Lily Volpe - Abattue ? Jamais !

DON : Transformation complète en son essence animale (renard roux)
SPECIALITES : Soigneuse (grande affinité naturelle avec les connaissances médicinales et soins divers), Médiation (capacité à calmer les situations conflictuelles)
POUVOIRS :
Soin guérisseur = ★★★★✩✩
Agilité surdéveloppée = ★★★✩✩✩✩
Hypersensorialité = ★★✩✩✩✩


Un petit poignard, qu’elle utilise principalement pour des cueillettes en tous genres, bien que cela ne soit pas ce pour quoi il a été forgé.


Hormis ses vêtements de prêtresse, Lily possède un sac dans lequel elle transporte du petit matériel médical pendant son itinérance. Parmi ses outils, il y a quelques éléments qui lui permettent de concocter des baumes ou des médicaments basiques en cas d’urgence.



Nyusha s’appliquait comme un enlumineur au-dessus du parchemin sur lequel elle faisait courir des lignes d’encre noire depuis une heure, à la fenêtre de sa petite chambre. La Terranne, douée pour les portraits, avait enfin jeté son dévolu sur Lily. Bien qu’elle la connaisse depuis longtemps, jamais elle n’avait eu envie d’user ses pinceaux sur ses traits. Enfant, Lily avait été petite et maigre, adolescente elle s’était transformée en grand échalas dégingandé qui semblait encombré par sa propre taille. Cependant fort heureusement pour la jeune Yorka, ces deux dernières années avaient apporté avec elles leur lot de qualités qui eurent raison de l’indifférence de Nyusha.

Grande, Lily l’était relativement. A supposer qu’un mètre soixante-neuf – quelle taille inachevée – fut satisfaisant. Il fallait reconnaître que sa stature ne manquait pas d’une certaine grâce, permise, Kesha soit louée, par des courbes féminines qui avaient enfin concédé d’apparaître et qui sans doute se développeraient encore. Nyusha se concentra sur ses traits indélébiles : une silhouette proportionnée, dessinée en sablier, avec une poitrine galbée, une taille fine et cambrée, des hanches marquées. Il fallait aussi que la chair paraisse tonique sur le parchemin, car Lily ne tenait jamais en place. Agile et souple comme elle l’était, il n’y avait rien d’étonnant à ce que sa silhouette soit ferme jusque dans ses bras et ses jambes. Si ses mains fines manquaient de douceur à force d’escalade, ce qui comptait était leur capacité à soigner.

Lorsque Nyusha arriva au visage, elle poussa un soupir. La Yorka avait les traits fins, à n’en pas douter, mais ils n’étaient pas aussi délicats que ceux d’une femme de la haute société. Non, son visage dégageait quelque chose de plus naturel, de plus spontané. Cela venait certainement de son tempérament souriant qui faisait monter une joie chaleureuse de ses lèvres rosées jusque dans ses yeux. Ses deux grands yeux d’un bleu pâle et doux qui évoquait la surface d’un lac gelé. Ce qui assurément faisait contraste avec ses cheveux roux. Son épaisse, longue et fournie chevelure couleur braise qu’il était difficile de ne pas repérer dans une foule. Nyusha se trouva bien incapable de déterminer si elle devait la dessiner raide ou bouclée, car Lily ne perdait pas beaucoup de temps à se peigner chaque matin – à tout le moins laissait-elle le vent s’en charger. Raison pour laquelle sa figure était toujours entourée de mèches folles qui parfois se piquaient sur son crâne dans une forêt d’épis.

Et quelque part là-dessous se trouvaient cachées ses deux oreilles qui trahissaient son appartenance aux Yorkas. Des oreilles de renarde, couvertes d’une fourrure aussi dense et rousse que les cheveux auxquels elles se confondaient. Bien qu'une petite pointe blanche ne se trouve à l'extrémité de chacune. Fait amusant, Lily levait ou rabattait ses oreilles selon ses émotions. Mis à part deux petites canines légèrement plus acérées que la moyenne, ces éléments étaient les seuls signes extérieurs de l’hybridité de Lily.

Son travail terminé, Nyusha choisit d’y ajouter quelques couleurs, aussi vives que le caractère de leur propriétaire.


