Une allumette et un éléphant. [Pv Xakta]

C’était dans l’Eridania que Malona avait jeté l’ancre. Après avoir vadrouillé par ci par là à sa grande habitude sous sa forme favorite pour ses éternelles balades. Elle s’était arrêtée dans les Gorges de Paramis, le paysage était tellement beau qu’elle n’avait pas pu résister. Le côté mystique de la chose attisait la grande curiosité de la jeune Sindarin. Heureusement qu’elle avait de bonnes jambes, ou de bonnes pattes pour parcourir ce milieu montagneux. L’ambiance était très calme, peu de monde devait être dans les parages à cette heure-ci, en effet le soleil se couchait, et seuls les habitués pouvaient connaitre l’existence d’éventuels dangers, mais Malona courait indéfiniment des risques, sans jamais en avoir fait les frais… a son grand bonheur. Après avoir pris sa seconde apparence, plus animale qu’autre chose, elle s’était enfoncée dans les gorges pour déboucher sur un fleuve. La tentation était grande, il ne faisait pas froid, et des perles de sueurs venaient d’émaner de son corps à peine avait-elle reprit sa forme humaine. Elle ôta une de ses chaussures pour plonger le bout du doigt de pied pour goûter l’eau.

Le seul bruit environnant c’était celui de l’eau qui serpentait dans son lit, et les feuillages sous la douce brise. Sa vision étant développée, elle voyait assez bien dans cette nuit juste tombée, et les centaines de lucioles posées sur les rochers brillaient bien… oh, mais ce n’était pas des lucioles ! Des pierres de sphène ! Quel bonheur de les voir enfin de tout près, mais ça, c’était à voir plus tard, en attendant elle voulait se rafraîchir. Elle vérifia à droite puis à gauche, derrière et devant elle, avant d’ôter ses affaires, les déposer dans un coin sur un rocher. Elle s’approcha de l’eau doucement, en gardant ses mains sur ses attributs féminins au cas où puis chuta bêtement en se prenant les pieds dans un cailloux et tomba la tête la première, se fracassant le nez et en faisant un plat. Elle bondit nerveusement en sortant de l’eau et en poussant un cri de rage.

J’en ai maaaaaarre…

A son cri, de nombreux oiseaux alentours qui s'étaient paisiblement posés pour reprendre des forces avant un nouveau voyage s'envolèrent dans des piaillement bruyants Elle essuya son nez coulant d’un sang qui paraissait noir avec cette lumière nocturne et alla s’assoir, en prenant tout son temps, dans l’eau étonnamment calme.

Un craquement de bois distincts aux oreilles affutées de Malona se fit entendre, et la jeune femme bondit une nouvelle fois dans l'eau, à plat ventre laissant sa tête dépasser...

Qui va là ?!

Xakta continuait à errer en l’attente d’une mission en provenance de l’Ordre. Cela faisait bien trop longtemps qu’elle était laissée sans but précis. Cela aurait pu l’inquiéter si elle n’avait pensé que ce devait faire partie d’une sorte d’épreuve. Un enseignement par la pratique dont le sens lui échappait encore.

Huit jours plus tôt, peu après avoir quitté Hesperia, la Zélos avait été prise à partie par de simples détrousseurs. Un modeste groupe d’une dizaine d’âmes si tant est qu’ils étaient encore en possession de la leur. Le pas saccadé d’Enclume forçant la chevalière a la vigilance elle les avait repérés de suite, malgré leur vaine tentative de se dissimuler inhabilement dans les buissons bordant la route.

Evidemment, ils étaient animés d’intentions non louables et étaient prompts à la violence. On lui proposa un choix restreint, vivre pauvre ou mourir. Bien évidemment, aucun ne lui plut. Elle tenta de les raisonner, de les ramener à de meilleurs sentiments, de faire disparaître toute animosité. En vain. Voulant continuer sa route et sa vie, elle dut agir, à regret. Trois durent succomber sous les coups de son arme avant que les autres ne la laissent.

