Montre-moi tes blessures

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_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
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_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 Montre-moi tes blessures

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MessageSujet: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeDim 18 Juin - 16:48

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Allongée sur la banquette de bois humide qui meublait à elle seule sa cellule, elle tapotait nerveusement ses griffes sur le mur. De là, elle apercevait le bras ganté d’un garde et la longue lance sculptée sur laquelle il réajustait régulièrement sa prise. L’un des ornements était une tête d’ours, elle en était certaine, et il y avait également un éléphant quelque part, ainsi que ce qui ressemblait vaguement à un insecte. Le reste n’était pas déchiffrable depuis cet angle.

Elle était à demi-assoupie quand on vint la chercher. Un homme-cheval au grand âge se posta devant la porte et la réveilla en faisant tinter la clé sur les barreaux qui les séparaient, satisfait de la voir sursauter. Il la saisit fermement par le bras après avoir vérifié l’intégrité de ses menottes, et la mena au dehors avec dédain.

« – Tes propriétaires sont venus te chercher. Félicitations, la railla-t-il âprement.

– De qui tu parles ? J’appartiens à personne.

– T’appartiens bien aux Cavaliers de Sharna, non ? C’est un peu la même chose.

– Et qu’est-ce que tu peux bien en savoir… Rétorqua-t-elle dans sa barbe. »

Comme l’indiquait la particule qui précédait son nom de famille, Irzash tzen Haveen avait été affranchie par la famille Haveen de Thémisto. Depuis treize ans, elle était une citoyenne libre et une fière Cavalière Rouge instructrice qui disposait de ses permissions comme bon lui semblait. Dernièrement, hélas, ce qui lui avait semblé bon avait été de se rendre à Elusia à la recherche de cousins éloignés, et ses manières un peu brutales d’enquêter sur sa famille lui avaient causé de nombreux problèmes. Désormais détenue dans les geôles de la capitale, cette Yorka à l’essence de blairelle incarnait un dilemme douloureux à laquelle les hommes-bêtes de Phelgra étaient confrontés par nature, car si leur race leur ouvrait grand les portes d’Elusia, leur caste les refermait souvent à son tour.

Ce n’était pas par considération envers le peuple Yorka que le Conseil phelgran avait envoyé Holopherne, porte-parole des Cavaliers de Sharna auprès des nations de Cebrenia, ainsi que la Commandante des Cavaliers Rouges et deux de ses capitaines, rencontrer les autorités élusiennes. C’était, de une, suite aux ordres du Grand Maître qui avait trouvé l’occasion propice à une entrevue diplomatique avec une nation grandissante. De deux, Irzash était une enseignante réputée particulièrement appréciée de ses congénères, et donc un maillon essentiel dans la grande chaîne que formait l’armée. La rapatrier était indispensable, surtout selon sa commandante sans qui l’histoire ne serait jamais arrivée jusqu’aux oreilles de Sirion. Son état-major lui venait en aide, et cela lui mettait du baume au cœur.


*
*            *



Sous un ciel azuré, de grands sourires béats sur les lèvres, les camelots secouaient les foulards colorés au-dessus de leur tête, clamant leurs prix et ventant le raffinement de leurs étoffes. Certains brodaient les contours de leurs madras avec des fils d’or, d’autres les avaient ornés de paillettes qui, lorsqu’elles étaient frappées par les rayons solaires, éblouissaient les passants. On vendait dix couleurs, et il existait bien des explications à ce nombre. La plus populaire avançait que chaque teinte représentait une divinité, et même si cela n’avait pas vraiment de sens, c’était la raison pour laquelle l’équipe pourpre était souvent la plus modeste. La tradition voulait que les participants de groupes adverses s’attachent les soieries les uns les autres, aussi croisait-on régulièrement des cortèges de personnages bariolés se passant les tissus autour des bras et se taquinant de bon cœur. Dans les rues, on jouait d’instruments aux sons puissants et ingrats dans le seul but de faire autant de bruit que possible.

La missive de la cour Yorka avait manqué de mentionner le Grand Loup-Fol et la cohue que la fête apporterait avec elle. Lorsque Silvaesh avait demandé au ministre pourquoi on avait fait déplacer les dignitaires phelgrans à une telle période, on lui avait répondu que cette célébration n’était pas du tout organisée à intervalles réguliers – la faute aux prêtres de Gréis et à leur imprévisibilité légendaire – et que les élusiens étaient aussi surpris qu’eux. Plus jovial, un second avait alors ajouté avec une mine radieuse que cela était très heureux, et il avait convié les quatre militaires à assister à la cérémonie d’ouverture sous prétexte que leur audience n’était pas prévue avant le début d’après-midi, et que Gréis serait enchanté de les voir dans son public.

Des gradins de bois, branlants par endroits, avaient été montés autour d’une estrade curieusement plus longue que large, parée de guirlandes et de lanternes de papier. Dans la houleuse mer de sourires qui charriait l’îlot, les mines grisâtres des Cavaliers évoquaient les victimes d’un malheureux naufrage. Plusieurs fois, un joyeux drille reconnut l’emblème sur leurs atours et grimaça avant d’aller s’installer plus loin, et lorsque le coyote fit signe à un distributeur d’éventails, ce dernier lui tendit l’objet en maintenant les yeux cloués au sol.

À sa droite, elle percevait les gigotements de Faust qui jouait avec l’insigne Rouge noué à son plastron. À sa gauche, Silvaesh s’éventait vivement, une jambe repliée sous lui, une étincelle discrète naissant dans ses prunelles. En trente-cinq ans d’existence, c’était la première fois qu’il voyait Elusia et en seize années de service au côté des esclaves et des affranchis de son espèce, la première fois qu’il se trouvait entouré d’autant de ses congénères. De par ses origines et sa profession de sombre renom, le sentiment d’appartenance n’était pas entier, mais il faisait battre son cœur à un rythme nouveau. D’ailleurs, en temps normal, une liesse aussi bruyante et enfantine, sous des astres aussi lourds et brillants, l’aurait rendu irascible. Son silence contemplatif trahissait une curiosité secrètement enjouée.

Les premières minutes, Kreen prêta plus d’attention au comportement de ses accompagnateurs qu’au spectacle. Holopherne s’était assis derrière eux et avait entamé une discussion avec le ministre qui les avait invités, vraisemblablement peu alerte. Sous son capuchon éternellement baissé, l’espion ne faisait pas vraiment d’efforts pour se faire passer pour un Cavalier Rouge, quant au Yorka, la façon dont il regardait partout autour de lui sans l’ombre d’un cynisme signifiait son absence d’esprit. Il en aurait fallu bien plus pour ternir la confiance qu’elle accordait à ces hommes, cependant, une sensation d’être bien seule au monde dans ce territoire hostile commençait à poindre le bout de son nez, et avec elle, un agacement pernicieux. La commandante avait bien du mal à détendre ses épaules et à se concentrer sur le cracheur de feu, et ce bien malgré la somptuosité de sa performance. Lorsque la représentation suivante commença tout en musique, elle surveillait Faust du coin de l’œil parce qu’il s’était mis à faire rouler un catalyseur entre ses doigts, alors quand Silvaesh lui donna un coup de coude et désigna l’artiste d’un geste du museau, elle posa les yeux sur elle pour la première fois.

Il s’agissait d’un joli brin de femme qui remuait élégamment sous son jupon bleu et entre les perles de ses interminables colliers. Son visage gracile était serti d’obsidiennes luisantes et l’ondoiement de sa longue chevelure sublimait sa danse. Lorsqu’on lui tendait une fleur ou un bâtonnet enchanté, elle baissait humblement les paupières et remerciait le spectateur d’un sourire timide mais lumineux.