Lily était tout à fait à l’image de ses cheveux – à moins que cela ne fût l’inverse : vive, désordonnée, toujours dissipée aux quatre vents. D’aussi loin qu’elle s’en souvenait, Nyusha ne l’avait jamais connue calme que lorsqu’elle dormait. Quand elle était enfant, sa mère adoptive comparait toute l’énergie qu’elle déployait à un catalyseur qui ne s’épuisait jamais. Les années passant n’eurent pas raison de ses déplorations car, malheureusement pour l’entourage de Lily, le temps ne changea rien à son incroyable énergie.

Nyusha devait néanmoins le reconnaître, la plupart du temps la jeune fille mettait cette vitalité au service de son apprentissage et des tâches à mener au temple, même ingrates. Aussi vivait-elle avec le sourire aux lèvres. Il était rare de la voir s’abandonner à des sentiments négatifs, quand bien même elle pleurait quand elle était triste ou râlait quand elle se mettait en colère. Quels que fut les événements, Lily conservait une forme d’optimisme qui la faisait toujours avancer, n’importait les épreuves. Elle était déterminée à vivre bien.

Mais là où ceux qui la côtoyaient trop peu se trompaient, c’est que bien souvent sa propension à sourire et tirer le meilleur de ce qu’elle traversait la faisait passer pour une idiote inconsciente des réalités, ou une indécrottable naïve. Il n’y avait rien de plus faux. Même si son bon caractère lui valait d’être prise de haut par les prêtresses carriéristes et ambitieuses qui usaient de tous les usages tus de leur caste, Lily connaissait la réalité des choses. Seulement, elle avait choisi de ne pas adhérer à ces manières rustres et sournoises. « C’est triste de croire que la vie fonctionne comme ça » disait-elle. Nyusha soupirait alors, la jugeant bien trop gentille. Mais était-ce une tare que d’avoir du cœur ? Et Lily n’en manquait pas. Personne n’avait été étonné de la voir se tourner vers la pédiatrie une fois son apprentissage terminé, pas plus que de la voir partir pour aider les gens par monts et par vaux. Elle étancherait alors sa soif de découverte et de rencontres – Nyusha riait presque à l’imaginer bavarder avec ceux qu’elle croiserait, rieuse et gaie. Elle les illuminerait de sa gentillesse et de sa bonne humeur, s’ils la laissaient faire un petit bout de chemin vers leur cœur. Quant aux obstacles qui se mettraient sur sa route, Lily les surmonterait. Abattue, elle ne l’était jamais.

Et peut-être qu’avec un peu de chance, elle se fatiguerait enfin un peu les jambes…



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La Sindarin bannie des siens depuis longtemps l’avait trouvée abandonnée dans une caisse quelque part sur une route qui menait au Temple de Kesha. A l’entendre geindre et gigoter, elle avait d’abord cru aux lamentations d’un petit animal piégé. Là où elle n’avait pas eu tort, c’est qu’à se pencher sur l’amas de déchets, elle avait découvert une petite Yorka dans un état proche de l’hypothermie. Elle l’avait immédiatement drapée dans son écharpe avant de courir à perdre haleine jusqu’au Temple.
- Mais qu’est-ce que tu ramènes là, Faye ?!
L’exclamation de Nyusha avait fait sursauter quelques malades parmi les derniers arrivants de la salle. Ceux qui n’avaient pas encore pris le pli de la frontalité la Terranne.
- Par Kesha, souffla Faye une fois les premiers soins prodigués sur le bébé. Elle était toute seule dans la neige, à la merci des vents glacés. Ce n’est pas un abandon, c’est du meurtre…
Les larmes lui montèrent aux yeux. La main secourable de Nyusha se posa sur son épaule.
- Allons reprends-toi. Tu l’as trouvée suffisamment tôt pour que l’on puisse stabiliser son état. Elle ne devait pas avoir été laissée là-bas depuis longtemps.
- Et quand elle sera guérie, qu’en ferons-nous ?
- Nous pourrions la mettre à l’adoption. Des parents incapables d’enfanter seraient certainement prêts à…
Mais autour du doigt de Faye venait de se refermer la toute petite main de cette toute petite rousse. Cette minuscule rousse aux oreilles touffues qui tiquaient, sur son crâne, au rythme de ses rêves. Faye sourit.
- Qu’il en soit ainsi, soupira Nyusha, attendrie.


