Une escapade, sérinité ou tumulte?

Hélia n’avait jamais vraiment su parler avec ses quelques relations amoureuses. Faut dire que grandir dans la nature n’aidait pas vraiment. Et puis, ce n’est pas nouveau que n’importe quelle relation est difficile à suivre. Quand elle lui avait dit ça, elle était parfaitement calme. Abel décida de répondre de la même manière. Contrairement à la Lhurgoyf, il était cinglant dans ses propos. Ce qui fit légèrement bouillonner la demoiselle.

“Je ne te demandais pas d’être chien obéissant. Autrement j’en aurai acheté un. Je te dis juste que j’ai besoin de temps et que ta méthode m’a quelque peu effrayé. Concernant le fait que tout soit révélé… Réfléchis un peu Abel. Je t’ai fait une promesse que je n’irais pas crier sur tous les toits d’Hespéria. Ensuite, c’est vrai que j’aimerais quelque chose à long terme mais ce n’est pas pour autant que je vais tenter de te mettre dans un piège. Je tiens à toi au point de respecter ce que tu me demandes. Alors, s’il-te-plaît, ne m’en veux pas parce que je joue les vierges effarouchées face à ton empressement soudain. Je te demande juste d’être patient.”

Il fallait que ça sorte. C’était ça ou bien… Peut-être le monstre ? Avait-il réellement écouté ce qu’elle avait dit ? Probablement pas vu qu’il avait décidé de changer de sujet en proposant la pêche. Il n’avait plus qu’à se prêter au jeu. Se quereller était une chose bien inutile. Aussi, elle lui proposa par la suite ce simple défi.

Hélia s’en fichait bien de perdre ou de gagner. Elle voulait juste s’amuser un peu et montrer ses talents hors-pair de pêcheuse. Peut-être n’avait-elle pas songé qu’elle se risquait à froisser son cher et tendre conseiller royal.

“Et de un !” criait-il alors qu’Hélia se contentait tout simplement de regarder le cours d’eau et les quelques poissons… Elle n’avait pas besoin d’harpon, elle avait déjà sa lance pour ça. Aussi, avec un calme olympien, elle se mit à guetter les prochains poissons qui passeraient. Un poisson venait d’être pêché. Puis un deuxième… Une chose était sûre, elle pourrait lui concocter un bon repas que seuls Vaughan et elle-même en connaissait le secret. Rien que cette idée d’en manger la faisait presque saliver.

Mais alors qu’elle rêvassait paisiblement à ce bon repas et ces quelques herbes qui parfumaient le tout, elle entendit un énorme “plouf”. Est-ce qu’Abel venait de sortir un gros poisson ? Elle tourna aussitôt la tête dans la direction du bruit mais ne vit rien…

“Abel ?” demandait-elle en le cherchant autour.

Quelques petites secondes passèrent avant d’entendre à nouveau un bruit d’eau. Elle se tourna de nouveau en direction du son et se retrouva face à un conseiller royal trempé jusqu’au os. Elle resta quelques secondes bouche-bée avant d’éclater de rire face au ridicule de la scène.

“Tu as beau être un sylphide avec des milliards d'années derrière toi et pourtant c’est les poissons qui ont raison de toi !”

Elle en pleurait presque tellement que la scène était drôle. C’était peut-être même la première fois qu’Abel l’amusait autant et c’était pas plus mal. Rire dans un couple était ce qu’il y avait de mieux selon elle. Face à ça, elle ne put s'empêcher de penser à Ellusie… Qu’était devenue la prêtresse ? Est-ce qu’elle était toujours aussi drôle sous sa timidité et sa maladresse ?

" Ah c’est bon ! Cesse donc de te moquer ! "

Le regard mécontent du Sylphide n’échappa guère à notre douce Swiezy qui se contenta de soupirer de déception qu’il ne s’en amuse pas avec elle.