Violenter autrui, ou le tuer, cela faisait si longtemps. Et pourtant, comme à chaque fois, cela lui remémorait de sombres souvenirs. Cela lui rappelait sa défunte sœur. Sœur qu’elle avait faite passer de vie à trépas. Un être qui avait été toute sa vie. Elle pensa finalement qu’elle aurait dû accepter la demande des brigands de leur céder ses possessions matérielles.

Ressasser ces mauvaises pensées ne ferait pas revenir la morte. Ni n’effacerait le crime que Xakta avait autrefois commis. Il s’agissait d’un fardeau qu’elle se devait de traîner partout avec elle. La Zélos espérait pourtant qu’un jour, cette infâme erreur ne la tourmenterait plus.

Elle se reconcentra sur le paysage et le pas de sa monture pour ne pas se laisser surprendre. De plus, le jour avait laissé la place à la nuit, et par cette faible luminosité, les dangers étaient plus nombreux. Pour plus de sureté, Xakta longeait les rives du fleuve. Et, sans crier gare, Morfale atterrit brutalement sur son perchoir.

* Lueurs fantomatiques. Nombreuses. Accrochées aux parois. Immobiles. Envie de manger. Deux-pattes dans l’eau. Deux-pattes tombant. Deux-pattes hurlant. Peur. Envie de manger. *

En levant les yeux, Xakta remarqua les fantômes de la pie. Les pierres de sphène projetaient une pâle lueur éclairant faiblement la gorge. Cela expliquait pourquoi elle arrivait encore à voir malgré la tombée de la nuit.

Puis, Deux-pattes revint à sa mémoire. Elle avait vu son image dans l’esprit de son compagnon. C’était flou, mais il semblait s’agir d’une femme, dénudé qui plus est. Elle paraissait en détresse. Aussi, Xakta démonta et courut jusqu’au point de chute.

De prime abord, elle ne vit rien. Seulement, elle entendit une voix claire s’enquérant de son identité.

« Chevalière Selk ! Pour vous servir ! » répondit-elle d’une voix forte.

Puis, elle repéra une forme gisant dans l’eau. La femme n’avait que le fleuve pour seul vêtement.

« Hum… besoin d’aide pour vous extirper du courant. Et, pour vous couvrir ? »

Xakta se demandait comment la Sindarine avait pu se retrouver en ce lieu si peu chastement vêtue. Le fait de la voir dans une position si vulnérable lui fit songer que Malona devait fuir quelque chose, plus précisément quelqu’un doté de mauvaises intentions. Elle serra le poing en imaginant qu’on lui avait faire subir moult sévices.

Tel un crocodile guettant sa proie, les deux grands yeux clairs de Malo se posèrent sur son Bouzo, son vautour posé en haut d’un arbre. Celui-ci s’agitait, signe d’une présence, pas spécialement dangereuse sinon il aurait violement bondit dessus. Les oreilles de Malona tentèrent d’écouter les bruits d’approche de l’individu en question, mais il s’avérait que c’était bien plus compliqué que prévu, car ses oreilles étaient… sous l’eau, mais ça, elle ne le réalisa pas tout de suite. Les quelques vibrations de l’eau aurait pu être dues au courant, mais leur régularité étaient plutôt celles d’un cheval. Ses mains toujours sur sa poitrine, elle cherchait à ne pas couler en faisant plus ou moins l’étoile.

Une voix grave mais avec un fond de sonorité féminin arriva à parvenir jusqu’à ses oreilles, le début de la phrase fut incompréhensible mais alors qu’elle sortit ses oreilles immergées elle entendit « …servir ! ». Elle dirigea son regard vers la voix, et une forme monstrueuse et grande se dessina.

*Oh oh… me servir de quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?*

« Hum… besoin d’aide pour vous extirper du courant. Et, pour vous couvrir ? »

*Ouf…*

Euh… non, ben euh… en fait à la base je suis juste venue piquer une tête dans ce petit fleuve.

Elle posa un doigt contre sa narine voyant le sang qui coulait encore, en gardant précautionneusement son autre main sur sa poitrine.

