Le Voyage Perpétuel (1)

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Les Rumeurs

_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades.
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_ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.

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 Le Voyage Perpétuel (1)

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MessageSujet: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeVen 14 Mar - 23:12

Le voyage en ces terres du nord était rude pour les gens de la garde d'Alton, qui malgré un équipement chaud n'avait pas l'habitude de se trouver sous de telles latitudes, mais cela ne les empêchera pas d'accomplir leur devoir, comme leurs prédécesseurs l'ont fait avant eux. Alton n'avait jamais caché son appartenance au "peuple" Gorgoroth depuis qu'il l'est devenu au début de son pèlerinage, avant de devenir Haut-Prêtre de Sharna, et sa condition en tant que tel le rendait insensible au froid, sa tenue habituelle restait donc inchangée, et c'est dans cet habit traditionnel qu'il marchait en Cimmeria, Les années avaient changé la mode, et il y a plus de 450 ans que ce qu'il portait était démodé - le vêtement n'a pas cet âge, heureusement - mais l'apparence importe peu tant que l'on reste un minimum sobre, et qu'on évite le loufoque. Sur les pavés de la cité, entouré de sa dizaine de gardes, il se dirigea vers le même lieu qu'à chaque fois qu'il venait en Hellas. Non pas au Temple, il ne savait même pas encore s'il irait rendre visite à son homologue, Virgo, si sa mémoire est bonne, mais il ne s'en sentait pas du tout l'obligation. La direction qu'ils prenaient pour l'instant, c'était le cœur de la garde, histoire d'avoir une protection supplémentaire, ne serait-ce que pour soulager un peu de leur devoir certains des gardes, qu'ils aient un moment un peu plus long que d'habitude afin de pouvoir se reposer et se détendre. 

Il avait par le passé rencontré plusieurs gradés de la Garde cimmérienne, et aux dernières nouvelles, c'était toujours Léogan Jézékaël qui gérait le gros de celle-ci en tant que colonel. Les souvenirs d'Alton à propos de cette personne n'étaient pas très précis, mais cela n'est pas un mal selon ses critères. Il détacha un des membres de sa garde afin qu'il réserve quelques chambres pour lui et ses camarades pour la durée de leur séjour, il n'allait pas les faire dormir aux frais de Cimméria, car il n'aime tout simplement pas devoir quelque chose comme de l'argent. Il connaissait tous les membres de la garde, par leurs prénoms. Il avait participé à leur formation, ils étaient tous orphelins et il les avait recueilli et élevé comme il aurait élevé ses propres enfants s'il en avait eu. La garde n'avait jamais été son idée, mais ses élèves en voyant les tentatives de meurtres qui avaient eu lieux par le passé contre leur père adoptif avaient prit comme mesure dissuasive la création d'une garde rapprochée, par définition Alton ne la dirigeait pas vraiment, ce n'était même pas des personnes rattachées à sa caste. Ils avaient été ses élèves, ses enfants adoptifs, mais ils étaient hommes, femmes, tous entrainés par ses soins afin de pouvoir survivre seul à Thémisto, ou Mavro Limani, si le besoin s'en fait sentir.

Arrivant devant le bâtiment de la garde, ils furent cependant arrêté par des soldats, bien sûr, afin de savoir ce qu'ils désiraient. Ce n'est pas tous les jours qu'une telle troupe, même si elle n'est pas si grande que cela, se présente devant les portes de la garde, et même si le nom d'Alton était assez connu et infâme, son visage lui, ne l'était pas. Quand on lui demanda de s'arrêter, il s'exécuta, et s'inclinant légèrement en signe de salutation, et déclina les informations qu'on lui demanda:

"Je suis Alton Zolond, Haut-Prêtre de Sharna, et je viens voir le responsable de la garde afin que l'on puisse m'arranger une escorte. Je n'aime pas les tentatives de meurtres mais à chaque fois que je viens il y en a. Pouvez-vous aller transmettre ma demande urgemment, je voudrais éviter que mes hommes restent au froid trop longtemps." demanda-t-il au garde, qui comprenant assez rapidement la situation alla transmettre le message à son supérieur, pour reprendre aussi vite son poste.


Dernière édition par Alton Zolond le Sam 22 Mar - 11:50, édité 2 fois
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeDim 16 Mar - 12:57

Léogan était loin d’être le personnage le plus important de l’armée de Cimméria. Il n’était qu’à la tête d’un des trois corps d’armée du pays, avec son homologue la Sylphide Oria Val’rielan, et pourtant, il disposait d’une certaine forme d’indépendance à l’égard de la hiérarchie martiale, puisqu’il n’avait d’ordre à recevoir que de la grande-prêtresse – ce qui était pour lui une source de jubilation sans équivalent – ainsi que d’un prestige important qui, de son point de vue, ne lui était d’aucun secours et lui causait davantage de contrariétés que d’éclat. D’abord, les péronnelles ambitieuses dont il avait la garde estimaient pour la plupart mériter aussi bien les unes que les autres d’être accompagnées dans leurs excursions et leurs petites emplettes par un colonel – ça sonnait bien, « colonel », voilà, ça en imposait, ça faisait tout de suite un peu « délégation officielle » – et de fait, Léogan se trouvait souvent sollicité pour remplir des charges que le petit troufion de la troupe aurait parfaitement su satisfaire. On aurait pu croire qu’avec le temps, ces dames auraient fini par être plus ou moins averties de ses emportements caractériels, mais elles avaient surtout compris qu’en persévérant, il était possible d’en tirer tout son content.
Ah oui, le prestige… ! Il s’en serait passé, du prestige !

Et puis, occasionnellement, son fameux prestige d’officier supérieur le bombardait dans les réceptions de grande pompe, dans le faste mondain et son décorum, et cela – cela en particulier – il l’exécrait d’une force monstrueuse.
« Je n’ai pas besoin d’une machine, mais de quelqu’un qui comprend les hommes », ah ça, oui, mais bien sûr ! Quand Elerinna était venu le chercher à El Bahari, elle avait su le bercer de compliments sincères et de beaux sourires, évidemment, mais il n’avait pas été dupe de ce que serait sa situation.
Les hommes, à défaut de les comprendre, il tâchait déjà de les entendre – et ce n’était pas de la tarte. En vérité, il préférait vivre loin des gens, leur contact et leur fréquentation l’ennuyaient, l’irritaient et le remplissaient d’une tristesse noire.
Et puis voilà, maintenant, quand un officiel arrivait en ville, on le lui collait dans les bras en lui lançant un regard torve qui impliquait qu’il ne devait surtout pas faire de bourde et qu’il devait mettre au placard sa misanthropie notoire pour ne pas déclencher d’incident diplomatique.
Ce fut à peu près le genre de regard que lui adressa Oria lorsqu’elle lui annonça ce jour-là, en ouvrant la porte de son bureau : « Le Haut-Prêtre de Sharna attend une escorte à la base ; je suis débordée, tu t’en occupes ? »