“Allons… Ne te fâche pas. Je te sens en colère depuis que nous sommes partis. Est-ce vraiment parce que je ne suis pas à l’aise ? Je t’assure que tu te fais des i…”

Mais l’écoutait-elle vraiment ? Cela ne semblait guère être le cas puisqu’il lui tourna le dos et commença à se déshabiller. Cela en fait rougir doucement la jeune lhurgoyf. C’était pas la première fois qu’elle faisait face à la nudité mais c’était toujours aussi… Perturbant face à quelqu’un qui nous plaît. Elle se rapprocha doucement de lui, prenant le temps de poser le fruit de sa pêche.

“Abel… Pourquoi tu es comme ça ?”

D’ordinaire, il agit de la sorte quand Ambre lui en fait voir des vertes et des pas mûres. Mais la petite peste n’était pas là donc… Il se tourna vers elle et lui sortit:

" T’as gagné, alors vas-y demande moi ce que tu veux !"

Face à ça, Hélia n’avait pas vraiment réfléchi. Des idées germaient dans sa tête… Mais c’était des idées qui ne ferait que mettre de l’huile sur le feu de leurs débuts d’escapade. Elle soupira et se gratta derrière la tête.

“Honnêtement je n’y ai pas réfléchi. Je te dirais plus tard ce que j’en décide. Pour le moment, j’aimerais juste passer un bon moment avec toi. Donc, crevons l’abcès une fois pour toute et passons à autre chose si tu veux bien.”

Elle alla s’asseoir en tailleur à même le sol et croisa les bras devant sa poitrine tout en fixant le conseiller. C’était hors de question qu’il se défile de nouveau pour lui refaire une crise dans les 10 prochaines minutes.

" Patient ! Tu me demandes d'être patient ! Je le suis amplement, mais peut-être n'avons-nous pas les mêmes attentes l'un de l'autre, finalement !"

Hélia restait silencieuse à tout cela mais il était évident que cela lui faisait beaucoup de peine. C’était perceptible sur son visage. Pas les mêmes attentes ? Qu’est-ce qu’il attendait au juste ? Tout semblait clair au début de leur relation. Elle espérait même qu’il comprenne ses réticences.

Elle ne voulait pas se laisser abattre, c’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait décidé de l’affronter face à face. Jouer carte sur table une bonne fois pour toutes.

"Tu tiens vraiment à savoir, n'est-ce pas ? Eh bien, je vais te dire ce qu'il en est, puisque c'est ce que tu veux ! Cela ne va pas te plaire ! "

Hélia n’aimait pas vraiment le ton de voix qu’il employait. Toutefois, elle se gardait bien de ne rien rétorquer. Néanmoins, quelque chose commençait déjà à gronder en elle. Son monstre se réveillait tout doucement face aux joutes verbales du conseiller. Quelque chose n’allait pas et la créature pouvait sentir qu’une opportunité allait se présenter à lui. Abel s’avança vers elle, la regardant longtemps. Le cœur de la Lhurgoyfs semblait se ralentir au fur et à mesure que le temps passait. Et pire encore quand ses explications vinrent à sortir. Elle écarquilla les yeux comme si elle venait à peine de comprendre ce qui se passait. Venait-il ? …

En silence, elle tourna le dos au conseiller, répétant en boucle ce qu’elle venait d’entendre alors que des images commençaient à jaillir dans son esprit. Des images dont elle se serait bien passé si son esprit n’était pas aussi débordant.

“Je comprends mieux.”

Elle soufflait cela sans forcément chercher à être entendue. Un silence s’installa longtemps, comme si elle attendait des excuses de la part d’Abel. Rien que des excuses pourraient peut-être lui montrer qu’il regrette au moins. Regrettait-il d’ailleurs ? Tant de questions fusaient dans son esprit, des paroles prononcées entre eux. Des paroles qui semblaient tout d’un coup vide de sens.

