[L'Ordre des Rôdeurs] L'enrôlement d'une Amazone

— Tauron, je t'en pris ! Je sais que Délil apprécie tes petits intentions, mais il y a tout de même des limites !

Un vieil homme d'un certains âge grondait sévèrement sur un noble Sindarin qui avait envahis - par le biais de sa maîtrise de la Nature - chaque recoins du temple de magnifiques fleurs odorantes et des plantes grimpantes qui offraient un spectacle spéctaculaire ; c'était comme si la pierre et la flore ne faisait plus qu'un après que le Temple ait été abandonné durant des millénaires. Et si le vieillard, qui était un réalité un Gorgoroth, trouvait qu'il avait poussé le bouchon un peu trop loin, un Syphide s'empressa de prendre sa défense d'une voix extrêmement apaisée :

— Eressëa, laisses le faire... c'est tellement... bon...

Le Sylphide se laissa subitement tombé en arrière sous les regards totalement ahuris des quatre autres homme présents dans la salle. Ainsi s'étaient rassemblés le Maître-Rôdeur avec ses quatre conseillers dans le magnifique Temple qu'était celui de Délil. Une délicieuse odeur de thés planait dans l'air, emporté par les zéphyrs parfumés aux innombrables fleurs qu'avait fait pousser Tauron, l'Ancien de l'Est. Un Sindarin quelque peu silencieux qui vénérait comme personne le Dieu de la Flore et de la Vie, même si son amour pour lui laissait quelque peu Eressëa dans l'incompréhension. Ancien du Sud, il considère les Dieux comme des Légendes depuis qu'il est devenue Gorgorth. Par ailleurs, il avait tendance à taquiner Firimar, l'Ancien de l'Ouest qui n'était qu'un simple Terran parmi eux. Quelque peu silencieux et introvertis, il veillait cependant sur ses confrères et à ce moment précis il ne faisait pas une exception en se penchant au dessus du Sylphide du nom de Vronwë.

— T'es mort ?
— J'en ai l'impression... c'est merveilleux...

Les trois Anciens s'échangèrent un regard questionneur et Aldaron, dit Maître-Loup, Maître-Rôduer de l'Ordre, riait doucement, attirant l'attention de ses confrères. Il s'exprima alors d'une voix extrêmement posée et profonde :

— A chaque fois que tu viens ici, Vronwë, j'ai l'impression que tu redécouvres la vie... La neige commencerait-il à t'ennuyer ?

Le Sylphide grimaça. Ancien du Nord, il assume son rôle dans les contrées de Cimmeria depuis maintenant plusieurs siècles. Cependant, vivre dans cette contrée reculé avait ses désavantages, notamment l'absence de certaine flore. Alors, à chaque fois qu'il revenait à Noathis, ce fut pour lui comme le paradis, profitant de toute cette verdure et ces odeurs floral qui le rendaient complètement hagard.

— Essayes tout de même de vivre, mon Frère, commença Eressëa d'une voix moqueuse, n'oublies pas que Desmond doit nous présenter sa petite apprentie !
— Si on m'avait dis qu'il se déciderait à avoir une apprentie... murmura Tauron en caressant une rose qu'il venait de faire pousser.
— Seuls les idiots ne changent pas d'avis ! Assura le Sylphide et s'asseyant à nouveau, sauf si tu t'appelle Eressëa...
— Connard !
— Vieille branche !
— Coquille vide !
— Vieux cadavre !
— Vieille relique !
— Chair putride !
— Mais fermez là ! s'exclama Firimar en jetant un regard noir à ses deux confrères.

Aldaron et Tauron souriaient de bon coeur ; décidément, ils ne changeraient jamais, toujours à se voler dans les plumes comme des frères qui ne cessaient de vouloir prouver que l'autre était plus intelligent que l'autre.

— Allons les enfants, murmura Maître-Loup d'un sourire quasi paternel, reprenez votre sérieux, car il me semble que notre cadet est en approche.
— Ho ! La petiote s'est enfin décidée ? Demanda le Gorgoroth en se resservant une tasse de thé. Elle s'appelle comment déjà ?
— Raven... répondit simplement Tauron en s'asseyant avec ses compagnons.

Un lourd silence s'installa subitement qui fut brisé par l'intervention Firimar qui semblait être le seul à ne pas comprendre l'importance de cette femme.

— J'ai déjà entendu son nom quelque part...
— Raven, entama Tauron d'une voix stoïque. Eryllis, bras droit de Sighild, torturée à la suite de sa capture par des brigands. Elle s'en sortira cependant avec de nombreuses cicatrices, notamment la perte de sa vue total.
— Pauvre enfant... murmura Eressëa en buvant une gorgée de son thé.
— Cela faisait longtemps qu'une Eryllis n'était plus rentrée dans nos rangs, remarqua le Sylphide, n'est-ce pas Aldaron ?

Le Maître de l'Ordre, qui semblait bien silencieux aujourd'hui, acquisa en silence. En réalité, il était à chaque fois pensif lorsqu'une nouvelle recrue arrivée, car lui seule déterminait si oui ou non l'un de ses Hommes pouvaient détenir un apprenti. C'était donc une décision qui ne devait pas se prendre à la légère, car elle mettait une vie en jeu.

Soudain, le grincement de la porte principale se fit entendre, faisant relever la tête aux Rôdeurs. Ils étaient là et les clapotement des pas des deux jeunes gens se faisaient entendre de plus en plus à chaque mètres qu'ils grappillaient.

