadeofblood
La guerre était dans tous les esprits.
Surtout dans celui de Kalendra, à vrai dire ; le conflit armé entre Cimméria et Phelgra promettait de faire des ravages très prochainement. Même si elle n'était pas une formidable tacticienne, elle avait assez de jugeote pour comprendre que si Oakbrigs ou Lindholm tombait, c'était tout le lac Gelé qui se retrouverait sous l'emprise de Phelgra ; le Temple et Gaeaf apparaitraient alors comme des remparts facilement franchissables. Au départ, la prêtresse de Soulen n'avait pas réellement pris en considération la menace d'une telle guerre : elle espérait que, mus par la crainte de se mettre un dieu à dos, les soldats qui se trouveraient en face contourneraient le temple, ne s'en prendraient pas à eux. C'était sûrement perdu d'avance ; il fallait s'attendre à la pire alternative, à un adversaire sanguinaire et impitoyable. C'est dans cette optique que Kalendra envoya une missive à la caserne d'Hellas, plus précisément au général dûment spécifié pour toute cette affaire – général dont, malgré toutes ses tentatives de mémorisation, elle ne se souvenait pas le nom. Plus qu'une simple missive, c'était une invitation à se rendre au Temple dans les plus cours délais ; une réponse arriva bientôt, mentionnant une date approximative de venue. Néanmoins, son angoisse ne disparut pas pour autant – elle n'avait jamais connu la guerre que dans les livres, et son inexpérience lui faisait peur, même si elle faisait le nécessaire pour ne pas la montrer.

En ce mois de Tiria, Cimméria se faisait une région moins inhospitalière ; plus aucune plaque de givre ne dérivait à la surface du lac Gelé : toutes avaient déjà fondu. Quand parfois, Kalendra sortait du Temple, elle pouvait apercevoir à l'horizon quelques hordes de Leweiras s'enfonçant un peu plus dans le désert de glace pour profiter de sa fraicheur. Par la désagrégation des icebergs, le niveau d'eau de la mer intérieure grimpait légèrement, arrosant toujours plus haut le sable noir de quelques criques. Le ciel d'ordinaire gris et froid prenait en cette saison des teintes bleutées, et les rayons des soleils transperçaient les eaux du lac de tout leur éclat, révélant là une nature plus limpide que trouble. Mais toutes les balades, toutes les flâneries de la Gélovigienne ne  faisaient que la rendre nostalgique ; cela faisait si longtemps qu'elle n'était plus montée sur un bateau, des mois ou des années, elle ne se souvenait plus. Si le souvenir et les sensations qu'elle avait de la navigation maritime étaient encore intacts dans son esprit, c'était un besoin qu'elle ressentait d'être proche de la mer et d'en éprouver toutes les tempêtes. A combien de temps remontait son dernier voyage ?  

Et là, comme grossièrement posé sur un affleurement rocheux, faisant face au lac Gelé, se trouvait le Temple de Soulen, écrin de pèlerins et croyants. Un chemin étrangement escarpé, serpentant entre les pics, permettait d'accéder à sa grande double-porte ; un ouvrage massif, mais nécessaire pour garder les températures extrêmes à l'extérieur. Par tout temps et à toute heure, derrière le mur, un prêtre se trouvait là, à l'entrée, accueillant les visiteurs et prévenant Kalendra des arrivées. Oh bien sûr, ce n'était pas la seule voie d'accès : il y avait souvent, le long des couloirs, des portes dérobées que la Haute-Prêtresse aimait garder secrètes. Alors, quand finalement vous accédiez au hall du sanctuaire, trois voies, les trois ailes de l'édifice, s'ouvraient à vous ; à l'est, quelques pièces faisant office de réfectoire ou de garde-manger, à l'ouest, les chambres des prêtres et pèlerins et enfin, devant soit, de multiples corridors entourant la Nef de Soulen, grande salle de cérémonie habilement surnommée.
Si le plan de la bâtisse n'était pas particulièrement élaboré, aux niveaux décoratif et architectural, Kalendra était toujours aussi subjuguée - même après tant d'années. Jamais elle ne ressentait de lassitude en observant ses hauts murs de pierre immaculée, qui se rejoignaient en des voûtes audacieuses, ou les quelques dômes et vitraux qui parachevaient la construction. Puis, ce qui accrochait le regard aussi, c'étaient les multiples sculptures de glace et de verre, typiques de la contrée septentrionale, disséminés aux quatre coins du Temple ; on pouvait y apercevoir des idoles de Soulen, ou des représentations de ses créatures marines - qui, selon les légendes, attaqueraient les navires des hommes impudents. De cette façon, la sindarine considérait son sanctuaire comme une vitrine cimérienne, exposant sans retenue toutes les merveilles de son pays ; ce qui n'était pas sans déplaire aux artisans locaux à qui elle fournissait du travail. Du temps de son édification, le temple avait dû exiger une main d’œuvre conséquente et des mages assurés pour parvenir à un tel résultat.

