A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]

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Les Rumeurs

_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
_ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose".
_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]

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MessageSujet: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeVen 14 Déc - 16:09

Lucius s’était toujours targué d’être quelqu’un d’une extrême patience. Il était capable de subir les pires affronts, et d’attendre. Il était capable de contempler l’objet de ses désirs, de le garder à porter de main, et d’attendre. Il était calme. Composé. Car il savait que chacun de ses mouvements devait être le fruit d’une réflexion délibérée, que ses pulsions et ses démons devaient être gardés en laisse. Alors, il était devenu quelqu’un capable d’attendre, il avait combattu sa nature impulsive. Mais malgré tout ses efforts, malgré toutes les tentatives désespérées de changer qui il était, il ne pouvait en ce moment pas éteindre le feu qui couvait au creux de son ventre. C’était une impatience sourde, un brasier qui ne demandait qu’à s’embraser au moindre coup de vent. Il avait traqué en utilisant les ressources de la Noble Maison les faits et gestes de sa cible, il l’avait prise en filature, fouillant l’esprit insouciant de ses fréquentations, retournant ciel et terre pour réussir à mettre la main sur la créature fuyante. Cela avait été une entreprise complexe, car il lui avait fallu s’assurer de ne pas se dévoiler trop tôt, et à la fois d’en apprendre suffisamment sur elle. Mais son organisation n’était rien sinon d’une redoutable efficacité, et il ne lui avait au final pas fallu si longtemps pour réussir à remonter sa piste.

Ses doigts caressèrent doucement le vieux bois de la table, passant sur la matière assombrie par des années d’usage et de bières renversées, touchant les nœuds qui marquaient à quelques endroits une légère dépression. Il avait changé son visage pour l’occasion, sa magie transformant ses traits tranchants en un visage rond et bonhomme, dont le caractère affable devait sans aucun doute jurer grandement avec le but de son entreprise du jour. Ses vêtements étaient classiques, ressemblant à ceux des travailleurs modestes de la ville, seule son épée trahissant sa véritable stature. Il ressemblait ainsi à un voyou de bas étage, sans doute envoyé pour négocier une arrivée régulière du produit qu’il recherchait, ce qui n’était somme toute pas bien loin de la vérité. Car il était là pour cela. Il avait depuis longtemps entendu parler des fumées mystiques vendues par Mäje, et il devait avouer que le produit excitait sa curiosité. Non pas qu’il souhaite se l’approprier pour en faire lui-même l’expérience, non. Mais il était curieux de déterminer son effet sur l’esprit humain, et de voir si l’état second induit par ce dernier pouvait rendre une personne plus facilement malléable. Le cas échéant, il était tout à fait possible qu’il doive s’assurer un approvisionnement aussi régulier qu’important. Il était toujours ouvert à de nouvelles opportunités, et celle-ci lui semblait à même de révolutionner son approche, de lui ouvrir de nouveau horizon merveilleux. La psyché des êtres conscients renfermait, il en était sûr, des secrets fascinants, et il était de son devoir le plus sacré de tous les exhumer.

Il soupira doucement, regardant autour de lui. Les fenêtres crasseuses et enfumées de la taverne laissaient passer quelques rais de lumière mourante, la fin du jour jetant sur les lieux un film grisonnant. Une des serveuses s’activait déjà à allumer les lumières, l’âtre crépitant ajoutant bientôt sa propre illumination à la scène, lui redonnant quelques couleurs. Il regarda sa choppe à moitié vide, la bière immonde agressant ses papilles raffinées par sa seule présence. Il était un esthète, quelqu’un d’élégant, et l’existence de cette boisson très certainement coupée à l’urine de rat lui semblait un prétexte tout à fait suffisant pour incendier cet établissement. Pour l’heure, il attendait, le regard tourné vers les lourdes portes qui menaient à la rue, espérant chaque instant qui passait les voir s’ouvrir et révéler la silhouette gracieuse de Mäje. La contacter via un intermédiaire avait également été compliqué, la créature devant être approchée avec précaution pour ne pas l’effrayer. Il avait finalement décidé d’utiliser son familier, le corbeau Argo, pour lui laisser un message l’invitant à le retrouver dans cette taverne. L’endroit était connu comme un lieu neutre servant de point de rencontre aux diverses factions qui composaient la partie la moins recommandable des castes. Il espérait simplement que cette assurance suffirait à la convaincre qu’il ne lui tendait pas un piège, sa manière de l’aborder étant sans doute un peu prompte et inquiétante pour un fabricante de drogue. Le cas échéant, il devrait se contenter d’utiliser des moyens… Alternatifs pour se procurer l’objet de ses désirs, mais il souhaitait autant que possible éviter d’avoir recours à ce genre de moyens somme toute peu seyants.

La porte finit par s’ouvrir sur une silhouette familière, et il lui sembla reconnaître la sylphide à la démarche si particulière qui caractérisait son peuple. Il se leva, son propre corps lui obéissant avec une grâce d’automate, et il leva un bras, lui faisant signe. L’heure de vérité était enfin venue.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeMer 19 Déc - 20:26

Avec un pas à moitié pressé, la sylphide terminait son repérage dans le quartier commerçant de la cité frontière. Bien qu’elle ait l’air d’une touriste en train de flâner, son visage à moitié tordu d’une expression frustrée semblait indiquer aux commerçants qui tentaient une approche que c’était peine perdue. Et encore : les rares braves qui s’osaient à la confronter repartaient comme des chiots meurtris, la queue entre les jambes et leurs espoirs déçus. En de pareilles occasions, elle aurait été plus que ravie de se prélasser au milieu des boutiques pour dépenser – à moindre mesures bien sûr – sa fortune en toute sorte de bric à brac plus ou moins utile pour sa vie. Mais l’heure n’était pas à l’exhibition de sa belle plastique, mais plutôt à la discrétion, et grand mal lui en prenait.

Cela faisait quelques jours qu’on était venu la déranger dans son propre domaine, au cœur des sables brûlants d’Argyrei. Non pas que ça l’ennuie, elle était d’un naturel curieux et elle appréciait toujours les surprises. Sauf quand cela concernait ses activités peu scrupuleuses en plein milieu de son établissement jugé comme plutôt fréquentable. Certes, on s’y attroupait bien plus pour sa situation rêvée au milieu des palmiers que pour la salle discrète d’opiacés qu’on avait installé au sous-sol. Quoiqu’il arrive, il était rare que ces deux mondes se confrontent et se rencontrent, l’un sachant faire bonne figure mieux que l’autre. Même pour la gérante qui allait et venait à sa guise, un chef d’orchestre hors-pair, on n’aurait pu dire qu’elle était ce qu’elle était : une baronne des psychotropes de bas-étages. Enfin, ce n’était qu’une de ses nombreuses facettes comme elle aimait se l’avouer.

Encore heureux qu’elle était seule au moment où un oiseau sombre avait passé la fenêtre de ses appartements. Alertée par le volatile, la sylphide avait tout de suite compris qu’il s’agissait là de nouvelles portées de l’autre côté des frontières. A vivre sous le soleil de plomb du désert, elle voyait plus de vautours que de corbeau, et elle se demandait bien par quel miracle celui-là avait réussi la grande traversée sans se faire avoir par la chaleur. Elle avait ouvert grand la bouche pour appeler un employé pour nourrir le pauvre animal quand elle remarqua un message accroché à sa patte. Un oiseau venu d’au-delà des frontières, directement dans ses appartements et sans un bruit… Son instinct lui indiqua qu’il valait peut-être mieux ne pas trop se répandre sur la question. En parcourant le message, elle s’aperçu qu’elle avait vu juste, bien que son mystérieux interlocuteur n’avait pas pris la peine de trop en dire. Qu’à cela ne tienne… Thyrénium, hein ? Se serrant ses pulpeuses lèvres noires, elle choisit de risquer la rencontre.