- Lily, par pitié, arrête de courir…
- Tata Faye ! Tata Faye est de retour !
Faye réceptionna la petite fille qui, riant aux éclats, s’était précipitée dans ses jupes.
- Mais fais-tu là petite crapule ? Tu n’es pas sensée être à l’École à cette heure-ci ?
Lily afficha une mine contrariée.
- Dame Belasys avait mal hier soir, son bébé va arriver bientôt, et...
- Et elle aura bien plus besoin de calme que de t’avoir dans les pattes, soupira Nyusha d’un ton qui laissait à penser qu’elle aussi aspirait à davantage de tranquillité. Faye lui adressa un sourire signifiant qu’elle prenait le relais.
- Lily, ce n’est pas sérieux de manquer tes leçons. Ce n’est respectueux ni de Kesha, ni de tes professeurs. Que dira la directrice, d’après toi ?
- Mais j’ai fait mes devoirs ! J’ai appris tous mes psaumes et j’ai même fait mes calculs. Oh s’il te plaît Tata Faye, laisse-moi rester, je préfère ce qu’on fait ici !
- Je me demande parfois s’ils ne sont pas soulagés de la savoir partie vadrouiller, à l’École, marmonna Nyusha à l’oreille de Faye.
Un gémissement de détresse qui s’éleva dans la pièce voisine eut raison de l’attention des deux sage-femmes, qui se précipitèrent aussitôt près de la future mère. C’était le premier accouchement de Belasys, qui par surcroît était jeune et seule, pour avoir vu le père de son enfant disparaître dans les contrées sans laisser de trace derrière lui. Faye et Nyusha découvrirent un visage paniqué et contracté par la douleur lorsqu’elles entrèrent dans sa petite chambre. Le travail, qui avait commencé la veille au soir, s’était intensifié depuis quelques minutes.
- N’ayez pas peur Belasys, dit Faye tandis qu’elle procédait à son examen de contrôle. Ces spasmes signifient que votre bébé arrive. Vous allez bientôt le rencontrer, c’est une merveilleuse nouvelle.
La jeune maman tenta un sourire qui fondit presque aussitôt. Elle peinait à respirer.
- Je ne vais pas y arriver, haleta-t-elle
Nyusha s’agenouilla aussitôt près du lit et lui saisit la main.
- Bien sûr que vous allez y arriver, votre corps sait ce qu’il a à faire. Ne réfléchissez pas. Respirez profondément, avec votre ventre. Faye, peux-tu apporter des serviettes chaudes pour...
Les petites mains de Lily jaillirent sous son nez. Elles tenaient un plateau sur lequel étaient posées trois serviettes blanches et moelleuses, soigneusement enroulées, tout juste sorties de la vapeur. La Terranne aurait voulu continuer de ronchonner après la petite indisciplinée, mais elle ne s’en sentit pas la force.
- Tu as de la chance, fripouille. Maintenant file à l’école.
- Mais... !
- Ne discute pas ce que dit Tata Nyusha, reprit Faye. Belasys a besoin de calme et de concentration.
- Et elle n’est pas la seule. Allez, va remplir te petite tête. Ne sois pas si désolée, tu auras l’occasion de voir le bébé quand tout sera fini.
Déçue au-delà de toute conception possible, Lily obéit à ses tutrices et s’en alla, la patte traînante et ses petites oreilles rabattues sur son crâne. Il n’y avait pas encore deux chiffres qui s’alignaient à son âge et pourtant elle sentait croître dans son ventre un besoin absolu d’absorber le monde qui l’entourait, d’y prendre une part active tout de suite. Il lui semblait que les précieux préceptes qu’on lui enseignait à l’École de Kesha n’auraient de pertinence qu’une fois adulte, lorsqu’elle serait prête à entrer dans les rangs officiels de l’ordre, au moment où enfin ses actes auraient un impact sur ce qui l’entourait. Mais elle ne voulait pas attendre d’avoir un bras fort pour aider son prochain. Ne pouvait-elle pas, de sa petite main, ranger ce qui était déjà à sa portée ? Pourtant Tata Faye et Tata Nyusha ne le comprenaient pas ?
De retour à l’école après avoir gambadé gaiement dans les allées du temple qui lui étaient accessibles, Lily eut droit à une punition lorsque ses enseignants lui remirent la main dessus. Il ne lui fallut cependant pas plus d’une semaine avant de récidiver...