Mais les temps étaient durs, et les visages que Kalendra croisait prenaient des airs graves. Les avis, au sein du temple, divergeaient sur la guerre.
Il y avait ceux qui n'avaient jamais connu le combat, la mer ou alors que partiellement. Ceux qui vivaient dans une piété si extrême que jamais ils ne s'étaient retrouvés armes en main. Ceux-là avaient peur ; et leur peur était légitime. Leur position sur la question était simple : il fallait défendre le temple, mais pas au prix de leurs vies. Et il y en avait d'autres ; des marins reconvertis, pour la plupart, des pirates ou des hommes de la marine marchande, ayant survécu à un naufrage ou quelque évènement de ce genre, et qui suite à cela décidèrent de consacrer leur vie à leur dieu. Pour eux, Soulen n'était ni un dieu pleutre, ni un dieu lâche. Beaucoup d'entre eux avaient déjà combattu, et beaucoup d'entre eux périraient les armes à la main, sur les rives du lac Gelé, si cela pouvait laisser sauf leur honneur et le temple. Parmi toutes ces personnes, parmi tous ces avis, Kalendra ne pouvait pas être un juge neutre. Il fallait organiser la défense du domaine ; mais pas seule, elle ne le pouvait pas. Si les prêtres de Soulen avaient la volonté, ils n'avaient pas les moyens ; les armes leur manquaient, et dans tous les cas, ils ne seraient qu'une futile étape d'un objectif plus grand pour l'adversaire. Et puis, plus que la préparation difficile, le temple manquait de cartes, ou les rares qu'il possédait étaient obsolètes.

Et puis, à la menace sordide de la guerre, il fallait ajouter celle, plus absurde encore, des Colosses. Il y avait en fait là deux guerres à mener de front ; et l'aquamancienne ignorait comment s'en prendre au second ennemi, si ennemi il était. Les Colosses avaient surgi de nulle part, un jour, partout sur Isthéria - enfin, ils s'étaient réveillés pour être plus exact. Et plus récemment, le domaine de Soulen avait lui aussi subi une attaque, deux attaques, et pire encore ; son dieu avait propulsé des centaines d'innocents dans les bras de Kron. Kalendra ne l'avait pas accepté, et elle ne l'acceptait toujours pas, ni même ne le comprenait. Que cherchait Soulen ? Que cherchaient les dieux ? Plus d’assiduité dans les offrandes et les prières ? Que leurs fidèles surpassent leurs épreuves ? Tuer les hérétiques et sauver les seuls méritants ? Pendant des heures, elle avait prié, médité, sans réponses concrètes, mais avec plus de questions encore. Et puis, finalement, elle était parvenue à une conclusion. Les protections divines n'étaient jamais absolues ; il fallait les mériter, et tous ne pouvaient pas les obtenir. Ces colosses n'étaient rien d'autre que des créatures sorties d'un long sommeil. Il lui fallait agir, pour reconquérir le peuple.