Mais j’avoue que c’est une situation délicate… j’ai rencontré un rocher peu aimable, puis…. Vous ? Seriez gentil…le de vous retourner, je vais sortir de façon à être un minimum présentable…

Elle se mit accroupie, l'eau arrivant juste en dessous de ses épaules, elle fit signe à Bouzo de descendre, d'un sifflement entre les dents, et la bête atterrît lourdement au bord de l'eau, non loin de Xakta, et tira à l'aide de son bec les vêtements de Malona, qui s’éclaircissait la voix.

Xakta essaya d’imaginer un rocher aimable lorsqu’elle réalisa que la frêle allongée n’avait attribué des sentiments et des intentions au minéral uniquement dans le but de souligner qu’elle s’était cognée contre lui et non qu’elle avait réellement vu un rocher doué de vie. Elle secoua la tête pour chasser l’image naissante d’un être de pierre se mouvant.

« Ah ! Hum… oui, d’accord. Je vais vous laisser un tant soit peu d’intimité. » répondit Xakta lorsque la dévêtue lui demanda de se retourner.

La jeune femme était pudique, et cela la Zélos le comprenait parfaitement, aussi se détourna-t-elle du spectacle de la trempée comme demandé. C’est ainsi qu’elle vit le regard mauvais et mesquin d’Enclume. Le fichu canasson avait aperçu la jeune femme et désirait lui jouer un des nombreux mauvais tours se bousculant dans son esprit. Xakta n’avait pas besoin d’entrer dans sa tête pour savoir de quoi il en retournait, et surtout, elle ne voulait pas le savoir. Elle donna un coup de poing entre les deux oreilles du cheval faisant s’envoler Morfale de son épaule. Cela le calma de suite et une lueur de fureur cédant la place à la soumission passa dans le regard chevalin.

La pudeur, voilà, une chose que sa sœur ne connaissait pas. Jamais elle n’avait eu honte de montrer son corps et de faire étalage de ses formes généreuses. Et pour cause, elle était diablement séduisante.

Xakta, trente ans plus jeune, se leva en même temps que l’aube. « Bonjour, petite sœur ! » lui fit son aînée. Cette dernière était déjà debout, avec pour seuls habits ceux qu’elle portait à sa naissance. Elle s’étira lascivement et jeta un coup d’œil affamé à son lit et l’homme qui l’occupait. Un Zélos de son âge, tout en muscles, mais différent de celui de la veille et de l’avant-veille. « Le bruit ne t’a pas dérangée ? » fit-elle avec un sourire coquin. « Enfin, toi aussi tu connaitras ça un jour. ». Xakta ne put s’empêcher de rougir à ces paroles.

Le rouge monta aux joues de Xakta, non de honte, mais de colère. Envers elle-même. Pourquoi fallait-il qu’elle repense encore à sa sœur. Elle savait pourtant que cela la faisait souffrir. Elle tapa rageusement du pied pour faire sortir sa sœur de sa tête et se calmer.

Lorsque les graviers finirent par retomber suite à la violence éphémère de la Zélos, celle-ci n’entendit pas la jeune femme. Elle devait donc avoir fini de se rhabiller.

« Hum… êtes-vous… présentable ? » demanda Xakta tout en se retournant.

Et, tandis qu’elle pivotait sur elle-même, la géante aperçut un mouvement du coin de l’œil. Il s’agissait de Morfale qui à la manière d’un oiseau de proie se jetait sur sa cible, un poisson nageant près de Malona.

Un court instant cette personne étrange semblait plongée dans des pensées dérangeantes car celle-ci au bout d’un moment secoua la tête étrangement comme pour chasser des images. Malona connaissait puisqu’elle avait souvent des visions suites à des dires.
Alors que cette grande chose lui avait donné l’accord pour qu’elle puisse se rhabiller tout en se tournant, Malona sorti sans réelle grande gène de l’eau fraîche, pour y retourner instantanément en voyant une plante inconnue de l’autre côté de la rive.
Xakta était toujours de dos, et Malona nageait difficilement dans le sens contraire du courant, un peu en diagonal pour traverser le fleuve et atterrit de l’autre côté. Tellement absorbée par la plante, elle en avait oublié sa nudité et s’assit sur la berge, la fleur entre les mains qu’elle imita immédiatement en en faisant pousser un double juste à côté.
Un grand sourire se dessina sur ses lèvres. Tout à coup, un gros bruit lourd et gravioneux retenti du côté de Xakta ce qui fit peur à Malona qui tomba une nouvelle fois à l’eau, mais la plante dans les mains. Elle n’avait d’yeux que pour elle, et elle ne s’était pas sentie prendre par le courant.