Et la voilà, quelques semaines plus tard, en plein cœur de la cité frontière, à se promener très faussement dans le quartier commerçant mais sans vouloir faire le moindre achat. Pour dire vrai, elle était de très mauvaise humeur. Elle appréciait rarement être tirée hors de sa tanière par un malpoli qui ne déclinait pas son identité. Et dans une ville comme celle-ci, qui avait autant une face outrageusement bourgeoise, autant un visage d’infâmie et de larcin, tout interlocuteur était possible. Homme, femme ? Elle avait pendant un temps considéré l’idée de revêtir les traits angéliques d’Äjhem, mais ne s’était résout à abattre ainsi ses cartes. Si c’était Mäje qu’il voulait, alors ce serait elle qu’il rencontrerait. Qui s’y frotte s’y pique, se répétait-elle inlassablement sur les chemins qui les menait à l’adresse indiqué – un bouiboui tout ce qu’il y avait de plus miteux et de plus traditionnel.

Avec la démarche d’une hyène, elle ondulait discrètement dans les rues, son élégant visage recouvert d’une cape sombre, la même qu’une royale connaissance lui avait donné dans les rues de Cimmerium. Celle-ci la cachait des pieds à la tête, et quel dommage : la robe de velours noire qu’elle avait passé était splendide, et mettait la moindre de ses courbes en valeurs. On aurait pu croire qu’elle était simplement une bobo en pleine vadrouille.
Avec cette pensée en tête, elle parcouru les derniers mètres qui la séparaient du rendez-vous avec sa longue main gracile posée sur sa poche. Elle sentait sous le tissu les quelques fioles s’entrechoquer ensembles : elle en avait prit une demi-douzaine avec elle. Pas assez pour représenter une cargaison complète, mais assez pour en vendre une ou deux, et échapper discrètement aux mauvais coups. La possibilité que tout ceci ne soit qu’un guet-apens ne lui échappait pas, et elle préférait être prête à toute éventualité.

Malgré tout, elle y voyait également la possibilité d’un contrat. D’abord parce qu’il était clairement question de ses activités pas si légales que ça, et ensuite car on la conviait directement et certainement pas pour lui demander une chambre. L’auberge était maintenant en vue, et elle remerciait que la météo soit particulièrement belle car elle pouvait distinguer les quelques silhouettes qui y étaient déjà amarrés à travers les fenêtres fumées.
Une poignée d’homme, tout au plus, une ou deux femmes – dont la serveuse. Nul doute, l’endroit était bien choisi. Elle entra dans les lieux comme à son habitude : triomphalement. La sylphide n’était pas une habituée de la discrétion, et appréciait toujours être remarquée – sûrement plus un défaut qu’un atout. Et ne voulant déroger à sa règle, elle ouvrit la porte avec un certain fracas, attirant à elle tous les regards. C’était voulu, car elle pu balayer toutes ces têtes sans même prendre la peine de jouer les fouineuses. Un vieil ivrogne çà, un petit voyou là… Et là. Un visage rond, doux, presque bienveillant, dans des habits de renards. Il était là, son homme. Sans plus réfléchir ou s’annoncer, elle se faufila jusqu’à sa table, constatant qu’il avait déjà entamé les hostilités avec une pinte pleine de mousseuse.  


Vous n’avez pas l’air de quelqu’un qui prendrait la peine de me faire venir jusqu’ici… Dit-elle, posant sa tête sur sa main qui se retrouva brusquement noyée sous ses interminables cheveux bruns. Je vous avoue : vous me surprenez. Vous n’avez vraiment pas la tête de l’emploi… Et c’est pour ça que vous avez, justement, la tête de l’emploi.

Paradoxale, hein ? La nomade haussa les épaules, souriant félinement de toutes ses dents blanches. Sa frimousse ronde et bonhomme ne pouvait être celle d’un potentiel parrain ou autre seigneur de la vie sombre et noire d’Eridania. Et pourtant il y avait quelque chose dans ce regard chafouin qui trahissait un passé lourd. Maintenant apaisée, elle ne se demandait qu’une chose : qu’est-ce que ce bougre à la face ronde lui voulait bien.

Que me vaut le plaisir de votre rencontre ?
Demanda-t-elle de but en blanc : le vent soufflait dans les feuilles des peupliers.  


Spoiler:
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeVen 21 Déc - 16:06

Il l’avait su belle. Ses agents avaient été des plus prolixes quant à ses fréquentations et à ses mœurs libérales. C’était un angle sur lequel jouer, après tout, et il convenait de l’exploiter comme il se devait. Mais il ne s’était pas attendu à cela. Sa silhouette gracile s’élevait comme un serpent sinueux et ondulant, occupant l’espace et se mouvant de manière impossible avec chaque geste délibéré de sa part. Son visage parfaitement taillé en était intimidant de beauté, et ses cheveux d’un noir de jais répondaient à son maquillage, lui donnant un air mystique et exotique. Il leva un sourcil étonné en la regardant faire irruption dans la pièce, la créature appréciant visiblement les regards troublés que lui jetèrent les membres des deux sexes. Si Lucius fit un instant partie de ceux qui se trouvèrent affectés par son charme, il se ressaisit rapidement. Leur entretien allait rapidement devenir une bataille, et s’il souhaitait en sortit victorieux, il ne pouvait pas se permettre de laisser la plastique avantageuse de la créature jeter en lui le trouble le plus primaire. Il écouta doucement sa voix chantante, et tenta de percer son esprit. Il lui faudrait du temps pour que son don télépathique puisse percer les barrières naturelles de son interlocutrice, aussi souhaitait-il faire démarrer l’entretien lentement. Il l’invita à s’assoir d’un geste, et reprit lui-même sa place, s’installant avec une lenteur délibérée dans sa chaise. Il écouta sa question, et ne lui répondit que d’un sourire amical, avant de héler la serveuse et de lui commander une autre choppe pour sa nouvelle amie.

Il se retourna vers la sylphide, et fit mine de chercher ses mots, hésitant sur la marche à suivre. Il pouvait se le permettre, après tout. Son apparence, et par extension son personnage, était aujourd’hui celui de quelqu’un d’hésitant bien que de déterminé. Il était somme toute assez peu intéressé par le prix auquel sa nouvelle compagne de jeu lui vendrait ses produits. Les fonds de son organisation étaient bien plus que suffisants pour que l’achat de quelques vapeurs hallucinogène soit une affaire inconséquente. Ce qui l’intéressait au plus au point en revanche, c’était la régularité et la quantité à laquelle seraient délivrés les produits, si ces derniers produisaient sur ses cobayes l’effet escompté. Il voulait les voir pliable, il voulait les voir fertiles, capable de lui donner toutes les réponses qu’il attendait, son influence sur eux cimentée par la drogue, s’élevant sur le terrain fertile de leur esprit captif comme un monument de chair et de sang. L’idée provoqua en lui un tressaillement de plaisir, qu’il réprima immédiatement, le seul signe visible de son émoi étant un léger mouvement de sa main droite. Il plongea ses yeux dans ceux de son interlocutrice, et sa propre voix, grave et posée, répondit à sa question de tout à l’heure :

"Vous savez pourquoi vous êtes là, non ? Vous êtes là parce que mon corbeau vous a trouvé. Vous êtes là parce que je suis intéressé parce que vous avez à vendre. Même si je dois avouer que votre compagnie est des plus plaisantes, j’ai peur que nous ne devions aujourd’hui nous contenter de parler affaire."

Il prit une gorgée de bière, le gout âpre et rance de la boisson agressant une nouvelle fois ses papilles, avant de reposer devant lui la choppe maintenant presque vide, ses doigts ophidiens libérant l’objet de leur étreinte, avant de revenir se poser sur le bois noir de la table. C’était bien. L’approche était maladroite, et il voulait voir comment réagirait la femme. Il hocha légèrement la tête, comme s’il venait d’arriver à une sorte de conclusion intérieure, et continua sur le même ton calme, comme s’il discutait avec une amie de longue date :

"Je serai simple et direct : pouvez-vous me décrire en détail les effets de votre produit ? Soyez exhaustive, je vous prie."