“Trahison” soufflait le monstre à l’intérieur d’elle. Le voilà qui commençait à vouloir sortir et Hélia ne savait pas pour combien de temps elle pourrait le retenir. Soudain, à travers le silence, elle éclata de rire. Ce n’était pas son rire aussi doux et joyeux que d’ordinaire. Cela ressemblait plutôt à un rire nerveux voire mauvais.

“Ahah. Et tu oses me reprocher de vouloir attendre ?”

Elle se retourna pour le regarder. Ses yeux étaient noirs de colère en même temps que des larmes commençaient doucement à se montrer.

“Le grand Abel Thorn est donc un homme à faire des promesses en l’air ? Je m’évertue à respecter ton besoin de secret, je me montre prudente pour que personne ne sache notre liaison, je me fais poignarder par simple jalousie parce que je te côtoie, j’accepte en silence les mauvais regards de ta protégée, j’ai été battue et on m’a fait du chantage par rapport à toi… Et j’ai quoi en échange ?”

Intérieurement elle se disait: “J’ai même tué des hommes par colère quand ils complotaient contre toi.”
L’air semblait devenir de plus en plus tendu. Le ton d’Hélia se faisait de plus en plus menaçant au fur et à mesure qu’elle parlait. Même Shiral et Alaïs commençaient doucement à fuir dans la forêt, habitués à ce genre de mauvais présage.

“J’ai quoi en échange ? Tu es patient ? Où est-ce que tu as été patient Abel ? Tu appelle ça de la patience que de coucher avec une autre femme ? Et tu te mets en colère parce que je voulais attendre ?”

Elle ria de plus belle. Un rire diabolique… Une parole d’Opale lui revenait en tête: “il n’y a qu’à voir la façon dont vous vous regardez parfois pour comprendre que ce n’est pas un simple jeu entre vous.”
Balivernes. Tout ceci résonnait comme des mensonges et la créature continuait de répéter en elle: “Trahisons. Trahisons. Trahisons.”

“C’est donc ça la parole des politiciens ? Faire des promesses dans le vent pour adoucir le peuple ? Mes félicitations Messire Thorn, votre réputation d’homme à femme vous précède. Je devais être bien sotte pour croire que vous étiez différent de la plupart ?”

Était-ce bien la douce Hélia qui parlait où bien c’était le monstre ? La barrière était fine. Si fine qu’elle sentit qu’elle ne pourrait pas se retenir plus longtemps.

“Merde.”

Il était trop tard. Une forme monstrueuse fit son apparition à la place d’Hélia. Un monstre face au conseiller. La gueule de la créature s’ouvrit, comme prête à déchiqueter l’homme qui venait de lui briser le cœur. Le monstre aurait pu être l’allégorie même de la colère.

La chose avançait de ses gigantesques tentacules. Elle était à présent toute proche d’Abel, comme prête à le dévorer. De sa “main” droite, la chose posa ses longues griffes sur le torse de l’homme et commença à lacérer la poitrine de ce dernier. L’entaille devenait profonde au point qu’un terran normalement constitué aurait hurlé de douleur. Mais à peine la créature avait-elle fait cela que son regard vide fixa le conseiller. Comme si la créature devenait interdite tout d’un coup.

“Nnn…”

Essayait-elle de parler. Cela dura une dizaine de secondes. Et puis, sans prévenir, la chose poussa un cri effrayant avant de disparaître à son tour dans la forêt, abandonnant le Sylphide.

Combien de temps s’était écoulé ? La nuit semblait tomber. Hélia ouvrit ses yeux faiblement. Sa tête semblait lourde. Le plus effrayant était ce goût dans la bouche. Elle avait de nouveau perdu le contrôle. Qu’avait-elle tué ?

“Shiral ?” cherchait-elle à appeler. La créature portait ses affaires de rechange… Vu qu’elle venait à nouveau de déchirer ce qu’elle portait. Au lieu de ça, ses bras étaient tâchés de sang séché. Ne voyant aucun destrier arriver, elle pesta avant de sentir à nouveau les larmes couler. A ce moment précis, elle aurait souhaité que Vaughan soit auprès d’elle pour la consoler. Il aurait sûrement eu les bons mots. Du moins c’est ce qu’elle aurait aimé. Des mots qui consolent. A la place, tout semblait si confus dans son esprit.