Bouzo de son côté surveillait la scène entre Xakta et son petit moment coléreux, son cheval fou et autres animaux imprévisibles. Lui non plus n’avait pas remarqué ce qu’il s’était passé. Le courant était relativement fort, surtout lorsqu’on n’y prend pas garde, qu’on ne lutte pas et qu’on se laisse lentement glisser au fil de l’eau. Ses vêtements restés au bord de la rive s’éloignaient un peu plus de Malona… ou inversement.

Les mots qu’avait prononcé Xakta en dernier ne parvinrent pas aux oreilles, bien qu’affutées de Malona, trop dans ses pensées et ses recherches. La jeune femme nue, divaguait en tailleur dans l’eau, fleur à la main et regard pétillant…

Xakta vit Morfale plonger dans l’eau éclaboussant Malona au passage. La pie ressortit trempée, mais bredouille. La géante remarqua un détail, tout sauf insignifiant, la Sindarine n’était pas à son ancien emplacement et surtout elle ne s’était toujours pas rhabillée. Elle faillit se retourner une nouvelle fois lorsqu’elle comprit que la dénudée était emportée par le courant.

« Eh… » commença à crier Xakta à l’intention de l’emportée.

Seulement, elle ne connaissant son nom. Et, sans cela, elle ne savait comment l’appeler pour lui signaler sa situation.

Aussi la Zélos mit en mouvement son imposante carcasse et courut le long du rivage pour rattraper Malona. Sa pie s’était envolée à nouveau, mais uniquement dans l’espoir de dénicher un nouveau repas potentiel. Enclume, lui, clopinait derrière la Zélos sur les berges caillouteuses ne pouvant se mouvoir plus rapidement à moins de vouloir se fouler une patte ou pis se la briser.

« Eh, le vautour ! » fit-elle en tournant brièvement sa tête vers Bouzo. « Ramasse les affaires de… »

Elle se rendit compte que le volatile ne devait pas comprendre ce qu’elle lui disait aussi changea-t-elle de méthode. Tout en continuant d’aller plus vite que le courant emmenant l’herboriste, elle dirigea son esprit vers l’oiseau.

* Toi. Habits par terre. Les ramasser. Les amener. Vite. *

Xakta ne savait si ses pensées seraient bien comprises, mais elle n’avait le temps de s’en soucier. Elle avait grand peine à rattraper l’étourdie, mais elle gagnait du terrain, petit à petit.

Quelques courtes minutes de plus et elle fut enfin au niveau de l’immergée, puis elle la dépassa légèrement. Elle sauta inélégamment dans le courant, trop frais à son goût, et se mit face à Malona encrant sa masse dans le lit du fleuve dont l’eau n’atteignait que ses côtes. La Zélos était prête à recevoir la Sindarine et la stopper.

A peine une dizaine de battements cardiaques avant le choc. Et pourtant elle put voir Grosse-Bouffe piquer une nouvelle fois vers l’eau. Une gerbe d’eau s’envola, et en suivant par réflexe les gouttelettes virevoltantes son regard capta un autre mouvement. Un volatile inconnu qui s’envola haut dans le ciel. En l’observant rapidement elle aperçut alors une silhouette au sommet de la gorge. Elle n’eut que le temps de croiser son regard bleu saphir avant de devoir se concentrer pleinement pour attraper Malona sans faillir.

Et, la rencontre entre l’allumette et l’éléphant eut enfin lieu. La violence du choc, dut à la force du courant, déséquilibra Xakta. Elle recula d’un pas pour absorber le coup et stabiliser sa position. Enfin, elle resta immobile, Malona dans les bras. Elle avait réussi à la rattraper.