— Elle est pas assommée ?! Remarqua aussitôt Eressëa en entendant les pas de la jeune femme.
— Par tout les Dieux ! Le ciel va nous tomber sur la tête ! Exagéra pleinement Vronwë.
— Pourquoi faut-il toujours quand on assomme nos recrues ? Demanda sagement Firimar.
— Une vieille coutume de Rôdeur quand notre repère était dans un endroit précis... Ha... c'était la belle époque...
— Et de ce fait, commenta Tauron d'un sourire nostalgique, nous assommions les recrues potentielles pour garder l'endroit secret. Et puis, nous avons dut quitter le repère et depuis nous partageons la maison de Délil et de Fen.
— Mais c'est plus un secret alors ? Remarqua Firimar en fronçant sévèrement les sourcils.
— Non.
— Mais dans ce cas, pourquoi nous continuons à les assommer ?
— Parce que c'est marrant, s'exclamèrent les trois autres Anciens en coeur.

Aldaron ne put s'empêcher de secouer la tête avec un sourire aux lèvres tandis que la porte s'ouvrait face eux, dévoilant un loup et une jeune femme aux regard voilés. Alors, un sourire paternel se lisait sur les lèvres du Maître-Rôdeur, comme à chaque fois qu'il retrouvait un de ses Hommes qu'il considérait comme ses enfants. Sa voix était ainsi douce, profonde, et harmonieuse :

— Asseyez-vous, tout les deux. Desmond, heureux de te revoir, j'espère que tes journées furent favorables. Mon enfant - dit-il en se tournant vers l'Eryllis - soit la bienvenu en notre compagnie. Je me présent, on me nomme Maître-Loup, je suis le Maître de cet ordre depuis bien trop longtemps. Tu es en compagnie de mes quatre conseillers ; Eressëa, Vronwë, Tauron et Firimar. Sais-tu pourquoi es-tu ici, Raven ?

Les dés du Destin étaient lancés ; la jeune femme ne pouvait plus faire marche arrière. Cette rencontre allait déterminer son avenir mais encore fallait-il savoir si elle était prête à rentrer dans cette voie.

Au vu du ton qu'employait Raven, pour sûr que ses interlocuteurs auraient mal pris son comportement. Mais pourtant, face à ce petit bout de femme qui n'hésitait pas à dire tout haut ce qu'elle pensait, ce n'était ni de l'outrance ou même de la colère qui se lisaient dans leurs yeux, mais bien de l'amusement. Pourtant, il n'y avait rien de drôle de se faire ainsi tacler, surtout par une jeune Terranne, mais c'était bien un sourire attendris qui se voyait sur leurs visages tandis que les Rôdeurs buvaient leurs tasses de thés en s'échangeant un regard sous entendus. Eressëa ne manqua pas par ailleurs de rappeler avec une pointe de nostalgie à quelle point l'Eryllis ressemblait à Dents-Acérées lorsqu'il était plus jeune, et tandis que les autres Anciens approuvèrent d'un léger gloussement, Maître-Loup, toujours un doux sourire accroché aux lèvres, lui lança un regard lourd de sens ; ce n'était pas le moment de partir dans ses longues discussions au sujets de leurs cadets. Le Gorgoroth présenta alors ses excuses pendait qu'il se versait une nouvelle tasse de thé tandis que Desmond était en train de gronder Raven comme l'aurait fait un père.

Ce fut par ailleurs avec les yeux d'un Père que Maître-Loup observait la jeune femme s'exprimer ; il y avait quelque chose de cruellement innocent aux yeux du Maître Rôdeur au sujet de l'Eryllis. Il voyait en elle un animal effrayait qui ne savait plus quel chemin prendre et face à cet tel désarrois, il ne pouvait s'empêcher de la regardait avec attendrissement pendant qu'elle prenait la parole. Ses yeux animales se tournèrent ensuite vers Desmond qui lui fit face en bouclier humain sur sa potentielle protégée, un détail qui n'échappa pas aux Rôdeurs qui se mirent à sourire. Ils se surprenaient à penser que ce rôle de Protecteur lui allait à ravir et cela faisait plaisir à l'entendre ainsi faire des éloges sur les capacités de Raven ; il ressemblait à un Papa fière d'avoir cette Terranne pour fille ! Même si cette dernière semblait être en pleine crise d'adolescence au vu de petit caractère ; le simple fait qu'il ait réussi à la percer à jour l'énerver ! Eressëa lança un nouveau un regard à ses frères d'armes tandis qu'il retenait son rire ; oui, elle était exactement comme Dents-Acérés lorsqu'il était jeune ! Et les Anciens s'exaltaient à la penser que Desmond allait sûrement en bavait pour éduquer cette jeune sauvageonne.

— Tu as bien su soutirer tout ce que l'on t'a enseigné, Desmond, je te félicite, annonça Maître-Loup toujours avec cette voix calme et de ce léger sourire. Il semblerait, en effet, que tu aies trouvé une perle rare...

Malgré le malaise de Raven, rien ne semblait ébranler la sagesse et la tranquillité du Maître-Rôdeur. Ses siècles d'existences lui avaient forgé un caractère solide, calme et posé, comme un chêne centenaire profondément ancré dans ses terres ; rien ne semblait l'atteindre, quoi que cette qualité pouvait être aussi déroutante. Pourtant, lorsque l'Eryllis lui demanda pourquoi il avait fondé cette Ordre, quelque chose passa dans son regard animal et les Anciens semblaient ravir qu'elle ait posé cette question. Ils s'installèrent tous confortablement, leurs regards rivés sur leur Mentor. Un silence troublant était tombé, seul le bruissement du vent se faisait entendre. Le visage de du Maître-Rôdeur semblait s'être assombris tandis que son regard pourtant vif était voilé, comme si il s'était replongé à ses plus jeunes années :

— Crois-tu, mon Enfant, que les Yorkas furent de tout temps respectés ? Crois-tu qu'on nous ai donné le même rangs que les autres Races ? Nous pauvres créatures qui partageons en notre sein un esprit animal ? Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours connus la marque des chaînes, le claquement des fouets, la famine, la pauvreté et la mort. Même à ton âge, je fus enchaîné et je ne comprenais pas pourquoi on nous traités ainsi, comme du bétails, des esclaves à la merci du plus offrant... J'avais beau regardé autour de moi ; les soldats, le Roi, les nobles... tous étaient pourris. Ils ne voulaient pas voir la souffrance du peuple, ils ne regardaient guère au-delà des apparences... Les jeux du pouvoir et d'argent écrasaient ce pauvre Peuple qui agonisaient chaque jours un peu plus, en priant chaque jour qu'on leur vienne en aide. Mais ce jour n'était jamais arrivé, ni même pour moi dont mes chaînes avaient entraîné ma mort...