Au même moment, elle entendit quelqu’un avancer vers elle, des bruits de pas dans l’herbe… Aussitôt, elle se cacha derrière les fougères, attendant de voir qui cela pourrait se balader dans les parages.

“Tu sais que je sens l’odeur du sang sur toi ? Te cacher de moi est par conséquent inutile.”

Cette voix… Elle ne la connaissait que trop bien et pesta en silence. C’était bien le dernier qu’elle souhaitait croiser à ce moment précis. Elle redressa la tête et fit la grimace. Hédios était là, face à elle.

“J’ignorais que c’était toi.”

La jeune femme avait encore l’esprit confus… Il lui fallait encore quelques minutes pour se remettre de cette créature. Elle ne bougea pas de sa plante, consciente qu’elle était toujours nue… Et légèrement couverte de sang. Qui avait-elle tué ? Secrètement, elle espérait que ce soit un animal. Alors qu’elle réfléchissait à tout ceci, un tas de vêtement lui fut jeté à la figure. Pas n’importe quels vêtements, c’était ceux qui était dans sa sacoche, accroché à Shiral… Alors… Comment pouvait-il être en leur possession ? Aussitôt, elle releva la tête et remarqua tout de suite que son “père” tenait la bride de son étalon. Mais ce n’était pas tout, Reckless, l’animal de compagnie d’Abel était aux côtés de la monture, tout en grognant contre Hédios. Sur le dos de Shiral, il y avait un corps, un corps qu’elle ne connaissait pas trop bien.

Elle s’habilla donc dans la précipitation et se dirigea vers le cheval. Hédios soupira un “Même pas elle embrasserait son vieux père” en ajoutant un rire mauvais. La demoiselle ne rétorqua rien pour le coup. C’était Abel. Inconscient. La selle de Shiral était également tâchée de sang séché. Etait-ce…

“Qu’est-ce que tu lui as fait ?” Siffla-t-elle de colère à l’homme qui se contenta simplement de rire en haussant des épaules.

“Pour ma part, je n’ai rien fait du tout. Tu devrais suffisamment me connaître pour savoir que j’aime tuer et non amocher. Si c’était mon œuvre, son cadavre serait juste quelque part dans cette forêt.”

Il marquait probablement un point. C’était évident qu’Hédios se serait fait un plaisir de le mettre en pièce. Surtout après ce qui c’était passé il y a quelques mois… Mais si ce n’était pas lui alors…

C’était elle ? C’était sous sa colère qu’elle lui avait fait du mal. Difficile de se souvenir de ce moment. Elle se souvient juste… De sa trahison. La colère faisait à nouveau surface dans son cœur. Il l’avait trahie au point qu’elle finisse en monstre. Il l’avait vu sous sa véritable nature.

“Je lui ai prodigué les soins nécessaires. Remercions ce vieux fou de Vaughan de m’avoir forcé à apprendre au moins cela. Ce qu’il peut être têtu."

Hédios parlait d’un air décontracté mais pour Hélia, ce n’était pas forcément bon signe. Il était du genre à se moquer d’absolument tout. Alors l’état d’Abel ne devait certainement pas l’inquiéter plus que ça. D’ailleurs, devrait-elle s’inquiéter pour lui ? Il l’avait trahie et ce n'était pas la dernière chose qu’elle souhaitait, le recroiser de sitôt. D’un autre côté, si elle était responsable de ces blessures, elle se devait d’en prendre soin le temps de son rétablissement.

“Une dispute de couple ?” raillait Hédios avec un sourire qu’Hélia se serait permise de recadrer avec joie si elle était dans son état normal.

“On va dire que quelque chose m’a mise en colère et que j’ai perdu le contrôle.
-Je te croyais capable de te maîtriser un peu plus ? D’ailleurs, je te croyais à la recherche de Vaughan au lieu de batifoler avec ce garçonet.”

