Sterne und Krone

Je finissais de signer la missive, relisant attentivement les mots écrits, soignant ma calligraphie, il s'agissait de faire les choses correctement. Ma plume était assurée, la calligraphie élégante et éprouvée par de longues années de pratique, je ne détestais pas écrire et dans mes jeunes années il m'était même arrivé d'envisager la vocation de poète. Un doux rêve, même à l'époque où ne pesaient sur mes épaules que les maigres responsabilités de prince. Il m'arrivait parfois de me demander ce qui serait arrivé si, à un embranchement de ma vie, j'avais décidé de tout quitter, Hesperia et même Eridania, pour vivre au jour le jour, sur les chemins de terres exotiques. Je me serais sans doute fait dépouillé au bout d'une semaine ou deux, pensais-je avec ironie, me remémorant le jeune homme naïf que j'étais. Bien vite, je me demandais aussi, ce que serait devenu Hesperia et mon pays. Qui serait monté sur le trône ? Qui aurait protesté ? Eridania serait-elle restée une et unique ou les différents ducs et comtes auraient-ils déclarés leurs indépendances ? Je ne me voyais pas comme un sauveur dans ces différents scénarios, sans moi il était certain que les choses auraient été différentes mais, pas nécessairement mauvaises.

Aujourd'hui guéri de la fièvre de cendre je mesurais pourtant le chaos qu'aurait pu engendrer mon trépas. J'avais d'ailleurs retouché mon testament, peu évidemment était au courant mais, cela signifiait bien le sérieux avec lequel j'avais envisagé la chose. Je refermais le pli fraichement relu, scellant le parchemin sous un sceau rouge orné du sceau royal, un aigle symbole de la famille Mannus, surmonté d'une couronne symbole de la royauté, entouré de douze étoiles représentant les douze territoires éridaniens sujets de la couronne, le tout cerclé par deux branches de laurier, l'un des plus vieux symbole représentant l'unité d'Eridania.  

Je confiais la lettre à mon messager habituel, un jeune homme élancé, vif et rapide, un coursier d'exception qui ne m'avait jamais déçu. Il serait aux appartements de la destinataire en moins de quinze minutes. Le message était simple en somme, dans la forme il s'agissait d'une simple invitation à me rejoindre à la bibliothèque des Lumières pour une entrevue aimable et non-protocolaire. Une simplicité trompeuse, comme souvent quand on fréquente les hautes sphères d'un pays, aucune invitation de ma part ne saurait être tout à fait innocente. La dame faisait partie de la bien courte liste de mes prétendantes et outre la diplomatie que je devais entretenir avec Canopée et les gélovingiens, je souhaitais rencontrer la dame en personne. Je n'ignorais évidemment pas qu'elle avait déjà vu mon conseiller Abel Thorn à plusieurs reprises depuis son arrivée à la capitale, je me doutais donc que ce dernier avait déjà vendu la mèche, il ne tenait que mal sa langue et il était à l'origine de sa "candidature". Si je pensais bien que la dame comprendrait mes intentions avec cette invitation, j'ignorais encore son ressentis à ce propos et la teneur de la relation qu'elle entretenait avec mon conseiller. Je tapotais distraitement le bois de mon bureau en réfléchissant, concluant finalement que j'étais dors et déjà très curieux de rencontrer dame Phyrra Brynelis.