Il but une gorgée de son thé tandis que ses confrères le dévoraient du regard à l'attente de la suite de son histoire :

— Mon corps était enterré, ici, à Noathis et lorsque je me suis réveillée de mon sommeil cadavérique, j'ai du réapprendre à vivre parmi Délil. Au fil du temps je suis devenu une créature de la Forêt, capable de faire qu'un avec l'environnement et ses habitants. Ce fut ainsi dans le Royaume de Délil et de Fen qui j'ai enfin acquis la liberté que j'ai toujours désiré, pendant que le Peuple sombrait. Et je les regardais, sans que je puisse faire quoi que se soit. Et je ne comprenais pas ; pourquoi personne ne venait les aider ? Pourquoi personne ne les considérait-il ? Alors, ma haine envers les plus Haut me permit de me rendre plus fort, ma vengeance, de construire mon chemin et lorsque je sentis que je fus assez fort, j'étais décidé à changer moi-même le monde...

Maître-Loup gloussait doucement, secouant légèrement la tête.

— Ha quel naïf... puisque je voyais que tout était pourris, que personne était décidé à venir en aide à autrui, j'ai pris donc le poids de vouloir aider, sans rien demandé en retour, seulement un sourire de leurs pars. Petit à petit, j'ai rencontré des personnes sur ma route qui désiraient se joindre à moi ; ils désiraient avoir un nouveau départ, se racheter de leurs fautes, aider et découvrir le monde. Sans que je m'en rende compte, ils me suivaient, ils me considéraient comme leur chef et des liens se sont crées ; le lien de la famille. Alors, nous nous sommes promis que quoi qu'il arrivait nous nous aiderons, nous nous aimerons et que jamais nous nous abandonnerons. Que personne ne puisse nous mettre des chaînes, nous empêcher d'apprendre, d'aider et de vivre. La Graine de l'Ordre des Rôdeurs fut posé.

Il se resservit une autre tasse de thé, qu'il savoura jusqu'à la dernière goûte :

— Et les années ont passés ainsi que les siècles. De nombreuses vies ont disparu et d'autres sont apparues. Ils étaient ma seule famille, moi qui n'avait jamais connu cela à ma naissance alors je les protégeais comme si ils étaient mes prunelles. Quant au Peuple, il avait toujours besoin d'aide, quelle que soit la Race, du plus pauvre ou plus riche. Ma promesse de venir en aide aux autres et de changer le monde n'a cessé de me nourrir chaque jour et cette graine que j'avais planté avait finalement grandis. Je savais que ma lutte était éternelle et si je devais quitter ce monde, d'autres prendraient ma place pour l'accomplir, je devais donc construire l'édifice de l'Ordre pour accueillir mes semblables... Pourquoi ai-je crée cet Ordre ? Pour offrir un foyer et une famille à ces personnes que je rencontrais et qui désiraient partager le même combat... pour les apprendre à vivre et comprendre la vie... Et surtout pour se battre contre elle, pour les unir, car unis, nous sommes plus fort. Et notre force aidera Istheria à devenir, qui sait, un monde meilleurs.

Et le vent gémit, emportant au loin la promesse des Rôdeurs vers un nouveau horizons.

Plus le temps passait plus l’ambiance de cette salle de réunion semblait sereine. A mesure que les paroles du maitre loup s’échappaient de sa bouche, Raven s’apaisait. Elle commençait à avoir l’impression d’être effectivement hors de danger. Peut-être était-ce du à la présence de Desmond… ou du maitre loup qui effectivement dégageait autour de lui cette aura bienfaisante. La jeune terrane ne relâchait pourtant aucunement son attention sur les hommes l’entourant. Entre ceux qui gloussaient et ceux qui murmuraient… sans parler de cette odeur écœurante. D’ordinaire elle aimait le thé, mais cette sensation d’anxiété, d’incertitude la tuait de l’intérieur, elle ne savait apprécier quoique ce soit de l’actuelle situation, que ce soit les plaisanteries de mauvais gout de ces… rôdeurs. Ou l’odeur pourtant si stimulante de ce thé à la cannelle. Ce n’était pas de l’amusement qu’elle éprouvait à travers ces plaisanteries de secondes zones, mais bel et bien un mal de tête pénétrant. Et cette odeur sucré ne lui mettait guère l’eau à la bouche… elle éprouvait simplement un besoin irrépressible de respirer l’air pure.

*Pour l’amour de Délil… je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps dans cet enfer.*

La jeune terrane était bien trop perturbée et inquiète pour songer à rompre le charme. Elle avait bien trop besoin de ses sens acérés pour prendre la fuite au cas où. C’est pourquoi malgré ce vague sentiment se sécurité qui commençait à s’installer dans son esprit, elle se refusait de baisser sa garde. Si elle venait à être prisonnière une nouvelle fois… elle n’aurait probablement pas autant de chance que la dernière fois. Après tout elle n’avait perdu que la vue et souffert quelques heures tout au plus… Elle pensait que les hommes autours d’elle seraient moins négligeant que ces chasseurs.
Les paroles du maitre loup ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd. Raven se fit un devoir de l’écouter attentivement… enfin autant qu’elle le pouvait. Ainsi ce pauvre homme était mort il y a de cela bien longtemps… pas étonnant qu’elle ne parvenait pas à entendre son cœur battre. Cependant de sa mort il avait su tirer la force nécessaire pour donner vie à ses convictions. Il avait même vécu en osmose avec la forêt. Raven semblait entendre un récit s’inspirant de sa vie… même si elle avait souffert moins et moins longtemps que ce pauvre homme.