Il entrait rapidement dans le vif du sujet, et devait avouer ne pas pouvoir contenir plus longtemps son impatience. Sa drogue était sans doute pour elle un simple moyen de générer quelques revenus rapidement dilapidés en de vaines soieries et autres vanités. Peut-être même était-elle le produit de son génie inventif, une création chimique d’une élégance supérieure. Il devait avouer ne pas avoir réussi pendant le bref laps qu’il l’avait observé réussi à percer les secrets de la fabrication des précieuses vapeurs, ne voulant pas risquer de l’approcher de trop près et de l’alerter, craignant de compromettre leurs négociations si elle se faisait méfiante et fuyante. Il doutait en tout cas qu’elle soit en mesure de saisir tout le potentiel de son produit, toutes les très nobles applications que ce dernier pouvait avoir entre les mains expertes de Lucius. Cela était très bien comme ça. L’ignorance était le don qu’il lui ferait aujourd’hui, le cadeau souverain d’une âme philanthrope à son prochain. Si elle savait, il doutait qu’elle serait aussi détendue en face de lui, aussi sure d’elle-même, aussi ouverte. Il sentit sa magie s’activer une nouvelle fois, et ses crochets se planter dans l’esprit de son vis-à-vis. Il était entré en elle, de la manière la plus intime qui soit.

Il attendit une réponse de sa part, croisant ses mains sur la table. Il n’aurait accès qu’aux pensées immédiates de la sylphide, mais cet avantage était déjà suffisant pour lui révéler nombre de secrets enfouis. Il réprima un sourire triomphant, et laissa à la bien-aimée Mäje le soin de lui répondre.


Dernière édition par Lucius Aelianus le Mar 25 Déc - 14:20, édité 1 fois
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeDim 23 Déc - 21:01

Avec ses yeux d’acier, l’immortelle regarda la matrone au volumineux séant se dandiner jusqu’à eux pour poser devant elle un imposant bock rempli à rebord de mousseuse. La sylphide sourit amèrement en rependant au goût râpeux et âpre du liquide, mais se dit que dans ce barbotage de sueur et de crasse, mieux valait se contenter du peu que l’on voulait bien lui servir. Avec une habitude toute charmante, elle remercia la serveuse d’un clin d’œil aguicheur qui eut l’air de la surprendre, et porta à ses lèvres foncées la boisson. Les petites bulles vinrent chatouiller son palet, suivi d’une amertume houblonnée et d’un goût de miel et d’herbe qui n’était pas son fort, mais qui saurait faire l’affaire. Après tout, si on lui avait demandé son avis, elle aurait opté pour un grand cru de vin eridanien, mais il était fort à parier que l’établissement n’en ai pas… Et ne sache peut-être même pas ce que c’est.

Alors qu’elle posait son verre face à elle, son regard descendit sur le sien presque vide. Soit il avait la descente facile, soit il l’attendait depuis bien longtemps. Impatience ou problème de boisson ? A en juger par sa mine absence et sa façon de chercher ses mots comme un benêt maladroit, ce devait être un peu des deux. Et pourtant quelque chose sonnait bien faux : avoir fait déplacer son animal jusqu’aux confins du désert n’était pas à la portée du premier venu, et la trouver au milieu de la foule non plus. Aussi elle se doutait qu’il n’était pas le premier clampin un peu voyou qui essayait un nouveau trip par folie de l’adrénaline. Il se serait déjà grillé tout seul, et l’homme face à elle, bien qu’il fasse de son mieux pour avoir l’air perdu, ne semblait pas de cette trempe. Il savait déjà trop bien manier le verbe pour guider la conversation. Et elle était assez dirigée sur sa personne et ses attentes. Se jouant de cela, elle haussa les épaules et prit un air faussement tragique, un sourire joueur sur ses lèvres noires.


Quel dommage ! Moi qui me faisais une joie de discuter météo. Ou du climat politique. Tout le monde a quelque chose à dire là-dessus – pas vous ? Elle baissa ses jolies clavicules mates et leva ses paumes au ciel. Enfin, si vous voulez parler business, parlons business.

Cependant, la sylphide au doux minois ne comptait pas se laisser faire aussi facilement, et alors qu’elle chassait d’une main ses airs de divas, elle reprit un faciès plus sérieux. Je dois d’abord vous féliciter de m’avoir retrouvée. Vos sources sont diablement rusées pour avoir su trouver ma cachette, et même mon identité.

Elle n’en dira pas plus. Il était inutile de tirer à elle tout un pan de couverture, et ni lui ni elle n’était là pour discuter météo, petits fours et famille au coin du feu.  Alors pour faire vite et permettre aux négociations de débuter. Sans plus attendre quoique ce soit et sans s’embêter de la présence visible et apparente de tous les autres convives de l’établissement, elle attrapa du bout des doigts un petit flacon qu’elle posa entre eux, mais suffisamment à portée de main pour qu’elle puisse le briser à la moindre manœuvre, plongeant le duo et les tables voisines dans une douce psychose. La bouteille n’était pas plus haute que son index, et fermé par un petit bouchon scellé par de la cire blanche. Dessus est collée une petite étiquette un peu simple et passe partout, faite dans un parchemin sombre et sublimé de quelques feuilles de lierres. Seule la mention « sublimes vapeurs » est visible, et pas un mot de plus. Ni de noms, ni de lieu… Rien. Seul la forme mystérieuse et fascinante de la fumée blanche qui dansait en spirale en son cœur.

Cette merveille est de ma fabrication. Dit-elle simplement, ne quittant pas l’individu à la tête de lune des yeux. Son sourire était grand et félin, et ses yeux terriblement mystérieux. Les sublimes vapeurs agissent vite et subtilisent votre esprit. Pour faire simple, elles vous envoient au paradis. Hallucinations, état de transe… Béatitude. Vos pensées vagabondes là où votre inconscient les guide. Plus vous en respirer, et plus vous nous quittez longtemps.

Aussi vite qu’elle sortit son flacon de sa poche, elle plongea de nouveau sa main pour casser son sourire serpentin par une cigarette épaisse et généreusement garnie de tabac, et un briquet à mèche qu’elle activa avec difficulté. Le pauvre vieux arrivait en fin de vie, et elle pestait déjà de devoir le remplacer après quelques bonnes années de service. Mais après tout, mieux valait ça que l’un de ses employés. Elle le rangea quand l’extrémité du tube était rougeoyante, et qu’elle sentit les premières volutes de fumées brûlantes couler dans sa gorge. Expirant, elle cracha sa fumée grise sur la table devant elle, noyant son flacon sous un autre type de vapeur.

Si c’est pour votre propre usage, je peux vous offrir un avant-goût. Proposa-t-elle en bonne commerçante. Mais reprenant son sérieux comme un docteur préparant aux effets indésirables d’un médoc, elle préféra anticiper tout malentendu. Après tout, elle ne savait pas encore pourquoi l’homme lui avait demandé de venir et ce qu’il attendait de sa précieuse cargaison, aussi préférait-elle s’attendre à tout. Par contre n’essayez pas de lutter ; vous risqueriez de ne pas apprécier. Vertige, sensibilité à la lumière, nausée… La liste est longue. Mieux vaut se laisser glisser dans la transe. Le reste vous appartient.

Tirant une nouvelle fois sur le tube plein de tabac, elle leva un sourcil sceptique. Elle se demandait bien les raisons de sa présence. Il n’avait pas l’air d’un riche bourgeois en quête de sensation forte, ni même d’un voyou qui voulait en faire commerce. Il avait plutôt dans le regard une lueur un peu froide et bien trop curieuse et électrique pour qu’il soit simplement désireux d’en faire un usage personnel. Haussant les épaules avec une certaine sensualité, elle attendait bien de voir où lui menait cette conversation : une chose était sûr, elle brûlait d’en savoir plus, et avala discrètement une autre gorgée de bière.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeJeu 27 Déc - 18:27

Chaque mouvement de la créature qui lui faisait face lui rappelait les reptations attentives d’un prédateur. Lucius se voulait être un bon juge de la nature humaine, et tous ses instincts primaires lui criaient en ce moments d’oublier ses idées folles et de se débarrasser de la juste convoitise qui l’avait aujourd’hui amené en face de Mäje. Ce n’était pas une femme qui se dressait devant lui, ni même un simple animal. C’était une chose, qui portait comme maquillage et comme couleur emblématique les ténèbres les plus noires, qui laissait les hommes et les femmes avancer vers elle à pas de velours, qui les appâtaient avec l’objet de leurs désirs les plus langoureux, avant de les laisser pourrir sur le bas-côté pierreux d’une route durement ensoleillée, leurs ventres gonflés par le poids de leurs festins s’ouvrant comme des coroles incandescentes et fertiles. Il la regarda lancer un coup d’œil séduisant à la serveuse, cette dernière peinant à cacher le trouble qui empourpra ses joues, et il comprit qu’elle ne cessait jamais. Comme une araignée qui tissait sa toile, il était dans sa nature de séduire, d’attirer, et de dévorer. Chaque mot qu’elle prononçait était une morsure venimeuse qui se plantait directement au plus profond de l’être, contaminant l’âme et la tirant vers elle.