« – Je la connais ? Demanda Kreen en se penchant vers Silvaesh sans pour autant la quitter du regard. Cette aura rayonnante aux couleurs du sud semblait lui évoquer quelque chose – et il ne s’agissait pas d’une de ses maîtresses favorites.

– Mmh mmh. C’est la fille Nebu.

– Qui ça ?

– La fille de Ra Nebu. La Sirène de Ta-Henet.

– Oh. La surprise tira sur l’échine de la Gorgoroth. Il était difficile de croire que la Sirène de Ta-Henet puisse se trouver ailleurs qu’à Ta-Henet. Qu’est-ce qu’elle fiche là ?

– Elle peut plus chanter, je crois.

– Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Le visage de Kreen, tourné vers son capitaine, était désormais barré d’une incompréhension amère. »

Silvaesh haussa les épaules et secoua la tête, alors elle reporta son regard sur la danseuse. Maintenant qu’elle y pensait, elle n’avait plus entendu parler des spectacles de l’envoûteuse depuis un moment mais elle avait supposé que cela n’était dû qu’à la mort de son père qui en parlait sans cesse. L’affaire l’intriguait. Sekhmet Nebu était connue pour sa maîtrise brillante et fulgurante de sa magie. Il était chagrinant de constater qu’elle n’avait plus ce don.

Faust se pencha en arrière, incitant le coyote à faire de même. Il signa « t’es sérieux ? Donne-moi plus de taf, je t’en prie ! », ce à quoi son collègue répondit d’un geste de confusion moqueuse.

« – Vous avez quelque chose à me dire, vous deux ? Interrompit la Gorgoroth.

– Non non… »

Jusqu’à la fin de la cérémonie, ses souvenirs de Sekhmet Nebu firent de nombreuses allées et venues. Elle avait assisté au moins une fois à des jeux, aux côtés de Trahin, et peut-être une fois avant cela également, mais elle n’en était pas certaine. Dans ses rangs, elle avait même le vainqueur d’un de ces tournois, car le Commandant Varss avait réussi à négocier avec Ra pour que ce champion rejoigne aussi l’armée. Si la Sirène lui était sorti de la tête, les conséquences de son art avait laissé ses traces dans l’histoire des Cavaliers.


*
*            *



L’audience dura quelques trois heures alors que Kreen ne prit la parole que les premiers instants. Son seul but était d’obtenir la libération inconditionnelle d’Irzash, car sur la question de la civilité des Cavaliers Yorkas, elle ne se sentait pas légitime de dire quoi que ce fut. Les phelgrans formaient un front uni et posé ; c’était les haut dignitaires élusiens qui étaient divisés et ne faisaient parfois que débattre les uns avec les autres. Holopherne et Silvaesh dialoguèrent courtoisement avec eux, ne faisant souvent qu’appuyer les arguments des plus favorables à davantage d’échange entre les deux nations. Ils arguèrent également contre le bannissement à vie de la blairelle et on leur promit une délibération brève.

Holopherne se rendit au temple de Gréis afin de présenter ses hommages au Haut-Prêtre, le coyote choisit d’attendre le verdict auprès d’Izrash et, fidèle à lui-même, Faust se volatilisa tout simplement. Kreen, elle, se retira dans les quartiers qu’on avait réservés aux guerriers de Sharna, avec pour seuls compagnons la liste de chefs d’accusation contre l’instructrice et un ouvrage antique sur les contes qui liaient le Dieu enfant aux neuf autres.

On avait laissé les Cavaliers s’installer dans une suite de trois pièces communicantes au second étage de l’aile palatiale réservée aux invités. Chaque appartement était doté d’une belle paillasse dans un alcôve, d’un secrétaire, et d’un petit coin de réception dans lequel attendait un sublime service à thé. La chambre qu’avait choisi Kreen bénéficiait également d’un balcon dont elle avait laissé les portes vitrées ouvertes afin de profiter de la vue. Appuyée sur le bureau, face à la cité, elle avait entamé sa lecture, peu distraite par le boucan extérieur.

Sharna était sur le point de donner naissance aux nexus lorsque des voix étrangères parvinrent à ses oreilles. On riait et s’apostrophait non loin de sa fenêtre, et les cris se rapprochaient rapidement comme si un groupe d’individus se coursait en escaladant la façade du palais. Kreen leva les yeux et dégaina immédiatement une dague, certaine qu’il ne s’agissait là que de participants au Grand Loup-Fol mais à jamais méfiante.

Une silhouette d’or et de cobalt fit son apparition. Elle venait de s’accrocher à la rambarde du balcon et d’effectuer une pirouette pour retomber dessus, puis s’était glissée à l’intérieur en cliquetant. Sans ciller, la Gorgoroth posa de grands yeux attentifs sur elle en l’attente d’intentions évidentes. Elle s’était postée dos au mur et avait faire taire le chant de ses breloques. À sa taille, un foulard rose clairsemé de fleurs se mariait joliment au bleu de sa jupe.

La Sirène posa simplement un index sur ses lèvres en signe de silence et lui adressa un clin d’œil. Un battement de cœur plus tard, deux jeunes hommes rejoignaient adroitement le rebord, tous deux arborant un tissu jaune. Lorsqu’ils croisèrent le regard de la guerrière, ils se figèrent et le temps se suspendit au-dessus de ces quatre personnages immobiles. L’intruse se mit à secouer négativement la tête, ce que la guerrière perçut du coin de l’œil. Elle écarta alors les pans de son par-dessus pour découvrir l’emblème de Sharna qui ornait son ceinturon, muette. Les poursuivants de la fille Nebu levèrent pacifiquement les mains et s’excusèrent en se pinçant les lèvres, puis disparurent aussi vite qu’ils étaient apparus.

L’importune afficha un grand sourire avant de s’incliner avec emphase, Kreen pencha simplement la tête sur le côté. Et puis, la Terrane se tourna pour repartir mais les portes se refermèrent brusquement sous son nez. Elle fit volte-face, les traits soudainement assombris. Son hôte avait posé son livre et la fixait désormais avec beaucoup plus d’intérêt.

« – Allons, vous m’en devez bien une. Devant la méfiance ostensible de la Sirène, elle adopta un ton plus affable. Commandante Kreen des Cavaliers Rouges de Sharna. J’avais déjà pu admirer votre talent mais à l’époque, vous ne dansiez pas. »


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MessageSujet: Re: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeDim 18 Juin - 16:51



Et quand la brume se lève et découvre les cœurs
Que les langues se délient dans les vins et liqueurs
Je rêve que l’on prononce mon nom en un frisson
Que l’on dise de moi « elle ne prend pas la fuite »
Qu’on célèbre mon art de mener la poursuite



À sa manière d’enfoncer ses doigts dans sa chair, elle devinait que la rencontre ne s’était pas bien passée. De quoi allait-il se plaindre cette fois ? De son capitaine qui ne l’avait pas laissé parler ? Des élusiens qui ne l’écoutaient pas ? Il avait plongé le visage dans son cou et elle pouvait entendre son souffle nerveux entre ses dents, sa respiration divulguant trop bien la colère qu’il était venu déverser. De cette haleine fébrile était née une moiteur collante entre leurs peaux. Prête à l’aider à surmonter sa frustration mais pas au prix de son propre confort, la prêtresse n’hésita pas à chasser cette vapeur chaude en frottant sans ménagement sa clavicule contre la moustache suante du soldat. Elle l’aurait admis sans rougir ; elle appréciait ce que son égo faisait de lui lorsqu’elle l’avait dans les bras. Ce guerrier juvénile et arrogant était incapable de concevoir qu’une femme puisse quitter sa couche en ayant encore toute sa tête, si bien que cet excédent de fierté qui, chez d’autres, engendrait de l’égoïsme, faisait de lui un amant passionné. Aujourd’hui, pourtant, son amour propre avait vraisemblablement été ébréché, et il cherchait très avidement de quoi le réparer entre les jambes de sa maîtresse.

