_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades. _ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose". _ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.
C'est en début d'après-midi, ce jour là, qu'un coursier se présentait devant la résidence de la Haute-prêtresse de Ténéis. Après avoir frappé, il attendait droit comme un « I » qu'on vienne lui ouvrir. Bientôt des bruits de pas pressés et le vantail s'entre-baillait laissant apparaît une servante. Elle s'étonnait de trouver un coursier arborant les couleurs royales. L'homme saluait la domestique et lui remettait une missive.
"A remettre à Dame Brynélis, je vous prie."
Puis sans autre forme de procès, l'homme quittait les lieux, laissant la servante confuse. Après quelques instants cette dernière reprenait ses esprits et s'empressait de rejoindre la Dame en question afin de lui donner la missive. Lorsqu'elle ouvrirait le courrier, Phyrra reconnaitrait sans peine l'écriture d'Abel.
Le 7 Géxon 1306
Abel Thorn
Conseiller du Roi
Hespéria
A l'attention de la Haute-prêtresse de Ténéis,
Dame Brynélis,
ayant eut l'honneur d'être nommé Conseiller du Roi par Sa Majesté
Thimothée Mannus, il me revient donc la charge de vous convier à une
entrevue au Palais.
A ce titre, je souhaiterais pouvoir vous rencontrer en date du 8 Géxon,
afin de m'entretenir avec vous.
Surtout ne prenez pas ombrage de cette demande, ce n'est qu'une simple
formalisation de la coopération naturelle entre deux conseillers.
Conscient du court délai séparant votre réponse du rendez-vous, je serais
également en mesure de vous rencontrer le 9 Géxon au soir, si d'aventure
vous ne pouviez honorer le rendez-vous du 8.
Je reste à votre entière disposition, pour toute précision qui vous paraitrait
Cette dernière releva la tête du livre dans lequel elle était plongée. Adressant un sourire à la servante, elle s’empara de la missive.
– Merci beaucoup, Nanda.
Elle ouvrit la lettre, et son cœur faillit s’arrêter lorsqu’elle aperçut l’écriture élégante d’Abel. Les souvenirs de la dernière nuit passée avec lui remontèrent immédiatement à sa mémoire, faisant monter la chaleur dans ses joues sombres. Depuis quand le sylphide lui faisait-il porter des missives officielles ? Que cela pouvait-il signifier, après la nuit qu’ils avaient passée ?
Lentement, comme craignant son contenu, Phyrra lu la missive, se détendant au fur et à mesure qu’elle comprenait les intentions du conseiller. Elle était surtout soulagée qu’aucune mention de l’intimité qu’ils avaient partagée ne soit visible dans ces mots élégants. Visiblement, il la conviait au nom du roi. Malgré qu’il ne s’agissait pas de ce qu’elle avait craint, ce n’était pas pour plaire à la sindarine.
Sa relation avec le sylphide n’avait rien de simple. Le simple fait de se retrouver en sa présence allumait un feu puissant en elle, et elle dégluti en imaginant la scène qui les attendait. De plus, et bien qu’elle soit conseillère de la reine de Canopée, Phyrra était surtout une conseillère religieuse, et elle craignait qu’on lui demande de prendre des décisions qui ne lui revenait pas.
Malgré tout, elle saisit une plume et rédigea une réponse au conseiller. Elle y serait, bien entendu, même si l’idée de se mêler aux joutes de la politique hespérienne l’effrayait plus qu’elle ne voulait l’admettre. Il s’agissait du genre de missive qu’on ne pouvait ignorer, la Haute-Prêtresse le savait. Ainsi, après avoir confirmé sa présence, elle scella le mot de son sceau personnel et fit porter la lettre à Abel.