Un frisson de plaisir parcourut l’échine de Lucius. Il était tombé sur quelqu’un d’éminemment intéressant, à la construction mentale nulle doute tout à fait singulière. Il ne pouvait maintenant que souhaiter percer les mystères de sa psyché, mettre à nu la chair originelle et rose qui pulsait sourdement à l’intérieur de la prison osseuse de sa boite crânienne. Il la regarda avec attention déployer son attirail, les vapeurs blanchâtres emprisonnées dans leur prison ressemblant aux dernières exhalaisons qui s’échappaient de la bouche fumante d’un vieillard agonisant. La fiole qui les contenait et l’étiquette qui indiquait leur nom semblaient bien trop mondaines pour emprisonner décemment ces émanations éthérées, et Lucius se demanda un instant si elles allaient réussir à passer la barrière diaphane du verre pour se répandre directement dans la pièce, asservissant l’assemblée et les forçant à expérimenter directement les charmes fâcheux de son interlocutrice. Il n’eut cependant pas longtemps le loisir de divaguer, ses fantasmes toxiques se trouvant rapidement repoussés à l’arrière de son esprit. Il n’était pas venu ici pour jouer, mais bien parce qu’il avait besoin de quelque chose. Il n’avait pas le loisir de se laisser dériver plus avant dans ces scénarios fiévreux. Il plongea un regard amical dans les pupilles opalescentes de sa compagne de jeu, et leva les mains, indiquant poliment son refus :

"Je crains de ne pas avoir le loisir de gouter personnellement à votre création. Je préfère garder les idées claires pour le moment, mais qui sait ? Peut-être tout à l’heure."

Il reposa une main sur la table, l’autre se dirigeant vers son menton, le frottant de manière pensive. La femme avait été très éloquente quant aux effets de son produit, mais elle ne l’avait pas réellement renseigné. Il n’avait rien appris de plus que ce qu’il savait déjà, et son esprit était plein de questions. Il se demandait notamment si cet état de transe délirante était du à une hypersensibilité de l’esprit, ou si au contraire ce dernier s’endormait pour mieux se concentrer sur les sensations plaisantes délivrées par les vapeurs. Il se doutait que la plupart de ses clients n’étaient pas des plus intéressés par les effets cliniques de son produit, seul le plaisir qu’il pouvait leur apporter parvenant à capter leur attention déficitaire, mais Lucius était un homme précis, travaillant sur des projets précis demandant qu’il fasse preuve de toute la précision nécessaire. Il n’avait pas besoin d’un discours de vente mal inspiré, mais bien d’une liste détaillée de ce qu’il pouvait s’attendre à voir chez un cobaye ayant inspiré le produit. Le mystère, aussi romantique qu’il puisse être, n’avait ici pas sa place, et le parrain Ladrinis entendait bien trouver réponse à ses questions.

S’il était tout à fait possible d’expérimenter sur les nombreux cobayes à sa disposition et de dériver de ses observations toutes les informations dont il avait besoin, cela aurait représenté une perte de temps aussi conséquente qu’inutile, quelque chose qu’il était peu enclin à subir.

"Mais vous me parliez, en des mots magnifiquement éloquents, des effets produits par les sublimes vapeurs. Je me demandais par exemple l’effet que produiraient certains… Stimulus extérieurs, sur quelqu’un d’intoxiqué ? La douleur, le plaisir, ce genre de chose, hm ?"

Un sourire croissant comme un demi-lune montante révéla deux rangées de dents éclatantes, le visage bonhomme de Lucius dévoilant brièvement tout ce qu’il pouvait avoir de plus terrifiant. Il n’avait pas choisi une apparence sympathique pour donner le change et passer pour un gros monsieur amical et affable. Il avait choisi cette forme parce qu’elle mettait en valeur ses plus beaux atouts, leur permettant de s’exprimer avec toute la magnificence requise. Il attendit une réponse de Mäje, l’étudiant distraitement, se demandant si elle aussi consommait régulièrement de sa création. L’idée de voir ce corps alangui s’offrir à lui, doux et complaisant, provoqua chez lui un appétit féroce. Il avait besoin de satisfaire ses besoins, il avait besoin de briser quelqu’un. Son interlocutrice était bien trop insolente pour qu’il puisse ainsi tolérer sa compagnie sans que chez lui ses propres démons ne se manifestent. Il fit taire les aboiements canins et les rugissements fauves qui résonnaient au plus profond de lui, sa contenance extérieure ne se troublant aucunement, reflétant un calme imperturbable, et toujours le même sourire bonhomme.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeLun 7 Jan - 18:29

Ainsi soit-il… Ceci dit, l’expérience vaut le détour. Il serait dommage de passer à côté… Elle avala au passage une poignée de gorgée de bière. Puis inspira de nouveau sur sa cigarette dans une longue aspiration, faisant claquer sa langue quand le tube quitta ses lèvres.

Contre toute attente, la sylphide avait la sensation d’être face à un mur, et, chose qui n’est pas coutume, d’être défaite. Comme si l’homme qui lui faisait face n’était pas un homme mais une montagne, et qu’elle n’en distinguait qu’un versant, l’autre restant obstinément dérobé à son regard. Et pourtant, loin de l’accabler, cette discussion éveillait en elle une pétillante envie de vengeance, et une curiosité sans faille. Et pourtant, elle était femme à se laisser vexer par toute petite réflexion. La gazelle avait l’égo sensible, et il n’en fallait pas beaucoup pour la courroucer. Mais là, dans ce jeu de dupe où chacun voyait le jeu de l’autre sans pour autant le dire, elle devait admettre qu’elle prenait son pied, et un malin plaisir à se laisser guider dans la conversation. Une étincelle s’était allumée dans son regard gris, celle de l’excitation. C’était grisant. Cet homme était grisant, derrière ses yeux bonhommes et ses tics étranges.

Quelque part, la sylphide était persuadée qu’ils pouvaient apprendre l’un de l’autre comme deux prédateurs – car il était de ceux-là, malgré ce visage rondouillard et cet air simplet. Elle était de toute évidence face à un être à l’intellect certain, qui semblait peu en dire, mais beaucoup en penser. Aussi s’amusait-elle à rester le plus simple possible, et, malgré ses airs manipulateurs, à jouer vrai. Ce n’était pas dans son intérêt de jouer les intrigantes à cet instant, de toute façon, le mieux était de conclure cette affaire au mieux.

Mais à sa grande surprise, son potentiel client ne semblait pas convaincu. Et la vérité semblait reposer dans la raison même qui le poussait à se procurer les vapeurs. Aurait-elle vu juste, ou avait-elle tort ? Plus elle avançait, et plus la créature se heurter à une énigme. Et une énigme à la bien belle trogne, qui plus est ! Et bien plus frustrante qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Mais elle ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement. Inspirant toujours plus sur le tube qui était à moitié consommé, elle relâcha sa fumée en petits ronds au-dessus de sa tête, les faisant se chevaucher, se succéder, dans un joyeux spectacle.
Cela lui laissait le temps de cogiter tranquillement sous sa frange sombre. Sa curiosité pour les vapeurs était ailleurs… Et il allait la mettre sur la piste de lui-même. Des stimuli extérieurs ? La vibration qui scintillait au fond de ses yeux gris se transforma en une véritable torchère, et elle ne pu réprimer un sourire dévorant, prédateur, étirant ses belles lèvres noires d’un bout à l’autre de sa mâchoire. Quel curieux individu… Il dessinait par petites touches les contours d’une sculpture malsaine délicieuse, d’une statue dont elle n’osait à peine distinguer la vraie nature. Et si elle voyait juste, alors tout cela était brillant. Même mieux ! Enivrant. Il venait en quelques mots de rallumer le moteur de la dame, en même temps que les braises d’un feu de curiosité qui l’assoiffait de plus de connaissance.