Cependant les similitudes de leurs histoires respectives s’arrêtaient ici… Car elle n’avait pas eu la force de forger sa propre voie. Elle n’avait pas su rallier d’autres cœurs à sa cause, cependant… quelqu’un d’autre l’avait fait à sa place. Sighild… Tous les hommes de pouvoir devaient-ils ainsi passer par de telles épreuves ou être le dernier des chiens opportunistes et manipulateur pour ainsi gagner en convictions ? Etait-ce qui faisait défaut à Raven ?

Avait-elle seulement foi en elle ?

Peut-être devrait-elle songer à s…

« Ha ! J’en peux plus !!! »

La terrane se dressa subitement sur ses jambes et s’empressa de courir à la fenêtre la plus proche qu’elle ouvrit si fort qu’elle manqua de peu de l’arracher. Elle passa sa tête à l’extérieur et inspira une grande bouffée d’air… cela lui rappelait cette horrible sensation qu’elle avait éprouvé durant le procès de Torenheim. Actuellement, elle était à deux doigts de vomir. Reprenant son souffle petit à petit une odeur familière lui parvint. Fichtre, elle était tellement anxieuse qu’elle n’avait même pas fais attention à cela. Cette saleté d’herbe à pipe !

« Je regrette d’avoir à vous demander cela, mais pourriez-vous éteindre vos pipes !? Cette fumée abjecte me donne des haut-le-cœur… »

Cela lui rappelait cette fâcheuse tendance qu’Aliénor avait à fumer, à chaque fois cette odeur semblait couper son souffle à l’amazone. Elle ne parvenait pas à supporter ce parfum de brûlé parfumé à on ne sait quelle mauvaise herbe. En y réfléchissant c’était d’ailleurs la même odeur. Raven se tourna alors vers le maitre loup.

« Je suis navré pour cette interruption… je m’en voudrais de régurgiter mon repas devant cette assemblée ô combien discutable. Cependant je comprends votre histoire, mieux que vous ne sauriez l’imaginer. »

Après avoir une dernière bouffé d’air pur parfumé aux vapeurs de cannelle, Raven revint s’asseoir auprès de Desmond qui lui aussi ne pouvait s’empêcher de rire. L’histoire du Maitre loup ne pouvait que rappeler sa propre histoire à Raven, ainsi que celle de Sighild. Etait-ce donc sa destinée que de lutter pour la liberté ?

« J’ai longtemps suivit des idéaux semblables aux vôtres… aujourd’hui je ne saurais guère cacher que cette espoir m’a quitté. Je ne suis plus capable de croire en ceux pourquoi j’ai lutté durant ces dernières années. » La terrane marque une courte pause. « Cependant j’avais peut-être simplement besoin de trouver quelqu’un d’autre pour me guider à travers cette voie. Peut-être êtes-vous celui que je recherche… et peut-être pourriez-vous aussi m’apprendre à refaire confiances aux hommes par la même occasion. » lança-t-elle avec un sourire amusé. « Je constate qu’il n’y a pas une seule femme ici à pa… »

…

« Ha… »

C’... C’était exactement la même odeur !!!!!?

« Ce… cette herbe à fumer !!! Où !? Où l’avez-vous acheté !? Où parvenez-vous à vous la procurer !? »

Raven semblait non pas folle de rage mais prise d’une célérité soudaine. Un air presque frivole pouvait se lire sur ses lèvres, car oui elle était excitée par cette découverte.

« C’est… c’est la même herbe que fumait Aliénor ! »

Les Rôdeurs se resservaient du thés tandis qu'Eressëa, Firimar et Vronwë inspiraient profondément une autre bouffée de leur pipes, savourant la saveur acre laissé au fond de leurs gorges. Les volutes de fumées alourdissaient ainsi considérablement l'air, mélangeant ainsi les effluves florales et de cannelles avec celui d'une herbe brûlée. Pour certains, cette ambiance serait bien invivable, mais pour les Rôdeurs cela rappelait simplement les beaux jours de leur Ordre. Ils était donc nullement perturbés, bien au contraire, cela avait presque l'effet d'un calmant pour les hommes à la cape qui étaient détendus au possible, même pour Tauron qui n'était pourtant pas un grand fumeur. Ainsi, ils ne pouvaient se douter que toute cette senteur pouvait déranger autrui et surtout pas un membre des Rôdeurs, alors quand la pauvre Raven s'était soudain levée avec hâte jusqu'à la fenêtre pour pouvoir respirer l'air frais, cela surpris grandement les Hommes qui ne s'attendaient guère à ce genre de réaction. Les yeux écarquillés, le regard hagard, seul Tauron et Maître-Loup riaient doucement face à la réaction de leurs confrères devenu muet. Finalement, après avoir pris conscience que tous ne pouvaient pas apprécier le délicat parfum du tabac, les trois fumeurs présentèrent leurs excuses à la jeune femme après que celle-ci soit revenue auprès d'eux.

Ainsi, ils éteignirent leurs pipes et après quoi, tous posèrent un doigts sur leurs tasses de thés d'un même geste. Tauron ferma ensuite les paupières et soudain, des zéphyr venant des quatre coins de la forêt s'engouffrèrent dans le vieux temple en Ruine et balayèrent la grande salle où ils étaient installés. La théière tremblait légèrement, les capes virevoltaient, claquant sinistrement, et le bruissement des fleurs grondait entre les quatre murs. Finalement, le calme revint et les Rôdeurs purent à nouveau boire leurs thés. Une toute autre effluve s'élevait à présent dans la salle, bien plus légère et épuré, celui des fleurs et de la cannelle. Maître-Loup remercia Tauron pour son intervention et la réunion put reprendre son cours.