Faye courait d’un pas vif, indifférente au froid mordant qui s’engouffrait sous sa cape. Les supplications d’une Terranne en difficulté la stoppèrent néanmoins au bout de quelques minutes.
- Par pitié, ne cours pas si vite : je n’ai plus vingt ans... !
Il était de l’avis de Faye que si Nyusha conservait la force de râler c’est que tout n’allait pas aussi mal qu’elle le prétendait.
- Je te prie de m’excuser, je ne pensais pas que la réunion au Temple prendrait autant de temps. Je veux retourner à la salle de naissance au plus vite.
- Calme-toi. Elle ne peut pas avoir mis le feu aux lits.
- J'aimerais en être aussi sûre que toi.
- Tu as raison, dépêchons-nous.
Dans la salle de naissance, la plupart des patientes s’étaient abandonnées au sommeil ou à la lecture, en ce temps calme de début de soirée. Faye et Nyusha trottinèrent sur la pointe des pieds jusqu’au rideau qu’elles avaient tiré avant de partir et dont elles avaient dû, à contrecœur, se détourner en raison de leurs obligations cimmeriennes. Derrière la tenture s’élevaient des bruits de respiration lourde, saccadée de mugissements profonds. La jeune mère, qui se tenait debout près de son lit, les jambes fléchies, fermait les yeux, plus concentrée que jamais.  
- N’hésitez pas à bouger, dit Lily qui lui massait les lombaires pour la détendre, aidez-vous de la gravité. Voilà, comme ça.
Sa patiente expira très longuement tandis qu’elle changeait de position. Ses gestes faisaient penser à une chorégraphie très lente, concentrée sur son bassin et ses appuis.
- Je le sens bouger, chuchota-t-elle.
- Il vous aide à le mettre au monde, répondit la Yorka en épongeant le front de la mère. Vous êtes tous les deux en mouvement. C’est comme une danse. Kesha veille sur vous deux. Expirez doucement, tout doucement.
La maman, qui tournait et se retournait au rythme des contractions qui se faisaient de plus en plus intenses, suivait à la lettre les conseils de sa jeune sage-femme.
- Je suis contente que vous soyez là.
- Pensez-vous ! C’est vous qui faîtes tout le travail.
Faye, qui n’osait qu’à peine battre des cils, sourit de voir celle qui était hier encore sa petite fille en posture si professionnelle.
- Elle se débrouille très bien, murmura Nyusha.
- Oui, répondit Faye, la voix chargée d’émotion. Oh, on dirait que...
La jeune mère s’accroupit, la main de Lily fermement accrochée à la sienne. L’air complètement ailleurs, happée dans une bulle qui n’appartenait qu’à elle, elle poussa, après avoir repris son souffle, un cri rauque qui ressemblait à un rugissement. L’instant d’après, Lily avait récupéré à l’aide d’un linge le tout petit être qui voyait la lumière pour la toute première fois. Tandis qu’il brayait tout ce qu’il pouvait, elle le remit à sa maman, ivre de fatigue et de bonheur.
- Bravo, vous vous en êtes sortie à merveille ! Bienvenue, petit bonhomme !
Tandis que la mère découvrait le visage de son fils, Faye et Nyusha jugèrent bon d’entrer en scène, afin de l’aider à se recoucher et procéder à la toilette de l’enfant. Lily quant à elle choisit de nettoyer les lieux et de remettre un peu d’ordre.
Quand tout fut terminé, elle retrouva Faye et Nyusha dans leur petit salon de repos.
- Je suis exténuée, lâcha la Yorka en se laissant choir de tout son poids dans un fauteuil. Et je ne suis même pas celle qui a accouché !
- Sa traversée a commencé ce matin et le soir tombe déjà, observa la Terranne. Vous y avez au moins passé dix heures.
Faye sourit, les yeux humides de fierté. Lily ne put s’empêcher de rougir en croisant son regard.
- Qui aurait cru que ma petite tempête serait une apprentie sage-femme aussi compétente ?
- Kesha aura entendu nos prières. Pour ma part, ce que j'ai entendu, c'est que tu étais d’une aide précieuse pour les soins infantiles, je me trompe ?
- Écouterais-tu aux portes, Tata Nyusha ? Mais oui, c’est vrai. J’aime bien m’occuper des enfants. Leurs maux sont méconnus et négligés. Et vous êtes déjà deux naisseuses hors pair...
- Ne te justifie pas, la rassura Faye. Ta réflexion t’honore, et la voie que tu souhaites emprunter aussi. Cependant, je pense qu’une dernière étape s’impose.
Lily se dressa sur ses pieds d’un bond. Toute trace de fatigue avait quitté son visage.
- Je suis prête ?
- Il semblerait, répondit Faye, appuyée par les hochements de tête de Nyusha.
Le mois suivant, Lily Volpe passait le rituel des Prêtresses de Cimmeria et entrait dans la caste, en tant que prêtresse de second ordre.  