N’ayant toujours pas reçu miraculeusement un petit verre de vin à siroter doucement, elle déversa son dévolue pour sa bière qui restait décidément bien pleine pour un avaler une ou deux gorgées. L’idée de tourner autour du pot lui plaisir bien, et si il comptait jouer les benêts, elle pouvait bien jouer le même jeu. Même si elle se répugnait à devoir jouer les idiotes, elle pouvait bien requérir à ce procédé un peu douteux.
Et alors qu’elle s’apprêtait à répondre avec malice, une nouvelle pensée s’imposa à elle. C’était certainement une mauvaise idée. L’esprit qui lui faisait face semblait tout, sauf un amateur. Et quelque chose lui disait qu’elle se devait de jouer carte sur table, de faire tapis, et pas d’étirer faussement sa patience avec de fausses histoires. S’étirant comme un chat en s’enfonçant sur sa chaise, elle croisa ses longues jambes, révélant sa plastique impeccable et sa peau de sable par l’embrasure de sa jupe.


Décrivez-moi donc ces stimuli dont vous me parlez. Dit-elle d’un ton langoureux qu’elle ne pu réprimer. La curiosité était un vilain défaut, mais elle ne voulait décidément pas la taire. Les vapeurs plongent mes clients dans les recoins les plus inatteignables de leurs psychés. Et s’ils peuvent répondre à des questions ou tenir des conversations, ils ne sont pas lucides non plus… Autant dire qu’ils sont aussi malléables que les châteaux de sable que construisent les enfants sur les plages… Elle aspira une intense bouffée sur sa cigarette, la terminant presque d’un coup. Son air rutilant était devenu bien mystérieux, une flamme noire qui dansait dans un âtre tentant. Mais je n’ai jamais pu mener une étude ou quelconque enquête plus poussé… Libre à un patient savant de se prêter à l’exercice.

Crachant sa fumée face à eux, dans une danse de vapeurs dignes des meilleures delirium tremens, elle écrasa son mégot incandescent à même la table. Percé à jour ou encore plus mystérieux, elle brûlait d’en savoir plus sur le fin mot de l’histoire que lui contait le mystérieux bonhomme, dont elle ne connaissait toujours pas le nom. En bonne créatrice qui laissait ses créatures entre les mains d’autrui, ce qu’il advenait de ses vapeurs et comment elles étaient utilisées ne lui appartenaient plus…


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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeLun 21 Jan - 13:45

Contrairement à ce que beaucoup de gens s’imaginaient, le monde ne se divisait pas en deux parties. Il n’existait pas d’un côté les bons et les méchants, si l’on exceptait certains cas d’écoles. Il fallait pour correctement appréhender le monde comprendre que celui-ci se déclinait en des nuances délicates, qu’il convenait d’étudier avec tout le soin et la lenteur requis. Cela, la plupart l’admettaient sans trop rechigner. Mais il n’existait pas non plus de séparation très nette, entre, par exemple, les esthètes et les brutes. Les hommes de bon gout et les fâcheux au doigts gras et malhabiles. Si Lucius se voulait résolument être le champion de la beauté et de l’élégance, considérant que ses méthodes subtiles et ses plans arachnéens avaient depuis longtemps marqués de leurs nobles lettres les plus hauts firmaments du Beau, il savait qu’il n’était pas le seul esthète dont l’avis valait d’être considéré. Il se rappelait quotidiennement à cette dose d’humilité, se marquant du sceau de son imperfection pour toujours se pousser à avancer plus loin dans son aventure grisante, à explorer de nouveau rivage, l’œil toujours jeune et brillant de curiosité. La stagnation était, il en était convaincu, la première étape qui menait à une régression lente et insidieuse, un poison méphitique qui corrodait les os et les rendait creux comme ceux d’un oiseau fragile. Ce n’était pas là pour lui le prix à payer pour pouvoir prendre son envol, bien au contraire. C’était la marque de son infamie, le sceau honteux et indélébile qui indiquait aux yeux de tous que son temps était passé. Il fallait nager contre le courant, il fallait s’assurer que son inspiration ne se tarisse jamais, que le flot des idées nouvelles soit toujours abondant et fluide. Pour cela, il existait de nombreuses méthodes.

La plus productive, malgré le dégout personnel qu’éprouvait le jeune homme à son égard restait de… Faire connaissance avec de nouvelles personnes. D’extirper d’elles la substantifique moëlle, de briser leurs os métaphoriques pour en tirer tout le jus primordial qu’ils contenaient, pour dévorer leur chair et se repaître de leurs entrailles. Lucius déglutit doucement, les visions cauchemardesques qui se surimprimaient à son regard l’avertissant d’une crise à venir. Il ne pouvait pas perdre le contrôle, il ne pouvait pas se laisser aller à ses désirs les plus intimes. Pas ici, pas alors qu’il ne contrôlait pas son environnement. Et pourtant, quand il regardait Mäje, quand il écoutait sa voix chantante et ses intonations délicieuses, quand il analysait le vocabulaire qu’elle choisissait avec soin pour lui indiquer qu’elle comprenait et appréciait ce qu’il comptait faire de son produit, il ne pouvait que se dire qu’il avait là devant quelque chose de précieux et d’éphémère. D’ici quelques minutes, il remettrait dans la paume délicate de sa main l’argent nécessaire à l’achat des précieuses substances, et leurs chemins se sépareraient. C’était horrible. Tragique. Inacceptable. Il avait si faim, et maintenant qu’il se tenait face à quelqu’un capable de remplir le trou existentiel qui se tenait au creux de son abdomen, il ne voulait pas la laisser partir. Il voulait planter ses griffes en elle, il voulait la tirer à lui et étendre sa peau autour de lui, s’en faire une couverture chaude et douillette dans laquelle il pourrait lire les lettres cachées dans le pan intérieur de son cuir, et voir comme les anciens haruspices ce qui avait fait que la créature s’était liée à lui. Il avait faim. Si faim.

"Ce stimulus ? Hm… J’imagine qu’il n’y a pas de mal à en faire part à quelqu’un d’aussi ouvert vous, fit-il finalement, sa voix sortant de sa bouche sans même qu’il ne réfléchisse à ce qu’il dise, son esprit délirant trouvant à sa place les mots. Je ne pensais pas réellement à un seul stimulus, fit-il avec un sourire entendu. Plutôt à un échantillonnage très complet. Votre drogue possède selon moi un potentiel merveilleux, et il serait dommage de ne pas cataloguer ses effets."

Il croisa ses mains sur la table, oubliant un instant la choppe orpheline de bière qui attendait ses attentions, et hésita un bref instant, avant de continuer, plus maître de lui. Il savait qu’il pouvait suffisamment bien se contrôler pour que ces petits accidents restent totalement confinés en son for intérieur, sans que son trouble ne se remarque. Ils restaient quoi qu’il en soit d’intolérables manquement à la discipline à laquelle il comptait bien rester fidèle, et un point de vulnérabilité coupable dans son armure.

"Mais sachez que j’apprécie le compliment, et votre bénédiction pour étudier plus avant les applications de votre produit. Il est rare de tomber sur un esprit aussi compréhensif et avant-gardiste que le vôtre."

