Le savoir est une grande arme [Aliénor Isil]

Bien qu'Aliénor appréciait l'hostilité du monde sauvage, elle avait ce besoin de voir quelque temps la civilisation. Elle ne voulait pas être dans l'ignorance et elle voulait tout savoir du monde qui l'entourait. Voilà pourquoi elle fréquentait les tavernes, retournant à la civilisation pendant les jours de marchés et les grandes fête d'Istheria... Sa soif de curiosité et de connaissance la poussaient jusqu'à Hesperia pour trancher sa faim. Pourquoi cette ville et pas une autre ? Eh bien, il y avait la bibliothèque la plus impressionnante de tout Istheria. Pourtant, ce n'était pas une ville qu'elle appréciait particulièrement : trop de noblesse lui donnait la nausée. Ah oui, la Rôdeuse n'aimait guerre cette classe sociale trop égoïste et imbue de leur personne à son gout. Cependant, elle gardait toujours ce respect envers les autres, bien qu'elle cachait son animosité derrière son capuchon...

Ce jour là, Aliénor retourna à Hesperia. Elle avait l'intention de retourner à la Bibliothèque des Lumières pour approfondir ces connaissances et prendre un moment de détente à travers les pages d'un vieux grimoire poussiéreux. Et alors qu'elle mit le pied dans l'établissement, une vague nostalgique déferla dans son coeur. Si elle avait connu cet endroit, c'était grâce à son défunt maître, Grim. D'ailleurs, c'était grâce ce dernier qu'Aliénor découvrit ce goût prononcé pour les livres et le savoir. Chaque fois qu'il avait du temps libre, il emmenait son apprentie dans ces lieues et l'instruisait. Elle se rappelait alors de ces moments passés sur ses genoux, à déchiffrer ces lettre qui lui était inconnu. Ainsi, il lui avait appris à lire mais aussi à écrire. Et tout ces livres qu'il déposait devant elle avec l'intention de lui apprendre le contenu, et ses longs discours qu'elle écoutait avec de grands yeux ouverts, pétillant de malice... Ah, quelle belle époque pour la Rôdeuse.

Dans les couloirs, Aliénor croisa des Eclaris dont elle les saluait humblement d'un mouvement de tête. Certains hasardaient un regard méfiant pour cette visiteuse qui refusait de dévoiler son visage, et d'autre lui rendirent son salue tout aussi humblement quand ils reconnurent son identité. Les Rôdeurs étaient bien acceptés dans ces lieues, et les dirigeant s'étaient habitués à leur caprice de garder leur visage encapuchonné. Et alors que l'Eryllis y mit le pied dans la bibliothèque, une odeur de vieux parchemin et des bougies consumées lui chatouilla les narines. Quel délicieux parfum...

Trépignant d'impatience, elle s'élança aussitôt parmi le monde des écrits. Son rayon de prédiction était bien sûr les myths et les légendes d'Istheria. Elle prit ainsi un grimoire sur les Dieux d'Istheria et leurs Histoires, un parchemin sur les vieilles reliques légendaires, un autre sur les créatures vivants dans ce monde qu'elle prit au passage, et autres écrits qui pourrait lui trancher sa faim... Mais elle trouvait qu'elle n'avait pas assez de documents à lire, elle voulait quelques choses en plus... " Quoi donc... " se demanda-t-elle en caressant son collier... Une illumination lui vint soudain à son esprit : son collier. Elle s'était toujours demandée si ce n'était pas un catalyseur, et non un " porte bonheur " comme lui avait dit son maître. Oui, voilà un bon sujet qu'elle pourrait étudier. Elle en profitera en passant pour se renseigner si les couleurs des catalyseurs influençait leurs effets.

Prenant tout ces documents dans les bras, Aliénor se dirigea dans les étagères où toutes les informations sur ces roches mystérieuse y étaient enfermées. Mais quelle ne fut sa surprise en découvrant qu'une autre personne avait dévalisé les parchemins dont elle s’intéressait. Face à ce léger problème dont elle ne s'y attendait pas, elle ne put réprimander d'une voix quasi muette un juron. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle pourra satisfaire sa curiosité. " Une autre fois, peut-être... " se dit-elle assez déçu.

