Quelques inquiétudes pour un avenir incertain [Beyla]

La matinée s'était annoncée idéale ce jour là. Le ciel était bleu et sans nuage, le soleil perçait de ses rayons chaleureux les feuillages des arbres, réchauffant la terre et la peau des jeunes femmes qui la foulaient. On entendait le chant de quelques oiseaux qui avaient élus domiciles dans les arbres de ce coin de forêt, celui des crapauds et autres bublus. A vrai dire, les Eryllis pouvaient donner l'impression d'être coupé du temps et du monde. Tout était paisible et d'une confortable félicité. Loin de la violence, loin du brouhaha, les femmes ici pouvaient vivre de leur passion comme bon leur semblait, sans être sollicitées par de familles trop envahissantes ou bien des époux non désirés. Néanmoins, il ne fallait pas vivre dans l'aveuglement le plus total car les temps changeaient, et ils changeaient beaucoup trop vite.

Cela faisait maintenant quelques années que malgré elle, la réputation des Eryllis grandissait, bien loin de leur désir. Se montraient-elles moins prudentes? Peut-être, peut-être pas. Les Hommes se montraient plus brutaux et avenants, n'ayant plus aucun respect pour les traditions ou même la nature. Ils en avaient déjà si peu pour eux-mêmes... Puis cela était sans compter que Isthéria elle-même se montrait plus hostile. C'était la première fois depuis des siècles que Sighild constatait que la nature se montrait aussi vorace. Les animaux faisaient preuve d'une agressivité étrange, de nouvelles maladies apparaissaient, frappant les innocents... toute cette folie semblait même cogner les consciences de tous les peuples. Les Cavaliers de Sharna se montraient de plus en plus prompt à venir dans leurs environs et manigançaient on ne sait quoi, de drôles de chose se passaient également dans la Grande Capitale, le Prince lui-même ne se manifestait que peu. Le monde sombrait dans une véritable décadence. Mais ce n'était pas cela qui préoccupait les pensées de Sighild.

L'amazone se trouvait tout près de ses quartiers, dans les hauteurs des arbres, perchée près d'une sommaire barrière. Ses yeux dorés contemplaient ses consœurs qui s'agitaient en contre bas, animant le village. Leurs éclats de rire lui parvenaient de temps à autre, lui offrant du baume au cœur. Ceux qui chagrinaient principalement la lhurgoyf était que plusieurs de ses camarades étaient tombées malades, et cela signifiait peut-être le début d'une petite épidémie. Elles savaient que ces femmes étaient fortes, mais si cela venait à toucher de plus près les enfants, cela deviendrait un problème. Une mauvaise fièvre pouvait emporter bien rapidement des innocents, et cela s'était malheureusement déjà vu il y a des années à Samhach, un temps où Sighild n'était pas une meneuse mais une simple Eryllis commune et comme toutes les autres. C'était un drame qu'elle espérait ne pas revivre.

Pourquoi se tenait-elle là? Sans rien faire? Pour la simple raison qu'elle attendait l'une de ses conseillères et non des moindres puisqu'il s'agissait de Beyla. Elle était une doctoresse admirable et de surcroît très compétente. Cette terran qui pendant longtemps s'était méfiée de sa nature de démone avait fini par être convaincu de la véracité des intentions de Sighild. Quoiqu'il fut les rapports entre ces deux femmes, tout allait bien aujourd'hui, mais notre ancienne Jézabel souhaitait qu'elle lui fasse un rapport sur les malades.

* Espérons qu'aucun nuage noir ne vienne assombrir notre destin. *

Une petite brise souffla, balayant sa blanche chevelure et emportant son parfum dans les environs boisées, tout semblait si calme, mais rien ne l'était vraiment....