Hélia soupira. C’était vrai que quand elle avait retrouvé Hédios la première fois, elle lui avait fait part de l’inquiétante disparition de Vaughan. De sa possible mort. Et pourtant, elle était toujours non loin de la capitale avec un homme qui venait de se moquer de ses convictions en couchant avec une ancienne conquête. Non vraiment, elle avait le don pour les histoires d’amour improbable et fatigante. Aussi, elle ne releva pas qu’Hédios se moquait indirectement d’Abel. Elle soupira en racontant toute l’histoire. La rencontre avec Arthur et les trois mercenaires qui l’informèrent que Vaughan était toujours en vie et qu’il possédait une demeure dans la capitale d’Hesperia. Elle raconta aussi le fait qu’elle s'était faite poignardé ce qui lui valut de rester plus longtemps dans la capitale et de séjourner chez le Conseiller.

“... J’ai dû me mettre en colère et l’effrayer quand je l’ai attaqué… Il a dû certainement me fuir.”

Hédios éclata de rire:

“Non. Cet abruti criait à tue-tête ton nom à travers la forêt. Il semblait désespérément te chercher. Et puis, il s'est effondré.”


La nuit s'était installée depuis longtemps mais à présent, ils étaient tous deux hors de danger. Hédios les avaient gentiment guidés jusqu’à une auberge. On avait également fait venir le médecin du village pour constater l’ampleur des dégâts. Heureusement, sa vie n’était plus en danger grâce au soins prodigués du lhurgoyfs. Jamais Hélia aurait cru le remercier un jour. Elle avait donc pris soin de se laver et d’enfiler une modeste robe avant de rester au chevet du Sylphide.

Les rôles étaient inversés. Mais pour des raisons semblables. L’un avait fini blessé à cause de l’autre. Que ce soit direct ou indirect il était évident qu’ils étaient des dangereux. Jamais Hélia n’eut pensé telle chose…En silence, elle réfléchissait, profitant d'un peu de répit avant le retour d'Hédios, où le réveil du Sylphide. Elle réfléchissaient aux paroles d’Abel.

Ces mots la faisaient douter. Devait-elle rester à son chevet ? Elle pensait qu’il ne voudrait certainement plus la revoir. Et pourtant, Hédios avait précisé que le Sylphide l’avait cherché… Elle soupira encore. Elle aimait sincèrement le Conseiller. Mais sa trahison avait également fait naître une blessure difficilement soignable. Alors… Que faire ?

Hélia tamponnait de temps en temps le front du conseiller dans l’idée de l’apaiser où de faire baisser une éventuelle température. Elle ne savait pas vraiment si les Sylphides avaient besoin de soins particuliers. Par conséquent, la jeune femme faisait comme elle pouvait. Si seulement Vaughan était là… Il savait s’y prendre avec les malades et les blessés. A la place, elle était tombée sur son géniteur. Géniteur qui ne tarda pas à de nouveau ouvrir la porte.

A ce moment-là, Hélia ne prêta aucune attention à l’homme. Bien qu’il semblait avoir sauvé la vie d’Abel, ce n’était guère suffisant pour la demoiselle d’être un minimum reconnaissante envers l’homme qui l’avait lâchement abandonnée bien avant la naissance. L’homme était bien conscient que Swiezy lui vouait une haine féroce.

”Je me suis toujours demandé Swieżyśniegzima, tu as eu un nombre incalculable d’occasions pour planter ton épée dans le cœur. Pourquoi tu ne le fais pas ?”

La femme restait silencieuse tout en veillant sur Abel qui commençait tout doucement à s’énerver dans son sommeil. Cela fit soupirer de dépit la pauvre Hélia. Se retrouver dans une pièce avec deux hommes complètement opposés à elle. Hédios ricanna légèrement:

“La belle aux bois dormant va s’en tirer, tu peux le lâcher tu sais ? D’ailleurs, c’est pas lui qui m’a chassé une fois avec son fauve ?”