Ce n’était pas comme si elle avait attendu une réponse de son compagnon, de toute façon. Elle avait refermé la porte aussi subitement qu’elle l’avait ouverte, laissant Léogan en proie au désarroi.
Il n’avait rien contre le culte de Sharna, non, surtout dans la mesure où il avait lui-même participé à quelques rituels chaotiques à sa gloire ; mais il avait passé dans sa jeunesse un temps conséquent à jouer au mercenaire à Phelgra, où il avait contribué à semer le désordre avec son frère Ilyan, et ils y avaient été activement traqués pour avoir sciemment commis des crimes contre l’autorité des cavaliers – homicides, contrebande, braconnage, brigandage, maraude, trouble de l’ordre public… Rien qui ne fut exceptionnel sur les terres de la discorde, bien sûr, mais ils menaient leur activité à bride battue, et on avait fini par les rechercher morts ou vifs – et plutôt morts que vifs, de préférence.
C’était du passé, bien sûr, et il avait rencontré le Haut-Prêtre de Sharna, à quelques occasions lors de ses visites à Hellas, dans la plus parfaite indifférence, mais il ne pouvait pas s’empêcher de se sentir encore plus mal à l’aise à ses côtés qu’avec n’importe qui.
A Phelgra, il y avait de cela un bon siècle, les frères Jézékaël avaient travaillé brièvement avec une espèce d’idéaliste fou furieux qui s’était mis en tête d’éliminer Alton Zolond et qui les avaient rétribués pour l’aider à entrer dans le temple. Il y était entré, le pauvre homme, et il aurait peut-être préféré ne pas en sortir. Léogan et Ilyan l’avait retrouvé quelques jours plus tard, errant sur les chemins de Thémisto et l’avaient écouté délirer quelques heures avant de devoir enterrer sa dépouille au milieu de nulle part, le cœur plein d’effroi.

Alors, il s’était levé lentement de sa chaise, le regard noyé dans toute la paperasse qui se déployait sur son bureau, et avait préféré ne pas réfléchir davantage. Il avait machinalement enfilé son long manteau noir, était à son tour sorti de son bureau et était allé choisir lui-même dix hommes frais qui n’étaient pas partis en patrouille ce matin-là.

Dehors, sous un ciel gris et opaque qui faisait comme un immense couvercle sur la ville, une brume descendait dans les rues, glissait lentement sur les maisons, accrochant des lambeaux frissonnants aux enseignes que le vent faisait claquer sèchement. Léogan remonta son col avec amertume et enjoignit sa petite troupe à le suivre jusqu’aux portes où l’attendaient Alton Zolond et sa clique.

Si le Haut-Prêtre de Sharna n’avait pas beaucoup de souvenirs de la figure de Léogan, celui-ci n’avait aucun mal à se rappeler le visage hâve et anguleux du Désosseur de Thémisto. La première fois qu’il l’avait reçu à Hellas, il avait craint de voir un éclair de suspicion traverser le regard mort du Gorgoroth et avait espéré jusqu’à son départ ne pas attirer ses foudres sur le pays de Cimméria qui lui avait offert à lui – ancien mercenaire et hors-la-loi qui avait fui Phelgra talonné par une troupe de Cavaliers de Sharna – le titre si prestigieux de colonel. Mais il n’en fit rien, et il apparut même qu’il n’avait aucun souvenir des crimes et du nom de Jézékaël – en tout cas, il n’avait rien évoqué de la sorte en sa présence.

Les silhouettes armées et encapuchonnées de Léogan et de sa garde déchirèrent le brouillard et ils se présentèrent aux visiteurs dans un ordre digne et soigné. Les soldats s’arrêtèrent à quelques pieds de distance d’Alton Zolond et leur colonel avança encore de quelques pas pour faire face au Boucher de la cité noire, le port froid et impavide. Son souffle était calme et serein, il formait des panaches de vapeur blanche qui venait se mêler au brouillard matinal, et pourtant, une migraine commençait à le tancer douloureusement, née de sa fatigue et de son anxiété, et un malaise insidieux planait dans ses entrailles, qu’il nouait sans faire de bruit. C’était ce qu’on appelait l’ironie du sort, certainement – de devoir protéger des assassinats cet homme cadavérique tandis qu’il avait autrefois aidé un égorgeur à entrer dans son temple.  
Les regards charbonneux et brillants des deux hommes se rencontrèrent et s’attardèrent l’un sur l’autre un instant, avant que Léogan n’inclinât son chef poliment pour saluer son visiteur.

« Soyez les bienvenus à Hellas. Navré de vous avoir fait attendre dans le froid. »

Ce disant, il tentait de ne pas faire profil bas, ou d’avoir l’air trop ombrageux et misérable, les yeux fixés sur la silhouette du Gorgoroth qui, dans sa tenue aérée, n’avait pas à craindre les coups, certes, mais qui était surtout indifférent aux bourrasques glaciales qui balayaient Hellas depuis le début du mois de Tymbé – et qui le mettaient personnellement d’une humeur morose alors qu’il anticipait les dépressions de la saison morte.

« Je suis Léogan Jézékaël, colonel du corps prétorial de Cimméria, se présenta-t-il, avec une dignité un peu austère, le regard noir et impénétrable. Je vous ai appelé ici dix de mes hommes pour constituer une garde conséquente et mobile dans les rues de la cité. Que nous vaut l’honneur de votre visite, Haut-Prêtre Zolond ? Nous sommes prêts à vous conduire où vous le souhaitez, et à accorder à vos hommes une place au chaud dans nos casernes. »

Il ne s’en tirait pas trop mal, jusqu’ici ; il n’y avait plus qu’à espérer qu’il saurait tenir la distance.


Dernière édition par Léogan Jézékaël le Mer 27 Aoû - 19:34, édité 1 fois
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeLun 17 Mar - 18:26

Le colonel n’avait que peu changé physiquement, peut-être même pas du tout depuis la dernière visite d’Alton dans la cité. Quand celui-ci arriva avec quelques hommes de la garde, il se présenta aux femmes et hommes de la garde rapprochée du Haut-Prêtre, et ce dernier opina du chef, plus en signe d’assentiment qu’autre chose, ses cheveux sombres ondulants sous le mouvement et le vent frais parcourant la cité d’Hellas.
 
"L’honneur… ?Un sourire en coin apparut furtivement sur les lèvres du religieux. Evitez ces formulations pompeuses, la politesse n’implique pas de lécher les bottes. Je suis là, colonel, sans raison particulière, je vais donc rester en ville quelques jours, et si rien ne retient mon attention vous serrez débarrassé de moi. Il y a bien quelques gens, je profiterai de mon séjour afin de les rencontrer, mais à part cela, il n’y a pas grand-chose à dire. Une forme de pêche si vous voulez."
 