Aeshma ratait rarement une rencontre diplomatique à Elusia, car malgré ses simples vingt-quatre ans, il était considéré comme proche de l’indispensable par ses supérieurs. C’est d’ailleurs parce qu’il le savait pertinemment que lorsqu’on ne lui réservait pas le même égard qu’à un ambassadeur vénérable et expérimenté, il estimait être victime d’un affront. Doroma approchait de son zénith quand Virevoltante, penchée sur les guirlandes qui orneraient le temple deux jours plus tard, avait entendu les cliquetis de son armure et le son mat de ses bottes arriver derrière elle.

« – T’es occupée ? J’ai besoin de toi… Avait-il susurré en essayant d’être sensuel. »

Une fois son déplaisir expulsé, il s’était adouci et s’était mis à lui exprimer une affection distraite mais sincère en laissant la pulpe de ses doigts glisser dans son dos, alors elle l’avait invité à lui raconter ses déboires. Elle ne s’était pas fourvoyée. D’humeur exécrable – selon ses dires – le capitaine du jeune homme n’avait cessé de l’interrompre et l’avait exclu d’une délibération en prétextant la mention d’affaires qu’il n’avait pas besoin de connaître. Virevoltante ne dit rien mais elle ourla vaguement les lèvres, soit par compassion, soit parce qu’elle trouvait son amant bien susceptible. Elle changea de sujet.

« – Quand repars-tu ? C’est Grand Loup-Fol après-demain. Croyant qu’elle l’invitait à participer (ce n’était pas le cas), le soldat grimaça.

– On ne doit pas repartir avant cinq jours, mais m’est avis qu’on va sortir de la capitale pour l’occasion. C’est toujours un tel bordel, cette fête… On n’est pas venu pour ça. La prêtresse haussa les épaules.

– Je serai très occupée. J’espère que le reste de ton séjour se passera mieux. Et elle lui adressa un sourire aimable, comme si elle ne venait pas de lui dire qu’en cas de nouvelle contrariété, il devrait aller en importuner une autre. »


*
*            *



Le cendal avait été plié savamment, d’une précaution qu’on ne réservait qu’aux plus belles soies. Les soleils caressaient tendrement les feuillages qui avaient été tissés dans l’étoffe, élevant les reflets au rang d’illusions scintillantes et flattant de toute leur force la couleur du tissu. De toute évidence, ce jaune doux et sucré et l’azur de sa tenue étaient fait l’un pour l’autre – une jonquille devant un ciel radieux. Elle effleura le foulard du bout du doigt, faisant mine d’hésiter encore.

« – Ah ! Bien sûr, il serait parfait pour toi, prêtresse ! Parfait ! »

Le marchand avait un fort accent étranger et il faisait de grands gestes avec les mains, peut-être dans une paradoxale tentative de séduire la danseuse. Les articles présentés sur cet étal étant bien trop onéreux, elle n’avait pas du tout eu l’intention de s’y procurer son foulard – pourtant, le vendeur semblait prêt à lui faire cadeau de celui qui avait attiré son œil. Elle leva le regard sur lui, un sourire timide sur ses lèvres rouges et les iris scintillantes de toute une constellation.

« – Tu l’as braqué, ma parole ! Complimenta Arlequin apparaissant, subreptice, dans le dos de la danseuse.

– Je n’ai même pas essayé ! Je n’y suis pour rien… En toisant l’aède, elle remarqua le superbe madras qui dépassait de sa longue manche bouffante. Elle pencha la tête sur le côté d’un air désapprobateur.

– Moi au moins, je ne manipule personne en faisant battre mes grands cils, madame.

– Cesse de voler les honnêtes gens ! Signa-t-elle en laissant échapper quelques piaillements.

– Honnête ? Cet homme n’a jamais rien tissé de sa vie. Il exploite des ouvriers sous-payés – dont des enfants – et empoche tout le bénéfice ! Et je lui vole un foulard tous les Grands Loups, c’est une tradition. »

Le visage de Virevoltante s’assombrit. En inspectant le carré d’or dans sa main, elle sentit un frisson de dégoût descendre le long de son échine, comme si elle avait accepté de laisser la honte elle-même lui ceindre les hanches. Soupirante, elle froissa le tissu de sa poigne et le pressa sur le torse d’un inconnu pour le forcer à l’accepter. Plus tard, Arlequin vint lui présenter un joli fichu rose pâle moucheté de petite fleurs blanches et ajouré d’une fine dentelle. Lorsqu’elle l’interrogea du regard, elle reçut la promesse que le foulard avait été acquis en toute légalité chez un authentique artisan, alors ses traits s’illuminèrent de nouveau. Tous deux se nouèrent mutuellement leurs couleurs au bras et autour de la taille, se promettant de tout faire pour vaincre l’autre.


*
*            *



Conformément à la coutume, le départ de Grand Loup-Fol fut donné en début d’après-midi par la toute dernière note d’un hymne bien connu. Les troubadours qui le jouaient devaient alors se débarrasser de leurs instruments le plus rapidement possible pour s’échapper les uns aux autres, spectacle très apprécié de tous de par la difficulté que certains musiciens éprouvaient à ne pas déclencher toutes sortes de culbutes et de cascades désopilantes, notamment du côté des soubassophonistes. Virevoltante s’était perchée sur un toit et les avait regardé trébucher en riant, enchantée à la vue de ses comparses hilares qui tentaient parfois de faire fuir leurs adversaires en faisant mine de brandir leurs luths comme des armes. De là-haut, elle s’était assurée un départ de choix, car même si elle appréciait avant tout la joie qui émanait de cette célébration, elle ne pouvait nier un saint esprit de compétition.

Sur le faîte d’une bâtisse qui se dressait quelques rues plus loin, elle aperçut deux silhouettes qui semblaient la pointer du doigt. Les deux personnages portaient un brassard jaune, et lorsqu’ils comprirent qu’elle les avait repérés, ils lui adressèrent un salut amical de la main avant de s’élancer dans sa direction. Mmh. Ces malandrins avaient donc choisi de jouer ensemble et d’affronter à deux un seul et même adversaire… Voilà qui n’était pas très sport. Elle imita une mère excédée en posant les poings sur ses hanches et en secouant la tête avant de se laisser tomber du toit, la tête en arrière, abandonnant son enveloppe charnelle à l’essence divine qui y coulait.

Ses poursuivants étaient un Yorka batracien et un autre d’allure porcine, tous deux lestes et souples malgré une large carrure dans le cas du second. Plusieurs fois, ils parvinrent à la devancer, mais l’artiste n’avait aucun mal à jouer de la gravité pour se soustraire à leur piège ; elle mettait fin à son usage de la magie pour chuter d’un coup, puis le reprenait à quelques pouces du sol avant de plonger dans les ombres. Elle croisa une dizaine d’adversaires, qu’elle esquiva parfois difficilement mais sans jamais manquer de leur sourire, et parvint à attraper les foulards de deux participants à qui elle rendit immédiatement leur signe distinctif avec un clin d’œil. Il ne fallait surtout pas que la fête s’arrête.

Le palais royal surgit subitement devant elle, se dressant en travers de sa course arachnéenne. Y pénétrer était proscrit, pendant Grand Loup-Fol comme pendant n’importe quel autre grand jeu de Gréis. Mais les adorateurs du Dieu enfant avaient-ils vraiment des limites ? Elle choisit précautionneusement l’aile qu’elle escaladerait dans l’espoir d’intimider ses adversaires, contournant les pavillons les plus surveillés pour mieux se jeter sur la façade des appartements côté ouest, ceux qui semblaient si souvent inoccupés. D’après ses souvenirs, il s’agissait des quartiers que l’on réservait aux invités, et qui pouvait-il bien y avoir de si important aujourd’hui, au palais de la reine ? Aeshma et sa bande de politiciens pompeux ? Voilà qui ne lui faisait pas peur.