Alors qu'elle cherchait une table vide, des légers gloussements vinrent à son oreille. Curieuse, elle chercha sa provenance et trouva des jeunes femmes qui abordaient avec timidité un... homme. Elle tendit le cou pour le dévisageait, c'est vrai qu'il était fort séduisant... Mais son intérêt se porta aussitôt sur les livres qu'il avait devant lui. Elle reconnut alors comme ceux qu'elle cherchait tout à l'heure qui aurait put la renseigner sur les catalyseurs. Elle se mordit alors fortement la lèvre. La Rôdeuse hésitait, pouvait-elle lui demander de l’emprunter pendant qu'il lisait un autre livre de sa pile ? " Non Aliénor, tu vas pas le déranger pour une idiotie pareille... Oui, mais c'est juste pour jeter un coup d'oeil... Non, lis d'abord ce que tu as et... Oh et puis zut ! " sa discussion intérieur passé, elle s'approcha du jeune homme avec un pas hésitant. D'ailleurs, de magnifique rougeur apparaissait sur ses joues. Heureusement pour elle qu'elle avait le visage encapuchonnée. Elle était si timide avec les autres, surtout qu'elle risquait de le déranger avec cette histoire. Et osant interrompre les jeunes femmes, qui semblait s'intéresser à lui, elle annonça :

- Excusez moi, Messire... Utilisez-vous ce livre pour le moment ? Dit-elle d'une voix hésitante en désignant le livre tout en bas de sa pile de lecture.

A dire vrai, elle ne s'attendait pas à cette réaction venant de ce jeune homme. Avec une courtoisie des plus charmante, il accepta l'offre d'Aliénor et rajouta qu'elle pouvait le rejoindre à sa table. En premier temps, la Rôdeuse pencha la tête sur le côté, assez étonnée par cet élan de générosité et désorientée par cette proposition qu'elle n'attendait guère. Mais au moins ces idées étaient claires sur un point : elle préférait décliner son invitation.

Mais elle n'avait pas eu le temps de le dire à cet homme, qu'il s'était aussitôt adressé aux jeunes filles. Il s'excusait au près d'elles et les assurait qu'il les reverrait au plus vite. D'ailleurs, Aliénor remarqua qu'elles regardaient d'un mauvais oeil l'Eryllis. Oh ! Avait-elle osé déranger leur petite discussion qui avait pour but d'attirer l'intention de ce magnifique jeune homme sur elles ? Rien qu'à cette idée, un malicieux sourire flotta sur ses lèvres roses et elle abaissa doucement sa tête pour le cacher à ces inconnues. Quoi qu'il en soit, ces charmantes créatures partirent finalement... Au plus grand soulagement du jeune homme ? N'était-ce pas un soupir qui venait d'échapper à ses lèvres qui n'avait pas échappé à l'ouïe de la Rôdeuse ? Alors plus Aliénor réfléchissait, plus elle voyait un peu plus clair... Il n'aurait tout de même utiliser l'Eryllis pour éloigner ces femmes qui lui pompaient l'air ? La Terranne espérait qu'elle se fasse des mauvaises idées car si par malheur c'était le cas, elle n'apprécierait pas du tout cette intention !

La voix du... Docteur ? C'était bien ainsi qu'elles avaient appelé cet homme ? Enfin, sa voix arracha Aliénor de ses pensées qui se retourna vivement vers lui. Sa cape claqua tandis qu'une mèche brune et ondulée valsa sur son épaule. Elle le dévisagea sur le moment : il avait un corps singulièrement svelte et frêle, tandis que les traits de son visages étaient délicats et reflétaient une certaine douceur... Le plus envoûtant était ses yeux dorés brillant d'intelligence qui allaient à merveille avec sa chevelure rousse aussi rougeâtre que le sang... Oui, il était beau, il fallait l'avouer. Mais pour Aliénor, il n'y avait rien de plus, car la méfiance à son égard l'empêchait de ressentir ce même sentiment qu'éprouvaient les belles créatures de tout à l'heure à sa vue.

- Ce n'est rien, lâcha-t-elle d'une voix suave, c'est plutôt à moi de m'excuser. Je vous ai dérangé durant votre discussion avec ces dames.

Elle se retint de sourire rien qu'à l'idée qu'elle venait peut-être de lui épargner cette échange avec ces délicieuse créature qui lui faisaient des charmes. Puis, elle posa son regard sur le livre traitant sur les différents catalyseurs pouvant exister sur Istheria...

