Le cycle sororal

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 Le cycle sororal

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Anonymous Invité
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MessageSujet: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeDim 27 Juin - 14:47

Les cimes de Noathis s’étiraient verdoyantes vers un ciel clair, les branches comme des longs bras tendus dans l’espoir d’attraper les nuages. Séquoias et sycomores semblaient se livrer bataille dans une interminable quête de hauteur tandis que dans leurs ombres fraîches, les arbustes et les buissons ébouriffaient fièrement leurs frondaisons, se satisfaisant des gouttelettes de lumière que laissaient filtrer leurs aînés imposants. Smaragd avait jeté la tête en arrière et faisait courir ses yeux d’ambre sur le tronc d’un grand érable. Son cœur battait la chamade, comme si un roulement de tambour perpétuel rythmait les pulsions de sa poitrine. Le bruissement des feuilles écartées par un petit corps en chute venait de se taire, et le cri strident qui l’avait précédé en déchirant les airs résonnait encore dans ses oreilles. Il fallait qu’elle retrouve l’oiseau, et vite.

La naissance des trois jeunes autours avait été une excellente nouvelle. Incertaine de ses méthodes, l’éleveuse avait craint que ses deux spécimens ne s’accouplent point, or elle avait constaté que la présence de cette espèce jouait un rôle crucial dans son habitat. Ils régulaient la prolifération des écureuils gris qui empiétaient de plus en plus sur le territoire de leurs cousins roux, et gardaient une serre ferme sur le nombre de pies qui s’en prenaient aux passereaux et aux pigeons ramiers. Elle avait beaucoup veillé sur le comportement des nouveaux parents, et une larme émue avait fait briller ses iris le jour ou des piaillements affamés l’avait arrachée à son sommeil. Une brochette de poussins minuscules, nus comme des vers et dont les yeux globuleux étaient encore scellés par leur innocence, occupait désormais le nid. Plus de six semaines avaient passé sans encombre, les adultes n’avaient aucun mal à nourrir leur progéniture, la hauteur de leur cocon les préservait de la plupart des maux et les griffes de leur père se chargeaient du reste. Hélas, à seulement quelques jours de l’indépendance, un des rejetons avait pris un envol malheureux.

Il avait tôt fait de disparaître derrière les ramages, de l’autre côté d’un large fossé que la Zélos n’avait pas osé franchir pour de ne pas perturber la famille de rapaces. Ils avaient élu domicile dans une portion de la forêt qui s’élevait sur un roc couvert de mousse et surplombait une large cuvette fendue en deux par un ruisseau. L’appel du jeune volatile avait retentit dans la vallée, perçant et soudain, si caractéristique d’un cri d’alerte face à un prédateur. Smaragd savait mieux que quiconque que ce genre de tragédie rythmait quotidiennement la vie de Noathis, qu’il n’était rien de plus qu’une étape nécessaire à la survie de chacun, et que le deuil de ses congénères serait vite surmonté – mais il ne s’agissait pas de n’importe quel autour. Ses parents faisaient partie des bêtes qu’elle avait apprivoisées, même si elle ne comptait pas les vendre. Elle avait tissé des liens avec eux, les reconnaissait de loin, et ne pouvait pas se résoudre à abandonner un de leurs petits à son funeste sort.

En plusieurs bonds agiles et en se laissant glisser dans l’humus, l’oiselière se retrouva rapidement au plus profond entre les deux talus, puis elle entama une escalade erratique en s’aidant des protubérances rocheuses qui perçaient encore à travers la végétation millénaire. Au sommet, elle trotta en direction de l’érable, ralentie quelques fois par l’inclinaison du sol qui la poussa à progresser à quatre pattes à certains endroits. La terre était fraîche sous ses pieds, encore sèche à cette époque de l’année mais déjà pleine de jeunes pousses. Les fougères lui fouettèrent les cuisses et plusieurs racines tentèrent de lui tendre un piège, mais rien ne pouvait freiner la course d’une femme de la forêt.