Poussée par les rires de défis derrière elle qui laissaient entendre que les deux jeunes Yorkas ne craignaient pas plus qu’elle les convives du palais, elle bondit de lambrequin en lambrequin pour finalement passer l’angle du bâtiment et attraper la balustrade d’un balcon afin de se hisser par-dessus en une impulsion souple. Ses poursuivants avaient-ils pu la suivre une fois qu’elle avait disparu derrière le mur ? Sans un bruit, elle se faufila à l’intérieur par les portes ouvertes, et se camoufla à côté de tentures.

Tiens. Le regard qu’elle croisa n’était pas celui d’Aeshma ni d’un de ses politiciens pompeux. Il se voulait peut-être neutre, mais sa teinte était si froide et si singulière que l’espace d’un battement de cœur, l’éternel sourire de la prêtresse s’affaissa. Cette femme, si clairement mort-vivante de nature, si large sous son épaulière, si longue sous ses jambières de cuir, n’avait pas l’allure joueuse… Peut-être qu’investir illégalement l’aile du palais réservée aux invités était une très mauvaise idée, finalement.

Sans doute n’était-ce pas ce qu’elle aurait pu faire de plus prudent, mais la danseuse n’en était pas à sa première folie. Fidèle à ses valeurs et à ses habitudes, elle fit face de la façon qu’elle maîtrisait le mieux ; elle restaura son expression enjouée et adressa un geste complice à l’occupante des lieux, exprimant le plus nettement du monde son pacifisme. La guerrière ne bougeait pas, et quand les deux Yorkas apparurent sur le balcon – Virevoltante les entendit atterrir sur la rambarde en se félicitant l’un l’autre – elle ne cilla pas plus. La prêtresse était bien placée pour savoir que les apparences pouvaient être trompeuses. Et si cette terrible grande femme avait envie de participer, elle aussi ? Peut-être ne lui avait-on tout simplement pas proposé.

D’un geste naturel qui contrasta curieusement avec l’immobilité dont elle avait fait preuve jusque-là et lui donnait l’air d’une statue, la Gorgoroth rendit son ceinturon plus visible, découvrant les méandres crochus du symbole de Sharna qui attestait de son appartenance à la caste des Cavaliers. Ce symbole, Virevoltante ne l’avait plus vu depuis longtemps, et elle ne l’affectionnait pas beaucoup – mais ce qu’il déclenchait chez elle n’était pas de la peur. Son père l’avait porté avant de se retourner contre elle. Sa mère le portait encore en broche, et bien des bonnes gens de Ta-Henet l’avaient porté, le portaient toujours, et le porteraient longtemps encore. Ce symbole, elle l’avait elle aussi dans le sang. Ce qu’elle ressentait à sa vue, c’était plutôt la colère que l’on destine à quelqu’un qu’on a aimé et qu’on aimerait encore pouvoir aimer, mais qui ne fait plus que nous blesser, parfois sans le vouloir. C’est l’animosité triste et nostalgique qu’on porte à une partie de soi que l’on a détaché parce qu’elle faisait mal, mais qui n’en était pas moins sublime. Une douleur profonde. Mais peut-être un peu addictive.

Des sentiments contraires venaient se fracasser en vagues contre les rochers de sa contenance, alors elle baissa le regard pour que sa mine rayonnante n’en soit pas altérée. Ses adversaires disparurent – du moins le supposa-t-elle – alors il était temps de s’éclipser. Elle allongea son sourire et fit une révérence bien basse, tendant les bras pour que ses perles s’entrechoquent joliment, puis se dressa sur la pointe des pieds pour pivoter à la manière d’un rat de ballet.

Quand elle se retrouva prisonnière de ces appartements, auprès de cette parfaite inconnue à l’aura aussi insondable qu’angoissante, son cœur sombra au plus profond d’elle-même. Quelle punition pouvait-elle bien avoir en tête ? Et pour quel outrage ? Elle fit face à la Cavalière avec autant d’aplomb que possible, mais son expression n’était définitivement plus la même.

La voix de la mort-vivante était grave, suave comme elle aurait pu s’y attendre au vu de sa prestance, mais pas comme elle l’aurait espéré – car de la part d’un serviteur de Sharna, un ton ne fut-ce qu’un peu mielleux n’était jamais bon signe. Il n’y avait pas de doute sur la sincérité de la guerrière ; quelque chose dans le mouvement de ses lèvres dénotait une réelle tranquillité, de l’inoffensif, mais sous l’os crânien qui ombrageait son front et dans la lueur glaciale de ses yeux de défunte, elle ne pouvait tout simplement pas se défaire du monstrueux spectral et sépulcral qui émanait de tout son être.

« – Ce n’était pas un talent, signa la Terrane en clignant nerveusement des paupières, comme si elle essayait de retenir des larmes. Son usage de la langue muette des militaires phelgrans intrigua évidemment la commandante qui leva un sourcil et eut un sourire en coin.

– C’est vrai. Un talent, ça ne disparaît pas. Personne n’a su me dire comment vous aviez perdu votre voix. Vous soulageriez bien ma curiosité ? Bien sûr. Qui ne voulait pas savoir ? Qui, chez les Cavaliers de Sharna, chez tous ces guerriers avides de violence épique, ne voulait pas connaître le destin tragique de la fille de Ra Nebu, la Sirène, celle qui avait fait danser Sharna dans son arène devant tant de ses enfants et avait fini par s’évanouir, sans un mot, sans un cri ?

– Je vous le dirai… Si vous honorez Gréis avec moi. »

Et quel Gélovigien de Gréis accepterait de se livrer, de livrer son histoire et toute l’histoire de son identité, plutôt que de mettre à prix autant de si précieuses informations ?


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MessageSujet: Re: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeMer 5 Juil - 22:10

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La méfiance avait terni l’éclat de ses grands yeux. Ou était-ce l’ombre de Kreen qui avait inévitablement englouti la prêtresse ? En se rapprochant, elle avait forcé la Sirène à lever la tête pour soutenir son regard, et si la guerrière se sentait bien grande, alors la danseuse devait se croire minuscule. Même lorsqu’elle ne cherchait pas à être intimidante, la Gorgoroth pouvait constater l’effet qu’elle faisant à ceux qui ne la fréquentaient pas de prêt, aux personnes plus menues qu’elle, aux individus qui n’étaient pas phelgrans. Elle y était indifférente, consciente que son aura n’était pas due qu’à sa fonction mais aussi à sa nature et qu’elle ne pourrait donc jamais la changer. Pour autant, elle savait que dans certains cas, il était bon de l’atténuer.

Dans ses souvenirs lointains et diffus, la fille Nebu avait l’allure d’un automate, immobile dans sa tribune barricadée, les mains croisées devant son ventre tout le long de sa performance. Elle ne semblait ni satisfaite d’être au centre de l’attention, ni particulièrement concentrée sur ses notes. Tout relevait du naturel, mécanique et sans effort, chez une jeune fille aux saluts timides et brefs qui ne s’émouvait pas plus que ça, ni dans un sens ni dans l’autre, du carnage qu’elle causait. Encore une fois, à moins que sa mémoire lui fît défaut, Kreen était persuadée que lorsqu’elle l’avait vue chanter, la Sirène portait une longue robe aux manches larges qui noyait son corps dans des tissus épais et foncés, ne laissant apparaître aucune portion de peau en-dessous de son menton. Si elle avait été une marionnette, personne ne l’aurait su.