Les Rôdeurs étaient tout de même rassurés qu'après un début quelque peu délicat, l'Eryllis semblait partant pour rejoindre l'Ordre. Même si les plus âgés ronchonneront à avoir une nouvelle recrue dans les rangs, la vérité est qu'on les accueillait à bras ouvert, surtout lorsqu'ils ont un énorme potentiel et c'était justement ce que disposait Raven. Elle semblait par ailleurs motivée et à la recherche justement d'une aide pour trouver son chemin, c'était ce que les Rôdeurs demandaient. Ce fut donc avec un léger sourire qu'ils écoutaient les paroles de la jeune femme et chacun se promirent d'aider cette Terranne en peine qui cherchait sa voie et par ailleurs cela les firent rire lorsqu'elle confia la possibilité qu'ils puissent l'aider à faire à nouveau confiance aux hommes.

Mais cette ambiance devenue conviviale s'est soudain affaisser lorsque le prénom d' « Aliénor » fut prononcé. Estomaqués par le retournement d'humeur de l'Amazone, les Rôdeurs ne purent s'empêcher de regarder leurs propres pipes lorsqu'elle avait demandé d'où venait l'herbe qu'ils fumaient. Surpris, ils ne comprirent pas tout de suite pourquoi elle était dans un tel état alors qu'il y a quelques minutes encore elle était sur le point de vomir tant cela la dégouttait, mais lorsqu'elle confia que c'était le même tabac que fumait Aliénor, un air sombre voila subitement leurs visages. Alors un silence troublant et lourd régnait, durant lequel les Rôdeurs s'échangeaient des regards perçant et sous-entendu. On entendait plus que le bruissement du vent et les cris des habitant de Noathis. Aucun ne se décidait à parler, comme si ils étaient rentrés dans un sujet interdis et ce fut finalement la Maître-Loup qui brisa le silence dans un soupir attristé :

— Oui... Aliénor, nommé Ombrage, fume la même herbe que nous... Car c'est auprès de nous qu'elle apprit à fumer, malgré les protestation de son maître... Mais je croyais que son appartenance à notre Ordre n'était pas inconnu ? Car après tout, elle ne s'est jamais cachée d'être une Rôdeuse...

Le thé avait soudain une toute autre saveur et ce fut comme si la soif avait quitté la bouche de ces Hommes, surtout pour Tauron qui parut plus rêveur que jamais. Son regard doux luisait d'une certaine tristesse avant de fermer ses paupières et de laisser échapper un soupir de la barrière de ses lèvres. Cela n'échappa pas au Maître-Rôdeur qui posa un main ferme sur son épaule tandis qu'il tentait de le rassurer de sa voix si posée :

— Tu as fait tout ce que tu pouvais, Tauron... Ne t'accables pas d'un poids dont tu n'es pas le porteur.
— Va vraiment falloir faire quelque chose pour elle... murmura Vronwë en se grattant la tête.
— Ce n'est ni l'endroit, ni le moment de débattre sur Ombrage, notre occupation est toute autre aujourd'hui... déclara soudainement Eressëa d'une voix si grave que cela lui donna un air austère à son visage.

Abdiquant tous à la voix du Sage, tous reportèrent ainsi leurs regards sur Raven. L'ambiance devenait plus légère, les muscles étaient à nouveau détendu, et les Rôdeurs reprirent leurs thés en main. Maître-Loup reprit alors la parole :

— Maintenant que tu as conscience des idéaux de notre Ordre, as-tu pris une décision, jeune Eryllis ?

Il fallait croire que ce qu’avait dit la jeune femme jusque-là n’était pas suffisamment clair. Devrait-elle encore insister plus qu’elle ne l’avait fait ? Sans pour autant agir de façon agressive ou impertinente, Raven s’efforça de se rassoir en tailleur. Ne pas crier, ne pas agir de façon brusque… Elle fit respectueusement face au maitre loup, apaiser par la présence de Desmond, et s’inclina légèrement, sa foi envers lui n’était encore qu’utopique. Elle n’en ferait pas plus que nécessaire.

« Je pensai avoir été suffisamment clair. Mes excuses. Oui j’accepte de vous rejoindre, je ferai partie des votre. »

Cependant son ignorance la chagrinait, Aliénor ne s’en était jamais cachée ? Comment avait-elle pu à ce point-là passer à côté ? Quelle ignorante. Frustré, elle serrait le poing jusqu’à s’en froisser sa culotte courte. Quand elle la retrouvera elle devrait alors agir en conséquence… et la voilà encore en train de se remettre en question.

*Ha… quelle farce…*

La jeune femme ne supportait décidément pas de se sentir aussi idiote et négligeante.

« Je reconnais peut-être avoir manqué à mes devoirs envers elle… C’est pour cela que je la recherche si activement. » Puis elle se redressa vers le maitre loup, silencieusement. Quand Desmond reprit la parole.

« Je suis heureux que tu ais accepté de me faire confiance. Crois moi, je ne manquerai pas à ma parole. Je t’aiderai à retrouver ton amie dans un premier temps. » Puis sa voix prit un ton plus enjoué. « Ne faisons pas plus trainer les choses patron, on passe à la suite ! On peut oublier l’épreuve de survie si vous voulez mon avis. »

La terrane eut presque un petit sourire gêné, à cette remarque. Certes elle aimait que l’on flatte son égo, mais devant une telle assemblée dont elle ne connaissait encore… rien pour ainsi dire, elle se sentait encore plus mal à l’aise. En réalité elle ne savait pas quoi rajouter. Elle voulait simplement que tout cela se termine le plus vite possible pour partir à la recherche d’Aliénor.