Arrivée au pied du grand arbre, elle leva le regard vers le nid mais ne put l’apercevoir. L’adelphie du malchanceux était silencieuse, ou plus probablement absente. Les trois jeunes autours avaient plus de soixante jours, ils étaient encore maladroits en vol mais ils ne comptaient plus beaucoup sur leur mère pour les nourrir. L’espace d’un instant, Smaragd se demanda si elle pouvait réellement sauver l’oiseau et le rendre à sa vie sauvage ou s’il était encore trop jeune pour ne pas être condamné. Quelques semaines plus tôt, elle aurait été obligée de le garder auprès d’elle et de s’en faire un nouveau familier, un orphelin de plus. Même si les deux parents connaissaient bien l’odeur de la Zélos et la savaient inoffensive, elle n’aurait pas pu leur rendre un oisillon soigné. Si proche de l’âge adulte, en revanche, il avait peut-être une chance de s’épanouir pleinement.

Une spirale d’empreintes se dessina autour du tronc. La fauconnière élargissait de plus en plus sa zone de recherche, s’enfonçant dans une verdure dense et indisciplinée que nul sentier n’avait jamais dérangée. Aucun nom, aucun appel n’aurait pu lui rendre la tâche plus facile ; elle traquait un animal muet avec lequel elle n’avait jamais établi un seul contact, et qui serait sans nul doute terrifié par son immense carrure. Elle veillait à demeurer discrète, à ne pas faire craquer les branches sous lesquelles elle ployait l’échine et à ne fouler aucun bois sec. Un bruit lui fit tourner la tête. Un bruissement sourd, puis une espèce de ronronnement. Smaragd se redressa à la manière d’un chien de chasse et laissa son ouïe exceptionnellement fine la guider vers l’auteur de ces sons.

Il s’agissait d’une renarde qui reniflait un tas de plume inerte et donnait occasionnellement des petits coups de crocs dedans. Le sang de la Zélos ne fit qu’un tour. Elle plongea la main dans la sacoche qui pendait à sa ceinture, en sortit un appât destiné à ses oiseaux – un morceau de chair crue assez mal dépecée – et se rua sur la scène de crime en un saut. Le canidé sursauta et se crispa sur ses pattes en glapissant, effrayé mais peut-être prêt à relever le défi. Après tout, sa proie n’était qu’à un ou deux pouces de son museau, il pouvait facilement s’en saisir et prendre la poudre d’escampette. C’eût été sans compter la sagesse de Smaragd qui, au lieu de le faire fuir, brandit la chair fraîche dans sa direction et l’agita dans le but d’exciter son flair. Les narines intriguées du goupil frétillèrent, et à l’instant ou ses dents se plantèrent dans la viande, l’Eryllis la lâcha et poussa un grognement sourd. La renarde referma la mâchoire sur la carcasse et détala sans demander son reste alors que l’oiselière se penchait, le souffle court, sur le corps de l’autour.

Sa poitrine se soulevait encore, mais ses inspirations lui demandaient visiblement un effort douloureux. Il avait une aile cassée et le flan rougi. Ses serres furent secouées de spasmes à la vue de la Zélos et son aile valide tenta de battre, mais il ne fit que se tortiller lamentablement. Un rien paniquée à cette vue, la jeune amazone tenta d’activer sa toute nouvelle faculté magique afin d’apaiser le rapace, mais elle ne sut dire si cela avait fonctionné : il cessa bien de s’agiter lorsqu’elle passa sa petite tête dans un sac en toile, mais le rendre aveugle aurait eu cette effet de toute manière. Désormais emballé comme un colis précieux, l’aile brisée soutenue par la main experte de Smaragd, le volatile plongea dans une léthargie désorientée. Sa sauveuse, elle, s’empressa de rejoindre la clairière la plus proche, et usa de son pouvoir de célérité autant de fois que possible jusqu’au village des Eryllis, à près de six miles de là.

Lorsque les ruines verdies d’Elgondor apparurent devant elle, la fauconnière se dirigea vers une vaste place autour de laquelle la plupart des protectrices de Noathis avaient installé leurs cabanons. À cette heure de la journée, un certain nombre d’entre elles s’étaient réunies autour d’un chaudron et déjeunaient dans une ambiance détendue de partage et de relaxation. La façon dont leur cadette déboula en s’égosillant mit une fin brutale à leurs conversations.

