Adler und Löwe

La tâche n'était pas aisée et je rechignais depuis plusieurs jours à m'y atteler. Je m'étais pourtant astreint à en finir dès aujourd'hui et avais pris tout le nécessaire pour l'écriture de cette nouvelle missive. Je devais déjà décidé à qui elle devait être destinée, une question qui n'avait de sens que lorsque l'on connaissait le nom de famille que partageait les deux potentiels destinataires. Les Vanes ne me rendaient jamais les choses simples. Devais-je envoyer l'invitation à la demoiselle Pandora, première concernée ou à son père, qui se méfierait sans doute si je ne passai pas par lui pour m'adresser en définitive à sa fille ? Je décidais, après réflexion et à la suite d'une migraine naissante, d'écrire directement à Pandora Vanes. La demoiselle était désormais adulte et si je savais que je ne pourrais pas esquiver son père si je comptais la courtiser, j'estimais que nous n'en étions pas encore là et que j'aurais plus de facilité à écrire à la jeune femme qu'au duc.

Il me fallut revenir sur cette affirmation hâtive, les mots avaient bien du mal à venir, même sans la pression du regard de Charles Vanes. Je savais la demoiselle intelligente, Othello Lehoia m'avait confirmé ce trait en la citant auprès des acteurs centraux de la lutte contre la fièvre et les rapports qui parvenaient de Vanes ne faisaient que renforcer cette hypothèse. On m'avait dit comment elle avait œuvré pour son duché et je n'étais pas surpris de voir les liens qu'elle nouait avec les éminences gélovingiennes, sachant sa famille très pieuse. J'avais été surpris pourtant, de la maturité dont s'était armée une si jeune femme pour mener de front tous les projets qu'on me disait être les siens. Je regrettais un peu mon propre comportement, un an plus tôt, lorsque je l'avais fait venir à la capitale pour punir les débordements de son père. Le geste m'était apparu adéquat mais, aujourd'hui je doutais de ma propre maturité de l'époque.

Je chassais ces pensées parasites alors que je concluais cette courte missive, invitant Pandora Vanes à me rejoindre à la capitale et à loger au palais royal le temps de son séjour. Je restais évasif sur l'objectif de cette invitation mais si elle était aussi intelligente qu'on le racontait, elle saurait certainement saisir cette opportunité de briller à la cour. Je cachetais la missive du sceau royal et la remettais à un coursier avant de m'en aller vers d'autres tâches. Je devais admettre que malgré l'appréhension que signifiait la venue d'une Vanes à la capitale, il me tardait de mesurer par moi-même la valeur de cette jeune femme.