Quelques heures auparavant, cette belle jeune femme s’était déhanchée devant toute une foule, laissant ses bijoux extravagants caresser son abdomen découvert et sa jupe fendue dévoiler la minceur de ses jambes. Elle avait tournoyé longtemps, un sourire astral sur les lèvres, envoyé quelques baisers à son public, effleuré des joues admiratives d’un doigt subtil. En s’inclinant devant la militaire, un instant plus tôt, elle s’était même cambrée comme seules les femmes coutumières du jeu de la séduction savent le faire. Sous ses paupières basses, derrière ses lèvres closes très légèrement étirées, Kreen se délectait du trouble que la Sirène avait fait naître en elle. D’ailleurs, elle ne devait plus se faire appeler comme ça. Utilisait-elle « Sekhmet » ? Autre chose ? Pendant la cérémonie d’ouverture, l’animateur l’avait annoncée avec excitation mais à ce moment-là, la commandante n’écoutait pas. Peu importait. Ses souvenirs et la réalité s’affrontaient, peut-être aussi brutalement que les gladiateurs que la jeune femme hypnotisait autrefois, et Kreen était d’humeur à se laisser ravir.

Lorsqu’elle demanda à la prêtresse de lui conter son histoire, son timbre se fit doux et poli, si bien que sa fascination s’entendit dans sa voix – du moins un proche de Kreen l’aurait-il perçue aisément (et s’en serait sans doute esclaffé). De prime abord, la Gélovigienne n’en demeura pas moins méfiante, mais en lui répondant en mêlant murmures et signes, elle glissa subtilement vers une confiance intrépide. Sa posture changea, bien moins crispée, et au moment de prononcer son défi, elle pencha la tête sur le côté. Cette insolence charmante sembla filer droit au cœur de Kreen qui ne put s’empêcher d’élargir son sourire, le rendant si sincère qu’il creusa une fossette à droite.

Elle toisa l’artiste avant d’harnacher de nouveau leurs prunelles les unes aux autres, bien solidement. Un attisement contrôlé, sage mais néanmoins réel, avait réchauffé ses iris d’acier pourtant si résistantes à la chaleur. Elle attendit que Sekhmet le remarque, qu’elle s’approche du feu et s’installe confortablement à côté des flammes, puis, lentement, elle posa une main sur le nœud qui maintenait le foulard rose autour des hanches adverses. En un geste agile, leste, du majeur et de l’annulaire, elle le défit en faisant passer le tissu sous la torsade, et veilla à ce qu’il quitte délicatement sa propriétaire.

Sekhmet la laissa faire. La lueur avait reparu dans ses immenses yeux noirs. Elle avait même croisé les mains dans son dos, juste avant de secouer la tête, lentement, comme si elle réagissait à retardement, au ralenti. Elle fit claquer sa langue.

« – Tt tt tt… Vous trichez, Seigneure. Pour jouer, il faut un bandeau. »

Son regard bondit par-dessus l’épaule de Kreen, et la guerrière le suivit. Les quatre yeux tombèrent sur le guéridon dans le coin, sur lequel avait été disposés la théière et les quatre petits gobelets. Entre le bois et la vaisselle, un napperon protégeait le meuble des taches. Toutes deux se fixèrent de nouveau, puis la religieuse se pinça les lèvres en arquant les sourcils, faisant glisser ses petites mains vers son madras pour en reprendre possession. Un ange passa, et sembla tirer sur le fil de l’atmosphère pour la tendre à son paroxysme.

La commandante finit par faire un pas en arrière, puis deux, puis trois, sans jamais quitter des yeux les prunelles de Sekhmet dans lesquelles un véritable feu d’artifice avait commencé. Elle laissa tomber sa main sur le napperon. Laissa la prêtresse goûter sa victoire un petit instant. Puis tira dessus sans aucun ménagement. Le service à thé se fracassa en mille morceaux et en mille notes dissonantes sur le sol de pierre. Mais aucune des deux ne cilla.

Une seconde plus tard, la danseuse bondissait sur la rambarde du balcon et disparaissait dans le vide, laissant derrière elle la mélodie de ses perles et de tous ses bijoux clinquants. Leur cliquetis semblait applaudir la Cavalière qui s’approcha du bord d’un pas confiant et suivit son adversaire du regard. Il n’était que courtois de lui laisser quelques sauts d’avance.


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MessageSujet: Re: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeMer 5 Juil - 22:10

Le vide l’accueillit comme un ami aux manières familières. Il souffla doucement sur son visage, l’embrassa pour qu’elle puisse apprécier sa propre pesanteur avant de se subtiliser à lui, à la gravité, et enfin atterrir telle une plume sur les créneaux d’un rempart. En contrebas du palais, un aqueduc enjambait un large cours d’eau : posée sur son rebord, l’essence divine évaporée, elle fit volte-face. De là, la Cavalière n’était plus qu’une fourmi stoïque sur son balcon. La prêtresse la fixa un moment avant d’écarter les bras, les paumes vers le ciel, l’air de lui demander ce qu’elle attendait. Elle vit la commandante lever sa botte sur la rambarde et lui répondre d’un geste du menton.

Virevoltante pencha la tête sur le côté. Seigneure Kreen devait être terriblement bien équipée pour lui accorder une telle avance. Regretterait-elle de l’avoir défiée ? Elle avait espéré une poursuite longue et exaltante mais à l’attitude de son adversaire, elle commençait à se demander si elle n’allait pas simplement se faire malmener. Sans attendre plus longtemps, elle entama une course sur les créneaux afin de prendre de l’élan, puis elle bondit sur un toit et entama son ascension en d’élégantes acrobaties.

La frondaison d’un grand noisetier se dressait désormais entre elle et la guerrière, impartial. L’artiste progressa le long du faîte, le pas aérien, retenu. Lorsqu’elle atteignit le conduit d’une cheminée auquel elle s’ancra d’une main, elle réalisa que de l’autre, elle retenait fermement ses colliers pour empêcher leur tintement. Elle n’avait pas pris cette peine quand les deux jeunes Yorkas s’étaient lancés à sa poursuite, alors pourquoi tenait-elle maintenant à demeurer silencieuse ? D’un geste pressé, comme s’ils lui brûlaient la paume, Virevoltante relâcha ses bijoux, et pour chasser cette angoisse aussi nouvelle qu’injustifiée, elle leva les yeux au ciel.

Malgré un semblant de désinvolture retrouvé, elle entreprit de jouer avec tactique. Il s’agissait de pouvoir voir arriver le loup, aussi tenta-t-elle d’apercevoir le balcon de la mort-vivante en se penchant le plus possible. Hélas, le feuillage était si fourni qu’elle sut à peine dans quelle direction chercher. Autour d’elle grimpaient les rires d’autres joueurs, et le son de leurs pas pressés battaient le rythme d’une mélodie allègre – pourtant, elle eut la sensation d’être plongée dans le silence. Figée par l’expectative, la danseuse ne faisait plus que balayer ses alentours du regard sans savoir à quoi elle pouvait s’attendre. D’où arriverait la combattante ? La rejoindrait-elle seulement ? Peut-être s’était-elle simplement débarrassée de l’intruse en faisant mine de se prêter à son jeu. Peut-être n’avait-elle aucunement envie de s’amuser.

Impatience et solitude finirent par s’unir et s’amplifier l’une l’autre à la manière d’une malheureuse réaction chimique. Elle lâcha le conduit de cheminée et se laissa glisser avec mesure jusqu’au bord du toit avant de laisser tomber ses yeux dans la ruelle. Tendant une jambe, elle laissa son chausson reposer sur le vide, puis elle bascula en avant.

Un claquement sourd suivi d’un bruissement retentit derrière elle, et elle se retrouva suspendue sur le rebord, un pied sur la gouttière et l’autre jambe se balançant dans les airs. Elle hoqueta à sa manière, en un petit grincement vacillant.