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Quelques inquiétudes pour un avenir incertain [Beyla] Lv2y

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Une journée calme et paisible comme on peut en vivre tant d'autre dans ce havre de paix encore préservé, peuplée de rires agréables et de pas légers. Comme si l'insouciance était de mise dans ce lieu un peu hors de tout. Loin des Hommes et de leur violence, des gouvernements et de leurs lois sans intérêts ni fondements, loin des marques prouvant que tout n'allait pas aussi bien que l'on voudrait bien continué à la croire, protéger par les frondaisons, au cœur même du domaine secret des Eryllis. Pourtant, pour celle qui souhaitait réellement tendre l'oreille, déjà des signes avant coureurs semblaient se manifester. Simple rappel d'Isthéria à ceux qui foulait son sol depuis si longtemps, ou prémices de changements qui se révéleraient inéluctables? Personne ne le savait vraiment.

Cependant, aussi préoccupantes que puissent se révéler à long termes ses questions, il y en avait d'autres que la jeune Beyla jugeait bien plus importantes. Malgré la douceur du temps extérieur, elle n'avait pas eu le loisir d'en profiter, et ce depuis deux jours déjà. Elle entendait les chants et rire au travers des fenêtres, une porte laissée entrouverte permettant de temps à autres à la brise bienvenue de rafraichir son visage, lui arrachant un pâle sourire. Car bien des choses occupaient son esprit depuis peu, ne lui laissant que peu de répit.

Tout avait commencé une petite semaine auparavant avec la faiblesse soudaine d'une des femmes vivant à Samhach. Appelée sur les lieux, la jeune terran avait mis ses talents en œuvre face à ce qui ressemblait à une simple poussée de fatigue. Cependant, la fièvre s'invita dès le lendemain, affaiblissant la malade d'une étrange façon. Bien qu'aujourd'hui elle se repose, totalement hors de danger et la fièvre étant tombée, ses forces tardaient à revenir et le risque d'être victime de la moindre maladie de passage guettait encore.

Mais le cœur du problème se trouvait à présent dans le fait que ces étranges symptômes avaient déjà touchés deux autres femmes. Même fatigue, même fièvre et même faiblesse persistante. Ce qui l'inquiétait le plus. Ces femmes, d'un naturel robuste et tenace, devraient déjà être sur pieds. Hors les remèdes traditionnels peinaient à faire leur effet et la crainte d'une épidémie commençait doucement à faire son chemin. Ce qu'elle souhaitait à tout prix éviter.. Alors, en plus de veiller ses malades, la jeune médecin s'était lancée dans l'élaboration de nouveaux remèdes, cherchant les herbes et les plantes les plus efficaces face à cette menace inconnue d'elle.

Alors qu'elle terminait de filtrer une plante dont elle espérait tirer un excellent revigorant, elle laissa son regard s'évader à nouveau quelques instants par la fenêtre. Le soleil était déjà bien haut et ce détail lui rappela que Sighild lui avait demandé de la rejoindre dès qu'elle le pourrait. Elle poussa un léger avant d'enfermer le contenu de sa décoction dans une fiole pour le laisser reposer avant de se diriger d'un pas ferme vers la demeure de sa dirigeante. Lorsqu'elle franchit le pas de sa porte, la lumière l'aveugla un instant avant que ses yeux ne s'y habituent. Elle reprit alors son chemin, saluant quelques femmes au passage en arborant un grand sourire jovial. Il ne servait à rien d'inquiéter ces femmes avant d'être certaine et pour l'instant, malheureusement, elle n'était pas sûre de grand chose.

Ses réflexions prirent fin lorsque Beyla arriva enfin devant Sighild. Cette dernière semblait si calme, les cheveux ainsi au vent et le visage offert au soleil. Mais tout comme elle, elle se doutait bien que cela n'était qu'apparence. Sinon, elle n'aurait pas prit la peine de la faire venir. La jeune terran vint se placer aux côtés de sa dirigeante, laissant son regard parcourir la vie qui animait leur petite communauté. Un moment, elle savoura simplement la quiétude qui ressortait de cette mélodie mêlée des chants d'oiseaux et de joyeux cris féminins. Puis, un soupir s'échappa de ses lèvres avant qu'elle ne prenne enfin la parole.

- Je ne sais trop quoi penser. Les symptômes en eux-mêmes ne sont pas des plus graves, mais la faiblesse qui en résulte m'inquiète bien plus. Nous en sommes au troisième cas déclaré et, bien que toutes soient hors de danger, elles restent fragiles. J'ai commencer la recherche de remèdes plus efficaces, mais le temps me manque. Je crains que, si nous n'arrivons pas très vite à endiguer ce phénomène, une épidémie ne se déclenche.