- En effet, c'était ce livre que je cherchais... Mais je vous en prit, je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps. Vous pourrez travailler tranquillement si je me joins pas à vous...

Elle avait continué à parler d'une voix posée et mielleuse. Si Aliénor déclinait son offre, c'est tout simplement parce qu'elle ne faisait pas confiance à cet inconnu... Elle redoublait toujours de méfiance quand il s'agit des hommes. Espérant qu'il ne prenne pas mal.

Ainsi donc, le jeune homme avouait qu'il avait légèrement utilisé la Rôdeuse pour éloigner les demoiselles. Les doutes d'Aliénor étaient bien fondés et cela rendit la jeune femme encore plus méfiante et froide à son égard. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était bien qu'on la prenne pour un bouclier humain ! Mais le simple fait qu'il ait avoué ses fautes et qu'elle l'ait " sauvé " de ces pipelette chassa l'animosité de l'Eryllis aussi vite qu'elle est venue. La franchise était quelque chose d'important aux yeux d'Aliénor et puis, la situation dans laquelle elle l'avait extirpé était plutôt amusante... Peut-être qu'elle était trop méfiante et susceptible après tout. Pour cette fois-ci, elle fermera les yeux sur ce qu'il s'est passé... Mais il était tout de même difficile de l'en vouloir. Il avait l'air si gentil et fort galant. Il s'excusa même de l'avoir dérangé alors que c'était tout de même la Rôdeuse qui l'avait importuné. A force de galanteries, de sourire et de paroles plaisante, Aliénor sentit ses joues s'enflammer. Cela faisait tout de même longtemps qu'une personne ne l'avait pas fait rougir. C'est qu'elle était facilement intimidable si on savait utiliser les bons mots.

Quoi qu'il en soit, elle croyait réellement que ce bon docteur allait abdiquer quand l'Eryllis lui avait décliné son offre, mais à sa plus grande surprise, il insista et se présenta en tant que Calixte Telenna, médecin d'Hesperia. Son nom siffla aux oreilles d'Aliénor. Calixte... C'était donc lui ? Son nom était beaucoup conté dans les tavernes en tant que docteur fort charmant et talentueux. Qui aurait dit qu'elle le rencontrerait dans la Bibliothèque des Lumières ? Et voilà que le jeune homme lui fit un charmant sourire qui avait dont de la mettre mal à l'aise. Elle était réellement pas habituée qu'une personne lui face tant de courtoisies pour si peu.

Mais avant même que la jeune femme puisse dire un mot, la bon docteur lui proposa une bien curieuse proposition : se joindre à lui pour partager leurs découvertes et leurs connaissances aux sujets des pierres de Sphènes. Donc, le rejoindre à sa table, sacrifier sa solitude et parler à un inconnu... Tout ce qu'Aliénor redoutait. Bien sûr, il ne voulait pas la forçer, mais cela mettait l'Eryllis dans une fâcheuse position. Elle était réellement tentait de refuser, partager un moment avec une personne qui lui était inconnue la mettait mal à l'aise. La Rôdeuse a toujours était une grande solitaire, préférant rester seule avec sa conscience. Beaucoup de gens ne comprenaient pas cet amour qu'elle avait pour la solitude et pourquoi cherchait-elle obstinément à s'éloigner des autres. Mais c'était ainsi et rien ne pouvait y changer, bien qu'elle pouvait se montrer particulièrement sociable avec les gens qu'elle appréciait.

Alors, fallait-il partir dans son coin ? Alors qu'elle s'apprêtait à refuser gentiment son offre, un doux souvenir vint à son esprit comme une mise en garde... Un feu de camp en pleine nuit, l'hostilité de la forêt de Sphène, l'odeur du tabac et la voix douce de son protecteur qui dévisageait avec malice son apprentie, une pipe à la main : " Écoutes, Aliénor... Il y a dans la vie des moments où tu dois mettre ta méfiance de côté et saisir les mains qui te sont tendues. Chaque rencontre est une expérience enrichissante et que tu dois en saisir l'occasion... Car elle ne se présentera pas deux fois, et n'oublie pas, que tu n'as qu'une seule vie pour en profiter. " Ses images s'envolèrent comme des feuilles balayées par le vent. Elle resta un petit moment silencieuse à se remémorer des paroles que lui avait confié Grim, cette nuit, alors qu'elle était âgée de douze ans...