« – Aidez-moi vite, une soigneuse, docteure, quelque chose, pour mon oiseau ! Il va très mal ! La peur déformait ses mots et exacerbait son accent. »
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeDim 27 Juin - 17:28

La journée était belle et douce, sans plus d'agitation que le lent ballet des rares nuages dans le ciel. Dura n'avait pas grand chose d'autre à faire que de les regarder évoluer, retrouvant des bribes d'une enfance qu'elle n'avait pas eu en y cherchant des formes. Celui-là ressemblait à la hure butée de Secours, sa laie apprivoisée. Un autre, à une lance jetée par une sœur sur un ennemi de la forêt. Un troisième à une touffe de plantain poussant au bord d'un chemin sous les soleils brulants de Béamas. La guérisseuse s'était laissée absorber par son jeu puéril et avait ainsi délaissé les herbes qu'elle triait. Thym sauvage, framboiser, goulderance, saule blanc, mauve, tenace et lierre grimpant s'étaient éparpillés sur ses larges genoux. Le vent avait également mélangées celles qui avaient déjà été classées sur le linge que Dura avait déposé à ses pieds. Cet endroit, derrière sa cabane, où elle avait installé un billot pour s'assoir, ne manquait jamais de l'inviter à la rêverie.

Quand elle était de l'autre côté, devant la porte, elle ne parvenait pas à se concentrer: les allées et venues lui portaient toujours quelqu'un avec qui parler, si bien qu'elle n'avançait jamais et n'avait jamais un moment de calme. A l'arrière de la maison, Dura n'était guère plus active, mais elle pouvait au moins rester un peu seule avec elle-même et regarder Secours fouiller le sous-bois de son groin à la recherche de glands. Si urgence il y avait, le bruit ne manquerait pas de l'alerter et il fallait bien dire que ses dons étaient plus utiles en expédition qu'au quotidien à Elgondor. Même si Dura pouvait ressouder un os en dix minutes au lieu de six semaines, ce n'était pas la plus qualifiée pour soulager une grippe ou traiter une quelconque maladie chronique. Il n'était pas envisageable qu'on vienne la trouver: il pouvait arriver que certaines se blessent sévèrement durant les entrainements ou des travaux de rénovations, mais cela restait rare.

Avec de telles conditions, Dura aurait trouvé dommage de ne pas profiter de ces moments pour trouver un réel repos et être au sommet d'elle-même quand un combat lui ramènerait des sœurs mutilées qui auraient réellement besoin d'elle. S'arrachant finalement à ses rêveries nuageuses, la guérisseuse se pencha pour rassembler les herbes éparpillées au sol: s'en était assez pour l'instant, car lui venait de la place de bonnes odeurs de cuisine qui aiguisaient son appétit. Peu pressée toutefois, Dura prit le temps de ramasser chaque bouquet d'herbe, par espèce et de le nouer habillement d'une longueur de fil qu'elle coupait entre ses dents. Une fois cela fait et seulement à ce moment-là, la guérisseuse replia les pans du linge au dessus des simples pour les emporter à l'intérieur avant d'aller manger.

Le toit de sa cabane était bas: si elle s'était tenue droite, les cheveux de Dura seraient venus semer le chaos dans les bouquets d'herbes qui pendaient du plafond. En deux pas, elle atteignit le fond de l'unique pièce et déposa son baluchon sur le lit. La guérisseuse ne rentrait guère que pour dormir et stocker du matériel, cet espace exigu seyait bien mal à sa corpulence massive. C'est à peu près à ce moment là qu'elle entendit le bruit d'une course précipitée, et des appels à l'aide sur la place. Dura n'entendit distinctement que "soigneuse", crié d'une voix pleine de détresse soulignée d'un fort accent zinonien. En se redressant d'un coup, elle s'empêtra un instant dans les simples du plafond, mais elle avait déjà plus important à penser que l'intégrité des herbes qu'elle y stockait. Écartant ficelles et tiges de son visage d'un geste rageur qui en arrachèrent la plupart, la guérisseuse s'empara de sa trousse de chirurgie et s'engouffra à l'extérieur.

Son logis était un peu en contrebas de la place où toute l'agitation avait lieu. On aurait pas pu courir avec une blessée grave, Dura aurait certainement à se rendre sur les lieux de l'incident: dans le doute, elle siffla Secours qui lui emboîta le pas vers le lieu de rassemblement. Les femmes qui mangeaient s'étaient regroupées autour d'une zélos affolée, qui malgré son jeune âge dépassait nettement de la foule. Froide, concentrée, Dura s'avança sans ralentir vers l'attroupement, la silhouette immense de la laie sur les talons. On lui fit place pour la laisser passer et très vite elle se trouva face à la jeune fille. Ce n'est qu'à ce moment-là que la guérisseuse remarqua le paquet de plumes ensanglantées que la petite tenait entre ses mains. Elle resta interdite un instant: non que le sort d'un oiseau ne puisse pas la préoccuper mais il était rare qu'on fasse tant de bruit pour un animal.