Elle avait parlé d'une voix calme et posée, afin que si quelqu'un vienne à passer près d'elles, elle ne puisse soupçonner le contenu de leur discussion. Pour le moment, il fallait surtout éviter qu'un vent de panique ne vienne à se répandre. Elle s'était contentée d'énoncer ses constatations, sans fioritures. Juste la vérité. Et contrairement à d'habitude, le fait d'avoir verbalisé toutes ses pensées ne lui était d'aucun secours contre cet ennemi invisible.

Sighild se souvenait du passé, de ce passé où elle venait à peine de changer de vie, de changer de nom... d'être une autre. Lorsqu'elle avait fait partie de cette communauté peu commune, elle souhaitait faire table rase de son existence qui n'avait été que chaos, une vie dont elle pouvait avoir honte et dont elle ne parlait jamais. C'était l'avantage ici : on ne vous demandait pas ce que vous étiez mais ce que vous souhaitez devenir et ce que vous ferez pour cela. Elle se souvenait presque avec mélancolie la première fois qu'elle rencontra une Eryllis. Elle n'était que l'ombre d'elle-même, mercenaire dès plus banale qui vagabondait dans les rues ensoleillées d'Hesperia. Autrefois, il n'y avait point de tels tumultes dans la capitale, tout y était très simple et les amazones n'étaient guère connues, juste un groupe de femmes qui fuyait l'oppression exercée par la gente masculine. Cela pourrait sans nul doute paraître bien risible aujourd'hui, mais la société y était bien différente, tout comme les mœurs. Jézabel n'aurait jamais pensé attirer l'attention d'un tel groupuscule, elle n'aurait jamais cru qu'elle aurait pu y trouver une famille.

Le plus intriguant pour elle fut le jour où ses congénères avaient décidé qu'elle serait le successeur de leur dirigeante, qu'elle deviendrait leur chef. Elle qui ne s'estimait que peu allait devenir une meneuse, elle qui avait déjà tant de mal à prendre une décision pour elle-même. Mais cette confiance, cet honneur, et toutes les raisons que formulèrent le conseil de l'époque la poussa à accepter. Depuis des années, elle s'obligeait à faire en sorte que le choix de ses sœurs n'était pas une mauvaise décision.

Quand elle apprit que quelques unes de ses camarades semblaient malades, son inquiétude était sincère, comme celle d'une mère envers ses enfants. Il fallait dire qu'elle était sans nul doute la femme la plus ancienne dans son village, Fulla devait être la seconde peut-être... avec les sindarins, il était toujours difficile de savoir. Quoiqu'il en fut, c'était pour cette raison qu'elle avait demandé à sa très chères Beyla de venir la voir et de lui rendre son diagnostic. Cette dernière ne tarda pas alors à aller à sa rencontre et lui confie alors ses premières conclusions. Silencieuse pendant quelques secondes devant les paroles de sa conseillère, elle finit par détourner son regard félin sur la belle rousse terrane avant de la questionner.

" Une épidémie... c'est ce que je crains le plus. Nous ne pouvons nous permettre que nos sœurs ne tombent malades avec des temps aussi incertains que ce que nous vivons. Est-ce la première fois que tu rencontres une telle maladie? "

Sighild s'attendait à une réponse affirmative, mais elle espérait néanmoins que l'expérience de la jeune femme lui prouve le contraire.

" Bien qu'il soit important que nous les soignons rapidement, est-ce que tu aurais une idée de ce qui aurait pu causé une telle chose? Peut-être qu'il nous faudra questionner des médecins des autres continents... ou même aller rendre visite au vieux Dim. Peut-être que dans les ouvrages des Eclaris, il y est noté quelque chose de ressemblant. "

La jeune femme se refusait de rester là sans ne rien faire, à simplement attendre. Prendre les devant, même face à une maladie était nécessaire. A de nombreuses reprises, Sighild s'était tournée vers Dim pour l'interroger sur diverses problèmes ou informations. Il avait beau être un terran, elle trouvait ses connaissances dès plus remarquables mais le voyage jusqu'à Amaryl serait bien long. Peut-être qu'il faudrait se tourner vers un médecin plus proche.