Une pêche assez particulière, bien sûr, afin de forcer les évènements. Il y aurait probablement une tentative de meurtre, ou plusieurs. Hellas n’était pas une ville particulièrement portée sur le pacifisme. Lui non plus d’ailleurs. Mais il allait aussi à la pêche dans le sens où il venait voir ce qu’accomplissaient les vivants de la cité en ce moment. Il se retourna donc après la réponse qu’il venait de faire au soldat, faisant face à sa propre garde et d’un geste de la main les congédia pour les suivre du regard quelques secondes tandis qu’ils s’en allaient là où leur camarade leur avait réservé des chambres. Ensuite, calmement il commença à marcher, suivit de près de la garde.
 
"Je vous remercie pour l’offre colonel Jézékaël, mais ma garde à déjà ses chambres de réservées, ils préfèrent éviter de côtoyer de trop près les personnes qui sont étrangères au culte. Et même au sein du culte le contact est difficile."
 
En effet, la plupart du temps, la garde doit protéger Alton des prêtres de Sharna eux-mêmes, avides de l’écarter du pouvoir et de prendre sa suite. Il va sans dire que toutes les tentatives avaient échoués, et que toutes avaient été sévèrement réprimées. Les rues de la ville étaient animées, et déjà quelques personnes chuchotaient dans la plèbe en le voyant passer, et rapidement son nom fut prononcé. Il n’avait pas vraiment cherché à être discret, et son identité avait pu être dévoilée par bien des choses. Sa garde rapprochée. Un ancien habitant de Phelgra. Ses habits et atours. Ou encore certains membres des forces de l’ordre. Aucune importance, se dit-il, tout en posant une main sur la garde de son épée, la faisant jouer dans son fourreau afin de s’assurer que le froid ne l’y bloque pas. De son autre main, tenant le sceptre qui pour certains étaient le symbole même de sa position de Haut-Prêtre de Sharna. Un sceptre qui n’avait rien de bien particulier en vérité, si ce n’est sa solidité qu’il avait à plusieurs reprises éprouvée sur les os de quelques personnes. Quelques enfants courraient dans les rues, et Alton attarda un instant son regard sur eux tout en souriant assez paisiblement. Les enfants qu’il avait laissé à Thémisto lui manquait, et il se dit qu’il devrait aller les revoir, rester un peu afin de leur donner quelques cours. Quand le groupe de bambins disparu au coin d’une rue, Alton se reprit, et recommença sa marche, le visage de nouveau sévère. Thémisto était sa cité, son foyer, et même s’il considérait les enfants qui se trouvaient dans l’orphelinat comme les siens, passer du temps avec eux ne le rendait pas heureux, mais atténuait la sensation d’oppression constante qui enserrait son esprit. Mais il haïssait Thémisto, tout comme il l’aimait. Et pour la  même raison. Le chaos. Quant au Temple de Sharna, il évitait de s’y trouver la plupart du temps, même si tous les ans il y restait un mois ou deux, selon ses obligations religieuses et administratives. Mais Thémisto n’est pas Ishtéria, et il voyageait afin de se le rappeler, d’éviter de confondre les deux.
 
"Allons voir mon homologue de Kesha, je ne l’ai encore jamais rencontré."
 
Il avait juste entendu parler de lui, un homme à la tête du culte de Kesha. Cela était suffisamment rare afin d’être notifier, sans parler de toutes les rumeurs l’entourant. Le rencontrer devrait être un minimum intéressant.


Dernière édition par Alton Zolond le Ven 21 Mar - 22:54, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeMer 19 Mar - 20:30

Léogan ne répondit à l’homélie cinglante du Haut-Prêtre que par un petit haussement de sourcil désinvolte et ne répliqua rien d’autre à sa petite leçon de politesse qu’une phrase qu’il lâcha avec indifférence, une ombre sarcastique passant sur le sourire qu’il esquissait :

« Vous qui voyez. »

Il était encore un peu tôt pour se laisser entraîner dans les eaux de discorde que drainaient toujours Sharna et son serviteur. Si Zolond avait attaqué dès les premiers mots qu’il avait adressés à Léogan, il était évident qu’il gardait encore bien des mesquineries dans son sac – et certainement des vipères mille fois plus blessantes que cette larve de serpent qui avait roulé entre ses lèvres.
De toute façon, Léogan n’était pas de nature à se braquer face à ce genre de provocations, qu’il avait d’ailleurs essuyées très placidement pendant toute son enfance. Il avait fallu trente ans à son grand frère Daeron et à ses piques insultantes pour obtenir une réaction de colère de sa part – et les réactions de Léogan, quoique dévastatrices, étaient toujours destinées à mettre fin aux hostilités, et non bien sûr à les envenimer. Cela ne faisait pas de lui un homme stoïque, loin de là : Zolond n’aurait aucun mal à le mettre d’une humeur de chien, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ; mais il n’obtiendrait pas de Léogan l’occasion de quereller joyeusement sur des broutilles sans intérêt – pas de sitôt en tout cas, et s’il y parvenait, la rixe serait vite avortée. Il n’avait vraiment pas le goût des harangues.

Et puis, il avait l’habitude des caprices ineptes de l’élite et des grands champions de la société. Ils ne savaient jamais se satisfaire des mots qu’on leur adressait : vous usiez d’une tournure classique qu’ils vous trouvaient barbants et flatteurs, faites un écart de langage et ils vous accuseront d’irrévérence. Il ne fallait pas croire non plus qu’ils préféraient le silence des gens du commun à leurs paroles : c’était pour eux manquer l’occasion en or de jouer de leur pouvoir et de leur liberté encore une fois, et de placer leurs cartes railleuses sur le tapis avec une allégresse pleine de vanité.
C’était si petit, tout ce snobisme, qu’il n’y avait rien de plus à en dire.

« Très bien, acheva-t-il, en regardant les gardes de Thémisto se disperser dans la brume, au commandement du Haut-Prêtre. Je peux le comprendre, vous faites bien. On accorde difficilement grâce à Sharna, hors de Phelgra, et on ne voit souvent pas les pratiquants de votre culte d’un très bon œil, en particulier ici – enfin ce n’est pas comme si vous cherchiez à obtenir la confiance de qui que ce soit, n’est-ce pas ? Bref, je ne peux pas vous garantir que tout ira pour le mieux – comme vous l’avez fait remarquer à la garde, il y a de bonnes chances qu’un fanatique vous tombe dessus au coin de la rue – mais nous tâcherons de nous sortir d’affaire. Après tout, pas de voyage sans péril. »