Dura allait battre en retraite, confiant le sort du volatile à quelqu'un de plus compétente qu'elle en matière de médecine vétérinaire, mais la quantité de sang sur le plumage blanc de l'oiseau et les mains de la jeune fille l'alarmèrent. Il lui paru évident que si elle confiait au destin le sort de l'animal, il perdrait la vie en quelques minutes. Ce n'est que durant cette prise de conscience qu'elle releva la tête et croisa le regard de sa jeune consœur: Dura réalisa pleinement qu'elle était à peine sortie de l'enfance et son regard paniqué acheva de la convaincre. Elle prit aussi délicatement que possible le petit blessé des mains de la jeune zélos.

"Je ne me suis jamais occupé d'oiseaux, je ne promets rien mais je vais essayer." annonça-t-elle à la jeune fille dans un zinonien rouillé, se dirigeant déjà vers la table à manger dont elle débarrassa un coin d'un revers de la main, faisant fi des protestations.

Elle y allongea soigneusement l'oiseau, sur le dos, les ailes écartées, pour évaluer la situation, tout en compressant la plaie de son flanc avec deux doigts. Sa force était un énorme avantage pour stopper les hémorragies et réduire les fractures de ses sœurs, mais l'oiseau allait lui demander toute la délicatesse dont elle pouvait faire preuve. Son aile gauche était brisée nette, il n'y avait pas de mystère et la plaie était proportionnellement énorme au vu de la taille de l'animal mais il ne semblait pas avoir d'autres blessures.

"Est-ce que ce serait possible d'avoir un peu de place pour respirer?" lança-t-elle à la foule de curieuses qui s'étaient approchées pour voir le rapace, avant d'ajouter, plus doucement à l'intention de la zélos, repassant au zinonien: "Qu'est ce qui lui est arrivé, à ton oiseau? Peux-tu appuyer sur la plaie? Je vais avoir besoin de mes deux mains."

Dura prit un peu de recul et respira un grand coup: dans un instant elle prendrait la souffrance de l'oiseau.
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeDim 4 Juil - 18:59

Un groupe de trois Eryllis s’approchèrent d’abord à grands pas ; deux d’entre elles affichaient des mines affolées, les traits de la dernière étaient plus sévères. Smaragd tenait l’oiseau dans ses bras comme on tient un nourrisson et passait d’un visage à l’autre, pourchassant la vision rassurante d’une consœur compétente lui tendant la main. Un attroupement ne tarda pas à se former autour de la jeune Zélos dont les yeux avaient commencé à luire ; on lui posa des questions sur l’animal, mais elle ne parvint qu’à bredouiller. Elle ne sentait plus le contact régulier des plumes se soulevant contre sa poitrine au rythme d’une respiration ralentie mais combattive.

L’oiselière ne réalisa pas immédiatement que la voix qui portait par-dessus toutes les autres s’exprimait en zinonien. Le subtil entrelac de sons gutturaux et ronronnant qui mettait d’ordinaire du baume à son grand cœur mit une courte seconde à chasser son angoisse. Elle leva des yeux gigantesques sur sa haute congénère, laissant ainsi une larme inéluctable dégringoler sur sa joue. Bon sang, voilà qu’elle ne se souvenait plus de son nom, mais le faciès de cette Zélos lui était familier. Elle l’intimidait, de la meilleure façon possible. Les mots la percutèrent enfin. Bien sûr, elle n’était pas vétérinaire, mais elle était guérisseuse, et contrairement aux autres amazones autour d’elle, elle avait l’air prêtre à entreprendre quelque chose plutôt que de rester plantée là, à plaindre l’adolescente plutôt que la créature mourante. Smaragd la suivit, comme instinctivement, pas moins inquiète mais ragaillardie. Son aînée aurait sans doute pu la guider à travers un champ de bataille.