Ca y est. Il ne s’en tenait plus au plan. Un frisson répugnant parcouru son échine, alors qu’il mettait un pied, puis l’autre, dans un terrain inconnu, dans une jungle non répertoriée. C’était quelque chose qu’il ne pouvait pas se permettre en temps normal, quelque chose d’inconsidéré et d’impulsif. Et pourtant, maintenant qu’il le faisait, il se sentait libre. Ses os étaient creux. Il volait. C’était dangereux. Pour lui, bien entendu, mais aussi et surtout pour elle. Il ne voulait pas la voir mourir, pas maintenant qu’elle brillait d’une lueur iridescente comme une fleur tropicale. Il ne voulait pas avoir à le faire. Il ne voulait pas briser les mystères de son esprit, il ne voulait pas la violer de sa magie et être déçu par ce qu’il trouverait en elle. Pas maintenant. Pas encore. Alors, il lui fallait espérer, car il n’avait pas de plan solide. Il lui fallait espérer qu’elle saurait se montrer habile malgré elle, qu’elle serait dangereuse sans l’être réellement.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeSam 2 Fév - 16:44

Assise sur sa chaise et le dos allègrement décollé de son dossier, la sylphide se penchait d’une façon langoureuse sur la table en s’appuyant simplement sur ses coudes. Une attitude bien ouverte qui cachait en réalité des rivières tempétueuses et contradictoires, tantôt bouillantes tantôt dociles, toutes imprégnées de mystères et de complexité. Il était pourtant certain que le sujet de la conversation ne faisait que faire bouillir un petit peu plus son appétit vorace pour le jeu et pour les frissons de plaisir coupable que lui procurait un flirt avec les aspects les plus sombres des mortels.

Un jeu qui pourrait s’avérer aussi dangereux que compromettant pour ses affaires, mais il lui apparu nécessaire qu’elle garde la tête sur les épaules, sans pour autant se refroidir. Il était claire qu’elle ne savait pas à qui elle parlait, et ce jeu d’identité trouble était aussi charmant que venimeux. Il avait tout un tas de raisons de masquer son identité, et toutes plus compréhensibles les unes que les autres. Son activité et ses études se valaient d’être un minimum discrètes, même avec sa potentielle pharmacienne.
Cependant, et même si elle espérait en savoir plus, il valait peut-être mieux lui laisser cette intimité. Après tout, un jeu en double aveugle n’en était que plus délicieux, et ne pas savoir lui laissait la marge de le voir disparaître comme un nuage de fumée, autant que celle de pouvoir discuter avec la mort sans la prétendre son intime.

Par bouffées sensibles et subtiles, il dessinait un peu plus les contours d’un dessin infâme, laissant à Mäje le plaisir d’imaginer de quel infamie il pouvait s’agir. Cela remettait en question beaucoup de la nature même de son pouvoir, qu’elle avait toujours plus ou moins utilisée pour le plaisir d’autrui, et son enrichissement personnel. L’imaginer comme outil de sombres machinations n’avait jamais été ne serait-ce qu’envisageable, et cela lui ouvrait un champs de possible encore inexploré. L’esprit moderne dont il parlait n’était pas celui de l’immortelle, mais bien celui du mystérieux acheteurs. Par un chemin logique de pensées, elle ne pouvait qu’en conclure qu’il comptait utiliser ses vapeurs sur l’esprit de ses… Cobayes, victimes ? Toutes les possibilités ne soulevaient que des scénarios atroces, et pourtant elle ne ressentait ni dégoûts, ni mépris. Elle voulait simplement en savoir plus.

En bon élève, elle aspira une ou deux gorgées de son brevage avant de doucement poser le bock sur la table, évitant cette fois-ci de trop attirer l’attention, ne serait-ce que par respect de son interlocuteur.
Vous comprendrez sans peine que vous avez mon entière bénédiction dans votre grand Oeuvre. Et si mes splendides créations peuvent pour y mener, ainsi soit-il… Par tous les moyens nécessaires parmi ce que vous avez en tête.

Elle se doutait bien qu’il ne s’agissait en rien d’une création thérapeutique, et pourtant elle agissait avec un détachement terrifiant. Après tout, dès l’instant où les vapeurs étaient la possession d’un autre, à quoi bon imposer une autre contrainte ? Elle était telle la pieuvre dont les huit bras possédaient insidieusement le monde, toujours tapie dans l’ombre, sous une pierre, dans un recoin sombre, ou sur une chaise de mauvaise facture dans un établissement lugubre des bas-fonds de Thyrénium.

Il dessinait sur son visage rond un sourire assez glaçants, tant il tranchait par sa franchise et son caractère joviale du sujet terrible qu’ils discutaient ensembles. Et pourtant s’en était somptueux. La sylphide n’eut pensé rencontrer un tel personnage en entrant dans ces lieux, et cela était à la fois une belle surprise, à la fois un plaisir, fut-il malsain et néfaste. Ce type de rencontre n’arriverait vraiment pas tout les jours, il était important de bien savourer l’instant comme il se devait. Mais elle ne comptait pas en découvrir tout le mystère, pas maintenant. Plutôt le dévorer par petite touche subtile, si elle le consommait totalement. Au fond, elle trouvait que tout cela resterait sûrement plus délicieux si elle restait dans l’inconnu et le mystère.


Et bien, j’apprécie votre compliment également, même si je ne pense être ni l’un ni l’autre.
Dit-elle en allumant une nouvelle cigarette – il fallait bien choisir son poison. J’apprécie simplement le travail bien fait et la passion. Et vous me semblez être particulièrement passionné. Et puis, j’imagine que je suis également de ceux qui soutiennent la nouveauté et les précurseurs. Disons-le simplement : ce que vous comptez accomplir avec mes créatures me plaît.

Tel était sa vérité dans son habit le plus pure. Quelle créatrice pouvait-elle bien être si elle refusait le moindre regard neuf sur ses créations ? Et mieux encore : quoiqu’il ait dans l’esprit, quelque soit la réalité de son plan, quels que soient les victimes : elle était curieuse, tout simplement.

D’un geste, elle finit simplement sa bière. Elle avait encore soif.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeLun 4 Fév - 13:11

Tuer était pour Lucius quelque chose d’important. Pas parce qu’il ressentait une compulsion à ce niveau-là, un besoin erratique de le faire, mais parce que c’était pour lui un acte des plus intimes. Tout dans l’acte du meurtre lui parlait, évoquait en lui des instincts primaux et anciens, des héritages ataviques et secrets que seuls les sacrifices propitiatoires les plus sacrés étaient à même de révéler. Il aimait tuer, il ne pouvait pas se le cacher. Planter sa lame dans les entrailles molles et fertiles d’une personne, voir la lumière dans es yeux changer d’intensité, contempler la tension qui s’emparait de ses muscles et les tendaient brutalement, avant de se relâcher en un dernier éclair de vigueur et de révolte. Et puis, il y avait le sang. Il n’avait pas pour le liquide la même fascination que nombre d’autres tueurs. Il le trouvait lourd, poisseux et odoriférant. Pourtant, et ce bien malgré lui, il devait avouer trouver qu’il y avait quelque chose de merveilleux à voir éclore d’une plaie quelques corolles rougeoyantes. Bien sûr, tout cela dépendait grandement de la personne qui partageait avec lui ce moment intime. Et il devait avouer avoir en face de lui quelqu’un de particulièrement prometteur. Il imaginait à peine tout le plaisir qu’il pourrait prendre à la briser, à tordre et à contorsionner son esprit pour en faire une épave délabrée n’obéissant qu’à ses seules commandes, à la rendre prisonnière de sa propre psyché, devenue hostile et étrangère. Et puis, il y aurait le dénouement. Toute belle histoire devait avoir un dénouement. Sa mort. Il l’imaginait bien la gorge tranchée, sa blessure formant sur son cou gracile un collier incandescent, la jointure entre son visage séduisant et son corps enchanteur, réunissant deux mondes dans un torrent de douleur.