Les habitants d’Hellas croyaient naïvement vivre sous l’égide bienveillante de Kesha : ils foulaient chaque jour les pavés blancs de leur cité en respirant son air vif et froid comme une goulée de bien et de bonheur. Ils aimaient leur déesse, leurs prêtresses et leur culte d’un amour vrai, les yeux bandés sur la réalité abjecte de la politique qui les gouvernait, et cela les rendait dangereux.
Dans le mythe, Kesha avait froidement repoussé le désir du perfide Sharna, aussi Hellas, à chaque intrusion d’Alton Zolond dans son enceinte, était déterminée à le vomir comme l’infect rejeton d’un être que la déesse avait exécré. La réputation déplorable du temple de Thémisto, de Phelgra et de ses Cavaliers renforçait la méfiance manichéenne des Cimmériens et la force des préjugés que leur inspirait la foi.
Dans la rue, les regards se posaient sur lui avec hostilité, ou angoisse, et même les dix soldats du corps prétorial chargés de sa protection, sous leur masque de neutralité, avaient murmuré dans les rangs lorsque Léogan les avait appelés en patrouille. Il avait fait taire ces rumeurs d’un ordre catégorique, mais cela n’enlevait rien au malaise que ressentaient ses hommes.
De son côté, il n’était pas non plus insensible à l’aura inquiétante du Haut-Prêtre et de sa garde, et bien sûr, il n’excusait pas les vices de la politique de Phelgra – il y avait vécu trop longtemps pour le faire – mais il n’estimait pas davantage le pouvoir qui s’exerçait à Cimméria, et il ne pensait pas que les fidèles du culte de Sharna fussent plus mauvais que d’autres hommes : il n’était pas nécessaire de vénérer le dieu de la guerre pour être une belle ordure. Ils menaient leur vie selon une certaine philosophie qui n’était pas sans attrait – le chaos, quel mot immense et terrifiant… – et Léogan lui-même se fascinait du désordre, de la révolte, du déchaînement de forces animales et des activités sans autre signification que leur accomplissement. C’était très inspirant : cela ressemblait au chemin de la liberté.

Il n’y avait eu aucune hostilité dans sa voix, il n’avait fait qu’énumérer certains faits objectifs, et s’était tout au plus risqué, par son interrogation rhétorique, à interroger discrètement Alton Zolond sur sa conception du culte.
Ce disant, il avait fait signe à ses hommes de se mettre en formation autour d’eux, tandis que des enfants passaient près d’eux en jouant et en riant sauvagement. Léogan nota avec un certain étonnement le sourire serein d’Alton Zolond et lorsqu’il croisa son regard, lui offrit une mine favorable et amusée. Ils marchèrent un peu dans la rue, sans se fixer de destination – ce qui n’était pas sans déplaire à Léogan qui commença à flâner, le nez en l’air et le cœur un peu plus content. Le Haut-Prêtre, de son côté, avait l’air songeur. Léogan ne l’interrogea pas et laissa planer au-dessus d’eux un silence qui lui parut mélancolique, jusqu’à ce que le Gorgoroth ne manifestât son désir de rencontrer Virgo Dohaeris, le jeune homme qui occupait depuis tout récemment le poste de Haut-Prêtre de Kesha.

« Ah, fit Léogan, surpris dans sa propre rêverie. Si vous voulez, oui. Le temple de Kesha est en centre-ville, passons par ici, dit-il en faisant signe à toute la troupe de s’engager dans la grand-rue, plus animée que la petite allée qu’ils avaient parcouru jusqu’ici. Soyez vigilants, vous autres. »

Les soldats opinèrent, et ils entrèrent dans l’artère principale d’Hellas, où les passants encapuchonnés, sous leurs écharpes et leurs manteaux, effectuaient leurs emplettes matinales. La brume qui descendait mystérieusement dans la rue n’aidait pas le travail de la garde et la perspective d’une embuscade rembrunit visiblement la figure de Léogan, dont les yeux allaient et venaient, scrutaient chaque silhouette et tentaient de percer l’opacité du brouillard.

« Je crois que vous serez le premier Haut-Prêtre à rencontrer Virgo Dohaeris depuis sa récente investiture, dit-il, sans cesser d’inspecter les environs. Investiture fort mystérieuse, s’il en est… Il est apparu au temple en même temps qu’une de nos prêtresses a disparu – ce qui a un peu mis la garde en émoi, je ne vous le cache pas, on ne l’a d’ailleurs jamais retrouvée. Certains disent que Kron a ôté la vie de la malheureuse pour mieux permettre à Delil de faire vivre ce jeune homme. L’affaire est vieille de dix mois, mais elle m’intrigue encore. »

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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeVen 21 Mar - 22:59

Tandis que la troupe avançait dans la cité vers le temple de Kesha, Alton entretint la conversation avec le colonel, passant le temps comme il le pouvait.

"La confiance est un luxe que je ne peux plus me permettre, et ma garde non plus. Cela n'implique cependant pas une paranoïa permanente, mais c'est tout de même plus épuisant, tout en étant la façon de penser qui m'a gardé... hum... en vie, jusqu'ici. Il se tourna vers le colonel, lui lançant un regard détaché, vide d'émotion. Me faites-vous confiance, colonel? Question qui dans le froid de ses yeux et au rictus découvrant ses dents, sonnait presque comme une menace. J’ai rencontré il y a quelques semaines quelqu’un, un certain Ilyan. Lui m’a fait confiance. A-t-il eu raison ou tort à votre avis ?"


Doroma et Ziria brillaient bien fort dans un ciel presque sans nuage, ce qui les aurait laissé voir peut-être tout le cercle de l'horizon s'ils n'avaient pas été au sein de la cité. Ici, l'horizon se limitait aux toits des battisses, et le reste avait été remplacé par les habitants qui les entouraient. Habitants qui s’étaient visiblement passé le mot, et Alton ne savait pas s’il devait être fier d’attirer autant les regards de haine et de peur, ou juste en être fatigué du fait de … Cela. Une petite femme ne semblait pas prêter la moindre attention au groupe de gardes ou à lui, et s’avançait paisiblement dans la rue. Le poing d’Alton se sera sur son sceptre, et il observa la femme. Non, la fillette en vérité, à peine une adolescente, elle prit quelque chose dans sa poche, et rapidement le lança sur Alton. Un des gardes de Léogan vint se jeter sur la fille pour la stopper, mais l’objet volait déjà sur le Haut-Prêtre, qui ayant anticipé le jet s’écarta simplement de la trajectoire, laisse l’objet passer à côté de lui. Quand celui-ci touche le sol et se répand sur celui-ci, Alton constate qu’il s’agissait d’une fiole contenant un produit. Inutile de chercher à savoir exactement la nature du produit en question. Le Haut-Prêtre se tourne vers l’adolescente qui se débat dans les bras des soldats, qui rapidement la plaque au sol afin de la maitriser. Alton s’approche à son rythme habituel.
 
"Laissez-la se relever."
 
Les gardes agissent, leur regard oscillant entre le Haut-Prêtre et le Colonel, et une fois la fille relevée, elle tente bien sûr de s’échapper, mais est à nouveau retenue par l’un des gardes. Il n’en montre rien, mais Alton est contrarié, non pas de la tentative, mais de l’âge de celle qui l’a accomplie.
 
"Tu as plusieurs possibilités. Tu peux essayer de t’enfuir. Tu peux essayer de m’attaquer à nouveau. Tu peux te laisser faire arrêter, ce qui finira par te mener à Umbriel. Attenter à la vie d’un Haut-Prêtre, tu peux être certaine que si c’est ce que tu choisis, je ferai tout pour que tu ailles là-bas. Tu peux sinon prendre ma main, et ne pas la lâcher pendant une minute."
 