Le volatile se retrouva sur la table, les ailes déployées dans toute leur envergure, les serres crispées vers le ciel et encore animées de quelques spasmes. On n’apercevait plus ses iris orange qu’à travers une mince fente au travers desquelles la vie semblait vouloir s’échapper. Le spectacle terrifiait la fauconnière. Il était écartelé entre les verres renversés et les morceaux de venaison tombés des assiettes, son beau plumage était souillé de sang, les réflexes musculaires de ses cuisses tentaient de combattre pitoyablement la pression de la doctoresse sur sa plaie. Smaragd essuya sa paupière, ne réalisant pas qu’elle venait d’étaler un peu du liquide vital de l’oiseau sur sa joue. Elle renifla bruyamment par-dessus l’épaule de sa grande sœur, juste avant que celle-ci ne s’adresse à elle d’un ton presque maternel. Se précipitant pour l’assister, la jeune initiée appuya délicatement son index et son majeur sur le trou vermillon. Elle subit un coup de griffe, mais l’autour était si faible qu’il ne fit que gratter sa peau.

« – Il a fait une grosse chute. Il a dû être effrayé par un prédateur à son envol, ou il s’est cogné et a perdu le contrôle. Il est encore jeune, c’est pour ça qu’il a des plumes encore un peu beiges là, et donc il ne sait pas voler depuis très longtemps. Et puis une fois à terre, un renard roux l’a trouvé. Elle avait cessé de pleurnicher, et la boule qui s’était formée dans sa gorge ne l’empêcha pas de donner les détails inutiles qu’elle fournissait trop souvent quand elle commençait à parler rapaces – mais la détresse n’était pas prête de la quitter. Et puis elle réalisa qu’elle ne savait pas du tout ce que la guérisseuse s’apprêtait à faire. »
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeMer 7 Juil - 12:19

La petite sœur lui expliqua les circonstances de l'accident rapidement et efficacement malgré la panique que Dura lisait dans tout son être. Son sang-froid lui parût impressionnant, pour un être si jeune et la guérisseuse ne put s'empêcher d'y lire les traces d'une existence qui avait déjà dû être bien éprouvante. La morsure du renard lui fit froncer le nez: la salive des petits et des grands prédateurs était porteuse de toute sortes d'infections contre lesquelles même les meilleurs médecins ne pouvaient pas grand chose. Les oiseaux pouvaient-ils seulement contracter la rage? Dura écarta ce questionnement pour se reconcentrer sur l'instant présent: elle devait déjà s'occuper de maintenir le rapace en vie, en commençant par lui enlever sa douleur. Apposant une main sur l'aile et l'autre sur la plaie, par dessus les doigts de la jeune fille, la guérisseuse prit une grande inspiration en appelant à elle ses pouvoirs.

L'usage ne le rendait toujours pas plus simple. Quiconque avait déjà plumé un poulet savait que la structure d'une aile était similaire à celle d'un bras et la douleur qui fusa dans le poignet de Dura lui fit danser des étoiles devant les yeux. Le monde devint noir quand elle eut l'impression que c'était son flanc à elle qui s'ouvrait sous la morsure d'un animal monstrueux. Elle s'obligea à nouveau à respirer, chancelante: c'était l'habituel combat de l'esprit contre la chair, le tout était de faire comprendre à son corps qu'il n'était pas réellement blessé, que cette douleur n'était pas la sienne. Elle s'obligea à fermer le poing: ce n'était pas son bras qui était brisé, ce n'était pas son flanc qui saignait. La souffrance ne passait pas si vite, mais ces quelques exercices lui permettaient de reprendre le contrôle d'elle-même pour poursuivre les soins. Le rapace semblait s'être détendu, au moins libéré de la douleur atroce que Dura avait prise pour elle. Si elle ne parvenait pas à le sauver, au moins pourrait-il partir en paix.

"Tiens le bien, je lui ai permis d'ignorer la douleur. Il doit être choqué mais s'il reprend ses esprits il risque de chercher à s'envoler. Il ne sait pas qu'il est encore blessé." expliqua-t-elle, par déduction plus que par empirisme, un tremblement maîtrisé dans la voix. "Il faut trouver du vinaigre ou de l'alcool fort à présent, la plaie a déjà saigné mais on ne peut pas prendre de risque avec les morsures de renard."

La guérisseuse cherchait des yeux l'une ou l'autre substance: il y avait bien une bouteille d'eau de vie qui traînait quelque part. La douleur prise à l'oiseau brouillait toujours sa perception et l'épuisement qui avait suivi l'utilisation de son pouvoir venait de la frapper. Il pouvait sembler futile de s'infliger un tel supplice pour un oiseau, mais Dura avait absorbé et donc comprit trop de souffrances différentes dans son existence pour ne pas préférer la prendre pour elle dès que possible. Quoi qu'il advienne, cela ne durait que quelques minutes pour elle et cela pouvait assurer un moment de calme à celui qui était aux portes de la mort, qu'elle parvienne ou non à l'en ramener. Qui plus est, soulager la douleur ralentissait le cœur du petit patient et freinait donc l'hémorragie.