Alors, les idées ailleurs, Kalendra faisait les cents pas, parcourant indéfiniment le sol de la pièce où elle prenait presque tous ses repas. Chacune de ses avancées faisait claquer le talon de ses bottes de cuir et lançait dans la salle un écho sépulcral. L'air déterminé, elle entourait de ses mains un médaillon taillé grossièrement, gravé du symbole de Soulen, sur lequel elle faisait glisser ses doigts. La gélovigienne attendait. Elle avait ce pressentiment ferme que la personne qu'elle attendait allait arriver d'une minute à l'autre. Jetant un coup d’œil à travers une fenêtre haute, elle ne vit rien d'autre que les rayons du crépuscule se refléter dans le lac Gelé. Un frisson la parcourut. Pour l'occasion, elle avait opté pour un style peu ostentatoire, portant comme seul signe de richesse un manteau noir couvert de broderies dorées, et sans manches. Oui, sans manches. Mais où avait-elle eu la tête en mettant un truc pareil ?! A croire qu'elle souhaitait fermement sa propre mort ! A cette idée, elle changea de direction et se dirigea vers un brasero d'argent trônant dans un coin de la pièce, s'y réchauffant les mains. La chaleur douce des braises encore fumantes la réconforta un instant, avant qu'elle ne s'observe. Ses bras couverts de stries nacrées - sources d'entraînements infructueux qu'elle s'obstinait à s'infliger - et ses mains usées détonaient curieusement avec les teintures d'or et d'azur ornant la pièce, et avec la table ouvragée qui occupait presque toute la longueur de la salle. Mais derrière cette table, se tenait une jeune fille, d'une timidité sans égale, nommée Aglaë, qui, loin d'être une simple servante, suivait ses tâches au quotidien. Telle les statues de glace qu'on pouvait observer parfois dans le temple, elle se tenait droite, attendant un ordre ou un conseil qui ne viendrait pas. Cela faisait cinq ans que la Haute-Prêtresse suivait la femmelette, et cinq ans qu'elle tentait tant bien que mal à la dérider. Kalendra avait même fini par se demander ce qu'elle faisait là, en fin de compte. Sa voix, quoique peu assurée, s'éleva dans le silence presque solennel qui pesait sur la salle.

"- Ma Dame, vous devriez manger, il ne viendra pas.
- Je n'ai pas faim. Comme pour la contredire, son ventre émit soudain un bruit atrocement violent. Bon d'accord, je le conçois. Mais je suis sûre qu'il va arriver d'une seconde à l'autre. Kendal vous a-t-il dit qu'il l'avait croisé à Gaeaf il y a quelques jours à peine ? Et puis, il est inconvenant de commencer à manger avant l'arrivée des invités. Après, soit. Mais avant, non. Tiens d'ailleurs, il va falloir dresser un autre couvert."

A peine eut-elle fini sa phrase que la jeune femme - Aglaë - sortit de la pièce et revint, une trentaine de secondes plus tard, disposer différents ustensiles sur la table. Tentée, Kalendra prit place sur une chaise, et jeta un regard aux victuailles disposées à sa droite et à sa gauche. Il y avait là de quoi nourrir un régiment, une exagération hasardeuse et inhabituelle chez la Haute-Prêtresse, qui n'avait pas l'habitude d'accueillir des dignitaires. A la pensée que ces plats puissent refroidir bientôt, elle tendit le bras vers une bouteille de rhum tout près d'elle ; son geste fut interrompu par un prêtre arrivant en trombe dans la pièce. Avant même qu'il ne puisse dire quelque chose, l'élue de Soulen avait déjà pris la parole, regardant Aglaë près de la porte, un sourire jusqu'aux oreilles.

"- Ah ! Je vous avais dit qu'il viendrait ! Prenant un ton et un visage plus neutres, elle s'adressa à l'homme qui venait d'entrer. Amenez-le moi. "
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: A future made of Blood   A future made of Blood Icon_minitimeLun 13 Juil - 3:18

Léogan avait la lame sur la gorge.
Il trempait dans l’eau savonneuse, la tête renversée en arrière, appuyée sur le bord glissant de la cuve en bois. Il sentait dans sa bouche le goût amer du savon. La lame, émoussée à faire pitié, lui grattait douloureusement la pomme d’Adam, remontait sur son menton avec un léger bruit.
Le barbier, qui avait l’air d’un artiste convaincu de produire un chef-d’œuvre, repassa la lame une dernière fois, pour la touche finale, puis lui rafraîchit le visage avec un morceau de toile de lin imbibé d’une lotion qui devait être à base d’Angelica archangelica.
Léogan se mit debout, laissa un valet lui verser dessus un petit baquet d’eau pour le rincer, s’ébroua et sortit de la cuve en imprimant la trace de ses pieds mouillés sur le sol de brique. Mal à l'aise, il se frotta la barbe, désormais nettement rasée en collier le long de sa mâchoire, pour rejoindre sa moustache et remonter en un trait noir sur son menton jusque sous sa lèvre inférieure. Il avait la très désagréable impression de se préparer à se pavaner sur une scène et faire spectacle, comme tous ces politiciens qui l'avaient toujours violemment débectés. C'était comme s'il n'était plus lui-même, tandis qu'il se couvrait d'une serviette en frissonnant et qu'il observait l'habit de mascarade qu'il allait devoir revêtir.