« Vous allez bien ? » demanda-t-elle tout en se dirigeant vers la rive.

* Toi. Habits par terre. Les ramasser. Les amener. Vite. *

Bouzo, s’il pouvait, aurait donné un regard halluciné à Xakta, mais ses petits yeux mesquins ne pouvaient pas réellement exprimer de sentiments. Il regarda les vêtements de Malona, et tandis que la grosse carcasse caillouteuse se mit à courir dans le sens de mon envolée peu glorieuse au cœur de l’eau, l’oiseau immense se saisit des quelques maudites fringues dans son bec et avança nonchalament dans cette même direction. Il savait qu’il n’y avait pas réel danger, étant donné qu’il m’était fidèle depuis quelques années et qu’il en fallait plus pour me mettre dans la mouise.

*C’est marrant, cette fleur à une couleur super conceptuelle. Oh et puis elle est toute jolie. Je me demande de quelle famille elle est… Son pistil est collant… c’est étrange. Beurk, mais il me colore les mains en vert ! *

Toutes ces pensées dans ma petite tête en un rien de temps m’empêchèrent de voir l’avancée épique de Xakta pour me sortir de l’eau. Une petite cascade arrivait non loin de là… héhé, comme dans les films… (anachronisme ? :P)

PLOUF. Je reçus une vague en pleine poire, la fleur prise dans le courant s’en allait sous mes yeux, mes mains retournant contre ma poitrine, Xakta avançant à grands pas.

Tout un tas d’actions eurent lieux mais… MAIS MA FLEUUUUUUR… ! Bouhouhou…
En effet, j’avais rien vu, rien entendu, rien remarqué, sauf la grosse masse devant moi.

« Vous allez bien ? » Tiens, ah ouais en effet, j’avais été interceptée, et au passage j’avais pommé ma fleur…

Ah tiens, salut, j’étais pas en danger, j’ai fais trempette ! Mais merci. Hum… Tu pourrais nous sortir de là ? Je crois qu’une sangsue s’est collée à ma cuisse.

« Hum… oui. Oui. Cela est possible. »

Xakta portant Malona dans ses bras lutta aisément contre le courant et se dirigea vers la rive. Elle attendit que Bouzo arrive avec les vêtements pour déposer délicatement Malona. N’ayant oublié la mention de la sangsue, la Zélos se pencha vers la bestiole. Elle la saisit entre deux doigts et fit pression jusqu’à ce qu’elle arrête de ponctionner du sang. Elle se retrouva avec la bête à moitié écrasée dans sa main et la regarda d’un air absent.

« Hum… vous désirez la garder en souvenir ?, » demanda-t-elle en tendant la sangsue.

La chevalière sentit un poids percuter son épaule la faisant lâcher l’annélide qui tomba mollement sur les cailloux. Morfale était de retour. Xakta connecta son esprit à celui de la pie par réflexe.

* Faim. Mouillée. Froid. Faim. Déçue. Trempée. Bredouille. Gelée. Faim. Fleur. Fatiguée. Faim. *

Pour changer, Estomac-Ailé avait encore envie de bâfrer. Son appétit était sans limite. Pourtant, la fleur qu’elle portait dans son bec, elle n’y avait pas touché. Pour cause, elle préférait la viande, bien juteuse et grasse. Elle la laissa tomber nonchalamment ne sachant pourquoi elle l’avait gardée après l’avoir pêchée à la place du poisson qu’elle convoitait. Elle repartit d’un battement d’aile à la recherche de nourriture.

Xakta légèrement ébranlée par le départ rapide de la pie ne réussit à rattraper la fleur. Elle se pencha donc pour ramasser, délicatement, la prise de Morfale et ce juste avant qu’Enclume n’arrive avec ses gros sabots. Le canasson tenta de mordre, amicalement selon sa définition, la main de la Zélos. Il n’eut que le droit de prendre un coup de poing entre ses oreilles. Puis, pendant que penaud le cheval s’éloignait, Xakta observa la plante mouillée.