"J'ai besoin... de reprendre mon souffle." admit finalement la guérisseuse, appliquant elle-même la pression sur le flanc de l'oiseau. "J'ai besoin que tu trouve de l'alcool, une fois la plaie propre on pourra suturer."

La douleur était proportionnelle à celle ressentie par le patient et non à sa taille. La morsure était si cuisante qu'elle la gênait pour respirer et elle avait finalement dû admettre qu'elle avait besoin d'un instant pour s'en remettre. Si sa capacité de réflexion et sa vision étaient encombrées, ses automatismes étaient toujours présents. Dura porta sa main libre à sa trousse de chirurgie, passée sous sa ceinture, dont elle défit le lacet avec les dents avant de l'étaler sur la table. Il contenait toutes sortes d'instruments à l'allure barbare, étincelants de propreté sous le soleil. Réalisant qu'elle avait presque oublié de se montrer rassurante, elle tourna la tête vers la petite sœur pour lui adresser un sourire qui se voulait apaisant et assuré.

"Ne t'inquiète pas, je n'aurais besoin que de ça." expliqua-t-elle en désignant la plus fine des courbes aiguilles à sutures. "Va à présent, du vinaigre ou de l'alcool."
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeSam 24 Juil - 17:24

Autour d’elles, d’autres Eryllis terminaient de débarrasser la table et de ramasser ce qui en avait chu, autant de morceaux de viande désormais assaisonnés à la terre que de fruits brunis par le choc de leur chute. Loin d’être enchantées par la présence de sang aviaire dans les restes de leur repas, certaines amazones affichèrent des mines plus sceptiques que compatissantes – néanmoins, aucune ne s’étonnait de voir Smaragd si chamboulée par la perspective de laisser périr un de ses oiseaux. On avait fini par la reconnaître. D’autres, plus empathiques, se préparaient à aider comme elles le pouvait en sachant qu’elles ne devaient surtout pas encombrer la salle d’opération. On posa une main sur son épaule et des mots rassurants trouvèrent leur chemin jusqu’à ses oreilles alors que la jeune initiée regardait faire son aînée.

Les traits de la grande Zélos parurent se déformer quand elle usa de sa magie, et la fauconnière crut la sentir se crisper. Elle leva des yeux inquiets sur la doctoresse, angoissée à la fois pour l’autour et pour sa congénère. Était-il nécessaire qu’elle souffre ? Si elle avait su comment cela allait se passer, elle n’aurait peut-être pas imposé ça à une sœur. Enfin… Elle inspecta la guérisseuse en la toisant fugacement, et embrassa la pensée qui lui traversa l’esprit. Bien sûr qu’elle l’aurait laissé faire. Les gens de leur race ne craignaient pas la douleur, en revanche ils craignaient la lâcheté. Smaragd ajusta sa position pour mieux retenir l’animal, se penchant en avant pour faire meilleur usage de son poids. Elle n’avait pas l’impression de savoir ce qu’elle faisait mais il fallait qu’elle le fasse bien.

La panique qui s’était emparée de l’oiseau le quitta lentement, laissant ses serres et ses muscles alaires se détendre. On vit le rythme de son petit cœur s’assagir tandis que ses yeux s’ouvraient, dévoilant une large pupille qui se rétracta sensiblement. Son tourment avait donc pris fin, mais il s’était également éveillé et sa vétérinaire n’avait pas tort ; il risquait de se sentir pousser une deuxième paire d’ailes. Ses mouvements de têtes soudains trahissaient une attention aiguisée revenue à la normale. Il ne tarderait pas à se débattre. Les ordres du médecin étaient clairs, l’urgence l’était d’autant plus.

