Roses et Épines [pv: Zéphyr Harkoza]

Il fut dit à la Rose "Apprenez à vous défendre", des paroles étranges qui résonnèrent avec l'intensité d'une injuste injonction, prononcée sans égard pour la condition de la fleur. Elle qui grandissait dans un jardin épargné par les vicissitudes du monde, qui ne s'épanouissait que pour flatter l’œil de ses jardiniers, comment pouvait-on oser, lui intimer de se défendre. Elle n'avait pas été faite pour cela. Ses pétales délicates ne pourraient endurer un entrainement militaire, son éducation sophistiquée ne pouvait souffrir de la barbarie d'un tel apprentissage. Il n'était pas attendu de la Rose qu'elle ait des épines.

Sans doute, l'imprudent ne pensait-il point à faire subir à la délicate fleur, le moindre effort physique. Sans doute, avait-il dans l'idée qu'elle puisse apprendre à se défendre, une plume à la main. Et c'est bien ainsi, que débuta cette étrange histoire.

De l'encre maculait le papier parfumé, l'élégante calligraphie dessinait en noir, les traits d'un dessein improbable. La longue et blanche plume qui s'agitait entre les doigts fins de la poupée de porcelaine, oscillait mais jamais n'hésitait. Le pli refermé, s'envolait quelques minutes plus tard, scellé d'un sceau que peu savait reconnaître. Il fut réceptionné par deux paires d'yeux jumeaux.

Puis vint une nuit, semblable à toutes les précédentes, dans un village reculé de la Vallée d'Or. La vallée n'avait rien de dorée en cette froide saison, les vignes toutes alignées sur les flancs des collines, semblaient mortes. Les étranges arabesques de bois que formaient les plantes désormais synonymes de richesse pour leurs propriétaires n'étaient pourtant pas morts, ils attendaient simplement, que la chaleur et la lumière des soleils reviennent les abreuver. Personne ne viendrait travailler les vignes en cette saison, pourtant, c'est là que se tenait trois silhouettes encapuchonnées.

- Êtes-vous toujours aussi certaine ?

Demande une voix qui murmure. Elle pourrait bien hurler que personne ne l'entendrait, pourtant, elle se tient comme si on pouvait à tout moment la démasquer. La silhouette encapuchonnée au milieu de ce mystérieux trio acquiesçait pour seule réponse.

- Comment la reconnaitre ?

Il s'agissait cette fois de la troisième capuche, sa voix paraissait pourtant fort similaire à la première. Toutes deux murmuraient en jetant des regards suspicieux au décors qui les entourait.

- Elle est déjà là.

Les deux capuches se tournèrent vers la troisième et suivant la direction de son regard, aperçurent la silhouette féminine qui approchait.

- Elle est seule, il semblerait.

- Seule, oui, peut-être, comment être sûr ?

Elles durent se taire et d'un mouvement commun, elles se reculèrent de quelques pas derrière la troisième capuche. Le tissu noir de la longue cape ne laissait échapper aucun indice sur l'identité de l'individu qui s'y camouflait. La carrure n'était cependant pas bien intimidante, elle semblait nager dans cette grande cape sombre. Le premier soleil tendait ses rayons vers le ciel nocturne quand la silhouette féminine fut assez proche pour percevoir le léger nuage de vapeur qui s'évadait de la grande capuche.

- N'approchez pas davantage, Madame.

Sa voix transperce le silence, pourtant si fluette, elle peine à se faire vraiment autoritaire. Elle n'hésite pas cependant, ni ne tremble face à cette parfaite inconnue qui pourrait sans doute la défaire en quelques passes d'arme. Ce ne serait pourtant pas bien productif, après tout, elle avait fais tout ce chemin pour répondre à une bien étrange invitation.

- Permettez que je demande votre nom, avant de vous confier le mien.

La nuit glaciale laisserait lentement place à un jour tout aussi glacé mais avant que les astres ne s'élèvent, la Rose saurait, si elle était capable.. d'apprendre à se défendre.

Fin d'année 1305 Période Nivéria dans le Duchés de Vanes.
   