Elle vint à se retenir de pouffer légèrement de rire. Connaissant le Conseiller Royal, il n’aurait guère apprécié ce genre de petites piques. Enfin… Le connaissait-elle vraiment au final ? Mais alors qu’elle s’apprêtait à se relever, le Conseiller royal attrapa sa main tout en prononçant son nom. Voilà qui faisait doucement pincer le cœur de la jeune lhurgoyfs pendant qu’Hédios en même temps ricanait de plus belle en trouvant cela “ridicule”.

“Pourquoi l’avoir sauvé ? Tu es plus du genre à passer ton chemin. Ca t’arrive d’avoir un élan de bonté ?
-Peut-être bien qui sait. Je suis dans mon bon jour. Et puis, au moins je peux me vanter auprès de jolies filles que je suis un héros.”

A ses paroles, Hélia se retourna vers Hédios. Ses yeux devenait de nouveau noir de colère. Comment osait-il raconter chose pareille à sa fille ? Annonçait-il qu’il allait encore se jouer d’une pauvre âme avant de l’abandonner ? C’était d’ailleurs possible qu’Hélia ait des demi-frère où des demi-soeur avec de la chance. Si c’était ça, comment était-il ? Non, en vérité elle ne voulait pas savoir. Elle se contentait juste de foudroyé Hédios par le regard ce qui ne semblait guère lui faire de l’effet. Le Lhurgoyfs n’était pas un homme à regret. Il aimait être un odieux personnage. Se délecter du malheur des autres, voler, tromper, tuer tout en se faisant passer pour un homme charmant aux premiers abords.

“Disons que tu m’en dois une à présent.”

Sans rien ajouter de plus, il fit un signe de la main avant de quitter à nouveau la pièce.

Intérieurement, Hélia rageait et regardait Abel.

“Tout ceci est de ta faute. Si tu avais tenu ta promesse, je ne t’aurais jamais fais de mal et je n’aurais par conséquent aucune dette envers cette ordure.”

Elle lui en voulait énormément. Autant qu’elle-même pour ne pas avoir réussi à se contrôler jusque-là. La blessure était encore vive. Elle aurait aimé se rendre dans sa chambre pour parler avec Opale. Son amie aurait pu être de bon conseil sûrement. Mais en même temps… S’ils étaient rentrés dans cet état, il y aurait eu de grande chance pour qu’Ambre lui lacère le visage.

Tout en étant retenue par la main d’Abel, elle s’enfonça tant bien que mal dans sa chaise et ferma un peu les yeux. Juste fermer  les yeux quelques secondes avant de continuer à veiller.


Quelle heure était-il ? Elle ne savait guère mais dehors, il faisait nuit noire. Doucement, elle s’étira un tout petit peu avant de se remettre confortablement dans son siège. Finalement, elle avait renoncé à l’idée de veiller. Bien trop épuisée par sa transformation et aussi par les derniers évènements. Aussi, elle ferma de nouveau ses petits yeux. Mais alors qu’elle pensait avoir encore toute la nuit devant-elle pour dormir, elle sentit une main caresser son visage avant d’entendre un murmure.

Que disait donc ce murmure ? Hélia ne savait pas. Elle n’avait pas comprit. Elle ce demandait même si ce n’était pas le sommeil qui était occupé de l’engloutir à coup de doux rêve.

La vérité était tout autre quand elle décida quand même d’ouvrir brièvement les yeux pour s’assurer que tout allait bien. Abel était bien réveillait et semblait même presque en forme étrangement. C’était donc ça la magie des Sylphides ? Elle avait du mal à reprendre ses idées, encore légèrement endormie par son court sommeil. Mais tout finissait par vite revenir en mémoire. La trahison d’Abel, la transformation, la blessure, Hédios et maintenant cette auberge. Pendant que tout lui revenait, Abel c’était assis aux bords du lit en regardant Hélia droit dans les yeux. La jeune femme ne savait comment agir.