Les autres Eryllis avaient dégagé le passage, aussi Smaragd ne bouscula-t-elle personne en se ruant vers la cahute la plus proche. Il s’agissait d’un garde-manger commun dans lequel était conservé toutes sortes de denrées, du gibier fraîchement abattu aux épices rares et précieuses. Elle y déboula comme une furie en manquant d’enfoncer la porte de son vigoureux coup d’épaule : la pression lui faisait oublier que tout n’avait pas été bâti par des Zélos. À l’intérieur, la lumière du soleil ne perçait qu’à travers deux petites ouvertures, alors l’endroit lui parut plongé dans le noir ; elle s’y précipita sans s’en alarmer, passant des mains fébriles sur les étagères. Elle renversa quelques fioles qui eurent la bonne idée de ne pas se briser, et tâta tout ce qu’elle trouva sur le grand plan de travail ; légume, légume, fruit, bouquet d’herbes, fruit, fruit probablement pourri… Et puis ses doigts rencontrèrent du verre qui tinta bruyamment. Des bouteilles ! Elle en saisit une première et tenta d’en lire l’étiquette, mais il faisait vraiment trop sombre, et l’écriture était toute mince, et toute penchée, et ça ne ressemblait franchement même pas à un mot. Trop pressé pour grogner de mécontentement, elle ouvrit grand ses bras et y rassembla tous les contenants qui s’y piégèrent, provoquant une cacophonie infernale.

Smaragd laissa son chargement se déverser sur la table, priant pour que chaque bouteille ait été correctement scellée, et se mit à les consulter une par une. Vinaigre… Alcool… Elle réalisa que l’orthographe en isther de ces mots lui avait échappé.

« – Mmh, ça c’est la liqueur de Siolta, elle l’a ramenée d’Argyrei… fit une voix oscillant entre le désapprobateur et le craintif.

– Et ben c’est de l’alcool, alors ! N’ayant sincèrement pas saisi le but de la remarque, Smaragd tira sur le bouchon de liège et tendit la bouteille à sa consœur. »
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeMer 28 Juil - 20:06

Comme une flèche, la jeune zélos était partie à la recherche des substances dont Dura avait besoin. La guérisseuse ne vit pas par où elle allait ni ce qu'elle faisait: libérée de l'obligation de faire bonne figure face à l'enfant soucieuse, elle s'affaissa un peu et laissa échapper un grognement, alors que toute l'attention des Eryllis allaient à l'oiselière. Un instant, elle contempla le chemin qu'elle avait parcouru dans le contrôle de ses pouvoirs, depuis le temps lointain où elle était une jeune fille effrayée. De telles blessures l'auraient, un siècle plus tôt, jetée au sol, couverte de sueur et de larmes. Le même progrès attendait la jeune fille au rapace, elle était comme toute jeune zélos laissée libre, la promesse d'une floraison de possibilités qui lui viendrait avec l'âge mûr. Pour l'heure, elle disposait de la vitalité d'une jeunesse que Dura ne reverrait plus jamais.

Lentement, la douleur la quittait enfin. D'une profonde inspiration, elle parvint à réduire la souffrance qui rongeait son flanc à un seuil acceptable. Sa main persisterait à penser qu'elle était fracturée encore un moment, mais cela aussi passerait et fort heureusement, c'était sa sénestre qui avait accusé le coup. Dura rouvrit les yeux pour croiser le regard du rapace, qui semblait indigné d'être ainsi maintenu comme un poulet sur le billot maintenant qu'il ne sentait plus ses blessures. Cela lui tira un semblant de sourire tordu mais elle écourta bien vite son échange de regard avec l'oiseau: la petite sœur venait de déverser sur la table tout ce qu'elle avait pu trouver en matière de flacon dans la remise qui faisait office de cellier.

Le seul alcool qu'elle avait déniché semblait être une liqueur de prix qu'on avait ramené d'un pays lointain. Si la jeune zélos n'avait pas eu l'air de comprendre l'intérêt de l'avertissement, Dura l'avait pleinement saisi mais décida de ne pas en tenir compte: elle n'était jamais sortie de la forêt, ne comptait pas le faire et aurait à peine su situer Argyrei sur une carte.

"Si Siolta a un problème..." mugit Dura à destination de la trop prudente spectatrice, avant de s'interrompre: dans le feu de l'action, elle était revenue à sa langue maternelle. Elle saisit le flacon tendu par l'oiselière et se reprit dans une langue compréhensible par toutes mais non sur un ton plus avenant: "Si Siolta a un problème, c'est à moi qu'elle viendra en référer!"

Croisant à nouveau le regard de la jeune zélos, la guérisseuse leva les yeux aux ciel pour lui communiquer son agacement face à ces simagrées inutiles. Marmonnant pour elle même en zinonien sur celles qui ont trop d'argent et qui ont attrapé des goûts de luxe depuis qu'elles n'étaient plus complètement des hors-la-lois, Dura versa une rasade généreuse d'alcool sur la blessure. L'oiseau se tendit et s'agita un peu: elle avait prit la douleur de ses blessures, mais il n'était pas pour autant immunisé aux picotements d'une désinfection efficace. Elle invita d'un geste l'oiselière à la relayer pour maintenir le rapace pendant qu'elle enfilait le fil à suture sur l'aiguille, puis commença ce qu'elle appelait avec dérision son travail au point de croix pour refermer l'affreuse plaie.