Cela faisait un moment que Zéphyr n'était pas revenu dans Eridania. Depuis que son père adoptif avait passé de vie à trépas en fait. Non pas qu'elle voulait éviter les lieux, mais il ne lui avait pas été donné l'opportunité de revenir dans le coin. Pourquoi était-elle là, du coup, dans ce Duché précisément ? Une mission qui était assez particulière en soi. Elle se souvenait encore lorsqu'elle vit l'objet de la requête. Ça l'avait rendue curieuse. Qui pourrait demander a une mercenaire d'être maître d'arme durant une mission ? Il n'y avait pas de bon professeur dans leur Duché ou leur alentours ? C'était surtout le fait d'être discret et tout ce mystère qui tournait autour de cette requête qui l'intriguait. C'est pour ça qu'elle était là, par curiosité. Accompagné de Kulkulkan, son compagnon couleuvre et d'Épona, sa monture. La jeune femme se dirigea à travers les terres d'Eridania en quête du lieu de rendez-vous. Lorsqu'elle arriva dans le village du lieu de rendez-vous, il faisait a présente nuit, il était prévu qu'elle laisse ses deux compagnons un peu plus loin, pour continuer sa route vers le lieu précis où on devait l'attendre. Elle préférait laisser ses deux compagnons à l'écart, au cas où c'était une embuscade, piège ou autre supercherie afin qu'ils ne soient pas blessés en cas de conflit. Elle aimait beaucoup ces deux-là et ce n'était clairement pas le moment que l'un d'eux soit blessé inutilement. Posant pied-à-terre, attachant les rênes d'Épona sur un anneau d'attache. Elle se dirigea vers des vignes qui attendaient patiemment que leur saison arrive pour fleurir et offrir leur plus belle couleur. Pour l'instant, aux yeux de Zéphyr, ce n'était qu'un tas de feuilles mortes bonnes pour le feu. Après, la jeune femme n'était pas connue pour son amour des plantes, elle était même très loin d'être douée pour en faire pousser. Elle, son domaine, c'était le combat.

Plus elle s’avançait et plus ses mains serraient les pommeaux de ses sabres, prêtes à les dégainer en cas de soucis. Il valait mieux être prudente, elle était seule et au loin, elle voyait déjà trois silhouettes se dessiner. Elle s'attendait a rencontrer qu'une seule personne, après, il était normal que cette personne décide de se faire accompagné, après tout, Zéphyr était une mercenaire et on ne pouvait pas forcément faire confiance a certain mercenaire, il était plus prudent de se méfier dans ce genre de situation, que ce soit pour la Yorka ou pour la personne qui avait fait cette requête.

- N'approchez pas davantage, Madame.

Que de prudence, effectivement ! De bonne foi, Zéphyr s'arrêta lorsque la personne le lui demanda. La jeune femme tenta d'analyser la voix qui venait de la personne centrale. Fluette, peut être celle d'une femme ? Ou d'un jeune garçon, qui était encore à l'adolescence ? Non, ça tournait plus vers la voix féminine. Regardant a présent, les deux autres présences, se disant qu'elle devait plus se méfier de ces deux-là, plutôt que de la silhouette centrale. S'il y avait un piège, elle pourra toujours, si elle était assez rapide, attraper la personne qui venait de parler et de l'utiliser pour se protéger des deux autres. Ne fallait-il encore qu'elle soit plus rapide que les deux personnes qui encadraient cette dite personne.

- Permettez que je demande votre nom, avant de vous confier le mien.

Cette personne avait un langage assez soutenu. Très loin d'être une façon de parler d'une personne quelconque. Zéphyr en déduisait qu'elle avait quelqu'un qui avait eu dans sa vie une certaine éducation, donc quelqu'un qui pouvait se permettre de mettre de sa poche pour s'offrir un mercenaire. Quoi que, elle était déjà tombée sur un paysan qui était près à donner toutes ses économies à elle et son père, pour qu'il retrouve une certaine personne. Mais dans c'est cas là, son père lui avait apprit de demandé, en retour que le gîte et le couvert. Il avait certaines valeurs, après tout.

-Zéphyr, c'est tout ce dont vous aurez besoin pour l'instant. Princesse !