Un court silence à prit place autours d’eux. La foule se demande se qu’il se passe, la fille aussi. Elle doit avoir dans les quatorze-quinze ans, et ne comprend pas du tout pourquoi cet homme contre qui elle a de toute évidence une haine profonde, lui offre une échappatoire.
 
"Vous allez me couper la main ?" lui demande-t-elle donc.
 
"Je n’ai pas mon nécessaire pour cautériser, donc non. Je ne vais pas te blesser" lui répond Alton, tendant vers elle sa main gauche. Craintive, elle le regarde dans les yeux et prend cette main tendu. La main droite d’Alton lâche le sceptre délicatement au sol, et il pose ensuite cette main sur celle de la fille.
 
"Une minute. Colonel, vous comptez."
 
Et c’est avec un sourire qu’il commence. Aucune blessure. Mais la douleur qu’il lui envoie traverse tout son système nerveux, et elle est dès les premières secondes à la limite de l’évanouissement. Le prêtre cependant connait son affaire, et sait estimer rapidement les limites a la douleur des gens, et n’augmente pas l’intensité de celle-ci. Le cri, ou hurlement plutôt de la gamine, tétanise la foule autours d’eux qui ne comprend pas ce qui se passe sous leurs yeux. Le temps n’existe plus, sur les genoux, les yeux révulsés, elle hurle à s’en arracher les poumons. Et Alton sourit.
 
Quand enfin le Colonel lui indique que la minute est écoulée, Alton arrête aussitôt, sans se soucier de savoir si le militaire a raccourcit ou ralonger la durée de cette fameuse minute qui restera dans la mémoire de la fillette très longtemps. Des larmes coulent sur les joues de celle-ci, ses yeux figés, écarquillés. Il s’agenouille à côté d’elle, et lui chuchote dans une oreille, sans savoir si elle est capable de l’entendre. Probablement pas.

"Voilà la punition de ton échec. La prochaine fois, prépare-toi mieux."
 
Il lâche ensuite la main, et la soulève des deux mains sous les aisselles et se tournant vers l’un des garde et lui demande donc
 
"Pouvez-vous s’il vous plaît, emmener cette enfant dans un lieu de soin ?"
 
Une fois cela fait, il reprend sa route comme si de rien était, et réfléchit quelques instants, avant de sourire à nouveau en s’adressant à Léogan
 
"De quoi parlions-nous donc, « colonel » ?" les guillemets autours du titre du militaire étaient presque audible, et le sourire carnassier du fanatique juste après ce qui venait de se passer rendait la situation relativement inconfortable.
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeSam 5 Avr - 11:54


Un siècle et quelques poussières plus tôt, dans les ruelles tortueuses de Thémisto.

« Si l’or n’existait pas, mes amis, vous seriez des héros.
‒ Pff…
‒ Ah mais c’est que vous vous y croyez en plus.
‒ Allez arrête ton char, champion, ta vocation, elle nous intéresse pas. L’argent maintenant. Parce que pardon, mais j’te donne pas gagnant. »

Le Nérozia poussa un profond soupir, sortit une bourse d’une des poches de sa cape et la remit dans la main gantée de Léogan. Le visage insondable, il la soupesa rapidement, puis l’enfourna dans une poche intérieure de son manteau, sans manifester le plus petit signe de satisfaction. Ses cheveux tombaient sur sa figure et la plongeaient dans des ténèbres plus profondes que le trou noir de la rue, qui s’était rempli à en étouffer de suie, de crasse et de nuit. Près de lui, la silhouette mince d’Ilyan s’appuyait nonchalamment contre un mur, secouée d’une toux silencieuse, qu’il contenait en lui-même avec peine.
De temps à autre, Léogan tournait discrètement la tête vers lui et pendant un bref instant, ses yeux brillaient durement, comme deux éclats d’acier trempés, avant de se remplir d’un nouveau gouffre profond et obscur.
Quand il ne toussait pas de toute la force de ses poumons, son jeune frère observait leur client d’un air ambigu, presque bancroche, partagé entre le sarcasme et l’inquiétude, et il profita finalement d’un moment de calme pour demander sévèrement au Nérozia :

« Vous êtes vraiment sûr de vouloir y aller ?
‒ Ilyan…
‒ Tu sais comme moi que c’est de la folie furieuse, répliqua vivement le jeune Sindarin. Il faut qu’il en soit averti.
‒ Hmpf… Il sait déjà tout ça… se renfrogna Léogan.
‒ J’apprécie vos encouragements, les gars, merci.
‒ Ecoute, on n’est pas là pour te faire des ovations en arrière-plan, Tête-de-vainqueur, alors tu te mets ça sur le dos, tu nous suis, et tu la fermes bien comme il faut, vu ? ordonna Léogan en lui flanquant un habit de prêtre entre les bras.
‒ Léo, faut qu’on parle. »

Les frères Jézékaël échangèrent un regard d’intelligence, puis Léogan hocha la tête gravement. Ilyan s’engagea un peu à l’écart et il le suivit. Quand ils se trouvèrent seuls et face à face, toutes les défenses du cadet tombèrent, l’ombre de sarcasme qu’il peignait sur son visage pâlit et s’évanouit, il laissa enfin la douleur creuser cruellement ses traits et se frotta l’épaule avec embarras.

« Ce coup-ci, j’le sens pas, vieux frère, souffla-t-il, d’une voix rauque.
‒ Les autres fois, on ne les avait pas particulièrement bien senties, si ? répliqua Léogan, avec une tentative de sourire avortée.
‒ On s’attaque à un gros bonnet, c’est différent.
‒ On s’attaque à rien du tout, on aide seulement Monsieur Héros-d’un-soir à entrer dans le temple, rien de plus, le reste ne nous concerne pas.
‒ Tu vas pas me faire croire que ça te fait ni chaud ni froid.
‒ On a besoin de cet argent, Ilyan… capitula douloureusement Léogan, en venant soutenir son frère, qui toussait à nouveau. Les temps sont durs, il faut que nous soyons aussi durs qu’eux. »

Ilyan se redressa et prit une profonde inspiration.

« Écoute, je suis pas prêt à faire tuer un type pour survivre, Léo, je peux pas faire ça…
‒ Dis-toi que la terre se portera mieux sans lui… C’est ce que pense l’autre rigolo, en tout cas, rétorqua sarcastiquement Léogan en désignant le Nérozia d’un signe de tête.
‒ Qu’est-ce qu’on en sait ? Il sera sans doute remplacé par un homme qui ne vaudra pas mieux, et puis on ne le connaît pas, il ne mérite peut-être pas… D’ailleurs on est qui, pour juger de ça ? C’est pas à nous de le faire.
‒ Tout juste. »

La voix de Léogan avait claqué sèchement. Ses yeux noirs dardèrent le visage de son frère. Il posa ses mains sur ses épaules et le fixa intensément.