De l'intérieur à l'extérieur de la blessure, ressouder les muscles, puis la peau. C'était une tâche presque paisible, aisée en comparaison du reste, malgré les plumes qui obstruaient sa vision.

"Il a un nom?" demanda finalement Dura en zinonien, soulagée de voir la mort s'éloigner enfin du petit corps de l'oiseau. "Tu dois avoir un nom aussi d'ailleurs, non?"
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MessageSujet: Re: Le cycle sororal   Le cycle sororal Icon_minitimeMer 25 Aoû - 18:55

La bouteille déversa son contenu sur la plaie de l’autour, et les reflets d’or de l’alcool se mêlèrent au sang en une drôle de couleur. L’oiseau griffa l’air de ses serres et tenta d’agiter les ailes, en vain, car la pression que les deux géantes appliquaient sur lui le clouaient bel et bien sur place. Il avait retrouvé toute sa vitalité ; ses pupilles minces et les tressaillements qui parcouraient ses muscles en étaient une preuve formelle, alors lorsque Smaragd se repositionna afin de laisser sa consœur préparer son matériel de suture, elle ressentit les soubresauts de l’animal jusque dans son propre cœur. Le voir si vite remis de ses tourments l’avait rassurée, mais il ne lui était jamais arrivé de devoir retenir un rapace d’une telle façon, en le forçant à rester sur le dos. Aucune position n’était moins naturelle, et même si la douleur ne semblait plus l’animer, il était évident que la peur lui dévorait les entrailles.

Les yeux de la jeune Zélos migrèrent vers les outils qui avaient été éparpillés sur la table. Certains présentaient des courbes improbables, et elle ne parvint pas à deviner à quoi ils pouvaient bien servir. Ils ressemblaient aux versions miniatures d’armes exotiques, des répliques bien trop minuscules pour être efficaces. Une lame se laissait flatter par le soleil, aveuglant quiconque posait un regard impudent sur son fil. Smaragd se surprit à se l’imaginer tracer un long trait rouge sur sa peau, et des images horrifiantes lui remplirent l’esprit l’espace d’une seconde. Ses traits poupins se déformèrent et elle regarda ailleurs, un peu trop perturbée par les visions cruelles que ses songes avaient conçues alors qu’elle ne s’en serait pas crue capable.

C’est sans doute pour la distraire que la doctoresse lui demanda le nom de l’oiseau. Smaragd fronça les sourcils sans trop s’en rendre compte, prise de cours par la question. Elle n’aurait pas parlé de prénoms, mais elle avait bien attribué un surnom à tous les rapaces de son élevage. Les sobriquets zinonien qu’elle leur adressait finissaient toujours par devenir un marqueur de leur identité, alors même si baptiser un animal lui semblait être une drôle d’idée, elle devait admettre ne pas être parfaitement immunisée à cette convention sociale. L’autour, lui, ne faisait pas partie de ses bêtes apprivoisées. Elle en avait un peu le sentiment, des fois, mais ce n’était pas du tout le cas. Il n’aurait pas répondu à ses appels, il ne se serait pas posé sur son bras – et si la grande Eryllis avait bien œuvré, il ne le ferait jamais non plus. Aussi n’avait-il ni surnom, ni rien du tout. D’abord, l’oiselière ne réalisa pas que son aînée ne pouvait pas être au fait de ces faits et de ces nuances, alors elle secoua négativement la tête en haussant les épaules pour souligner l’évidence. Et puis elle se souvint que les deux Zélos ne s’étaient jamais entretenues, et que si on lui avait posé une question, c’était parce qu’on ne savait pas lire dans les pensées. Encore un peu chamboulée par les évènements, elle répondit dans le désordre, mais sa voix n’était pas tremblante, et elle parvint même à esquisser un sourire timide. Parler en zinonien lui rendait toujours la vie plus facile.

« – Oui, c’est Smaragd. Enfin ça c’est mon nom à moi ! Lui il en a pas. Et du coup je connais pas non plus ton nom, je suis désolée. »
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