Dans ce même élan, Sighild accorda alors subitement un sourire à sa conseillère. Elle se souvenait qu'il fut bien difficile de gagner sa confiance et de prouver qu'elle n'était pas mauvaise. Aujourd'hui, elles se parlaient comme des camarades de longues dates.

" Si tu as la moindre requête pour ton travail, il ne faut pas que tu hésites à demander mon aide. Si tu désires avoir une plante particulière et que tu ne veuilles quitter le chevet de tes malades, je pourrais m'en occuper pour toi ou même envoyer l'une de nos sœurs. "

Une meneuse se devait aussi d'être ouverte et accessible aux siens, c'était toujours ce qu'elle avait pensé...

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Tout paraissait si calme si doux. Tellement conforme à ce décor enchanteur qu'était celui qu'occupait la communauté des Eryllis. Et pourtant. Malgré cette beauté et cette douceur apparente, un ennemi invisible faisait des ravages en son sein. Le regard perdu dans le vague, la jeune médecin laissait ses yeux dérivées sur les visages de chacune des personnes sillonnant le petit village en contrebas de leur position. La vue était splendide, mais une pique restait ancrée au fond de son cœur. Une crainte sourde et bien présente. Et un mot qui revenait en boucle dans son esprit. Combien?

Combien de cas risquaient encore de se déclarer? Combien de temps avant de trouver le remède approprié? Combien s'en remettront? Mais surtout, serait-elle capable de tout mener à bien et en même temps? Oui, elle connaissait la médecine, mais elle savait aussi quelle part le hasard et la tâtonnement peuvent représenter dans les recherches. Hors, elle se refusait de se servir de ses sœurs comme cobayes. Dans ce cas, comment testé l'effet d'une nouvelle potion? La jeune femme était donc perplexe, inquiète quant à l'avenir, aussi bien proche que lointain.

Cependant, le fait de pouvoir exprimer ces impressions et ces inquiétudes sans crainte d'être jugée lui fit du bien. La présence de Sighild lui semblait presque rassurante. Et dire qu'à son arrivée, elle ne voulait même pas l'approcher. Comme quoi, il faut toujours aller plus loin que ceux que l'on voit. Et c'est à nouveau ce qu'elle devait faire. Ne pas s'arrêter aux symptômes et chercher la cause profonde de ce mal qui venait les frapper. Les paroles de sa chef résonnèrent doucement dans l'air, secret qui resterait uniquement le leur. Les autres ne devaient pas savoir pas encore. Poussant un soupir, Beyla répondit.

- Pas à ma connaissance. Je sais traiter chaque symptômes séparément, mais cela ne suffit pas. Je voudrais avoir de meilleures nouvelles, cependant, je n'ai que la vérité à offrir à vos oreilles.

Elle marqua un temps de pause, réfléchissant à ces derniers jours et à l'apparition soudaine de cette maladie étrange. Rien n'avait vraiment changé, le temps était de saison, pas de visiteurs incongrus à sa connaissances.

- Questionner d'autres médecins pourrait nous aiguiller, mais cela risquerait de prendre beaucoup de temps. Hors, c'est de cela que nous manquons cruellement. De plus, qui sait si ne sommes pas porteuse de ce mal sans l'avoir déclaré? Risquer de le développer en route serait mortel. Sans compter le risque de transmettre la maladie à d'autres et d'étendre ce mal à tout le monde. Je sais que la communauté passe avant tout, mais c'est un risque trop grand pour que le choix me revienne....

Non, elle ne supporterait de savoir qu'elle avait laissé une maladie inconnue se répandre sur Isthéria et que des centaines de personnes risqueraient de mourir par sa faute. Sighild aurait la sagesse nécessaire pour un tel choix, pas elle qui était déjà trop impliquée. Elle baissa le regard à nouveau sur les femmes vaquant à leurs occupations sans savoir ce qu'il se tramait. Elle se mordit la lèvre, espérant que les jours de celles-ci n'étaient pas en danger malgré le fléau invisible voguant tout près.