« On ne le connaît pas, tu as raison. Et c’est certainement pas pour des motifs éthiques ou politiques qu’on se mêle à cette affaire. C’est comme ça, Ilyan, ça fait longtemps qu’on s’en est rendu compte. On sauve des vies quand on le peut, on tue quand ça devient nécessaire à notre survie. Il y a toi, moi, et les autres. Je veux bien aider les autres de temps en temps, mais aujourd’hui, ils ne comptent pas. »

Ilyan acquiesça doucement, la tête emprisonnée dans une de ses mains. Le vertige qu’il éprouvait et les mots clairvoyants de Léogan assommaient sa réflexion. Il sentait bien qu’en temps normal, il aurait su s’opposer plus fermement, avec des objections mieux menées et plus convaincantes, mais son frère resterait campé sur ses positions, ce soir-là, il le savait, et sa propre faiblesse l’exaspérait.

« J’en ai vraiment marre de Phelgra, Léo, tu sais… marmonna-t-il, en faisant signe qu’il abandonnait la partie.
‒ Quand tu seras en état de monter, on s’en ira. Ce n’est qu’une question de jours, je te le promets. »

Il leur fallait seulement cet argent, et puis ils mettraient les voiles. A Eridania, ils trouveraient un médecin capable d’arrêter le mal qui rongeait Ilyan ; il le fallait. Ils ne pouvaient plus vivre ici, avec le prix des remèdes, quand ils en trouvaient… S’ils en trouvaient.
Thémisto était une fosse dans le monde comme un grand abysse noir, où il n’y avait pour y croupir que de la vermine, autant d’ordures remplies d’étrons qui comptaient encore les frères Jézékaël parmi elles, et ses mœurs ne valaient pas ce qu’un porc pouvait vomir. Ils avaient sillonné le monde d’Argyrei en Eridania, la cruauté des hommes atteignait partout des sommets, mais il n’y avait décidément nul endroit pareil à Phelgra.

***

Oh, Ilyan…
Qu’est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? Cette affaire était vieille de plus d'un siècle, Alton Zolond était encore vivant – enfin, aussi frais qu’il pouvait l’être, n’est-ce pas – leur client avait été moins bavard à la question qu’au préalable de leur mission, et désormais il mangeait le pissenlit par la racine…
Bien sûr, Ilyan avait la culpabilité tenace, mais après cent ans, cent ans, bon sang, il y avait tout de même prescription ! Pour soi-même, au moins ! Ils étaient mercenaires à l’époque, les circonstances à Phelgra faisaient qu’ils ne devaient pas faire grand cas de chevalerie, de morale ou de grandeur d’âme – c’était hors de propos, il n’y avait rien de plus inconciliable au monde !
Qu’est-ce que c’était que cette lubie ? Qu’est-ce qu’il avait voulu faire en mettant le Haut Prêtre de Sharna au courant de leur participation à une tentative de meurtre sur sa personne ? Soulager sa conscience ? Rétablir la vérité ? C’était de la folie, une fantaisie de naïf, c’était… C’était complètement idiot !
Et pourquoi maintenant ? Comment en était-il arrivé là ? « Bonjour, Haut-Prêtre, il y a, quoi, un siècle, j’ai comme qui dirait permis à un assassin de rentrer chez vous pour vous couper la gorge, j’propose qu’on aille discuter de ça autour d’un frichtis ! Du thé ? Un nuage de lait, peut-être ? »
Bordel !

Le masque de neutralité de Léogan se fissurait peu à peu et se craquelait sur son visage tempétueux. Le simple nom d’Ilyan murmuré par la voix doucereuse d’Alton Zolond l’avait foudroyé sur place. Il y avait bien peu de gens hors de Canopée, et en particulier à Hellas, pour savoir que Léogan avait un frère – c’était une information qu’il préférait taire, un peu par pudeur, et surtout par prudence. Un éclair de menace était passé dans le regard du Haut-Prêtre, son timbre s’était aiguisé en roulant sur ses dents carnassières, et il avait prononcé le nom d’Ilyan avec une délectation répugnante.
Une effervescence fiévreuse s’était emparée tout à coup de l’esprit de Léogan, qui vivait un branle-bas de combat interne d’une violence inouïe. Il fut de courte durée heureusement et l’occupa seulement à s’effarer de la révélation, à s’inquiéter du sort d’Ilyan et de la cagade sans nom qui allait lui tomber sur le coin de la figure, et non pas à saisir le Gorgoroth à la jugulaire alors qu’un vieil instinct coléreux descendait le long de son échine – merci pour lui.
En un mouvement de tête qui avait quelque chose de l’oiseau de proie, Léogan s’était retourné vers le Haut-Prêtre grimaçant et tout le reste de la rue s’était effacé de sa perception. Il le regardait intensément et prenait peu à peu conscience que le Gélovigien ne mentait pas, ou bien que l’implicite qu’il avait entendu dans sa parole énigmatique n’était pas l’effet de sa paranoïa. Il resta interdit et muet quelques instants, sans savoir comment réagir à cette accusation à demi-mot qu’il n’attendait plus, depuis tout ce temps, et fixait le prêtre avec défiance.

Il réalisa son erreur au moment où il sentit autour de lui le premier élan de la lutte et qu’un bris de verre éclata à ses oreilles. La main qu’il avait posée sur la garde de son épée courte se crispa et il se ressaisit avec la dernière vigueur. Il avança d’un pas vers la jeune fille que ses hommes tentaient de maîtriser et jeta un regard inquiet en arrière, vers Alton Zolond, qui s’en était tiré par un simple entrechat – fallait-il s’en réjouir ?
L’air froid et indéchiffrable, celui-ci avança également vers la petite furie qui se débattait en pestant contre la terre entière. Avec un naturel désarmant, il commanda aux soldats, qui tournèrent aussitôt leurs figures surprises vers Léogan, qui jeta un regard suspicieux au prêtre avant de leur faire signe de s’exécuter.
La foule s’ameutait autour du cercle des soldats, en murmurant de grands panaches de fumée dans la brume, et la jeune fille se relevait en posant partout des yeux d’animal fier et traqué. Léogan serra la mâchoire en croisant son regard, un désespoir vif lui serra la gorge. Il était colonel, il était chargé de la sécurité d’Alton Zolond, il devait faire quelque chose, et pourtant il se sentait incapable d’ordonner à un de ses hommes d’arrêter cette gamine et de la mener aux prisons glaciales d’Hellas. Il aurait sans doute eu moins de scrupule si l’assaillant avait été un quadragénaire enragé, mais une enfant…
Oh, il était loin de croire en l’innocence immaculée des enfants, bien sûr, et il n’était pas tout à fait surpris qu’une telle chose se fût produite. La haine enfantine, qui savait moins s’expliquer et se comprendre, qui venait du fond des tripes et éclatait franchement et sans raison, il l’éprouvait encore au bout de trois cents ans d’existence, et surtout, il ne trouvait pas les moyens de la blâmer. Que fallait-il faire ? Il n’y avait aucun discours à tenir, rien pour apaiser cette rage dont la jeune fille semblait brûler, il n’y avait rien à faire.