La Gélovigienne se tortilla pour regarder par-dessus son épaule. Des volutes de fumée violacée s’évaporaient rapidement autour de la revenante qui maintenait une poigne leste sur le bandeau fleuri, un vide froid sur le visage. Virevoltante expira bruyamment, encore secouée par la surprise mais secrètement ravie de constater que la Cavalière ne l’avait pas abandonnée. Elle prit une mine résolue et, avec la rapidité d’un assassin, saisit l’avant-bras adverse pour prendre appui dessus – puis usant de magie, elle se projeta par-dessus Kreen, la forçant à lâcher prise sous la torsion. Nul doute qu’en insistant, la mort-vivante aurait eu suffisamment de force dans les doigts pour la retenir, mais pour une raison qu’elle ne connaitrait pas, la prêtresse parvint à ses fins. Elle applaudit d’excitation avant de s’élancer de nouveau. Au lieu de plonger dans la ruelle, elle bondit sur le toit d’en face, tout sourire. Elle vit la Seigneure faire tourner son poignet – endolori ? Sûrement pas – avant de lui adresser le même signe que depuis son balcon.

Une lucarne ouverte lui attira l’œil alors elle s’y engouffra comme un serpent. La pièce était un grenier encombré dans lequel on avait entreposé tout un tas de caisses en bois et de vieilleries et sur le sol duquel une grande trappe était ouverte. Les combles étaient traversants, aussi put-elle ressortir de l’autre côté par une ouverture similaire dont les gonds rouillés mirent un certain temps à tourner. Lorsqu’elle se redressa sur l’autre pan du toit, sa poursuivante l’y attendait déjà.

Ainsi se lancèrent-elles dans une danse endiablée, sur les tuiles et sous les poutres, à travers les fenêtres, sur les balcons et leurs balustrades, dans les escaliers et au cœur des rues – la danseuse se laissait porter par le vent, puis elle se mettait à courir à toute vitesse, bifurquait brutalement, bondissait, escaladait, se dissimulait dans l’ombre, sautait de nouveau dans le vide, s’accrochait aux gargouilles et aux rebords, voltigeait, esquivait – et le nuage ianthin la suivait inlassablement, se dispersait sur un faîte pour mieux réapparaître sous une charpente, enveloppait de nouveau sa source et l’accompagnait sous une arche, sur un pont, au détour d’une échoppe, laissant surgir un bras qui saisissait la prêtresse par la taille ou se retirait au contraire pour lui laisser une chance de s’enfuir, plongeant la glace de son regard dans la braise des yeux adverses pour lui signifier qu’il la suivrait où qu’elle aille.

Sous une passerelle de bois dont elle se laissa tomber, Virevoltante se trouva finalement nez à nez avec un autre participant, un homme entre deux âges dont le biceps était ceint d’un tissu bleu. Il s’élança immédiatement à ses trousses, sans un mot ni même un rictus amusé – un manque d’enthousiasme qui arracha une grimace à l’artiste. Le bougre s’avéra doué et parvint à lui couper la route à plusieurs reprises, usant vraisemblablement de magie pour l’empêcher d’employer la sienne (méthode parfaitement interdite par les règles du jeu, soit dit en passant). Leur chassé-croisé dura trois minutes, puis quatre, puis cinq, et commença à lasser la Gélovigienne qui s’était mise à chercher du regard la brume de Kreen, à espérer que la guerrière apparaisse devant elle pour qu’elle s’assomme contre son corps de marbre – tout pour échapper à ce joueur trop sérieux. Mais la revenante semblait avoir disparu, comme si Virevoltante l’avait rêvée.

En la poussant en bas d’un escalier, l’inconnu l’obligea à se replier dans une arrière-cour dont elle ne pourrait pas fuir sans faire appel à son essence divine. Elle lui fit face, le vit surgir de l’atelier dans lequel il s’était introduit, et lui adressa une œillade sévère. Cette façon de la piéger était trop déloyale…

Elle s’apprêtait à protester d’amples gestes des mains quand elle vit l’impudent tituber et se rattraper dans l’embrasure de la porte en grognant, visiblement pris de douleurs au flanc. Il gronda en se tâtant les côtes, loin de céder à la panique mais ostensiblement amoindri – à cette vision, la jeune femme lui tira la langue avant de bondir sur un tonnelet et de s’envoler de nouveau, d’abord à travers un jardin, puis plus en hauteur, le long d’un rempart.

Bientôt, la vapeur sombre de la Gorgoroth réapparut, et leur partie reprit. Semblable à une anguille dorée, Virevoltante échappait chaque fois à l’étreinte pourpre, parfois en se collant davantage contre la Cavalière afin de restreindre ses gestes, parfois en effectuant un pas de danse. Elle pouvait sentir dans la prise de Kreen que la soldate ne la retenait sans aucune force, du moins, sans aucune force compte-tenu de ce dont elle aurait été capable. Elle la laissait partir, la libérait, défaisant chaque fois son emprise sur le foulard rose. Parfois, une émotion subreptice tirait sur le coin de ses lèvres. Le reste du temps, elle restait inexpressive. Une prêtresse moins orgueilleuse n’aurait pas pris son jeu comme une façon de faire durer le plaisir mais bien comme une manière de vaincre autant de fois, écrasante, imbattable.

De nombreux cris et éclats de rire étaient déjà parvenus à ses oreilles pour lui signifier la défaite d’autres participants quand Virevoltante choisit sa prochaine destination. Elle effectua une cabriole par-dessus un garde-corps et atterrit sur une large terrasse au sommet d’une villa cossue. On y avait placé d’indénombrables plantes en pot parmi lesquelles des espèces exotiques qui devaient avoir bien du mal à pousser à Elusia. Des bancs ouvragés avaient été placés là, cernés de guirlandes et de lanternes, non loin d’un abreuvoir pour oiseaux et d’une ribambelle de nichoirs.

Un instant, elle s’autorisa à se perdre dans cette jungle au cœur de la ville, à apprécier les odeurs qui s’y mêlaient entre les fleurs de frangipaniers et les roses, à s’émerveiller des motifs qui avaient été peints sur les mangeoires. Elle s’imagina elle-même en mésange bleue venue profiter de l’abondance de graines de tournesol et prendre son bain dans l’eau pure à l’ombre des oreilles d’éléphant. Elle se faufila entre une sculpture de granit et un buisson de lavande en fleurs, les doigts papillonnant entre les feuilles, et tournoya joyeusement sur elle-même.

Alors elle sentit une main posée sur le nœud de son madras et une autre sur son épaule. Dans son dos, la commandante avait passé son bras en travers de sa poitrine et la maintenait contre elle, sans aucune pression. D’un doigté agile, expert, elle décrocha le foulard – une bonne fois pour toutes – et fit un pas en arrière une fois l’objet de sa convoitise obtenu. Virevoltante baissa les yeux sur ses hanches autour desquelles l’essence violette et ondoyante de la Cavalière avait remplacé son foulard.

Elle tourna un visage attristé vers Kreen, ses prunelles noires scintillantes, ses lèvres tordues dans une moue enfantine. Elle prenait l’allure d’un chaton dont on venait de briser le cœur en cessant de jouer avec lui. La Gorgoroth la toisa d’une chaleur toute relative mais singulière, puis son regard migra des traits assombris de Virevoltante à la ville derrière elle. Elle sembla réaliser à cet instant-même quelle vue cette terrasse offrait.

Huchée sur les hauteurs, la villa était un des bâtiments les plus hauts du centre-ville, et son toit verdoyant surplombait tous ses voisins de loin. De là, on pouvait apercevoir le palais, mais également la flore omniprésente, les architectures travaillées autour des cascades et des rochers, les monts qui cernaient la cité, leurs forêts touffues devant le ciel cristallin, et le long de centaines de fenêtres, les décorations colorées installées à l’occasion du Grand-Loup Fol. La commandante ne parut pas s’émouvoir de cette vue, mais elle fut manifestement intriguée, car elle s’approcha du bord d’un pas lent.