Il faisait très froid dans le campement de fortune que ses hommes avaient investi près de la côte. En fait de campement, ce n'était qu'une vieille tour ronde presque abandonnée qui devait parfois servir de phare aux navires, mais qui seule ici lui avait paru ressembler de près ou de loin à une base suffisante pour un avant-poste. Il soupira profondément en se séchant lui-même, congédiant les deux domestiques dont on l'avait affublé et qui lui portaient sur les nerfs, et en laissant traîner son regard dans le ciel si pâle de Cimméria, où le crépuscule arrivait presque imperceptiblement. Mon p'tit Léo, va falloir jouer le jeu, un point c'est tout. On ne t'a pas laissé le choix, alors c'est pas la peine de te faire des nœuds dans le cerveau. Au boulot.
Il poussa un autre soupir de lassitude en tournant la tête vers la tunique et l'ample pantalon de lin bleu et l'armure de cuir noir, et noua résolument sa serviette autour de sa taille. Il s'habilla avec sérieux, attacha ses protections, le regard indifférent, et noua sa ceinture d'armes, munie d'une dague, d'une rapière lourde aux propriétés magiques malsaines, et d'un sabre courbe. Ce fut avec une certaine satisfaction, cependant, qu'il se chaussa de bottes en peau de léviathan, grises, qu'il s'était promis de se tailler dans le monstre qu'il avait empalé à Gaeaf quelques semaines plus tôt. Il dédaigna cependant la cape d'apparat au col de fourrure qu'on lui avait réservée et mit la main sur un de ses vieux cafetans indigo qu'il avait porté à Argyrei et qui, lorsqu'il le revêtit et qu'il en sentit les effluves épicées, prisonnières du coton, exhalées comme des souvenirs, lui donna un peu de courage. Il se couvrit enfin la tête d'un large chapeau de feutre couleur daim, dont un des bords était replié sur la calotte pour tenir une plume d'aigrette blanche, qui lui donnait un peu plus de panache que d'usage.

Et enfin, il se mit en selle vers le temple de Soulen, qui dominait les alentours sur son promontoire de rocailles et de pics, comme perle blanche dans un écrin de serres noires. Ode, sa jument, et les chevaux des deux soldats qui l'accompagnaient trottaient prudemment sur le chemin tortueux qui y menait, sous une fine pluie de neige, piétinant de la bruyère fade aux fleurs à demi écloses. Le vent remontait des gouffres marins, sous leurs pieds, mordait leurs visages et sifflait autour d'eux une plainte lugubre.
Il y avait avec Léogan l'un de ses disciples les plus talentueux, qu'il avait fait colonel en retrouvant de force une place dans l'armée – Erwin Baria – un Terran brun aux cheveux courts et ébouriffés, à la mâchoire carrée, au front haut, et au regard d'une clarté glaciale. Il y avait également un adolescent de quatorze ans, un simple aide de camp que Léo avait pris sous son aile à la demande de la grande-prêtresse, et que la maréchaussée avait autrefois connu sous le sobriquet de « Mains-Lestes ». Grand et efflanqué comme une asperge, il était également brun, ses cheveux étaient coupés courts, de façon réglementaire, mais son regard luisait d'une étincelle d'espièglerie et d'impulsivité bien moins protocolaire.