Alors, Aliénor leva son regard sur Calixte et lui offrit un magnifique sourire remplit de douceur tandis que sa voix fut empreinte de sagesse et de franchise :

- Alors si vous l'acceptez, je vais me joindre à vous... Mon nom est Aliénor Isil, Rôdeuse de l'Ouest.

Grim avait raison : il fallait saisir l'occasion quand elle se présentait avant qu'il ne soit trop tard. Et la jeune femme avait toujours l'impression que son protecteur veillait sur elle, même dans la mort, et qu'elle avait encore beaucoup à apprendre de la vie.

Elle observa Calixte retrousser ses manches avec un air de détermination, comme si ils allaient plonger et creuser à travers les ouvrages, ce qui fit sourire Aliénor. Au fond, quelque chose lui insufflait qu'elle va passer un bon moment en sa compagnie. C'est alors que le docteur flatta la jeune femme sur ses qualités de Rôdeuse et lui confie que leur union dans leurs travaux pouvait être utile et quelque chose d’intéressant, parole qui lui fit teindre les joues en rouge.

Calixte chercha alors parmi une pile de bouquins un ouvrage, Aliénor en profita pour s'asseoir au près de lui. Se mettant à l'aise sur sa chaise, elle écouta tout ce qu'il avait à dire et ce qui était sûr, c'est qu'il avait des choses à dire ! On sentait dans ses paroles qu'il était passionné par ce sujet et qu'il était bien plus expérimenté au sujet des pierres de sphènes que la jeune femme. Cette dernière fixait le bon docteur avec émerveillement. Elle buvait ses paroles comme un enfant pourrait boire un verre de lait. Elle aimait apprendre d'avantage et bien qu'elle connaissait déjà une partie des informations qui lui révélait, elle ne se lassait pas de ses paroles. Finalement, elle était heureuse d'avoir accepté d'étudier en sa compagnie, elle va pouvoir apprendre bien des choses et rien qu'à cette idée, ses yeux luisaient de malices.

Calixte s'arrêta un moment de parler, passant une main dans ses cheveux, avant de lui confier qu'ils existaient plusieurs spécimens de catalyseurs, dont plusieurs couleurs. Et à ces mots, il se pencha dans son sac et fouilla. Curieuse, Aliénor était quelque peu impatiente qu'il sorte l'objet dont il était à la recherche. Comme une petite enfant, elle se pencha un peu pour voir à l'intérieur du sac avec l'intention de satisfaire sa curiosité, mais elle ne savait pas quel était l'objet en question. C'est après dix minutes de supplice que sa torture fut enfin abrégée. Au creux de la main du docteur reposait une pierre dorée.

Calixte parla à nouveau et présenta cette merveille en tant que catalyseur ayant perdue toute son énergie. Il semblerait qu'il est tenté de percer le secret des pierres de Sphène mais il faisait face à une simple pierre précieuse. Aliénor vit alors son visage se ridait de frustration face à ce mystère jamais résolu. La jeune femme eu quelque peu de la peine pour lui, connaissant le goût du savoir d'un Eclari. Prenant délicatement la pierre des mains du bon docteur, elle plongea son regard dans cette merveille qui fascine tant et qui recèle surement l'un des plus grand mystère du monde d'Istheria.

- J'ai entendu parler, commença-t-elle doucement, que l'essence divine, souffle de vie qui créa Istheria, est répandue à travers le monde entier. Cependant, il existe des endroits où l'essence est plus concentrée...

Elle caressa doucement la pierre dorée, se perdant dans ses pensées et dans ses réflexions.

- Par exemple, la forêt de Sphène, située à Noathis, est connue pour ses pierres de Sphènes verte. Et si cette forêt était justement imprégné d'une très grande quantité de l'essence divine ? Cela a put modifiait la flore et les pierres ont du absorber cette magie... Peut-être est-ce ainsi que " naissent " les catalyseurs et voilà pourquoi on ne peut trouver partout des catalyseurs de part le fait qu'il faut peut-être un endroit imprégné d'une grande quantité d'essence divine pour que des pierres deviennent des catalyseurs... Je ne sais pas si je suis assez claire.