Pour la chevalière, la fleur n’était rien d’autre qu’une fleur. Un végétal avec des feuilles, des pétales et une fragrance agréable. Et une tige velue et douce qui tâcha les mains de vert. N’étant intéressée par cela, elle la jeta. Vers Malona. Elle remarqua ainsi que cette dernière était toujours dénudée.

« Hum… je vais vous laisser un peu d’intimité pour vous couvrir. »

Elle se détourna donc de la jeune femme et s’en éloigna de quelques pas. Elle s’approcha de sa monture et fouilla les fontes à la recherche de rechange sec. Tandis qu’elle cherchait, elle entendit la dégringolade de cailloux et petits rochers qui finirent leur course dans le fleuve. Elle leva les yeux vers la source.

En hauteur. Au sommet de la gorge. Une silhouette. Xakta prit plus de temps pour l’observer. Il s’agit de même être que précédemment. Elle l’avait reconnu à son regard glacial, bleu. Fine silhouette féminine sculptée pour l’agilité et la rapidité. On sentait de suite la force contenue dans ce corps. La chevalière vit la femme sortir un objet insolite, une sorte de tube, qu’elle porta à son œil droit et dirigea en sa direction. L’inconnue porta son attention sur Malona et soudainement sourit et rangea l’étrange appareil. Puis, elle disparut du champ de vision de Xakta.

Cela ne présageait rien de bon pour la chevalière. Elle ne prit donc pas le temps de changer pour des habits secs. Par mesure de sécurité, elle sortit de la sacoche une fiole bien emmitouflée au liquide carmin et l’attacha à sa ceinture. Puis, elle prit sa masse en mains reposant le manche sur son épaule.

« Hum… vous êtes habillée à présent ?, » demanda Xakta en rejoignant Malona mais lui tournant toujours le dos. « Je suppute que nous allons avoir de la compagnie sous peu. Seulement, je ne sais si elle se révèlera amicale ou belliqueuse. Je vous enjoins donc de vous préparer à toute éventualité. »

La Zélos parcourut la gorge du regard ne sachant d’où la femme pourrait surgir. Elle avait l’impression d’être coincée, piégée n’ayant aucune échappatoire en cas de problème. Elle espérait que la femme ne viendrait pas pour se battre.

A peine elle avait été choppée dans les bras de la Zélos, les fesses de Malona venaient de subir une sensation assez surprenante. L’hirudinea de 5 cm de longueur, petite bestiole d’eau douce, venait de détacher ses ventouses de l’arrière train de Malo. Ce parasite temporaire venait de rendre l’âme entre les grands doigts de la Zélos.

La garder ? Euh… non, sans façon en fait…

Xakta avait tourné le pas, Malona à terre, les pieds mouillés qui commençaient à geler dans le coin d’ombre porté par un grand chêne. Bouzo était d’humeur farceuse, et alors que la Zélos vaquait à ses occupations, la jeune Sindarin, pour ne pas paraitre plus idiote qu’elle avait déjà pu l’être entama discrètement une course poursuite avec le vautour, vêtements au bec. La bête à l'apparence trapue et arrogante, lançait un regard malicieux à la pauvre jeune femme dénudée qui courait difficilement sur les petits cailloux parsemés tout autour du point d’eau. Heureusement que sa seconde apparence lui permettait d’être un semblant discrète, sinon le monde entier aurait pu entendre à quel point Malona enchainait les chutes. Après une petite session de course à pieds avec le bestio, elle réussit à prendre ses affaires, à se les coller à la peau, à revenir vers Xakta et à ce même moment une voix grave retentit, faisant sursauter Malo.

« Hum… vous êtes habillée à présent ?, »
« Je suppute que nous allons avoir de la compagnie sous peu. Seulement, je ne sais si elle se révèlera amicale ou belliqueuse. Je vous enjoins donc de vous préparer à toute éventualité. »

Hein ? Comment ça de la visite ? Et elle n’avait rien entendu, ni vu ? La jeune femme scruta les environs tout en jetant un petit caillou sur le crâne de Bouzo qui semblait ricaner dans son coin du malheur de sa pauvre maîtresse.