Quelle tragédie donc que d’être condamné à devoir la regarder sans jamais pouvoir lui faire découvrir tout ce qu’il pouvait lui offrir. Car il avait besoin d’elle vivante, et si son produit répondait à ses attentes, ce dont il ne doutait aucunement, il savait déjà que chaque utilisation de ces vapeurs exquises serait pour lui l’occasion de se remémorer tendrement, avec la pointe d’amertume nécessaire à la sublimation de ce genre de souvenir, leur aventure avortée et ce qu’ils auraient pu vivre ensemble. Il le voyait déjà dans le regard opalescent de la créature qui lui faisait face, il le devinait dans sa respiration calme et posée, dans le soulèvement délicat de sa poitrine. Il sacrifiait pour la science, pour le bien supérieur de ses recherches et de sa compréhension de l’esprit des gens une expérience qui aurait potentiellement pu changer sa vie personnelle. Il aurait aimé pouvoir partager ses maux avec quelqu’un, mais il le savait : la voie qu’il avait choisie était une voie solitaire. Il se pencha un peu en avant, ses deux mains s’appuyant sur le bois sombre et patiné de la table, ses yeux s’éclairant d’une lueur conspiratrice. Il prit la parole, son ton amusé cachant difficilement l’enthousiasme profond qui le traversait en ce moment :

"Ne soyez pas si modeste. Voir la beauté de ce genre de travail demande un esprit aussi agile que réceptif, et je suis ravi de voir que le votre en fait partie. Mais et vous-même, si vous me pardonnerez cette petite indiscrétion, comment vous est venu l’idée de cette concoction ? Je dois avouer me considérer comme assez… Expérimenté dans le domaine, et c’est la première fois que je vois quelque chose d’aussi particulier, aux effets aussi uniques que puissants. Et pourtant, votre nom m’était jusqu’à il y a peu inconnu…"

Il se redressa, et reprit une posture normale, avant de signaler d’un geste hâtif de la main à la serveuse de leur apporter de quoi de nouveau se désaltérer. Il était vrai que quelqu’un comme Mäje aurait normalement dû être connu et reconnu, au moins dans le cercle il est vrai relativement fermé des fabricants de stupéfiants. Et pourtant, elle était apparu il y avait de cela quelques temps, sans aucune affiliation particulière, et sa drogue s’était rapidement taillée une place de choix parmi les connaisseurs, au point que même Lucius, qui avait pourtant décidé que cette avenue de recherche ne pouvait rien donner d’intéressant sur le long terme, s’était décidé à revenir sur ses conclusions précédentes et s’était intéressé à son produit. Il attendit donc, patient, lové sur sa chaise comme un serpent au soleil, ses yeux ophidiens fixant son interlocutrice, se demandant si cette dernière accepterait de lui répondre ou s’il devrait forcer ce mystère à sortir des profondeurs abyssales de son esprit.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeLun 11 Fév - 12:51

La beauté était quelque chose de fugace et de profondément personnel, et en près de quatre cent ans, Mäje était bien placée pour en connaître de nombreux rouages sans jamais pouvoir prétendre être toute à fait experte. Philosophant en tirant une cigarette de ses effets, elle regardait plus intensément son étrange client, se demandant bien quels étranges fantasmes et quelles curiosités pouvaient bien tempêter dans ce crâne bonhomme et bienveillant. Nul doute qu’il devait il y avoir des profondeurs insoupçonnées et des abysses vertigineux, tout comme des salles terribles et d’horribles tableaux. Un labyrinthe intense des plus sombres visions qu’il devait apprécier autant qu’un vin capiteux.  

Comme un jeu de miroir, elle vit l’homme tout rond se pencher sur la table, sur les coudes, et pendant un instant elle s’imagina qu’ils étaient transportés ailleurs, loin de la sueur et de la poisse du lieu. Loin des mortels, en somme. Et contre toute attente, sa question était pour le moins surprenante. Mäje tendit attentivement l’oreille pour en apprécier tout le nectar, et savoura ses envies comme une proposition malsaine.
C’était jouissif ! Qu’elle aimait cette question, qu’elle aimait être hâtée de présenter sa création à la vue d’un sage et d’un client qui pourrait l’apprécier. Celle-ci était entourée de mystère, et l’était depuis qu’elle avait commencé à en faire commerce, et que les fioles s’étaient retrouvées partout dans les marchés noirs, à raison d’un ou deux spécimens pour porter son nom chez les plus grands consommateurs. Un met délicieux n’en est que plus rare, et elle ne dérogeait pas à la règle. Jamais elle n’avait voulu briller à la lumière : ce poste ne lui plaisait pas et ne lui apportait rien, si ce n’est des ennuis. C’était cachée et discrète qu’elle excellait, quand elle n’était pas à la lumière du jour c’en était. Son nom n’apparaissait d’ailleurs nulle part sur les flacons, et elle aimait jouer les poulpes cachés dans les profondeurs : à l’abri des regards et ses tentacules enserrant tout le continent. Une énigme cachée au grand jour.

D’un geste simple, elle écrasa sur la table sa cigarette à moitié consumée. Elle espérait qu’il ouvrait bien les yeux, car elle allait lui révéler le secret de ses vapeurs.

Habituellement, elle aurait probablement fait comme avec tout le monde, et aurait déposé un échantillon de sa créature directement sur la langue du larron, en un fugace et alléchant baiser. Mais elle respectait la volonté de l’individu de ne pas vouloir y gouter. Aussi, mieux valait trouver un autre plan ingénieux. Comme si elle allait boire une énième gorgée de sa pinte, elle attrapa le récipient en verre par sa anse, mais au lieux de faire couleur dans sa gorge une goutte du liquide doré, elle entrouvrit sa bouche délicieuse d’où s’échappa en un long filet une volute opaque de la fumée blanche. Pour finir sa démonstration, elle rabattit le verre à l’envers sur le bois de la table, emprisonnant ladite fumée tournoyante dans le verre sale.

A la vôtre. Ajouta-t-elle, regardant profondément le savant dans les yeux.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeMer 13 Fév - 16:48

Les mouvements ophidiens de la jeune femme avaient l’air aux yeux du jeunes Lucius de reptations hypnotiques. Le mouvement calculé et langoureux de ses bras gracile fendait l’air avec la précision froide et désincarnée d’un horloger penché sur son travail, et il pouvait voir dans les reflets acides des cascades noires de ses cheveux son propre visage, déformé par la magie et la tromperie. Il la regarda boire un peu de liquide, même cet acte anodin réveillant en lui des passions sourdes et possessives, et il vit ses doigts s’enrouler doucement autour de la poignée de la choppe de bière. Ses lèvres, rendues humides par la gorgée qu’elle venait d’avaler, se séparèrent pour prononcer quelques mots qui montèrent jusqu’à ses oreilles avec le même fracas tonitruant que les battements d’ailes d’un oiseau gigantesque et fantastique. Ils jetèrent une ombre dans son esprit, et il faillit en manquer le principal.

Il venait de voir. Il venait d’assister au lourd secret de la création de ce produit interdit, il venait de percevoir quelque chose d’infiniment noble et sacré. Lui, dont le seul œuvre beau dans une vie de stupre et de douleur était de percevoir et de repousser les limites de son esprit, lui le chef ladrini, le maître-chanteur, l’espion impavide, l’assassin sans cœur, avait été gracié par quelque chose de magnifique, et il avait faillit le rater parce que son esprit, justement, n’était en ce moment pas apte à exercer ses fonctions supérieures. Il secoua légèrement la tête, tenter de chasser la fascination excessive qui parasitait son esprit et de retrouver ses esprits. Il compta rapidement jusqu’à cinq, imaginant à chaque fois quelque chose de nouveau pour le tirer de sa rêverie. Un. Son ventre était troué, et de ce dernier coulaient indistinctement toutes les couleurs de sa psyché et ses boyaux, se mêlant en une bouillie infâme et indistincte. Deux. Il marchait, et marchait encore, et sous ses pieds s’étalaient plus rapidement qu’il ne pouvait avancer des charbons ardents qui lui arrachaient la voute plantaire. Trois. Quatre. Cinq. Les images se succédaient, chaotiques et chamarrées, et à chaque instant il redevenait un peu plus maître de lui, les scénarios apocalyptiques ramenant dans sa tête un peu de calme et de quiétude.