Ils mirent tous les trois pied à terre silencieusement à l'entrée du temple, et remirent leurs montures à un prêtre qui avait accouru nerveusement à leur rencontre. Léogan, peu sensible aux merveilles d'architecture, détaillait déjà la bâtisse d'un œil professionnel. Il avait déjà songé à octroyer aux serviteurs de Soulen une protection armée, mais il y avait eu tant à faire ces derniers temps, et tant à penser qu'il n'avait pas placé cet objectif en tête de sa liste de priorités. Pourtant, la lettre de la haute-prêtresse, Kalendra Dogbar qui était en poste depuis peu – disons depuis peu aux yeux de Léogan quand on considérait qu'il avait passé ces cinquante dernières années en poste à Cimméria – cette lettre l'avait rappelé à l'ordre. Le temple devenait bénéficier de la sécurité du pays dont il avait choisi de suivre les lois et l'autorité, c'était aussi simple que cela.
Les récents événements – le réveil du colosse à Gaeaf, et ces deux léviathans dans le Lac gelé – avaient fait courir des rumeurs sur la légitimité des prêtres et sur le pouvoir de leur temple. Léogan n'avait pas d'avis tranché sur la question, en fait, il n'y avait pas franchement réfléchi et en toute honnêteté, il n'en avait simplement rien à faire. Il était profondément croyant, mais il avait vu assez de choses, assez d'atrocités injustifiées et vécu assez de naufrages pour comprendre que les dieux étaient silencieux et que le destin des hommes n'était pas de leur ressort. Beaucoup de religieux craignaient en ces temps de guerre et de catastrophes un abandon des dieux, mais Léogan, lui, n'avait jamais été dupe. Et quelque part, il estimait que si les dieux ne s'intéressaient pas au destin des hommes, c'était mieux comme ça.
Il ferait son travail ici et aviserait de ce que les Gélovigiens pourraient lui offrir en échange, et sa tâche s'arrêtait à peu près là. Malgré tout, il sentait dans son ventre une boule de nervosité qui se contractait, quand il pensait qu'il devrait négocier face à une haute instance politique – ce qu'on lui avait toujours épargné auparavant – et surtout qu'il devrait affronter le regard d'une femme qui n'ignorait pas, comme tout le reste du pays, qu'il avait été pourchassé jusqu'à Argyrei pour haute-trahison, et qui n'aurait sans doute pas compris, comme les autres, par quel miracle il avait pu être bombardé général en sortant de prison. Ce n'était pas des choses qui s'ignoraient. Et à ce sujet, Léogan avait juré de garder le silence. Il n'était pas franchement fier de sa nomination et ne l'avait pas souhaitée – mais plus encore, s'il révélait le moindre détail des dessous de table qui avaient eu lieu quelques mois plus tôt, Bellicio lui avait promis un séjour éternel à Zaléra. En temps normal, il aurait profité de cette incongruité de parcours pour faire son malin, et peut-être qu'avec le temps et davantage de confiance, c'était ce qu'il ferait, mais pour le moment, tandis qu'il gravissait les marches du temple, il choisissait de jouer la carte de la prudence.

Les deux hommes et le gamin entrèrent sous les voûtes d'un grand hall qui abritait d'élégantes statues de verre, dont la pureté laissa Léogan de marbre. Il aimait la mer, il l'aimait autant que les dunes du désert sous l'or des deux soleils, mais il y avait quelque chose d'extrêmement dérangeant à la voir figée par les doigts des artistes dans des œuvres qu'il jugeait comme de pâles ersatz de la force et de la beauté de la nature. Mais il devait admettre que l'art en général l'avait souvent très peu inspiré. Il n'y avait sans doute à ses yeux que la musique qui saurait faire honneur à l'océan. La musique qui comme les flots, s'écoulait, revenait en arrière et repartait en avant, éphémère et changeante, retorse aux mots qui auraient voulu la décrire et aux mains qui auraient souhaité la capturer. Non, décidément. La mer s'était statufiée dans ce temple. Ses pas et ceux de ses collègues résonnaient dans un silence froid, l'atmosphère était calfeutrée. On s'enfonçait dans les couloirs de Soulen comme un noyé dans les abysses noires des côtes cimmériennes. Il n'y avait rien à entendre. Une eau glaciale les imprégnait jusqu'à l'os. On ne respirait plus. Il avait l'impression de marcher dans une hymne sans note à la noyade et au naufrage – et Soulen savait qu'il en avait vécues...
Il y avait quelque chose d'un peu morbide, ici, qui faisait froid dans le dos. Peut-être parce qu'il n'y avait plus un chat dans le coin, peut-être que c'était bien ces statues, qui l'observaient d'un œil fixe avancer jusqu'à leur maîtresse, peut-être était-ce le colosse qui avait fait taire tous ces prêtres, peut-être était-ce la guerre qui les avait plongés dans cette torpeur glaciale, c'était difficile à dire.

Quoi qu'il en soit, les trois militaires guidé par le prêtre entrèrent enfin dans la salle immense où la Haute-Prêtresse les attendait – au milieu de laquelle trônait une table rectangulaire qui pouvait largement accueillir une quinzaine de personnes et qui présentait une cohorte monstrueuse de victuailles. Si les regards de Léogan et d'Erwin allèrent d'abord à la dame qui se tenait devant eux, l'attention de Mains-Lestes fut immédiatement absorbée par le porcelet rôti, les volailles, les poissons et les fruits de mer, les pichets de rhum, de cervoise et de cidre – et Léogan le remarqua du coin de l’œil avec un certain amusement.