Cependant, Alton Zolond avait apparemment une idée derrière la tête. Léogan s’agaçait. Les soldats attendaient ses ordres avec embarras. La foule murmurait. Ah, il avait su se trouver un public, le bougre. Et puis, qu’est-ce que c’était que ce caprice ? Lui tenir la main pendant une minute… ? Encore un charlatanisme de bon dévot sur le partage salvateur de la foi, le pardon par la grandeur, qu’est-ce que ça voulait dire ?  

« Haut-Prêtre, je ne crois pas… voulut l’interrompre Léogan en se tournant vers eux avec méfiance.
‒ Une minute, colonel, vous comptez. »

Léogan soupira avec agacement et roula des yeux ostensiblement. Non, mais il se payait sa tête, ce n’était pas possible. Il ferma les yeux et se pinça l’arrête du nez tandis que le prêtre et la jeune fille joignaient leurs mains avec mystère. Quand il leva finalement son regard vers l’enfant, elle était aussi cadavérique qu’Alton lui-même, et un instant plus tard, elle tomba sur les genoux et poussa un hurlement épouvantable, les traits déformés par un mal invisible. Léogan tressaillit et la foule se figea avec lui dans la stupeur. Hellas était plongée dans un silence glacial. La fillette hurlait, et ses cris étaient comme l’écho lointain des enfers de Thémisto.
Dans un élan fauve, sans se préoccuper de comprendre ce qui se passait, Léogan se précipita entre la jeune fille et son tortionnaire, qu’il repoussa d’un geste brusque.

« Ca suffit, espèce de… ! Mais vous êtes malade ?! » s’écria-t-il, face au sourire malsain d’Alton Zolond qui avait l’air tout à fait satisfait de son œuvre.

La foule l’approuva dans un grondement furieux et se pressa avec plus de virulence contre le cercle des soldats, qui durent retenir plusieurs personnes de se ruer sur le Haut-Prêtre de Sharna, et qui récoltèrent une nuée d’injures indignées.
Alton Zolond défit doucement son emprise.

Léogan constatait avec effroi les conséquences désastreuses de cette torture publique. Les gens rugissaient comme des bêtes sauvages, la fillette restait prostrée sur elle-même en tremblant, le regard halluciné, tout autour du Désosseur de Thémisto tempêtait et hurlait, et il s’en délectait visiblement en crachant quelques vipères abjectes à la petite fille au milieu du tumulte – c’était la révolution à Hellas.
Il prit sa décision rapidement. D’un pas alerte, il se tailla un chemin entre ses hommes et fit face à la foule déchaînée de toute sa hauteur. Il posa une main sur la garde de son épée et balaya d’un regard orageux tous les habitants d’Hellas qui venaient à présent sur lui pleins d’invectives et de fureur. Il en repoussa quelques uns qui lui commandaient à vive voix d’enfermer le Haut-Prêtre, leva son visage avec menace et tonna :

« FAITES SILENCE, TOUS AUTANT QUE VOUS ÊTES ! »

La rumeur gronda encore comme un chat qui feule, mais les habitants, intimidés par les  fureurs de leur colonel, et gagnés par le geste heureux qu’il avait eu de séparer Alton de sa proie, ravalèrent leur sauvagerie et leur vindicte refoulée rembrunit plus considérablement encore leurs visages. Léogan, droit et sévère, les surveillait d’un regard qui n’admettait aucune contestation. Finalement, quand le calme fut à peu près revenu, il se tourna vers ses hommes avec une colère évidente et ordonna sèchement :

« Dispersez la foule, Artwhÿs, le spectacle a assez duré. Elisha, emmenez la petite au temple, expliquez ce qui s’est produit aux prêtresses. »

Il s’avança d’un pas ferme vers Alton, qui tenait l’enfant à bout de bras, la prit contre sa poitrine en mesurant sa faiblesse, et la remit entre les bras d’Elisha, qui reçut l’ordre d’un signe de tête et s’échappa prestement de l’attroupement.

Le Haut-Prêtre était déjà prêt à reprendre sa route, et se tourna vers Léogan en lui souriant ironiquement et en lui rappelant du même coup qu’il n’ignorait rien de la presque usurpation de son grade. L’insulte ne blessait pas Léogan autant qu’Alton aurait pu l’espérer. Il n’avait jamais voulu être colonel. En revanche, le sentiment terrible de se sentir coincé comme un rat et les circonstances du moment lui firent oublier toute prudence diplomatique. La colère afflua dans ses poumons et gonfla sa poitrine. Ses yeux étincelèrent de rage, et il coupa tout à coup la route du Gélovigien. Il réfléchit un bref instant aux choix qui lui restaient.
Il aurait bien aimé lui mettre un taquet de son cru dans la figure, mais il n’était plus mercenaire, et si Alton s’amusait certainement des libertés que lui octroyait son rang, Léogan détenait une autorité bien plus légitime que la sienne à Cimméria.

« Vous êtes en dehors de vos prérogatives, Haut-Prêtre, dit-il, d’une voix calme et tranchante, où grondait une colère proche. Une agression n’appelle pas une autre agression dans les rues d’Hellas. »

Il approcha son visage de la figure hâve du Gélovigien et feula sourdement :

« Il se trouve que je ne suis pas habilité aux questions politiques, mais sachez que si vous ne bénéficiiez pas d’une couverture diplomatique, je vous aurais arrêté moi-même et sur l’instant. Vous ne devez votre liberté qu’à votre rang, aujourd’hui, prononça-t-il, avec mépris, souvenez vous-en. Le reste sera l’affaire du Maire et de la Grande Prêtresse – et si vous pouvez vous satisfaire de m’avoir fourré dans des démêlés administratifs, je vous assure que ce ne sera pas non plus sans conséquence de votre côté. »

Enfin, il le laissa poursuivre sa route, alors qu’Artwhÿs réussissait peu à peu à éloigner les mécontents, et acheva avec une claire amertume :

« Laissez-nous faire notre travail la prochaine fois, ça vaudra mieux pour la ville, pour moi, et pour vous. Surtout pour vous. Vu le chaos que vous avez déchaîné aujourd’hui, il y aura sans doute d’autres tentatives d’assassinat. Satisfait, j’espère. »

Il lui sourit assez méchamment et se retourna vers la route du temple, en faisant signe à ses soldats de se remettre en formation. Il n’adressa aucun autre mot, ni d’autre regard à Alton, et croisa ses mains derrière son dos, les yeux portés sur le lointain, les sourcils froncés avec souci. Ils marchèrent quelques moments et si cette plaie de religieux lui rétorquât quelque chose, Léogan n’y fit pas attention. Il pensait à Ilyan, à cette fillette, et à cette cruauté qui s’était peint sur le visage de charogne de Zolond lorsqu’il avait senti la souffrance de son ennemie entre ses doigts osseux. Il ne pouvait pas s’empêcher d’y voir un signe mesquin qu’il lui aurait fait, et il espérait que cela n’avait pas été le prix du pardon qu’il avait dû offrir à Ilyan. Oh, cette jeune fille ne lui avait pas donné sa main avec confiance, non, loin de là. Il ne lui avait offert qu’un choix fallacieux, dont les termes étaient obscurs, et qui l’avait menée exactement là où il avait désiré la conduire. Léogan n’en était pas dupe. Il espérait que la « confiance » dont il avait parlé pour Ilyan n’avait pas été l’aveuglement arbitraire de cette fillette, et la seule envie qu’il éprouvait sur le moment était celle de se ruer à son bureau, d’écrire une lettre à son frère et de la lui expédier dans l’heure. Il rongeait péniblement son frein et serrait sa mâchoire de plus en plus durement.