Derrière le parapet de pierre, elle demeura immobile un instant avant de se tourner vers la prêtresse et de lui adresser un sourire subreptice. Et puis d’un bond de cavalière, elle se hissa sur le garde-corps et s’y assit, les jambes dans le vide. Bientôt, Virevoltante la rejoignit. Elle s’installa à quelques pieds de son adversaire victorieuse, passant sa longue tresse par-dessus son épaule.

« – Vous allez être déçue, murmura-t-elle après un silence contemplatif. On m'a simplement… Retiré ma voix.. »


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MessageSujet: Re: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeDim 9 Juil - 0:10

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La danse vertigineuse de la prêtresse lui évoquait les voltiges du Cirque Woel’fel, les spectacles de rue devant lesquels les passants s’émerveillaient pendant la belle saison. Les Cavaliers n’étaient pas insensibles à ces démonstrations de maîtrise, et d’ailleurs, les recruteurs de la faction Noire avaient tendance à sortir le bout du nez lorsqu’on leur rapportait la présence en ville d’un artiste aux tours habiles. Kreen n’admirait pas autant la souplesse de Sekhmet que la perfection dans ses calculs de trajectoire, dans ses choix, dans son économie d’énergie et d’essence divine. La Gélovigienne faisait preuve d’endurance et de technique. Elle n'aurait pas fait une mauvaise combattante.

Lorsqu’elle eut le sentiment d’avoir amplement pu apprécier l’agilité de la fugitive, elle entreprit de mettre fin à leur jeu. Sa capacité d’émerveillement étant limitée, elle approchait maintenant de sa fin et risquait de laisser place à la lassitude. Jusqu’à une certaine mesure, elle pouvait déjà anticiper quelques-uns des gestes de Sekhmet. Bien sûr, si la jeune femme avait craint pour sa vie, elle aurait adopté des stratégies bien plus efficaces, mais en attendant, l’exercice n’était plus d’un grand intérêt. Désormais installée sur la pierre qui bordait la terrasse, Kreen avait laissé errer son regard en contrebas.

Son sens de l’esthétique s’arrêtait bien avant les espaces urbains, aussi n’aurait-elle jamais qualifié une cité de belle. Cela dit, elle pouvait admettre qu’Elusia présentait une grande variété de couleurs et de formes, que les gens y avaient l’air joyeux et que l’on avait passé beaucoup de temps à y ouvrager les structures. Thémisto comptait bien quelques quartiers sublimés, elle aussi, mais les tons y étaient partout les mêmes et on entendait toutes sortes de médisances sur la capitale phelgranne, alors si elle n’était pas particulièrement charmée, la Cavalière ressentait une indéniable curiosité face au tableau devant elle, ce paysage nouveau, cette image exotique.

En venant la rejoindre, la prêtresse émit un chapelet de cliquetis. Du coin de l’œil, la Cavalière la vit jouer avec sa tresse et balancer ses jambes dans le vide à la manière d’une enfant. Lorsqu’elle prit la parole, Kreen se souvint que ses mots ne vibraient pas plus que les chuchotements d’un mourant, alors elle se détourna de la vue et posa plutôt les yeux sur elle, sur ses joues brunes et ses interminables cils. Elle répondit d’une voix mesurée, d’une rare chaleur.

« – Je connais bien des façons de recouvrer ce que l'on s'est fait voler. Sekhmet haussa les épaules.

– Pourquoi ? Je n'en ai plus besoin. La Cavalière toisa la prêtresse sans se faire remarquer puis elle se remit à scruter ses traits. Elle ne répondit pas à cette question, à cette logique simpliste qu’elle ne pouvait pourtant pas réfuter. Un ange passa avant qu’elle ne reprenne.

– Je croyais les ennemis de votre père... Plus raisonnés. Elle spéculait, mais pas dans le vent. D’après ses souvenirs, les Nebu subissaient la rivalité des Almajid depuis plus de deux siècles, or la famille de marchands n’était pas composée de barbares.

– Ce n'était pas si fou. Cela a fonctionné. La fille de Ra eut une expression fataliste mais aussi un peu amusée, comme si son sort était devenu un sujet badin.

– Vraiment ? Où sont ces personnes, désormais ? La curiosité de Kreen porta sa voix un peu plus loin mais elle demeura posée.

– Je ne sais pas. Mais je sais où est mon père. Un second silence s’imposa. Aucun écho ne pouvait faire suite à cette note macabre. La commandante ne quittait pas la danseuse des yeux : elle la regardait pianoter sur les nœuds de sa chevelure à chaque fois qu’elle finissait de s’exprimer, comme si les questions de Kreen l’interrompaient systématiquement dans la composition d’une étrange mélodie.

– C'est votre père qui vous a enseigné notre langue ? Sekhmet rit de quelques secousses dans la poitrine.

– Pas vraiment. Lui et d'autres. Sans vraiment le vouloir.

– Je m'inquiète un peu de vous voir la maîtriser si bien. En réalité, elle manquait de vocabulaire et avait régulièrement recours à la parole, mais la fluidité avec laquelle elle enchaînait les signes était honorable.

– Pourquoi ? Je ne suis que prêtresse de Gréis. Et enfin, la jeune femme daigna plonger ses grands yeux luisants dans ceux de la revenante. Cela altéra d’ailleurs le ton de cette dernière, qui gagna subitement en sévérité.

– Personne n'est que quoi que ce soit. Sekhmet secoua la tête.

– Les Cavaliers de Sharna croient toujours que tout le monde en a après eux. Vous n'êtes pas au centre du monde. Ici, on ne s'intéresse pas à ce que vous fabriquez. Vous n'avez qu'à faire la guerre entre vous. Kreen préfaça sa réponse d’un rictus perplexe.

– Je vous sais bien placée pour savoir à quel point cela est faux. À moins que vos souvenirs de Phelgra ne gisent aux côtés de votre voix.

– C'est un peu vrai, rétorqua promptement la Gélovigienne. Raison pour laquelle je ne m'intéresse pas beaucoup à vos histoires. Et elle leva les sourcils. »

La mort-vivante plissa les yeux mais elle n’ajouta rien. Jamais elle ne croirait en de tels propos, peu importe de qui ils pouvaient bien provenir. On rabâchait sans cesse aux Cavaliers de Sharna que leur comportement était menaçant, leur territoire chaotique, leur politique déloyale, leurs lois inexistantes, leurs représentants intraitables, leur réputation terrifiante… Ce jour encore, elle avait dû écouter les dirigeants élusiens reprocher à leurs invités des actions hors de propos sans vraiment chercher à comprendre ce que la restructuration récente de Phelgra pouvait bien impliquer. Elle avait déjà entendu dire que les Seigneurs de Sirion étaient égocentriques, mais c’était bien la première fois qu’on les qualifiait de paranoïaques. Kreen finit par rendre à la cité l’attention qu’elle avait fait dévier vers son accompagnatrice. Elle était en train de regarder deux joueurs escalader les branches d’un immense chêne lorsqu’elle réalisa que le napperon était encore noué autour de sa main, et qu’elle tenait avec lui le foulard de Sekhmet. Elle se débarrassa de son bandeau et tendit les deux tissus à la danseuse, qui s’en saisit délicatement après lui avoir accordé un sourire malicieux.

« – Aurai-je le droit de prétendre avoir vaincu la Commandante des Cavaliers Rouges de Sharna ? Elle vit la Cavalière se lever et tourner le dos à la ville pour que leurs regards se rencontrent, une dernière fois.