Mais le visage juvénile et noble de Kalendra Dogbar le fixait avec une neutralité absolue. Il lui rendit une œillade brillante et espiègle, devinant à son maintien quelle serait la teneur du discours qu'il entendrait. C'était une jolie petite femme, aux très longs cheveux pâles et à la peau rosée et fragile, qui contrastaient avec une étonnante robe noire aux bras nus. Léogan haussa un sourcil sarcastique mais ne dit pas un mot. En lui-même il était ébranlé d'un frisson étrange qui le paralysait sur place. Cette Sindarine éveillait dans sa mémoire un spectre qu'il aurait préféré y noyer pour toujours, avec ses yeux bleus, foncés, profonds comme l'océan, sa chevelure de nacre et son menton levé avec l'affectation des grandes dames. Un instant, il crut voir une adolescente qu'il avait aimée, il y avait des siècles, en regardant Kalendra dans son habit noir, fine, pure et aérienne, il crut voir la femme qui l'avait pris par la main et qui lui avait promis monts et merveilles à Cimméria. Un instant, il crut voir Elerinna Lanetae et il en resta profondément troublé.
Néanmoins, il réussit à déglutir et, papillonnant des yeux, il chercha à retrouver contenance. Elerinna était morte. Il l'avait assassinée, elle était tombée dans la neige de Nivéria, quelques mois plus tôt, la gorge ouverte et le regard vide. Léogan prit une profonde inspiration. Il ôta dans une imitation parfaite de politesse son large chapeau en feutre et le glissa sous son bras avec un salut digne d'un gentilhomme et un sourire un peu douteux.

« Haute-Prêtresse Kalendra Dogbar, je vous salue, dit-il de sa voix grave, qui vibra entre les statues de verre dans ses plus basses fréquences. Voici le colonel Erwin Baria, qui me seconde, et ce jeune homme, là, c'est mon aide de camp, Mains... heum, Jayce Har'Lest.
– M'dame, heu, mes hommages, fit Mains-Lestes en se réveillant soudain, le dos droit comme un i.
– Dame Dogbar, répéta nonchalamment Baria, en inclinant la tête.
– Hé bien, reprit Léogan en s'avançant d'un pas conquérant dans la pièce, un sourire sauvage aux lèvres, quelle tablée. Vous m'faites trop d'honneur. J'n'avais pas précisé que j'allais débarquer avec un régiment. Quoi que celui-là ait assez d'appétit pour quatre. Pas vrai, Jayce ?
– Ce s'rait pas courtois d'pas faire honneur au repas d'nos hôtes, général, si j'puis dire. » répartit le gamin, l'air malin.

Léogan lui adressa un sourire complice, que Mains-Lestes fit mine d'ignorer, puis, comme il n'avait pas été invité à s'asseoir, il croisa les bras sur le dossier d'une chaise, s'appuyant cavalièrement pour faire face à la maîtresse des lieux et à sa petite prêtresse effacée qui ne disait mot, derrière elle.

« Parlons peu, mais parlons bien. Navré de vous avoir fait attendre tout ce temps, bien qu'à l'évidence je sois moins imprévisible que je ne l'espérais, remarqua-t-il spirituellement, avec un coup d’œil amusé sur la table de victuailles qui n'attendait visiblement qu'une horde de soudards affamés vienne s'y faire les crocs. Mais je n'suis pas venu les mains vides. Des ingénieurs militaires et des soldats de la garde territoriale sont actuellement en train de monter en avant-poste, en contrebas du temple, et déplacer tout ce monde là, naturellement, ça prend du temps. Chose promise, chose due, donc, mais je suppose que si je vous accorde mon soutien armé, nous pourrons compter sur un retour équivalent de votre part. »

Un sourire rusé et entendu glissa sur le visage cuivré de Léogan. Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendait cette femme en le faisant venir ici, mais il était loin d'être le chevalier sauveur de donzelles monté sur canasson blanc qu'on s'imaginait trop souvent. Dans ce bas monde, on n'avait rien sans rien et ce n'était malheureusement pas un repas royal qui compenserait le service que Léo s'apprêtait à rendre à cette jeune prêtresse d'albâtre.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: A future made of Blood   A future made of Blood Icon_minitimeMar 21 Juil - 1:16

