Plus haut, les peintures. Et la vaisselle, en bas. Par contre, le luth, c’est pour la 14.
Avec une voix qui se voulait autoritaire, mais qui au mieux sonnait contrainte par l’amertume, Mäje distribuait ses instructions à un personnel encore peu habitué aux nouveaux lieux, et en nage. Le Mirage n’avait pas ouvert depuis trois mois qu’il était déjà presque plein, alors même qu’il peinait cruellement à sortir de son ambiance d’installation. Il régnait dans les couloirs un sacré fouilli : des pages et des grooms couraient partout, tout comme les concierges qui faisaient au mieux pour éviter de paraître trop désordonné. Et à la tête de cet équilibre un peu bancal, Mäje, immortelle accomplie, qui gesticulait comme une anguille pour démontrer de la bonne façon d’accrocher un rideau amarylien.
L’air blême sous son teint de sable, la belle créature finit son discours les yeux clos, se pinçant d’une main l’arrête du nez et de l’autre se tenant fermement la hanche. Fatiguée, exaspérée ? Un subtil mélange des deux. En réalité, la fleur du désert commençait à être particulièrement las du climat Eridanien. Les petits bourgeois et leurs problèmes de coucheries lui passaient bien volontiers au dessus, tout comme les petits jeux de pouvoirs des nobles en place. Et puis… Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus goûté aux vices et profits de ses activités défendues. Comme si ces murs trop lisses l’avaient enfermée dans un train train quotidien pavé de bonnes intentions et de monotonie. Loin des exercions qu’elle avait l’habitude de commettre. Son fumoir était encore en construction, par ailleurs, et elle n’avait plus pu utiliser ses talents depuis bien des semaines. Coincée dans cette vie sans intrigue, elle ne rêvait plus que d’une chose : s’arracher à cette routine pour flirter de nouveau avec le côté obscur. Même ses propres affaires commençait à en pâtir. Elle ne trouvait plus le temps de remplir ses fioles et de fournir ses acheteurs, impactant cruellement son business… Parallèle.
Alors, on rêvasse ? La voix de la succulente mais caustique Datheba l’arracha brusquement de son spleen pour la tirer vers la réalité. Une réalité dont elle se passerait bien quelques minutes. D’ailleurs…
Tu tombes bien, toi. La grande brune attrapa les épaules de la yorka et la plaça exactement à sa place. Félicitations Datheba, te voilà promue ! Momentanément, bien sûr. Tu prends ma place pendant… une bonne heure. Ou deux… Le temps que je me détente un peu.
La caprine prit brusquement un air très offusqué. Avec une augmentation j’espère ?
Mais la sylphide était déjà loin. En quelques enjambées, elle avait rejoint le grand hall. Celui-là donnait sur les deux grandes portes qui menaient vers le centre-ville. Des grandes tapisseries Argyréennes tombaient du plafond et donnaient l’impression d’être sous une tente de nomade. Un réceptionniste attendait là : Mäje l’attrapa discrètement pour lui murmurer discrètement à l’oreille : « Je serai dans mes appartements. Si quelqu’un me demande, renvoi-le à Datheba ».
Une fois ces mots échangés, elle disparu dans ses quartiers, remontant rapidement les quatre étages qui la séparaient du sommet de l’édifice. Egoïstement, elle avait réservé le dernier étage à son usage personnel. Composé d’une vaste suite, ainsi que d’un bureau pas moins monumental, il s’agissait d’un bijou resplendissant… Destiné à nul autre œil que le sien.
Quand elle y parvint, l’étage entier était plongé dans la pénombre. Le soir s’était couché depuis longtemps sur la capitale, mais avec cet afflux constant de clients en peine, la sylphide avait du mal à distinguer les jours des nuits. Par habitude, elle trouva la poignée de la porte d’acajou qui s’ouvrit sur son bureau, et s’y glissa sans cérémonie. S’il avait été inondé de lumière, on aurait pu y apprécier la richesse du mobilier de bois noble, de la bibliothèque richement fournie, des tapisseries d’Argyrei, du tapis finement tissé. Mais avec la nuit, seule la lumière des lunes franchissait la fenêtre ouvert. Ouverte ? Voilà qui était bien étrange. Mäje savait l’avoir fermé avant de descendre, elle en était certaine. Un coup d’Äjhem ? Il n’était pas passé aujourd’hui, pourtant… Glissant jusqu’à la capricieuse qu’elle ferma d’un geste, elle aurait juré sentir une… Présence. Un regard étranger l’épier depuis l’ombre. Non pas que ça la dérange, elle avait toujours flirté avec l’exhibitionisme, au sens élégant du terme. Mais cette intrusion n’annonçait pourtant rien de bon. Avec un certain calme, elle gagna son grand fauteuil de cuir.
Si vous voulez bien cesser ces enfantillages et vous présentez face à moi. Déjà que vous pénétrez dans la maison d’une honnête femme sans y être invité, vous me ferez au moins le plaisir de découvrir votre visage.
Ami ou ennemi… Au moins, elle était prête à l’accueillir.
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Sujet: Our dark designs 
Jeu 9 Jan - 16:35