Les Rôdeurs auraient préféré éviter le sujet d'Ombrage car à chaque fois cela entraînait une longue, très longue, discussion dont personne avait le mot de fin. Mais il ne pouvait refuser à une Eryllis, un membre de sa deuxième famille, d'être dans l’ignorance, surtout si celle-ci va devenir prochainement une nouvelle soeur d'armes. Ainsi, ils soupirèrent tous, aucun ne voulant se lancer dans cette discussion mais Maître-Loup sentit qu'il était de son devoir de la prévenir avant que Raven se lance dans sa recherche afin qu'elle ne se fasse pas d'illusions. Buvant une grande gorgée de son thé, il braqua son regard animal sur ce petit bout de femme tout en prenant une voix qui voulait la mettre en garde :

— Raven, je t'en pries, sois prudente envers la petite Ombrage... Son coeur n'est plus dans la Lumière depuis maintenant bien des années ; les Ténèbres la consument peu à peu et elle refuse de son défaire. Tu ne pourras donc la raisonner si facilement, surtout entant que soeur Eryllis. J'ai ouïe dire que la petite Aliénor aurait eu quelques ennuis avec Sighild. Depuis, elle s'est refusée de retourner à Samhach et s'est détachée de toutes ses soeurs. Use donc bien de tes mots avec elle, jeune fille, sinon, elle te referma l'accès de son coeur et tu la perdras...

Sa voix était grave, bien moins chaleureuse et douce qu'elle fut auparavant. Cela laissait ainsi présager une mise en garde qui ne devait surtout pas être prise à la légère, même les Anciens approuvèrent ses paroles en silence. Peu à peu, l'ambiance s’affaissa, on se détendait, on reprenait son souffle et on buvait sagement son thé. Le sujet était clos. Il fallait à présent s'occupait de la jeune Raven et de son futur dans l'Ordre maintenant qu'elle avait accepté d'en faire partie. C'était une bonne nouvelle pour les Rôdeurs car ils voyaient bien que ce petit bout de femme avait énormément de potentiels. Seulement, l’adoubement était une chose compliquée quand il s'agissait de nouveau venu ayant l'âge adulte. Chose que n'avait pas l'air de comprendre Desmond. Alors, une liane apparut derrière son dos et fouetta l'arrière crâne de Desmond dans un claquement sinistre. Si ce petit geste avait l'air d'une plaisanterie, la gravité se lisait sur les visages de ses aînés qui le dévisageait d'un regard perçant.

— « Patron » ? « Patron » ?! Surveilles ton langage, loup impétueux ! On est pas dans une taverne ici ! persifla Eressëa.
— Cette jeunesse... maugréa Vronwë.
— On est frère, Desmond, ne l'oublie jamais et Maître-Loup est notre Aînée à tous, pas un « Patron »... expliqua Firimar d'une voix profonde.
— Et ne crois pas que l'adoubement est accessible aussi facilement... ajouta Tauron.

Maître-Loup se racla la gorge, afin d'attirer l'attention des Anciens. Ces derniers calmèrent alors leurs ardeurs, reprenant du thé pour s’apaiser tandis qu'ils dévisageaient d'un coin de l'oeil leur cadet un peu trop impatient. Le Maître Rôdeur prit ainsi la parole, d'une voix posée :

— Desmond, je comprend que Raven soit ta première apprentie, mais même si elle a les capacités pour passer les épreuves, cela ne suffit pas pour faire d'elle une Rôdeuse. Comprenez-bien et retenez bien tout les deux ; la force de notre Ordre n'est pas seulement dans nos capacités, mais le lien qui nous unis. Raven, tu n'as pas grandis dans notre ordre, tu n'as donc aucun lien entre tes nouveaux frères et soeurs d'armes. Tu dois apprendre à les connaître, à les comprendre, à ressentir le monde comme eux le ressentent. Tu dois ainsi apprendre comment nous vivons, comment nous avançons, comment nous devons nous relevé si nous tombons, comment nous gardons espoir et comment nous vivons au coeur de Délil et de Fen. Tu as ainsi beaucoup de chose à apprendre pour devenir une soeur et cela prendra du temps.

Il prit une pause, afin que ses deux cadets aient le temps de bien assimiler toutes ses information avant de reprendre :

— Je te laisse un an. Desmond veillera sur toi durant cette période ; tu n'es pas obligée d'être toujours à ses côtés car nous comprenons que tu aies une vie. Mais il devra souvent être avec toi pour te montrer la voie de l'Ordre et que tu puisses aussi rencontrer d'autres frères et soeurs. Si j'estime que tu es prête à faire le pas, alors tu seras adouber et tu deviendras une Rôdeuse. Tu es à présente une apprentie-Rôdeuse. J'espère que tu trouveras ce que tu cherches, jeune Eryllis.

Le débat sur Aliénor n’allait malheureusement pas durer plus longtemps car Raven n’allait pas rebondir sur le dernier point que le maitre loup venait de soulever. Ce qu’il adviendrait de l’histoire de la jeune femme serait maintenant lié aux choix et aux actes de la nouvellement apprenti-rôdeuse. Apprenti ? Quel titre on ne peut plus ridicule. Aliénor s’abandonnée aux ténèbres ? Quelle idiote, elle n’y survivrait pas plus de quelques jours, elle était bien trop sensible et fragile pour parvenir à supporter une vie d’isolement et de remords. Elle avait beau aimer les enfants, Raven s’imaginait déjà son amie en train d’égorger un chiard alors qu’elle avait enfilé une belle armure noire et suivait Démégor à la trace. Un rictus moqueur se dessina alors sur ses traits. Bien évidemment l’esprit de la jeune aveugle était bien trop préoccupé pour porter une vraie attention à ce qu’il se passait autour d’elle, Desmond se faisait gentiment réprimandé ? Pas vraiment ses oignons, ces bons vieux hommes semblaient vouloir se donner un genre. De là à tous se jeter sur lui, était-ce vraiment nécessaire ?
La jeune aveugle empoigna la garde de son épée et se redressa en s’appuyant sur le croupion de son nouveau maitre, Desmond, avant d’examiner les vieux autour d’elle… avant d’arrêter doucement son attention sur l’homme qui prônait en ces lieux. Elle semblait presque vouloir transpercer le maitre-loups des yeux, bien qu’elle fusse démunis et que ces derniers furent dissimulés.