Après quelques secondes d'attente, ils entrèrent.
Il y avait là trois hommes, d'attitudes disparates mais de physiques semblables, tant et si bien qu'on les aurait tous dit terrans ; une osmose paraissait régner entre eux, mais Kalendra ne savait pas si elle devait l'attribuer à leur apparent esprit de camaraderie ou à leurs chevelures brunes. Si elle-même cachait ses oreilles pointues sous une épaisse chevelure pâle, ça ne semblait pas être leur cas à première vue, mais elle savait que c'était faux. Se dotant du regard le plus neutre qu'elle puisse, elle les détailla un à un. Parmi les trois gaillards qui lui faisaient face, il se trouvait un adolescent, dont l'air mi-confus, mi-affamé l'amusa ; on eut dit un véritable cerféli prêt à se jeter sur la table, sa proie. Puis, non loin de lui, il y avait un homme plein d'une nonchalance feinte dans son salut ; la haute prêtresse lui consacra tout au plus une quinzaine de secondes avant de changer de sujet – mais elle retint son nom, Erwin Baria.
Et elle reconnaissait là, au centre, le général auquel elle avait fait appel, la démarche fière et sûre de ceux qui se savent en position de force. Pour dire vrai, il n'était pas l'image qu'on aurait pu se faire d'un général, porteur d'une lourde armure de plates rutilante et une prestance toute faite d'emphase. Il avait un air détaché de voyou qui préparait un mauvais coup. Plus qu'à quelconque haut gradé, il ressemblait davantage à cet instant à un ménestrel, avec son chapeau de feutre, son air théâtral et son regard enjoué, malgré les armes qui pendaient à sa ceinture. Elle avait reconnu, avant qu'il ne s'avance, l'éclat d'argent qui faisait briller ses chaussures ; une peau garnie d'écailles acérées dont le souvenir la fit frémir violemment. Cette pensée furtive cependant, qui s'était soudainement glissée dans son esprit, d'un militaire gesticulant et jouant les fous du roi, fit sourire Kalendra. Au même moment, après avoir achevé les présentations, le général Jézékaël - ah voilà, les souvenirs, peu à peu, affluaient - franchissait, d'une démarche encore plus assurée, la distance qui le séparait de la table et elle dût lever la tête pour le garder en vue – il le fallait bien, hélas.

Bien sûr, il ne s'était même pas présenté lui-même. Oh non, inutile, on ne le présente plus, désormais. Sa tête me revient. Elle avait dû le croiser une fois ou deux à Hellas, peut-être, mais une chose était sûre, elle avait de trop nombreuses fois entendu parler de lui. Les faits qui l'avaient entouré lui étaient même plus familiers que son être. Un fils d'une éminente famille sindarine, qui avait enchaîné les frasques et les trahisons -et qui pourtant se trouvait devant elle-, et dont la seule présence en dehors des murs de Canopée constituait un affront à part entière. Comme elle-même d'ailleurs, même si son départ ne s'était pas fait de son plein gré, et si sa famille n'était pas aussi reconnue que la sienne. Cette pensée, presque réconfortante, de similitude entre son interlocuteur et elle, s'envola dès qu'elle vit une étincelle douteuse s'allumer dans ses yeux ; il était sans doute un intelligent manipulateur, mais Kalendra tenta de ne pas se faire d'idées trop vite -les alliés pouvaient aussi être les plus inattendus. Nonchalamment posé sur le dossier d'une chaise, il reprit la parole, parole qui agit comme un interrupteur dans son esprit. La Gélovigienne comprit ; l'air décontracté et les échanges amusés qui avaient pris place jusque là n'avaient été qu'une illusion, une farce ou une mascarade. Une haine sourde se mit à gronder dans son esprit, qu'elle tenta de faire taire.

