L'apprentissage de la responsabilité

L'apprentissage de la responsabilité

Il y a sûrement une vie meilleure ailleurs pour moi...

J’avais passé ma vie à récurer la vaisselle et à nettoyer la saleté des autres marins. Eux, ils vivaient des aventures. Moi je servais du rhum. Eux, ils s’enivraient et dansaient toute la journée. Moi, je jouais du piano. J’étais assez grand pour devenir mousse dans un navire, mais grand-mère ne me laissait pas partir. Soi-disant elle avait besoin de mon aide au Couteau Sanglant. Et qu’il était difficile de trouver un autre corniaud pour me remplacer. Mais, un pirate ne devrait pas suivre ce que son cœur avait envie ? Nous étions des hommes libres, mais j’étais le seul à être enchainé à Mavro Limani. Mais, ce qui m’avait donné envie de partir, le véritable déclic, c’était en entendant une discussion entre deux clients. Ils parlaient d’une bibliothèque à Hespéria, la capitale d’Eridania, où regorgeaient des milliers de bouquin contenant beaucoup d’information sur le monde. Des informations et des histoires que l’on ne pouvait trouver dans aucune autre librairie. Ce genre d’endroit pouvait peut-être m’indiquer l’existence de trésors cachés et encore inconnus ? Si je voulais commencer ma carrière de pirate, même sans équipage, je devais me mettre à la chasse au trésor !

Après avoir fugué de chez moi (logique vous me direz), je m’étais fait passer pour un nouveau moussaillon sur un navire marchand. Dommage pour le dénommé « Cole » ou je ne sais plus son nom. Je lui avais volé l’opportunité de prendre la mer… Enfin, sans regret ! Il me pardonnera sans doute un jour… Ou pas ?

C’était la première fois que je m’éloignais autant de Phelgra. Le mal du pays ? Je l’avais un peu, je dois l’avouer. Pendant tout le trajet, et même arrivé à la terre ferme, une grosse boule au ventre m’accompagnait. L’insomnie m’avait guetté chaque nuit. J’imaginais mes journées si je n’avais pas décidé de fuguer. Si je n’étais pas en train de laver le pont, j’aurais servi encore des bouteilles d’alcool à des pirates ingrats déjà ivre. Dans tous les cas, j’étais au service de quelqu’un, à nettoyer la saleté des autres et à faire le sale boulot. Mais, le fait d’avoir enfin pris la mer me faisait oublier mes tâches infernales.

Vous devez donc imaginer mon sentiment en étant arrivé ici, à Eridania. Fini les nettoyages, la serpillère, les supérieurs râlant toute la journée ! Mes pieds touchaient un autre pays qui m’était encore inconnu ! Cela sentait l’aventure ! Si jamais je devais faire face à un quelconque danger, je pouvais me toujours me défendre ! J’avais pris soin de m’équiper de mon sabre noir attaché autour de ma ceinture, dénué de fourreau et de mon pistolet. Ne vous inquiétez pas, je savais m’en servir. Mon père y avait bien veillé, depuis ma tendre enfance. Et puis, quand on travaillait dans un bar où il y était rare qu’une bagarre n’éclate pas… Je vous laisse imaginer le tableau.

J’accompagnais certains marchands qui se dirigeaient vers la capitale en prenant avec eux le même chariot. Ils avaient engagé un mercenaire pour la protection, ne se doutant pas qu’un « gamin » comme moi pouvait se servir de son sabre. Je n’avais rien à payer et… Je venais de me rappeler que je n’avais pas du tout le moindre sou sur moi ! Bon, bah je crois que j’étais pour aller dormir à la bonne étoile. Il m’était déjà arrivé de dormir sur le toit de la maison quand il faisait chaud à Mavro. Par terre, jamais, mais il y a un début à tout, non ? Ne répondez pas, c’était une question rhétorique. Bref, dire qu’ils allaient à Hesperia était une erreur, mais disons qu’on empruntait le même chemin. Nous faisions route vers le comté d’Odessa. Je ne peux pas vous en dire plus, vu que je ne connaissais pas l’endroit. Et je ne voulais pas que les marchands me le disent. Je voulais garder la surprise.

Malheureusement, la route n’était pas sans encombre. En chemin, nous tombions sur des bandits attirés par la marchandise et par l’or. Ils n’avaient pas l’air aussi terrifiant que les pirates de Mavro. Ils étaient un trio et avaient l’air de parfaits idiots. Menacer des honnêtes gens sans arme pour leurs biens…Autant tous nous tuer et filer avec le chariot ! Il n’y avait pas de témoin, on était en plein milieu de nulle part et donc il y avait moins de risque de se faire poursuivre par une milice ou que sais-je ? Le mercenaire dégaina son arme et entama un duel en un contre trois. Ce n’était pas un combat équitable. Et à cause de cette inégalité des nombres, on allait mettre encore plus de temps pour arriver à Hespéria… Enfin, au comté d’Odessa. Vous m’avez compris ! Comme les bandits étaient concentrés sur le mercenaire, j’en profitais pour sortir mon pistolet et tirer sur l’un d’eux. La balle avait touché le milieu du front du malheureux voleurs qui n’avaient pas eu de chance.

- Voilà, maintenant qu’on est à 2 contre 2, cette histoire va vite se régler.

Les marchands avaient pris peur en entendant la détonation de l’arme à feu. Les bandits ne cachaient pas leur surprise de voir qu’un « gamin » de 15 ans savoir utiliser un pistolet. C’était ce qu’ils disaient, hein ! Le mercenaire était aussi stupéfait mais profitait du détournement d’attention pour brandir son épée à l’un d’eux. Le bandit attaqué para au dernier moment et s’ensuivit un échange de lame. Quant à moi, je sortis mon sabre et intercepta l’arme de l’autre truand qui voulait s’immiscer dans le duel. Je lui fis un croche pied et profitai de sa chute pour lui planter mon arme en plein torse.

Je croyais m’être sorti sans souci, mais je me trompais.

Après que le mercenaire eut fini avec le bandit, nous reprîmes la route vers un petit village. Pendant le reste du trajet, je restais silencieux. Le visage crispé. J’avais bien couvert mon torse avec mon manteau, prétextant que j’avais froid et que je n’étais pas habitué. Le mercenaire émit l’hypothèse qu’étant un jeune homme, je devais être choqué d’avoir commis deux meurtres pour la première fois. Il n’avait pas idée de la vie que je menais à Mavro. Pour vivre là-bas, il fallait savoir se salir les mains.
Je revoyais la scène. Quand ce bandit que j’avais tué chuté par déséquilibre de ma part. Il avait profité pour me planter un couteau sur le haut de la hanche droit. Personne ne l’avait vu. Les marchands étaient derrière moi quand cela était arrivé et le mercenaire était trop occupé à combattre l’autre. J’avais de plus en plus de mal à respirer et j’avais de plus en plus chaud… Là, les marchands commençaient à s’inquiéter. Ils me répétaient plusieurs fois si j’allais bien, même quand je leur disais que oui.

On était arrivé dans un petit village. Tandis que les marchands, avec l’aide du mercenaire, déchargeaient leurs affaires, je sortis du chariot et prétextait une promenade pour profiter de l’air pur. Je descendais dans la colline en titubant. J’avais du mal à garder les yeux ouverts et ma vue devenait de plus en plus flou. Soudain, je perdis l’équilibre, tombais par terre et roulais jusqu’au pied de la colline. Du moins, c’était dont je me souvenais avant de perdre connaissance.