- Il est possible.... que l'origine de ce mal soit tout proche. Peut-être l'eau, les animaux, ou l'air. Quelque chose qui nous atteindrait toutes. Peut-être même lié aux Sphènes. Ce n'est qu'une intuition, mais cela expliquerait l'étrangeté des symptômes, la soudaineté de son apparition et la difficulté des femmes à s'en remettre. L'avis d'un autre médecin à ce sujet serait le bienvenue mais si mon idée se révélait juste, nous jouons contre la montre.

Oui, c'était un peu fou, mais voilà les conclusions auxquelles elle avait fini par arriver. Elle fixa Sighild, cherchant dans son regard à savoir si elle la croirait. Car même elle avait du mal à s'en convaincre. Pourtant, cela pourrait expliquer beaucoup de choses.

- Pour ce qui est de l'aide, j'ai surtout besoin qu'aucun vent de panique ne se déclare. Nous avons assez à gérer ainsi. Si deux de nos sœurs pouvaient m'aider à veiller les malades afin que je puisse concentrer mes recherches sur un remède, nous pourrions gagner du temps. Sinon, ce sont d'informations dont j'ai besoin. Toutes celles disponibles, autant sur le mal en lui-même que sur les Eryllis malades, leurs dernières activités, leurs habitudes.... D'information et de temps, bien que toute aide reste la bienvenue.

Les nouvelles étaient bien moins réjouissantes qu'elle ne l'aurait cru, et même si son pâle visage ne trahissait pas son inquiétude, son cœur qui battait lourdement en marquait les prémices. Il lui serait intolérable de devoir déclarer la perte de jeunes camarades parce qu'elle n'aurait pas pris les bonnes décisions... et pourtant, de façon assez cyniques, elle ne savait que trop que la nature en elle-même suivait un cycle, et que tôt ou tard, la vie périssait pour mieux renaître ailleurs. Est-ce que c'était ce qui attendait alors les Eryllis? Est-ce que cela signifiait que les plus belles de ces jeunes femmes mourraient sous peu, épuisées et incapables de reprendre des forces? De bien mauvaises visions effleuraient alors l'esprit de Sighild, des processions, des cérémonies de deuil... tout ce qu'elle désirait éviter même si cela n'en demeurait pas moins naturel. Non... elle ne laisserait pas une maladie venue de nul part saisir ces camarades sans chercher à la combattre, même si elle n'en demeurait pas moins invisible à ses yeux et obscures.

Beyla était une femme sage et prévoyante, ses paroles qui n'avaient guère rien de rassurants n'en étaient pas moins munie d'une cruelle vérité. Si ces symptômes ne s'étaient déclarées à nul autre endroit que dans les environs, il était risqué de faire partir l'une de ses sœurs qui pourraient porter en elle le mal latent. Jézabel pourrait-elle supporter d'avoir pris une telle décision? Au final, c'était comme si elle devait choisir entre sa famille et le monde... le malheur de quelques uns contre le bonheur de tous. Le dilemme était bel et bien là, pesant sur ses épaules fines.

" Je déplore cette vérité mais tu as parfaitement raison.... nous ne pouvons prendre de tels risques... Nous nous devons d'envoyer des messages à nos sœurs qui sont loin de nos contrées par simples précautions, nous nous devrons de leur demander de rester éloigner de Samhach tant que nous ne pouvons déterminer véritablement le sens de ce mal et de sa possibilité de contagion. Nous leur ferons également parvenir la demande de se renseigner auprès d'autres médecins... ne sait-on jamais. "

La jeune femme soupira alors quelques secondes même si elle demeurait parfaitement calme. Mais une étrange pensée vint alors l'effleurer.