« Un an ? Soit… Je me plierai à vos règles n’ayez crainte. J’ai déjà de bonnes raisons de vouloir intégrer votre ordre, je suis prête à faire ce petit sacrifice. »

Puis quelque chose la frappa.

« Mais pourquoi ce nom d’Ombrage ? Je sais qu’il est de coutume de donner un nom à ceux qui intègrent ainsi ce genre de société anonyme… mais… » Elle ne sut trouver les mots. *Mais c’est ridicule comme nom.* Puis après s’être gratté la tempe. « Vous prévoyez sans doute d’agir de même avec moi, cela attendra mon adoubement ? Ou vais-je dans l’instant en être l’heureuse détentrice ? Je me demandais par ailleurs si vous portiez sur vous des signes distinctifs représentant ce groupuscule ? Je crois déjà avoir repéré deux broches rigoureusement identiques sur quelques personnes ici présentes. » C’est alors que Desmond prit la parole, faisant face à sa futur apprentie.

« Nous portons en effet cet insigne en signe d’appartenance à notre ordre. Cette broche est notre fierté et représente ce en quoi nous ayons foi. Cependant… ce n’est pas la seule alternative à laquelle nous ayons recours pour cela. Certain de nos membres ne sont non pas porteur de cet insigne mais marqué à vie par le feu du fer. »

L’échine de la jeune terrane s’hérissa en une fraction de seconde.

« Qu… quelle horreur ! »

Un sourire apaisant s’afficha sur le museau de Desmond.

« Ne t’en fais pas. Jamais je ne t’aurai fais passer au travers d’une telle épreuve sans t’avoir au préalable demandé ton avis. »

La jeune Eryllis ne put s’empêcher de sourire. La conversation s’était certes légèrement égaré, mais c’était au profit de la jeune femme qui voyait, à mesure que les minutes passaient, une vraie figure bienfaitrice en la personne de Desmond. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander si cela était naturel ou si cela était le fruit d’un de ses pouvoirs. La jeune terrane eut alors une étrange idée, et elle éprouva alors le besoin de déposer sa main sur le flanc de Desmond, peu importe les hommes qui l’entouraient. Sa main caressa alors la fourrure du loup qui se voulait être son protecteur, ce dernier fit bien évidemment abstraction de cette distraction.

« M’aideras-tu ? Comme tu m’en as fais la promesse ? » Lui-murmura-t-elle.

Un simple acquiescement en guise de réponse, il n’avait pas besoin d’en dire plus, et elle aussi ne semblait pas en demander plus. Raven ne voyait pas d’intérêt de prolonger cette réunion plus que de raison. Evidemment ce n’était pas à elle d’en décider, donc elle agirait avec douceur. Avant de mettre définitivement un terme à ce conseil, elle demanda au maitre loup avec un brin d’hésitation dans la voix…

« Quel serait la prochaine étape de mon recrutement en ce cas ? Ou puis-je disposer ? Loin de moi l'idée de vous manquer de respect mais si je dois suivre cet entrainement avec Desmond alors j'ai quelques petites affaires à m'occuper dans un premier lieu. »

— Pourquoi Ombrage ? répéta le Maître-Rôdeur incrédule.

Il se frotta le menton, l'air soudain songeur. Le Rôdeur tentait en réalité de resurgir ses souvenirs tout en cherchant de l'aide dans le regard de Tauron car la jeune Aliénor était sous sa responsabilité étant donné qu'elle était une Rôdeuse de l'Ouest. Les deux hommes s'échangèrent quelques paroles, sous le regard de leurs compagnons curieux de savoir aussi pourquoi la Terranne portée ce surnom. Ce que Raven ne savait pas, c'était que les nouveaux noms des Rôdeurs étaient choisis par leurs maîtres selon leurs capacités, leurs caractère, leurs physiques... Cela pouvait tout aussi bien un nouveau prénom - comme ceux des Anciens - ou bien un surnom. Ainsi, après quelques échanges, le Maître-Loup se tourna vers l'Eryllis pour lui donner la réponse qu'elle cherchait.

— He bien, avant qu'Aliénor fut adoubée, son Maître voulait la nommer ainsi à cause de son caractère ; elle avait cette particularité d'être toujours silencieuse, distante, discrète, sans oser s'approcher des autres. En fait, elle était comme une ombre, une enfant qui suivait les gens qu'elle aimait mais sans oser se démarquer. Alors, Grim la nomma « Ombrage » et je dois dire que cela lui va à merveille... Tu dois savoir que ton nouveau nom est donné par ton Maître, ça sera donc à Desmond de te baptiser après les épreuves et ça sera à lui que tu te prendras si jamais tu ne l'aime pas !

Les Anciens pouffèrent à cette remarque si véridique. En effet, combien de fois ils avaient vu leurs cadets se chamailler avec leurs anciens Maître à ce sujet et par chance, eux non jamais eu de problèmes à ce niveau là car ils appréciaient leurs nouvelles identités. C'est donc avec un sourire tendre que la Maître-Rôdeur reprit la parole pour clarifier cette affaire :

— Pour tout te dire, c'est une ancienne coutume afin de protéger au mieux les Rôdeurs. Certains personnes ne nous apprécient pas, vois-tu... Et nous cachons ainsi nos véritables identités derrière ces noms. Donc, oui, tu devras toi aussi te faire baptiser, mais seulement le jour de ton adoubement.

Il prit une pause, le temps de s'abreuver et de s'étirer un peu.

— Pour ce qui est de notre signe distinct, Desmond à tout dis mais saches que le choix d'être marqué au fer rouge est personnel ; certains de nos membres voient en ce geste comme la nouvelle marque d'une toute nouvelle vie... C'est donc à toi d'en décider, la broche est amplement suffisante.