Oh ! Il y avait bien des idées qui lui venait en tête. Se lever et partir, le giffler, lui hurler dessus. Tout ça lui venait à l’esprit mais entrait également en contradiction avec le fait qu’elle s’inquiétait des blessures infligés et de cette peine bien trop visible dans son regard. Elle avait envie de soupirer de plus belle. La tristesse l’envahissait de nouveau à cause de tout ce mal. Tout ce qui aurait pu être évité.

Mais c’est le Sylphide qui vint à prendre la parole en premier. Tout d’abord, il s’excusa de lui avoir fais du mal et qu’elle était à présent libre.

“Ni moi ou Ambre ne te causeront plus de torts.”

Ah oui. Elle avait parlé d’Ambre. Rien que ça la fit rougir de honte. Même si l’enfant n’était guère innocent, c’était peut-être injustifiée de la mêler à leurs histoires de couple. Bon… Trop tard et puis c’était agréable de voir qu’Abel n’était pas aussi aveugle concernant sa protégée. Mais que répondre à tout ceci ? Tant de chose fusait dans son esprit. Abel ne lui laissait même pas le temps de répondre quelque chose qu’il se leva.

Finalement, il n’avait pas complètement récupéré vu qu’il chancelait au point que Swiezy avait failli se lever pour l’aider à tenir debout. Néanmoins, surprise par la situation actuelle, elle resta juste sur sa chaise à guetter ce qu’il allait bien pouvoir faire. A son grand étonnement, il ouvrit la porte et comprit: “Tu es libre”. Alors c’était ça, elle pouvait partir. A ce moment-là, la colère l’envahissait. C’était tout ? Des excuses et tu peux t’en aller ? Merci pour tout et à la prochaine ? Si pour Abel, tout ceci avait un ton dramatique, Swiezy était juste furieuse de ce comportement.

Mais alors qu’elle s’appretait à le fustiger de quelques paroles cinglante, il se dirigea vers elle pour lui souffler quelque chose dans l’oreille. Des paroles qui firent oublier à Hélia toute colère pendant un instant.



Qu’attendait-elle au juste ? Qu’il la rassure ? Qu'il lui réponde que son écart était une mauvaise blague et que rien de tout ça ne c'était produit. Non, il lui venait de lui dire ce quelque chose dans l'oreille qui l'empêchait de partir et à la fois de fermer les yeux sur cette affaire. Que faire ? Et Hédios où est-ce qu’il était ? Elle ne l’avait pas revu depuis leurs derniers échanges. Est-ce que la jeune femme était censée le surveiller lui aussi ? Elle soupira, peut-être que c’était mieux de le dire à Abel aussi.

“Je dois te prévenir qu’Hédios est dans les parages. C’est lui qui t’a trouvé et qui t’a appliqué les premiers secours avant de me trouver…”

Hédios entra dans la chambre sans frapper. Aussitôt, Hélia se redressa et foudroya du regard son géniteur. Celui-ci s’en moqua éperdument et ajouta :

“Le jolie coeur est réveillé ? Fort bien. On dirait qu’il y a un petit problème.”

La demoiselle fronça un peu plus les sourcils et répondit d’un ton cinglant :

“Tu as séduit une fille déjà promise ? Je pensais que ce genre de détail ne posait aucun problème pour ta petite personne.

-Très amusant ta morale, mais tu devrais vraiment t’inquiéter plutôt que de roucouler avec ton petit ami.”

Hélia s’arrêta net dans sa moquerie.

“Où veux-tu en venir ?

-On vient de trouver un corps d’un garçon de ferme dans la forêt. Salement amoché. Si tu veux mon avis, ce n’est pas une bête ordinaire de la forêt qui ai pu lui faire ça ?

-Tu veux dire que…

-Tu vois parfaitement où je veux en venir. La forêt, un mort, des traces anormales. Il te faut quoi de plus ?”