Aliénor rougit et se gratta nerveusement la nuque. Elle craignait d'avoir refilé une explication ridicule ou encore trop ambiguë pour que le bon docteur comprenne son charabia. Elle lui avait confié son point de vue singulier et voulait savoir ce que pense Calixte. Au fond, elle avait peur d'être ridicule à ses côtés, car elle savait qu'elle faisait face à un être qui étudie les catalyseurs depuis plus longtemps que elle. Elle se demandait même si cette idée de rallier son savoir avec le siens n'était pas stupide, car il avait sans nul doute beaucoup plus de connaissance que la jeune femme et savait surement ce qu'elle avait apprit sur les catalyseurs au cour de sa vie de Rôdeuse. Enfin, c'est une expérience comme une autre à tester.

Ce fut un soulagement pour Aliénor, semblable à une épine qu'on retirerait du pieds. Il semblerait que son point de vue sur les pierres de Sphènes n'était pas si insensé que ça, au contraire. Et le fait qu'il la félicita fit teindre en rouges ses belles joues et elle sentit une certaine gêne s'emparer d'elle. Les mains liés sur ses jambes, la Rôdeuse écouta alors le bon docteur avec une attention particulière. S'il n'y avait pas eu ce terrible capuchon qui recouvrait une bonne partie de son visage, on aurait aperçut ses yeux sombres brillaient de malices en observant Calixte. Il y avait quelque chose dans ce dernier qui envoûtait la jeune femme, un certain charisme, qui faisait qu'elle avalait goulûment tout ce qu'il disait. La vérité était que le jeune homme détenait le savoir et avait touché un point très sensible pour l'Eryllis : la connaissance et les histoires. C'est dans ces moments pareils qu'on aurait pu penser qu'Aliénor serait non pas une Eryllis, mais une Eclaris...

Enfin, quoi qu'il en soit, la curiosité de la Rôdeuse en prit en sacré coup face aux paroles de Calixte. Le bon docteur aurait lu certains ouvrages où ils seraient dis qu'il existerait des endroits sur Istheria où il n'y avait nul essence divine, mais la vie était tout de même présente. Ces mêmes ouvrages à présent inaccessibles et qui auraient remis en question certaines idéologies du passé... " Mais... Comment a-t-il pu lire ces ouvrages si ils ont disparu aux yeux du monde il y a fort longtemps après les ennuis qu'ils ont causé ? "se demanda soudainement Aliénor en fronçant des sourcils. Cette dernière regardait à présent Calixte d'un tout nouveau regard, le visage impassible et fixant ses yeux d'ors... Il y avait dans Istheria de nombreuses races, tous différentes les unes que les autres. Terrans, Lhurgoyfs, Zélos, Sindarins... Certains peuvaient vivre très longtemps, à travers les âges du passé, comme les Lhurgoyfs. Mais le jeune homme ne détenait pas cette chevelure blanche spécifique à cette race. Sindarins ? Non, il n'avait pas les oreilles pointus... Gorgoroth ? Aliénor se mordit discrètement la lèvre. Possible, mais il n'avait rien d'un cadavre ambulant ! " Un Sylphide ? " pensa-t-elle en penchant sa tête sur le côté. Il y avait des chances et ça serait une des rares fois que la Rôdeuse en rencontrerait... Ces êtres sont à la fois singuliers et tout aussi mystiques. On disait qu'ils étaient sages et avaient un très grand savoir qu'ils auraient accumulé de part leur immortalité. Aliénor souhaiterait tant visiter leur Temple caché aux yeux de tous sauf aux Sylphide eux mêmes...

... Ou alors l'Eryllis se laissait trop emporter par son imagination et peut-être que le docteur n'était qu'un simple Terran. A cette idée, la jeune femme ferma les yeux, l'air déçue, avant de les ouvrir comme si toutes ces pensées ne lui avaient jamais traversé l'esprit. Retrouvant à présent ses esprits, Calixte lui fit part de ses tracas. Le visage sérieux et renfrogné, il se posait à nouveau ces questions sans réponses et qui faisaient tout les mystères d'Istheria. Aliénor ne put s'empêcher de sourire doucement face à cette détermination à chercher la vérité. Elle même se demandait si il était possible de la trouver au sujet des pierres de Sphène. Mais le jeune homme avait trouvé deux hypothèses assez intéressante où l'Eryllis avait du mal à donner son avis. Ces étranges artéfact sont-ils " nés" ainsi ? Ou est-ce le lieu où ils résidaient qui donnait leur particularité ? Alors, à son tour la Rôdeuse prit un visage renfrogné et sévère, jusqu'à que Calixte lui sorte de sa rêverie par un sourire chaleureux.