Il avança une main tremblante vers le récipient retourné, ses parois humides brillant d’une couleur extraordinaire qui miroitait devant ses yeux d’une lueur impossible. Il fit tourner le verre sous ses doigts mal assurés, regardant les fumées qui s’en échappaient avec un sourire presque niais, et il contempla tout l’horizon des possibles. Si elle pouvait de sa gorge faire naître ce sensuel produit, quels autres miracles se terraient encore dans les profondeurs paradisiaques de ses entrailles ? Quel esprit pouvait bien avoir engendré un tel produit, conçu une telle perfection ? Il s’était au début décidé à ne pas violer l’esprit de la jeune femme par manque d’intérêt, considérant qu’il n’était là que pour récupérer la drogue et partir. Puis, ce désintérêt s’était mué en un respect teinté de désir. Mais tout cela n’avait plus aucune importance. Il devait, saisi d’un impératif moral supérieur, parcourir les pensées de la créature, comprendre ce qui se passait à l’intérieur de sa tête. Il ouvrit son esprit, liant ses pensées aux siennes, et commença son imperceptible travail de sonde, ses dons télépathiques fonctionnant à plein régime. Il fallait maintenant trouver le moyen de retenir son attention, d’attirer sur lui son regard et surtout, surtout, de la faire penser. Il fallait qu’il ait quelque chose de lourd et de consistant à lire, quelque chose qui puisse lui permettre de comprendre. Sa curiosité dévorante ne se satisferait de rien de moins. Il hésita un bref instant, et dissipa la magie qui altérait son apparence.

Il se révéla, avec ses traits tranchants et son visage d’aigle, avec ses yeux froids que certains disaient inhumains, avec ses lèvres trop fines et son nez trop tranchant. Surtout, il se révéla vraiment, ce qu’il ne faisait que rarement, et encore moins devant des gens qu’il ne comptait pas soit supprimer totalement, soit lobotomiser jusqu’à ce que tout souvenir soit sorti de leur mémoire. Il prit la parole, sa voix se teintant d’une note d’excuse, mais restant ferme et assurée :

"Pardonnez ma méfiance initiale. Une habitude que j’ai pris au fil des ans, et qui me dessert aujourd’hui grandement. Vous avez été honnête avec moi, il convient que je le sois également avec vous."

Il désigna d’un doigt long et effilé les vapeurs dansantes, et continua, son ton se teintant une fois de plus d’une excitation discrète mais palpable :

"Ce chef d’œuvre ne cesse de me surprendre, et plus le temps passe, plus je me rends compte des multiples applications qu’il peut avoir. Dites-moi, comment vous est venu ce don ?"

Il attendit, espérant que sa question et son soudain changement d’apparence ne soient pas trop brusque pour Mäje. Le cas échéant, il pouvait toujours s’astreindre à altérer ses pensées, mais il préférait éviter de travailler de manière aussi brouillonne sur un esprit aussi prometteur. Alors il attendit, calme, patient, sa respiration se bloquant presque dans son thorax.
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MessageSujet: Re: A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]   A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius] Icon_minitimeMar 26 Fév - 10:09

Le bien, le mal. Tant de mots, tant d’idées à jamais débattu, de grands sacs dans lesquels on jeté volontiers autant de paroles et autant de concepts. On leur imputait tout: les meurtres, les sauvetages, les mariages, la mort, les vols. Tout était bien, et tout était mal, et dans la zone grise entre ces deux pôles distants barbotait l’immortel, à jamais ballotée entre ces deux hémisphères, à jamais épargnée par les mailles des filets, abritée par les plus grands et délivrant les plus faibles. Pour elle, pour qui le temps et la vie n’était qu’autres concepts, l’idée même du bien ou du mal semblait surfaite, ne dépendant que de l’émetteur pour trouver une raison d’être, une interprétation. C’était naturellement qu’elle était la première sceptique, tant la nature même du mal variait d’un individu à l’autre. Pour l’un c’était un crime. Pour un autre une œuvre d’art. Il n’y avait rien de général: il n’y avait que des individus, que des mortels, que des souffles. Des soupirs éphémères, tous plus beaux les uns que les autres.

Les yeux émerveillés du grand dadet à la face bonhomme la laissèrent songeuse, en pleine introspection du sens de son œuvre, de son pouvoir et de sa réalité. Alors qu’il attrapait le verre du bout des doigts, elle bascula d’un geste assuré sa crinière sombre sur son épaule, jouant au passage avec ses cheveux épais qui dégageait une forte odeur d’encens et de sable.
Elle s’était habituée à ce visage rond, à cette bouille mignonne qui pourrait séduire toutes les pucelles naïves et les crédules un peu simple. On pourrait lui offrir la tête du roi sur un plateau qu’il répondrait avec un sourire bienveillant et humain. Mais brusquement, après un rictus qu’elle ne devina ni être du pardon, ni du mépris, ces traits si doux se murent, se brisèrent dans une valse organique, une symphonie charnelle qui mit à mal et finit de tuer cette incarnation de la gentillesse pour laisser place à des lignes téméraires et franches, droits et tranchants, une petite bouche pâle et presque invisible, et deux yeux froids, clairs, perçants. Le visage du maître, ou encore une illusion? Elle laissa échapper un sourire étrange et énigmatique.


Vous êtes tout pardonné. Murmura-t-elle en polissant le verre du bout des doigts qu‘elle avait tiré à elle. Et entre nous, vous êtes bien mieux ainsi, votre allure sied mieux à votre œuvre.

Bien qu’engagé, il n’était pas dénué de charmes, et l’immortelle prit de longues secondes à le dévisager sans gêne, s’habituant au passage à ce nouveau faciès. Elle appréciait sa sincérité plus qu’elle ne voulait bien le montrer. C’était essentiel en affaire, elle-même avait fait le choix de se montrer tel qu’elle était et non sous les traits de son double - qui aurait certainement était bien moins prolixe dans cet entretient, son goût pour l’ombre étant plus fort mais moins palpable. Non, définitivement, elle préférait ce visage là. Plus franc, plus froid. Plus anguleux et torturé. Mais une remarque naquit alors que bout de sa langue comme la salive avec laquelle elle vint humidifier ses lèvres noires qui s’ouvrirent comme l’œil qu’elle posa sur son comparse.


Maintenant que je connais votre vrai visage, serait-ce trop demander de savoir avec qui je traite? Elle en oubliait les premières politesses, et elle n’avait toujours pas eut de noms.

D’un doigts qu’il pointa vers les vapeurs tournoyantes, il lui reposa des questions sur sa créature, la voix vibrant à peine d’une joie invisible, d’une liesse cachée par les mots. Il semblait déterminé à la brosser dans le sens du poil, et elle ne savait pas encore comment le prendre. Habituellement, ces remarques auraient probablement entièrement flatté son égo, mais il y avait dans ce regard d’aigle une lueur qui lui imposait la prudence, bien qu’elle brûlait d’en savoir elle-même plus sur toute sa création. Un entre deux qui ne la satisfaisait pas. De nature entière, la sylphide détestait être mise face à la dualité de ses propres émotions. Mais s’il devait en être ainsi, elle jouerait avec le courant, toujours flottant entre ces deux vagues contraires.


Il vous surprendra plus encore quand vous l’aurait essayé, monsieur. Il ouvre le champs des possibles avec la même douceur qu’un vin capiteux. Et pourtant il est aussi tendre qu’un agneau. Splendide, non? Et je pense qu’il n’a pas fini de surprendre et d’évoluer. J’ignore encore jusqu’où je peux la changer, la faire grandir. Mais je dois admettre être assez satisfaite par ses capacités actuelles. Mäje sourit une nouvelle fois de ses lèvres pulpeuses et pleines. Quand à l’histoire de ce don, elle est certainement aussi banale de votre capacité à changer de visage. Un jour une vapeur opaque s’est échappée de mes lèvres, et procura à mes paires le plus beau des voyages. Et j’ai longuement travaillé à sublimer ces vapeurs.

Ne s’encombrant plus d’être discrète, elle aspira une nouvelle fois une profonde bouffée de sa cigarette qui semblait ses fondre à leur regard et à ce qui dansait sur la table. Un plan machiavélique germait dans son esprit pour démontrer à son hôte la magie de sa créature. Déjà son regard le dépassait, et regardait les tables adjacentes. Une démonstration valait sûrement mieux qu’un grand discours, non?

Derrière-vous, deux tables plus loin. Un soulard tremblote sur sa table, il est déjà bien entamé. Que diriez-vous que je lui ressert un cocktail de ma composition? Vous pourriez m’assister, et tester par vous-même mon produit…?

Sans contrôle, elle laissa échapper un sourire tordu et franc, bien trop heureux pour être atténué. Mais elle se reprit si vite qu’il ne dura qu’une demie seconde. Un ivrogne délirant, il y en avait partout, non?
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A l'ombre des peupliers [Mäje/Lucius]
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