La jeune mercenaire était persuadée qu'elle ne se trompait pas dans son jugement et était donc sûre qu'elle s'adressait à une femme de bonne famille. Ou alors, elle se plantait complètement. C'était aussi une possibilité.

- Si je peux me permettre, sauf si c'est un piège, pourquoi demander a une mercenaire de faire ce genre de travail ? N'avez-vous donc personne de qualifié pour vous entraîner aux armes, Princesse ?

Même si sa façon de parler pouvait être très agaçante, déjà par le surnom qu'elle donnait à la jeune dame en face d'elle, Zéphyr était loin d'être menacante, du moins pour l'instant. Ca ne l'empêchait pas de surveiller les deux personnes derrière la troisième et de tendre l'oreille, au cas où.

       

Pandora peine à cacher sa surprise en entendant la réponse de la mercenaire. A l'ombre de sa large capuche, la jeune femme se sent soudain bien peu anonyme. La cape n'y aura donc rien fait, ou alors la mercenaire devant elle avait fais, elle aussi, des recherches sur la personne qu'elle allait rencontrer. Pourtant, la jeune Vanes avait eu l'impression de faire correctement les choses et si, quelqu'un avait eu à remonter la piste de cette étrange demande, on serait peut-être arrivé jusqu'à ses complices mais, elle-même n'aurait jamais du être impliquée. Les sœurs Uí Néill derrière Pandora se regardent un bref instant mais n'échangent aucun mot.

Son identité semblait pourtant bien compromise alors que la dénommée Zéphyr poursuivait avec une question sur la nécessité de faire appel à ses services. Elle ponctuait à nouveau de ce mot que Pandora prenait à tort pour une faille dans son anonymat. La jeune Vanes pensait en effet que le terme de "princesse" ne pouvait pas lui être adressé sans raison et surtout, sans que la mercenaire ne connaisse effectivement son identité.

D'un geste lent, ses fines dextres blanches remontèrent jusqu'au bord de sa large capuche et doucement firent tomber le tissu en arrière, dévoilant le visage et la chevelure rose de la petite princesse de Vanes.

- Je suppose que cette capuche ne m'est d'aucune utilité. Madame Zéphyr, vous semblez m'avoir déjà démasqué et je serais curieuse de savoir comment mais, avant tout, sachez que vous n'avez rien à craindre. Ce n'est pas un piège et pour répondre très honnêtement à votre question, les instructeurs de qualité ne manquent pas à Vanes mais aucun ne se risquerait à m'enseigner l'art du combat.

Une fleur si précieuse n'avait pas besoin d'épine pour se défendre du monde qui l'entourait. Une jolie fleur est docile et obéissante, elle sait rester à sa place et sa place n'est certainement pas sur un champ de bataille. Nul besoin alors, d'apprendre à une jeune fille à manier une arme. On ne se risquerait pas, même par caprice, à froisser la fragile rose. Dans son ombre, l'immense crinière du Lion menace quiconque s’essaierait à détourner la jeune Vanes du chemin qui lui fut tracer bien avant sa naissance. Pourtant, la fragile demoiselle se tenait bien là, dans l'obscurité d'un jour à naître, face à une parfaite inconnue qui ignorait peut-être tout du crime bien inoffensif qu'elle avait accepté de commettre.

- Si vous le voulez bien, madame Zéphyr, nous avons préparé une grange avec tout le nécessaire.

Du moins, ce que les soeurs Uí Néill avaient pu réunir sans éveiller les soupçons. Les jumelles étaient d'ailleurs assez douées à cette activité. Elles menaient la marche vers la grange, à quelques centaines de mètres plus loin, à l'intérieur elles trouveraient en sus des pressoirs et de quelques tonneaux vides, des armes diverses. Leurs yeux furetaient encore à gauche et à droite, à la recherche d'une ombre qui ne surgirait pas.

- Je vous remercie d'être venue seule. J'espère être une élève correcte. Êtes-vous souvent appelée pour ce genre de mission ?

Le souffle de l'aube s'engoufrait dans les cheveux roses alors que, curieuse comme à son habitude, Pandora observait la mercenaire, détaillant tout de son maintient et de son équipement. Sur l'horizon rosissant le vent portait quelques fils parme vers un avenir incertain.

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