Ce dernier lui demandait une requête et la jeune femme pencha subitement, et de manière comique, sa tête sur le côté quand elle a ouï son nom de famille. C'était bien la première fois qu'on l'appelait ainsi et c'était étrange pour Aliénor qui avait l'impression d'être devenue une noble... Enfin, quoi qu'il en soit, il lui demandait, de part ces nombreux voyages, si elle avait sentit quelques choses de différents en usant ses pouvoirs dans diverses lieux d'Istheria. L'Eryllis se mordit alors la lèvre et fixa vaguement la table en bois d'un air rêveur et sombre. Elle tentait de faire remonter en elle tout ses souvenirs afin de donner une réponse correcte à Calixte. Mais plus elle tentait de s'en souvenir, plus ses sourcils se froncèrent. La vérité était forte gênante pour elle car elle devait avouer qu'elle n'en savait rien. C'est-ce qu'elle tenta d'expliquer à son interlocuteur d'une voix peinée et quelque peu tracassée d'être aussi inutile :

- Je suis désolée... mais je n'ai guère de réponses à votre question... Voyez-vous, j'use rarement de ma magie. Elle ne m'ait pas très utile pour tout les jours et encore moins pour me défendre. De ce fait, je fais rarement appelle à elle et je ne peux vous dire si son utilisation varie selon les endroits...

Elle abaissa honteusement la tête et d'un geste de main fluide, elle sortit de son décolletée une belle pierre bleue qui faisait office de pendentif. Enroulée dans des spirales en argent, cette pierre semblait diffuser une faible lueur bleutée.

- Tout ce que je sais, commença la jeune femme en fixant cet objet précieux, c'est qu'il arrive par moment que cette pierre luit quand j'use de ma magie. Mon maître me disait que c'était un porte-bonheur... Mais je me demande aujourd'hui si ce n'est pas en réalité un catalyseur...

Elle observait cette pierre si particulière logée au creux de sa main d'un air morose et mélancolique. C'était là un collier qu'elle y tenait beaucoup et ayant une grande valeur sentimentale à ses yeux. C'était un cadeau que lui avait fait Grim quand elle n'était qu'une enfant, mais aussi l'une des dernières choses qui restait de lui... Comprenant subitement qu'elle s'égarait dans son esprit et en s'éloignant du bon docteur, Aliénor lâcha subitement la pierre qui alla se poser contre sa poitrine. L'air gênée et les joues rougies, l'Eryllis offrit un sourire timide à Calixte.

- Veuillez m'excuser, je m'égare dans mes pensées...

Elle se sentait à présent ridicule et honteuse : non seulement elle n'était pas capable d'aider le jeune homme mais elle manquait aussi à tout ces devoirs en étant aussi impolie...

Plus le temps passait, plus Aliénor appréciait la présence de ce bon docteur. Il y avait quelque chez lui qui mettait à l'aise les personnes ; un charisme, une sympathie qui avait le pouvoir de faire disparaître les barrières. Petit à petit, la jeune femme sentit que sa carapace de cristal se fissurait, mettant en danger la véritable facette de la Rôdeuse. Cette dernière tentait pourtant de l'enfouir au plus profond d'elle même, voulant absolument se protéger. Mais Calixte se rapprochait trop d'elle... Dans les deux sens du terme !

Demandant à voir de plus près son collier, le bon docteur ne prit même pas le temps d'attendre la réponse d'Aliénor qui s'empara déjà de son pendentif et s'y pencha pour mieux l'observer. Le souffle coupé, la Rôdeuse sentit ses joues s'enflammer ; il était beaucoup trop près ! Elle n'était guère à l'aise, elle s'y pudique et si distante avec les inconnus. Pourquoi n'avait-il pas tout simplement attendu qu'elle retire son collier ? N'osant plus bouger, détournant son visage pour lui cacher ses rougeurs, bien qu'elle ne se sentait pas à l'aise, la réponse du jeune homme l'intéressait. D'ailleurs, il ne tarda pas à confirmer l'idée qu'Aliénor s'était faite depuis plusieurs années au sujet de cette pierre : c'était bien un catalyseur !