Sa voix vibrait comme la voix d'un père qui voulait rassurer son enfant ; il se doutait que ce détail pouvait rebuter la pauvre Eryllis. Les autres Rôdeurs, quant à eux, terminèrent en silence leurs tasses de thés, s'étirèrent, gémissaient... Cela faisait plusieurs jours que leurs nuits étaient bien courtes à cause des lettres qui s'entassaient chaque jours. Être Ancien donnait beaucoup de responsabilités, surtout depuis ces étranges événements qui touchaient Istheria. Mais heureusement pour eux, ils pouvaient toujours compter sur le Maître-Rôdeur qui observaient ces frères d'armes avec une lueur qui semblait être de l'attendrissement. Souriant ainsi tendrement face à la fatigue de ses cadets, Maître-Loup, posa sa tasse et s'exprima d'une voix posée :

— Ton recrutement prend fin ici. Ce qui se passera ensuite n'ait plus de mon ressort, mais celui de Desmond ; il est à présent ton Maître, toi qui est à présent une apprentie Rôdeuse. Nous nous reverrons d'ici un an... Va, mon enfant, et que les Dieux veillent sur toi...

D'un geste de tête, il autorisa son cadet à prendre congé avec sa « fille » et les Anciens le saluèrent une dernière fois. Lorsque la porte du temple se rerma enfin, les Rôdeurs s’affaissèrent au sol sans ménagement et Maître-Loup ne put s'empêcher de rire doucement.

— Dormez mes frères, dormez... Car des jours obscurs nous attendent... Dormez pendant qu'il est encore temps...

Sa voix s'élevait, telle une berceuse et chaque mot résonnait inexorablement dans l'esprit des Anciens. Alors, l'air leur semblait pesant, le sol attrayant et leurs paupières étaient si lourdes qu'aucun n'eut la force de résister. Ils plongèrent ainsi dans un brusque sommeil singulier. Seul Maître-Rôdeur veillait, en observant leurs corps inertes, telle une Mère Louve, un mystérieux sourire étirant ses lèvres...

Ainsi se terminait cette réunion exceptionnelle ? Il avait congédié Raven et celui qui serait à partir de cet instant son maitre. Un soupçon d’incertitude planait cependant toujours au dessus de la tête de Raven. Un an ? Voilà qui est long… peut-être trop même. Que ferait-elle durant cette année ? devrait-elle, chaque jours qui passait subir des entrainement physique et psychologique visant à affiner ses talents de pisteur ? A quel point son rythme de vie allait-il changer ? Elle vivait paisiblement… non, oisivement depuis maintenant plusieurs mois. Il fallait que cela cesse. Elle devait s’entrainer pour devenir plus forte, plus rapide, plus fiable en sommes. Cela serait peut-être pour le mieux.

Elle s’inclina auprès du maitre loup et suivi alors Desmond qui se soustrait bien vite à l’assemblée. Les deux jeunes gens firent alors leurs routes à l’envers, retournant aux milieux des bois de sphènes. Le loup semblait étrangement silencieux et pour une raison qu’elle ignorait Raven suivait scrupuleusement ses pas. Il y avait quelques chose de différent chez Desmond. Sans savoir pourquoi, elle comprit que sa présence l’avait apaisé, calmé, durant son entretien avec le sommet hiérarchique de l’ordre des rôdeurs, cependant maintenant, c’était l’inverse. La présence de Desmond la rendait anxieuse, et l’incitait à presser le pas. Et bien vite, les deux jeunes gens étaient de retour près du campement de Raven.

« Je te remercie, il n’était point nécessaire de me raccompagner jusque là. »

Le loup posa son séant sur le sol, légèrement haletant, il scrutait au loin comme préoccupé.

« N’aies crainte mon amie, je ne fais que mon devoir. » Sa voix se fit alors plus ferme « Je saurais me montrer compréhensif si tu venais à refuser ma présence auprès de toi. Tu es une amazone, tu dois avoir beaucoup d’obligation auprès de tiens. Mais tu devras t’y faire. Tes talents sont certes plus acérés que certains d’entre nous déjà, mais je ne pourrais garantir ton intégration auprès de nous sans te forcer à suivre mes instructions. »

Raven sourit.

« Ne t’en fais pas, j’ai bien compris la situation. Je serai une élève assidue. »

« Je vais te laisser un peu de temps avant de commencer ton entrainement. Que tu arranges ton emploi du temps en conséquence. Je viendrai te trouver dans trois jours, ainsi nous pourrons commencer à t’exercer. »

Raven qui venait d’empoigner son épée pour s’en délester la planta alors lourdement dans le sol.

« Loin de moi l’idée de vouloir te commander, mais je ne saurai me montrer plus coopérative tant que tu ne m’auras pas aidé comme tu me l’as juré… »

Desmond soupira… Raven était une femme un peu trop bornée et rentre dedans pour son propre bien…

« Soit… je tiendrai ma parole. Laisses moi le temps de rassembler quelques informations au préalable. Dans trois jours. Lorsque je viendrai te chercher, nous prendrons la route vers elle, sois en assurée. Ensuite, ce qu’il adviendra de cette rencontre ne me concernera pas. »

Raven sentit son cœur bondir… Elle sourit, puis soupira. Elle était si proche.

« Cela va sans dire. Je te remercie pour ce que tu fais pour moi. »

Desmond s’inclina auprès de son élève.

« Ta reconnaissance me touche, maintenant je m’en vais te laisser seule. » Puis le loup s’apprêta à partir avant de se figer. « Ha ! J’oubliais, il te faut un nouveau nom. »

Non. Pas cela, pas un de ces noms ridicule ! Pensa Raven.

« J’avais pensé à Murmure. Qu’en dis-tu ? »

Raven soupira… se tenant le front dans sa main.

« Soit… je ne le trouve pas trop pompeux. Mais je te prierai de continuer à m’appeler Raven. Je ne tiens pas à avoir une vingtaine d’identités différentes. »

« Soit. » Lança Desmond. « Nous nous reverrons dans trois jours. D’ici là fais attention à toi. »

Raven salua d’un geste de la main son maitre qui disparaissait entre deux buissons touffus. L’ordre des rôdeurs hein… elle ne se serait jamais imaginée là un jour.