Non, non, c’bon, j’suis enfin habillée ! Je crois… Qu’avez-vous vu ? Ou entendu ? Ou présagé ? Ou bien, comme nombre de gens ici vous avez un super pouvoir de la mort qui tue et vous voyez à l’avance des brides de futur ? On sait jamais hein…

Méfiante sans réellement l’être, Malona recula un tout petit peu pour prendre du recul et regarder dans la même direction que Xakta, en haut de la gorge de Paramis. Et c’est avec exploit… qu’elle ne chuta pas.

Alors qu’elle avait encore le regard perdu au sommet de la gorge, Xakta entendit Malona s’approcher et lui répondre. Au moins, cette dernière était enfin vêtue. Ce qui faisait un souci de moins à affronter. Puis, elle quitta les hauteurs des yeux pour se concentrer sur la jeune – du moins physiquement – femme afin de lui répondre.

« Hum… je n’ai point de pouvoir de préscience. J’ai seulement aperçu une femme blonde, une guerrière probablement, qui nous observait. Cependant, elle est sortie de mon champ de vision et j’en ai déduit qu’elle comptait nous rejoindre. »

Quelques secondes passèrent seulement après la réponse donnée par Xakta lorsqu’une voix sonore, autoritaire mais mélodieuse se fit entendre.

« Ne faites rien, sinon je vous passe au fil de mon épée » fit-on d’un ton glacial.

Là, la svelte, mais néanmoins musclée, blonde surgit de leur droite. Elle courait vers eux la lame levée devant elle. Xakta serra davantage sa prise sur la masse et la souleva légèrement de son épaule. Puis, l’inconnue s’arrêta brutalement à deux mètres d’eux et abaissa son arme, pointe contre le sol.

« Non, je rigole. » dit-elle avec un grand sourire. « Mais pas que ! » ajouta-t-elle cassante. « Bon, trêve de plaisanteries. » sourit-elle. « Oui, vous n’avez pas intérêt à plaisanter avec moi ! Compris ? » lâcha-t-elle avec hargne. « Je suis là car je veux que vous me donniez quelque chose. » fit-elle sereinement. « Votre vie ! » cracha-t-elle avec un rictus mauvais. « Mais non ! » nia-t-elle. « Je voudrais la myale diairei que vous avez. » demanda-t-elle en désignant la fleur à terre. « J’en ai besoin pour… vous tuer ! Non ! C’est une plante médicinale. J’en ai besoin pour fabriquer un… poison ! Non, un remède. »

La jeune femme avait lâché son épée et commençait à suer à grosses gouttes. Elle était complètement tendue, les nerfs à vif. Elle paraissait totalement déboussolée.

« Aidez-moi… » dit-elle d’une voix plaintive et tendant sa main en direction de Malona et Xakta. « … sinon, j’vous tue ! » grogna-t-elle faiblement cherchant son épée de son autre main.

Puis, d’épuisement, elle chancela, finit par perdre connaissance et tomba. Xakta fit un pas rapide en direction de l’évanouie et la rattrapa de justesse par le bras lui évitant de se cogner violemment le crâne contre le sol rocailleux. La chevalière se contenta ensuite de déposer la blonde sur le sol aussi délicatement que sa carrure le permit.

« Hum… une idée sur la façon de répondre à son appel à l’aide, hum… Au fait, puis-je connaître votre nom ? » demanda Xakta tout en se tournant vers Malona.

Bien que Xakta soit capable d’aider les gens, et vivait en grande partie pour cela, le problème que la guerrière semblait lui offrir sortait du cadre de ses compétences. Elle ne se rappelait pas avoir déjà vu quelqu’un agir ainsi. Y compris sous l’effet de l’alcool, et de substances interdites. Elle espérait donc que la sindarine pourrait l’aider. La seule chose qu’elle pouvait faire était d’éloigner ce qui pouvait servir d’arme. Donc, après avoir déposé sa masse et l’épée à quelques mètres de distance, elle entreprit de dégager le pourtour de la blonde des pierres qu’elle pourrait utiliser comme projectile en cas d’une nouvelle crise à son réveil.