Respirant à nouveau quand Calixte se redressa, elle prit en main son collier et observa ce bijou avec un tendre sourire aux lèvres. Elle était attachée à ce bijou, elle avait l'impression que son maître veillait encore sur elle par le biais de cette pierre. Une folle idée, mais qui la réconfortait et qui lui donnait des douces illusions. Finalement, c'était bien un catalyseur et elle n'en fut pas surprise ; elle s'en était doutée depuis un moment déjà et comme le disait si bien le docteur : il n'y avait que ce genre de pierre pour s'illuminer quand elle use de ses pouvoirs. Mais au moins, elle avait l'avis d'un connaisseur à ce domaine mais qui cherchait encore les réponses à ses questions. La pierre toujours au creux de sa main, l'Eryllis y détourna son regard pour dévisager son compagnon de table avec compassion. Il tenait tellement à coeur de trouver la vérité et elle espérait au fond qu'il la trouve. Et Aliénor ? Elle ne la cherchait pas en réalité, elle préférait garder certains mystères intact car c'était cela qui faisaient la richesse d'Istheria.

Mais soudain, Calixte prononça une phrase de trop, des mots qui affectèrent vivement la Rôdeuse. Cela devait être une simple remarque n'ayant guère une mauvaise intention, faisant même éloge de son défunt maître, mais elle fut difficile à digérer pour la jeune femme qui se décomposa. Son visage s'assombrit alors qu'une lueur mélancolique naquit dans ses yeux sombres. Son bras, qui détenait en main son pendentif, retomba tandis que le collier alla retrouver sa place située entre les deux seins généreux de l'Eryllis. Aliénor tourna doucement sa tête pour dissimuler la tristesse qui se lisait à présent dans les traits de son visage et murmura d'une voix morose :

- Non... on ne peut pas dire que les Dieux m'eurent donné de la chance... Mais il m'aimait... comme sa propre fille...

Se levant avec lassitude, elle marcha en silence vers l'étagère situé en face de la table et commença à passer un doigt sur le dos des livres, le faisant défiler en déchiffrant leur titre. En réalité, elle ne cherchait pas un ouvrage, elle voulait juste cacher son désarroi à son compagnon d'étude, avalant difficilement ses larmes qui remontaient. Cela faisait à peine quatre ans... Quatre longues années... Et pourtant, elle pouvait encore sentir la douleur de sa perte, cette cicatrise au fond d'elle qui ne voulait pas guérir. Non, quatre ans ce n'était rien, c'était hier. C'était beaucoup trop tôt pour se rétablir. De la chance ? On ne pouvait pas réellement dire ça ; Kron a fait son malheur par deux fois : il lui a d'abord retiré sa mère en faisant d'elle une orpheline et l'a ensuite enlevé Grim bien des années trop tôt, emporté par une mystérieuse maladie. Oh, pourtant elle avait tenté de le sauver avec ses pouvoirs, mais elle n'avait fait que retarder l'échéance de sa mort. Alors non, elle ne se trouvait pas chanceuse ou plutôt, ne voulait pas croire qu'elle le pouvait : après tout, n'avait-elle pas eut un maître et une nouvelle famille parmi les Eryllis ? En tant qu'orpheline, elle aurait put terminer sa vie dans des circonstance accablantes...

Ne voulant pas jeter un froid à Calixte, dont elle ne voulait pas perdre sa précieuse compagnie à cause de sa stupidité et de sa fragilité sentimentale, Aliénor le questionna sans même se retourner :

- Pourquoi un docteur tel que vous s’intéresse-t-il à ce point sur les catalyseurs ?

Ce n'était pas une question jetée en l'air, car elle voulait réellement la réponse. Touchée par le remord d'être aussi faible, fragile et d'être d'aussi mauvaise compagnie au jeune homme, elle serra des dents nerveusement alors qu'un faible soupir sortit de son abdomen. " Tu n'es qu'une idiote ! " semblait-elle vouloir se dire avec frustration. En tout cas, elle n'osait même plus se retourner, ne sachant même pas si le bon docteur était toujours assis où si il s'était levé... Tiens, un ouvrage sur l'histoire d'Amaryl !