" Aucun animal ne déplore des symptômes de nos sœurs, n'est-ce pas? Aucune chasseresse n'eut à constater des animaux morts mystérieusement ces derniers temps... Nous pourrons envoyer nos camarades apprivoisés porter l'information, ils seront plus rapide que nous... peut-être nous feront-ils gagner un peu de temps. "

C'était une façon aussi de conforter l'opinion de Beyla... le sphène... est-ce que son pouvoir catalytique se retournerait alors contre ses utilisateurs? Cela signifierait qu'il n'y a pas de contagions, mais un fléau possible qui pourrait toucher n'importe quels magiciens. L'idée ne paraissait pas absurde pour Sighild, il y avait tellement peu de chose que l'on connaissait sur ces pierres... on savait qu'elle s'épuisait à force d'utilisation mais qu'en était-il vraiment pour celui qui puisait cette énergie?

" Pour nos sœurs, je suppose que Fulla pourrait t'aider... et tu n'as qu'à choisir une autre consœur qui te semble digne de conserver une telle annonce pour elle. Peut-être qu'il sera bientôt temps que tu prennes une apprentie pour t'épauler. "

Un petit sourire chaleureux, ils étaient bien rares ceux qu'elle accordait ainsi... Sighild avait la majorité du temps les pensées prisonnières de ses fonctions, du poids de ces décisions et de la pression collective. La majorité de ses esquisses, elle les forçait un peu pour ne paniquer personne et les offrait surtout aux enfants.

" Pour tes informations, je chercherais à les regrouper moi-même, cela ne devrait pas mettre particulièrement difficile. Mais avant cela, puis-je te poser une question... nos sœurs malades, de quels peuples appartiennent-elles? "

Parfois, il suffisait de ce laisser guider par ses intuitions... elle faisait confiance aux siennes, mais aussi celle de son médecin.

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Tant de questions et si peu de réponses. Voilà la triste impression que lui laissait malgré tout cette discussion. Bien que des points positifs apparaissent lentement de ce micmac assez invraisemblable, trop de zones d'ombres continuaient cependant à ternir la vision que la jeune femme essayait de se faire de l'avenir. Prenant une grande inspiration, elle concentra sur les paroles de Sighild, essayant de bien faire le tri entre chacune de ses questions car la moindre erreur pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l'avenir de toute leur communauté.

Ainsi donc, certaines de ses sœurs allaient devoir se retrouver en quarantaine forcée loin de leur foyer tant qu'une solution durable et efficace n'aura pas été trouvé. C'était évidemment la voix de la sagesse, même si elle se sentait peinée de savoir ces femmes empêchée de revenir chez elle. En même temps, suivant où elles se trouvaient, leur mission de collecte d'informations pourrait se révéler plus que précieuse. Oui, c'était la meilleure chose à faire pour tout le monde.

Et puis, elle ne serait pas seules dans cette tâche puisque, dès que leur petit conciliabule aura prit fin, leur ami à quatre pattes iraient leur prêter main forte. Oui, plus que jamais, il fallait rester souder et solidaire.

- En effet, rien d'anormal n'a été rapporté au niveau du gibier capturé ou des animaux croisés en liberté. Comme si nous étions les seules visées par ce fléau étrange.

- Fulla fera une très bonne assistante et je pense savoir à qui m'adresser pour venir en renfort. Cependant, pour ce qui est de prendre une apprentie, je préfère attendre que les chose se tassent un peu. J'ai déjà quelqu'un en tête pour cela mais je pense qu'il faut être disponible et à l'écoute pour dispenser un enseignement digne de ce nom. Hors, ma priorité du moment reste le sort de nos compagnes.

Beyla avait déjà remarqué une jeune recrue qui était venue à plusieurs reprises lui poser des questions sur les plantes qu'elle faisait pousser ou la façon dont elle s'en servait. Elle avait lu l'intérêt dans ses yeux et cette petite flamme de celle qui chercher à comprendre. Elle serait ravie de la prendre sous son aile, de transmettre son savoir à quelqu'un. Ainsi, s'il lui arrivait malheur, elle saurait que quelqu'un serait apte à soigner ses sœurs de la meilleure des manières. Mais pas aujourd'hui. Ce n'était pas le bon moment pour ça.

Malgré toutes les interrogations que ce mal suscitaient chez les Eryllis, le sourire, rare et précieux de Sighild, lui fit chaud au cœur. Même si il lui arrivait de douter de ses capacités, le fait de savoir que d'autres avaient foi en elle suffisait à lui redonner confiance et courage. Elle lui sourit en retour, un peu fatiguée, avant de froncer les sourcils à sa dernière question.