- C’est impossible. Je n’y crois pas.
- Lily, attends...
- Non, je refuse d’écouter !
Trois ans s’étaient écoulés depuis l’accomplissement du rituel. Trois années au cours desquelles la jeune Yorka avait été témoin des vilénies des autres prêtresses de l’ordre, comme l’en avaient mise en garde ses mères adoptives. L’ambition des unes, la frustration des autres, la jalousie de certaines. Sans que cela fut tous les jours ni aussi flagrant que le laissait penser ce résumé, il n’était pas faux de dire que l’optimisme de Lily lui permettait, malgré tout, de garder la tête froide et d’avancer selon les valeurs qu’on lui avait inculquées dès l’école de Kesha, puis au sein de sa petite cellule familiale reconstituée.
Cet optimisme fut néanmoins mis à rude épreuve le jour où Faye disparut. Lily ne pouvait s’empêcher de culpabiliser. Nyusha n’avait rien vu venir, elle non plus. Pour seule explication, elles trouvèrent une lettre, apparue très opportunément dans les quelques jours qui suivirent l’évaporation de la Sindarin. Lettre que la Terranne venait tout juste de trouver.
- C’est forcément un coup monté.
- Nous ne pouvons pas en être sûres Lily, Faye était fatiguée ces derniers temps, elle a pu...
- Tu recommences ! s’emporta la Yorka. Si elle était l’autrice de cette lettre nous l’aurions vu le jour même où...
La voix de Lily se brisa et elle se tut. Si seulement elle avait été plus attentive. C’était vrai. Faye avait depuis quelques temps les traits marqués, la mine sombre et le regard triste. Elle sursautait au moindre bruit, se montrait de moins en moins en salle de naissance. Et cette convocation, émanant du premier ordre, qui lui avait ruiné le moral... N’avait-elle pas montré des signes d’angoisse avant cette réunion ?
- Si seulement je n’avais pas été obnubilée par...
- Par tous ces enfants que tu aides si bien ?
Dans les yeux de Nyusha se mêlaient tristesse et détermination d’une manière tout à fait désarmante. Lily n’osait mesurer combien l’envol de Faye avait dû lui briser le cœur. Nyusha lui saisit la main et pressa sa paume, avec une tendresse ferme.
- Je chercherai les réponses à nos questions. Je resterai ici, puisque c’est mon seul foyer. Mais toi, ma Lily, tu as travaillé dur, si dur pour mener à bien ton objectif. Ne diffère pas ton départ, cela n’aidera pas Faye, ni personne d’autre. Bien au contraire... Songe à tous ceux qui tu pourras aider, sur ta route !
L’étreinte de Nyusha, ce jour-là, fut des plus déchirantes. Lily réalisa que celle qu’elle appelait Tata, à l’allure si sévère et impressionnante, était en réalité une femme de petit gabarit, qui ne laissait que rarement paraître ses détresses.
- Je ne peux pas te laisser seule, répondit Lily, le visage enfoui dans les cheveux de Nyusha. Je ne peux pas t’abandonner.
- Mais non, ce n’est pas ce que tu fais, répliqua derechef la Terranne d’une voix qu’elle voulut aussi décidée que possible. Tu as grandis, tu es une adulte, tu suis ton chemin. Telle est la volonté de Kesha. Et comme le monde est bien fait, c’est également l’ordre des choses. Tu me donneras des nouvelles, je le sais, comme je t’en donnerai aussi. Et ce temple sera toujours ton foyer. Va, ne retiens pas tes ailes, petite renarde.
- Les renards n’ont pas d’ailes, Tata Nyusha.
- Oui, eh bien, c’est un détail.

Lors de son départ, à l’aube, affublée de sa tenue de Prêtresse, Lily ne disposait que d’un petit bagage qui contenait le nécessaire pour s’assurer de vivre au cours de son voyage. Elle en tenait fermement la bandoulière lorsqu’elle partit, sur les routes enneigées, à la recherche des petits patients qu’elle pourrait aider à travers le monde. Dans un coin de son esprit, néanmoins, elle gardait le souvenir de Faye, et le mystère de sa disparition si soudaine. Déterminée à respecter son serment de Prêtresse, Lily se jura, si Kesha le voulait, de trouver des réponses en chemin. Après tout, le monde était bien vaste.