Négocier le port

Le bateau tangue légèrement, ondulant avec la houle, lentement. La sensation est bien différente qu’en haute mer, mais les mouvements du navire et le son de l’eau se heurtant contre sa coque ont toujours su arracher un sourire à l’ancienne terrane. Il n’y a pas meilleur réveil que de sentir la mer sous soi, enfin, selon Alil.

La matinée est déjà bien avancée lorsque la gorgoroth sort finalement de sa cabine. Elle passe une main dans ses cheveux longs cheveux, s’assurant qu’ils ne sont pas dans un trop mauvais état, car après tout, dans quelques jours, elle rencontra le roi. Il est toujours plus pratique de de faire bonne figure lorsque l’on veut négocier avec un roi.

Une main se glisse sur son fourreau, l’autre sur son pistolet, accroché à sa taille. Pas question de les laisser derrière. On les lui enlèvera si nécessaire, mais elle ne manquerait pas la chance de faire son apparition avec ses précieux compagnons d’aventures.

Une bourrasque, le navire se secoue avec un peu plus de violence. Un soupire. Il faut quitter, il lui faut encore voyager pour atteindre la capitale royale.


Les voyages sur terre ont toujours été bien plus ardus que ceux en mer, du moins, si on se fie au témoignage de la capitaine pirate. Dire qu’elle a fait tout se chemin, simplement pour une rencontre avec le roi. Elle est arrivée quelques jours d’avance, ce qui lui a permis de visiter quelques endroits, faire quelques rencontres. Il ne lui reste qu’à rencontrer ce roi qui lui a déjà causé tant de difficultés. Non, mais la forcer à mettre pied à terres pour quelques jours, c’est un crime.

Irritée, voilà comment elle se sent. L’odeur de la ville l’énerve. Les bruits urbains, l’absence de son navire, de l’océan tout autour d’elle, Alil ne sait plus où donner de la tête. Mais c’était quoi cette idée à la con ? Tout semblait plus simple sur papier. Les négociations seront en sa faveurs si le roi a un port si … si petit, voilà …

Un autre soupir. Son pas rapide la guide vers le palais. Elle s’est assurée d’être présentable avant de se rendre sur place, après tout, l’homme qu’elle va rencontrer n’est autre qu’un roi et il doit y avoir un minimum d’étiquette à respecter.

Le cours du palais, de forme rectangulaire, est surplombée par l’immense château. Les yeux de la pirate se lève vers le haut de la construction. Elle n’a jamais visité de château avant. Elle se donne quelques seconde pour s’étonner de la grandeur de l’endroit, mais elle se ramène à l’ordre et progresse davantage dans le palais.

Rapidement, quelqu’un vient à sa rencontre et la guide jusque dans une grande salle où elle attend l’arrivée du roi avec qui elle devra négocier. Elle se tient debout près de la porte.

Les travaux avancent bien, entouré de différents marchands et autres architectes, j’ai devant moi, tenu par différentes règles, compas et équerres, les plans du futur port d’Eridania.

Je pense sans modestie, que ce sera une des œuvres marquantes de mon règne, ce port sera un nouveau joyau sur ma couronne et permettra de commercer avec différents pays en complément de la voie terrestre.

Ce projet m’enthousiasme donc à plus d’un titre, et je ne cesse de presser les bâtisseurs d’augmenter la cadence pour faire sortir de terre le port de mes rêves.

Concernant la sécurité, un camp sous le commandement de Cassandra Raikes, celle que l’on nomme le bras armé d’Eridania, devrait être installé pour sécuriser les abords. Les troupes sur place serviront également à combattre des monstres, au cas où un colosse sort de nouveau des gorges de Paramis et à tenir la frontière nord est de mon royaume.

Je sais que le duché d’Arghanat est le lieu d’une intense activité, et je pense que dès que la route du commerce entre Hesperia et Thyrenium la cité-état sera terminé, je devrais créer une autre route entre cette province et la capitale. J’aimerais faire tout en même temps, mais si je veux garder le trésor royal en bonne santé telle qu’il est actuellement, je dois modérer les grands travaux d’infrastructure a deux en même temps.
Il ne manque maintenant qu’une seule pièce à mon puzzle, la protection du port par la voie maritime. En effet, je ne dispose d’aucun bateau, ni d’ailleurs aucun chantier naval pour en produire et ma seule voie maritime sur le fleuve Oléra, n’est pas encore sûr avec de nombreux obstacles naturels à la navigation. Il faudra également beaucoup de temps et d’effort pour la rendre complètement navigable ! Mais toutes ces difficultés peuvent être surmonté avec du temps. Ma principale inquiétude concerne une menace d’une toute autre nature, les pirates, qui peuvent bloquer facilement l’accès à l’endroit où le fleuve se rejette dans la mer.

Je ne crains pas les raids sur la ville car étant fortement protégé grâce à la légion, mais les futurs quais, eux peuvent être endommagé lors d’une attaque éclair. Bien que j’ai déjà noué des relations avec la pirate Sameleone, dis « La Dévoreuse », je ne sais pas si elle pourra me protéger le moment venu. Je suis dans devant une équation insoluble, j’ai beau avoir l’armée le plus puissante du monde, je suis incapable de sécuriser un espace d’un kilomètre de côté.

J’en étais là à mes réflexions quand mon chambellan, Patrick Sern, un Yorka très âgée, m’informe qu’une jeune femme souhaite s’entretenir avec moi. Je lui indique que je suis prêt à la recevoir et demande à mes conseillers de me laisser seuls avec ma garde royale, la compagnie du Dernier Cercle, composé de cinquante guerriers d’élite.

Je vois ainsi avancer une jeune femme, terran je pense, elle marche d’un pas assuré, de toute évidence elle est habituée à commander, sa cape suivant le mouvement de ses épaules en rythme, ses deux fourreaux vides pendant à sa ceinture, on a dû lui demander comme d’habitude, d’enlever ces armes. Elle est grande, presque autant que moi, mais je remarque surtout que la personne qui approche de sa démarche chaloupée est une authentique blonde aux yeux bleus. De toute évidence une pirate, mais une également très jolie femme.

Ayant toujours eu un faible pour ce genre de femme, je me lève de mon trône et je fais quelques pas vers elle, avant de m’incliner. Je n’ose pas lui baiser la main, ignorant comment elle le prendra. Je me relève avec mon plus beau sourire, avant de lui demander :

Vous avez dû être particulièrement convaincante pour réussir à parvenir jusqu’à moi. Que puis-je faire pour vous ?