- Les cas ne sont déclarés que sur des Terrans ou des Sindarins pour le moment. Peut-être les Yorkas sont-elles protégées par leur essence animale, puisque ceux-ci ne semblent pas touchés. Pour les autres, je n'en sais pas plus. Dans tous les cas, je vais surveiller cela de très près. Toute piste est bonne à prendre.

Les choses ne pouvaient pas aller plus mal pour les jeunes femmes. Craindre une épidémie était vraiment la plus mauvaise chose qui pouvait leur tomber dessus. Mais Sighild avait confiance en les capacités du médecin du village qui n'était autre que Beyla. Et il était encore et toujours amusant pour elle de savoir qu'il y avait quelques temps maintenant, la jeune terrane ne lui accordait aucune confiance, qu'elle ne l'aurait à peine regarder ou daigner lui offrir le bénéfice du doute. Il était toujours bien difficile de gagner la confiance de ceux qui n'en avaient plus envers qui que se soit. Cela ne l'avait guère étonnée et elle ne lui en avait jamais porté préjudice, pourquoi l'aurait-elle fait? Sa race lui avait sans nul doute causé de nombreux soucis, et même si elle se doutait qu'il ne devait pas être dans la nature de Beyla de mettre tout le monde dans le même panier, la suspicion, elle, restait. Heureusement pour Sighild, elle sût gagner le cœur de chacune des jeunes femmes qu'elle recueillait ici. Et c'était sans nul doute sa volonté de vouloir toutes les protéger comme elle le pouvait qui lui valait admiration et amour de son prochain. Ho, elle savait aussi qu'elle ne faisait pas l'unanimité, il ne fallait pas se voiler la face, et on ne pouvait plaire à tout le monde après tout... cependant, cela ne l'empêcherait pas de protéger aussi celles qui ne lui vouaient qu'un certain mépris.

Alors que la jeune femme lui déclarait alors qu'elle n'était pas prête à engager une personne à ses côtés. Beyla manquait encore d'une certaine confiance en elle dans certain domaine, alors que ses compétences étaient excellentes. Il n'en fallait pas plus pour lui arracher un sourire plein de tendresse pour son amie. Le doute était un mal dangereux pour quiconque, commencer à laisser ce serpent entrer dans son cœur, et il serait bien difficile de le retirer. La lhurgoyf ne le savait que trop... elle s'était laissée aveuglée par lui, une encre épaisse avait voilé ses yeux pour ne pas voir la vérité, pour ne pas suivre son intuition comme elle l'avait toujours fait et qui lui avait toujours donné raison. Cela l'avait amené à perdre une part d'elle-même et bien plus encore...

" Libre à toi de faire comme bon te semble... tu sais que tu as toute ma confiance. Ta décision sera la mienne. "

Ce fut alors que la jeune terrane - après tout, elle était sans nul doute la plus âgée des femmes qui foulaient cette forêt même si son visage ne trahissait les années qu'elle avait vu défiler - lui expliqua que jusque là, seules des terranes et des sindarines étaient touchées par ce mal mystérieux, et quoi de plus logique que l'on ne déplore aucune yorkas atteintes. Ceux qui avaient en eux une nature animale se montraient bien souvent plus résistants que quiconque.

" Peut-être y a-t-il une piste sur ce terrain là. Bien. Je ne vais pas monopoliser ton temps encore longtemps. Va et soigne nos compagnes. J'irais cueillir le plus rapidement possible des informations. Je vais envoyer Zodiark qui est le plus rapide d'entre nous apporter un message à Dim, peut-être qu'il aura une idée. De mon côté, je vais me rendre en ville. "

Portant alors une main réconfortante sur l'épaule de Beyla, elle lui sourit une dernière fois avant que leur chemin ne se sépare pour vaquer à leurs occupations. Sighild n'abandonnerait pas jusqu'à ce qu'elle obtienne une réponse et jusqu'à ce que les Eryllis malades soient parfaitement rétablies.... telle était la tâche aussi d'un meneur...

[CLOS]

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