– Si les élusiens sont assez idiots pour vous croire, vous auriez tort de vous en priver. Dites-leur m'avoir mise à genoux. Et après un rictus complice, elle disparut dans un nuage sombre et un bruissement sourd. »


*
*            *



Irzash avait été bannie d’une longue liste d’établissements et son signalement auprès des autorités élusiennes demeurait valable pour les dix années à venir. Pour autant, elle était autorisée à revisiter la capitale Yorka, et en participant à un second entretien, elle avait pu défendre les droits de ses congénères Cavaliers dans la cité de la Reine Hinaya. Les phelgrans n’avaient plus qu’à préparer leur départ. C’est bien la seule raison pour laquelle Faust était présent dans leurs quartiers puisque le verdict n’aurait pas pu moins l’intéresser. Lorsque Kreen l’alpagua, il se crispa à son ton étrangement nonchalant.

« – Faust ? J'aurais besoin que vous placiez la prêtresse de Gréis anciennement connue sous le nom de Sirène de Ta-Henet sous surveillance. Elle vit ici, à Elusia. Nous l’avons aperçue pendant la cérémonie d’ouverture. L’espion n’en crut visiblement pas ses oreilles. Il ouvrit des yeux immenses avant de les rouler lourdement en direction de Silvaesh comme s’il cherchait à se les coincer vers l’intérieur du crâne, puis couronna sa réponse d’un soupir bruyant. Kreen feignit de ne rien percevoir de ses enfantillages, ne sachant s’ils devaient l’insupporter ou si elle devait se délecter de son désarroi. Le coyote, en tout cas, avait opté pour la seconde option. Ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas là d’une tâche indigne de vos immenses talents. Il se trouve qu’elle pratique notre langue des signes, et plutôt bien. Faust troqua son rictus d’agacement suprême contre une mine résignée.

– Ah... C'est bête. Et il acquiesça contre son gré. »


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MessageSujet: Re: Montre-moi tes blessures   Montre-moi tes blessures Icon_minitimeSam 23 Sep - 18:37

Tout le monde ne repliait pas les guirlandes de la même manière, et certains le faisaient avec une négligence telle qu’elles s’abîmaient plus au moment d’être rangées que pendant toute une journée suspendues au-dessus du tumulte. Cela avait le don d’agacer Virevoltante. Elle n’y passait pas des heures entières, mais superposer les motifs de papier de façon à ce qu’ils ne se déchirent pas dans leur boîte n’avait rien de difficile, alors lorsqu’elle voyait ses confrères fourrer les décorations dans les coffrets sans même les regarder, elle battait des mains pour les chasser et rectifiait leur affront.

À ses côtés, Arlequin retirait les bougies des lanternes. Méthodique et machinal, l’acrobate avait pris des airs d’automate. Seule preuve de son humanité, une mélodie irrégulière et parfois fausse s’échappait de son masque.

« – Lorsque j’étais jeune, mes parents m’interdisaient formellement de m’approcher de tout ce qui pouvait porter le feu. J’aime beaucoup défaire les lanternes mais j’ai toujours le sentiment de provoquer mes aïeux. La danseuse finit d’aplatir une feuille d’érable sur une autre.

– Tu obéissais ?

– Bien sûr que non. Mais je savais qu’ils avaient raison.

– Ce n’est pas si dangereux, une lanterne…

– Tout ce qui brille est dangereux, ma douce. Un sourire malicieux colora ses mots. Virevoltante déposa la guirlande dans une cassette et la referma avec soin. Avant de l’emmener avec elle, elle glissa vers Arlequin et déposa un baiser sur sa joue de papier mâché.

– Arrête-donc de t’inquiéter pour moi. »

Une pile de trois coffrets entre les bras, la prêtresse s’éclipsa d’un pas leste en direction du sous-sol, là où étaient entassées dans un certain chaos des tonnes de décoration. Grand Loup-Fol avait pris fin trois jours auparavant mais les Gélovigiens de Gréis n’étaient jamais pressés de dérober à la ville les sublimes bijoux dont ils l’avaient parée. Une ribambelle de lanternes étaient d’ailleurs restées accrochés l’année précédente. En plus de cela, un grand nombre de joueurs participaient à cette célébration par plaisir et sans chercher à gagner, aussi nouaient-ils les brassards de leurs adversaires autour des rambardes, des girouettes, des poignées de fenêtres et des volets au lieu de les garder comme preuve de leur victoire. On les y laissait avec plaisir jusqu’à ce qu’il pleuve.

La voix d’Aeshma interrompit les rires et les comptines des prêtres affairés, mais une fois l’ambassadeur éridanien reconnu, l’atmosphère retrouva immédiatement sa légèreté.

« – Arlequin ! Tu dois bien savoir où est Virevoltante. L’artiste pencha la tête sur le côté à la manière d’un chiot.

– Et qui donc la demande ? Le soldat prit un air désabusé – celui de ses mauvais jours, comme Arlequin le savait – mais n’obtint pas plus de réponse. Lassé en un rien de temps, Aeshma poussa un long soupir avant de scruter les alentours. La scène devant laquelle il se tenait lui permit de déduire que sa maîtresse, elle aussi, devait être occupée à ranger le bazar que les siens avaient mis dans la capitale. Du même pas pressé qui l’avait mené jusque-là, il se dirigea vers la cave.

– Te voilà. Penchée sur un large coffre, la prêtresse remettait de l’ordre dans ce qui ressemblait à un centaine de balles bariolées. Elle leva un visage affable vers le guerrier et lui adressa un signe de main sans cesser de ramasser les jouets qui s’étaient échappés d’une grosse malle. Il s’approcha et posa ses mains sur le rebord de la caisse, proche comme il l’était d’ordinaire lorsqu’il cherchait à la séduire. J'ai entendu dire que tu avais joué avec une Cavalière de Sharna hier ? Une haut placée ? Virevoltante sourit.

– Oui ! Même que je l'ai mise à genoux ! Croyant à de l’ironie, Aeshma fit claquer sa langue.

– Ça ne t'inquiète pas, qu'on dise ça de toi ? Hoqueta-t-il comme si c’était son honneur à lui, qu’on insultait.

– Qu’on dise quoi ? Elle ouvrit de grands yeux luisants pour feindre l’innocence. L’éridanien lui répondit d’une voix grave et basse.

– Que tu fréquentes des Cavaliers de Sharna, Sol.

– Décidemment. Tout le monde craint tout le monde de nos jours, s’amusa-t-elle – et pour mieux se railler, elle lui tapota le bout du nez. Il la chassa d’un mouvement agacé de la tête.

– Tu te méfies pas d’eux ? T’es à leur service peut-être ? »

Virevoltante se figea, une main sur une balle, l’autre sur le couvercle de la malle. Ses larges prunelles glissèrent vers celles d’Aeshma et s’y accrochèrent.

« – Je ne me méfie de personne. Je ne suis que prêtresse de Gréis. Immobile, elle murmura chacun de ses mots de sa voix grésillante. Mais ses traits étaient restés lumineux. Aeshma la fixa longtemps en silence, cherchant vraisemblablement à la faire culpabiliser pour ses mots naïfs et irresponsables. Et puis son mutisme finit par donner l’impression qu’il était réellement sans voix. Miséricordieuse, Virevoltante le libéra de son incrédulité en riant et en approchant son visage du sien. Tu n’as rien à craindre de moi, chaton. Je déteste la politique. Et elle lui fit signe de retirer ses doigts pour qu’elle puisse fermer la malle. J’ai du travail, signa-t-elle. À une prochaine fois ! »

En haut des escaliers, elle vit Arlequin qui se tenait raidement près de la rambarde. Une lueur disparut dans sa manche alors que sa posture se détendait pour devenir hautement plus nonchalante.

« – Je crois que nous en avons terminé, déclara l’artiste. »


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