Une respiration permit à sa lucidité de refaire surface, ignorant cette entrée dans le vif du sujet aussi soudaine. Tu te montes la tête, ma pauvre fille. Calme-toi. Alors comme ça, ils construisaient un avant-poste ? Cette simple expression soulagea l'élue de Soulen et remplaça sa colère profonde qui alla se terrer plus loin dans son esprit. Cela détendrait sûrement aussi ses confrères et consœurs, prêtres de Soulen. Ils ne craignaient tous pas nécessairement pour leur vie, mais plus pour leur sanctuaire, ce Temple dans lequel il vivait, leur maison, leur famille et celle de leur Dieu sur Isthéria. Le Temple, et toutes les merveilles qu'il renfermait, qu'elle pouvait apercevoir tout autour d'elle, allaient être protégés du mieux que possible. Ils n'étaient pas laissés à l'abandon ; leur pays ne les avait pas laissés – et symboliquement, c'était une chose.  
Juste au moment où Kalendra s'apprêtait à lâcher un malencontreux sourire, Léogan, qui achevait sa tirade, laissa un sous-entendu perfide se glisser dans la discussion. Un "retour équivalent", hein ? C'était donc seulement ça qui comptait ? A peine était-il entré dans l'enceinte du lieu sacré avec ses gros sabots, qu'il cherchait à avoir... à avoir... Que cherchait-il à avoir au juste ? Aux yeux de la haute prêtresse, sa demande était légitime, mais un peu trop soudaine, même formulée de cette manière. Ainsi, occultant de ses pensées cette dernière phrase, affichant l'expression la plus béate possible, elle se leva de sa chaise et adressa un regard à Aglaë derrière elle. Celle-ci faisait preuve d'un stoïcisme rare et d'une précieuse discrétion. Elle était une illustration parfaite de finesse de douceur ; et la sindarin appréciait montrer cette image de son église au monde. Cependant, à peine eut-elle croisé le regard de Kalendra que la petite prêtresse comprit son ordre silencieux et y répondit par un murmure inintelligible. Quittant la pièce, Aglaë revint presque aussitôt déposer des couverts supplémentaires, une argenterie finement ouvragée qu'elle réservait à ses invités de marque. Ombre effacée, silhouette grisâtre se fondant dans les tentures, elle revint bientôt, d'un pas rapide, se camper derrière elle, reprendre sa place.

Les mains fixées sur ses hanches étriquées, un sourire d'apparat étirant ses lèvres, elle s'espérait plus grande par l'esprit qu'elle ne l'était par la taille. En effet, chacun des hommes en face d'elle la dépassait d'une bonne tête – à l'exception peut-être de l'adolescent qui fixait toujours la table d'un œil envieux. Cependant, contre tout attente, cela ne contribua pas à la départir de sa confiance. Loin de se sentir lésée, elle adressa une brève prière à Soulen avant de se racler la gorge. Puis, après une ultime seconde de concentration, sa voix s'éleva.

"Tout d'abord, permettez-moi de vous souhaitez la bienvenue au Temple de Soulen, commença-t-elle, ignorant les derniers propos tenus par le général. Vous pouvez prendre place et vous servir à votre guise ; j'imagine qu'après un tel voyage, vous devez être affamés.

Elle se tut, fit une pause et se rassit, adressant un regard vague à ses invités qui s'installaient, le temps d'une réflexion. Que pouvait-elle leur offrir ? Rien de ce qu'ils avaient, à part les décorations typiques qui parsemaient le temple, n'avait de la valeur. Leurs quêtes et leur ordre leur apportaient de quoi les entretenir, et le maigre surplus financier qui subsistait était mis de côté pour la saison froide, Nivéria, ou pour les occasions comme celle qui se déroulait là. Kalendra avait des idées en tête – elle y avait réfléchi, précédemment à leur arrivée, imaginant facilement quelle serait la contrepartie d'un tel service - mais rien qui ne la satisfaisait totalement, ou qu'elle trouvait assez impressionnant pour démontrer la puissance de son ordre. Non, définitvement, elle n'arrivait qu'à faire dans le banal et le coutumier. Renonçant à trouver d'autres issues, émergeant de ses réflexions, elle fit s'élever une voix travaillée pour garder un ton solennel et aristocratique, bien qu'il n'en fut rien à l'origine.

"Ensuite, je tenais à vous remercier personnellement mais aussi au nom de tous les prêtres de ce temple. En votre qualité de représentant cimmérien, vous comprendrez en quoi cette action souligne, à juste titre, la capacité de notre pays à protéger à la fois ses citoyens, mais aussi les serviteurs de dieux présents sur son territoire. Elle insista lourdement sur certains mots, avant de reprendre d'un air moins factice. Qu'elle le veuille ou non, la partie sensible approchait. Bien entendu, général, reprit elle à l'intention de l'homme en face d'elle, nous fournirons à vos hommes et à Cimméria, toutes les ressources nécessaires, dans la limite du possible, au bon déroulement de la guerre. J'entends par là des vivres, ou des hommes, au-delà des faveurs divines que nous pourrions vous octroyer, intangibles quant à elles. Nous pourrons nous déplacer, mes prêtres et moi-même, si besoin est. Elle espérait que son ton était aussi péremptoire qu'elle l'entendait résonner dans sa tête. Avec un sourire plus espiègle, volontairement placé, elle continua. A moins que notre belle nation n'exige un plus lourd tribut en guise de remerciement ?
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