Au bout de quelques minutes de silence obstiné de sa part, il leva la tête vers Alton Zolond et vociféra à mi-voix :

« Qu’est-ce que vous voulez, Alton Zolond ? Ma confiance ? Ha ! Sans rire ? On vous donne une main, vous prenez tout le bras, vous appelez ça de la confiance ? Même si c’en était, je ne suis pas en position de vous faire confiance, et là, je ne vous reproche rien, c’est de mon fait. En revanche, je peux aujourd’hui vous donner des raisons de vous fier à moi, comme je l’ai fait lors de vos visites précédentes. Vous vous souvenez ? »

Il lui offrit un petit rictus. Oh, bien sûr, il avait aidé ce diable de Nérozia à entrer dans ce satané temple, mais ces cinquante dernières années, il s’était occupé de la protection du Haut-Prêtre à chacune de ses visites, il n’avait jamais failli à la tâche et empêché plusieurs assassinats de se produire – l’ironie du sort, hm ? Il n’en éprouvait certes aucune joie, et il ne considérait d’aucune façon que cela le rachetait – il n’avait rien à se racheter – mais ce déséquilibre le séduisait d’une douceur amère. Il lui avait donné, en tant que colonel, toutes les chances de se fier à sa protection et n’avait pas, de son côté, à lui accorder la moindre confiance.

« Qu’est-ce que vous voulez ? poursuivit-il, avec morgue. Des aveux ? Vous les avez déjà. Du repentir peut-être ? »

Il eut un éclat de rire sans joie, bref et dédaigneux. Du repentir, vraiment… Il s’était fait payer par ce Nérozia en toute âme et conscience. C’était sans doute bas, laid, et effroyablement prosaïque, mais il ne le regrettait pas. Il n’avait pas les mains plus sales que lui, après tout – et il se fichait bien de se salir les mains si la vie de son frère était en jeu.
Ses yeux fauves lançaient des éclairs sur la mine énigmatique et retenue de Zolond et un autre rictus involontaire, où il y avait autant de goguenardise que de férocité, fit grimacer ses lèvres.

« Crachez votre pilule, on voit bien qu’elle vous reste dans le gosier, lança-t-il, avec une familiarité résolue, et j’ai pas l’intention de jouer aux charades jusqu’à la fin de la journée. »
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeLun 7 Avr - 13:44

L'air froid fouettait le visage du jeune homme et empourprait délicatement les joues. Sa peau, habituellement diaphane prenait des teintes rosées qui rendaient sa face un peu plus juvénile qu'elle ne l'était déjà. L'enfant de Kesha s'était pourtant habitué au climat qui régnait dans la cité des glaces. Les habitants, fidèles de la déesse, lui avaient fait don de vêtements chauds pour se couvrir. Avec ce cadeau, Virgo avait eu l'impression d'être accepté par la population. Il déplorait toutefois devoir tout cela à son statut plus qu'à lui-même. Cela ne l'empêchait pas de revêtir ce grand blouson de fourrure blanche auquel il semblait accorder une affection particulière. Son manteau de prêtre s'avérait bien trop fin pour les terres gelées, en particulier lorsqu'il arpentait les rues de la cité.

L’ecclésiaste s'adonnait à sa visite quotidienne des malades de la ville qui ne pouvaient se déplacer jusqu'au lieu sacré. Il mettait un point d'honneur à les soigner sans rien demander en échange. Parfois, il donnait les derniers sacrements aux mourants, même s'il n'appréciait pas vraiment cette tâche. Le syliméa apaisait les maux du corps et de l'âme avant le dernier voyage parce que telle était sa mission. Cela lui avait aussi permis de constater que la vie pouvait être courte et particulièrement cruelle et rude avec les plus faibles. Le jeune homme se devait d'apporter un peu de gaieté et de paix, en particulier en cette période de troubles. Il ne faisait pas tant bon vivre à Hellas qu'on le prétendait, mais l'air n'était pas plus méphitique qu'ailleurs.

Malgré cela, l'insouciant foulait les pavés en toute confiance. Le jeune homme semblait vouloir garder les yeux fermés sur la nature profonde de l'humanité. C'était, en tout cas, ce qu'il aimait faire croire. Il avançait calmement, souriant aux passants avec cette bonne humeur que beaucoup trouvaient communicative. Virgo se sentait à sa place à Cimmeria et semblait même avoir été accepté par les habitants. Il était difficile d'avoir des doutes concernant le haut-prêtre de Kesha. Le syliméa n'avait jamais montré de quelconque vice et se montrait particulièrement proche des populations. En réalité, il se moquait bien du statut des personnes face à lui. Riches ou pauvres, tous se trouvaient égaux devant les dieux.

Chacune des sorties du gélovigien était ponctuée par des arrêts fréquents durant lesquels il se contentait d'observer les rues, les bâtiments et les marcheurs. Il restait là à contempler le spectacle de la vie quotidienne et s'isolait dans cette étrange forme de quiétisme. L’ecclésiaste écoutait les divagations des riverains sans s'y intéresser. De temps à autre, il entendait des propos qui lui faisaient tendre l'oreille. Les murmures et autres rumeurs étaient une source d'information non-négligeable pour qui savait écouter. Le curieux assistait donc à la scène avec un regard candide. Quelques riverains paraissaient agités autour de lui, sans qu'il ne parvienne à en comprendre la raison. Le syliméa n'était pas coutumier de tout cela, il parvint toutefois à capter quelques bribes de conversations.

L'enfant de Kesha cru alors comprendre qu'un certain Alton Zolond se trouvait en ville. De ce qu'il savait, après avoir fouillé dans les écrits des gélovigiens, cet homme était lui aussi un membre du culte. Haut-prêtre de Sharna de son état, il était probable qu'il ne soit pas le bienvenu à Hellas. La cité était supposément sous la protection de Kesha et des prêtresses. Les discussions se faisaient de plus en plus animées, les manants ne s'entendaient pas quant à la manière de traiter cet invité. Certains parlaient déjà de l'expulser, d'autres voulaient même s'en prendre à lui. Aussitôt, il se souvint que la plus belle des divinités avait repoussé les avances du dieu de la discorde. Sans attendre, le héraut de la déesse s'approcha de quelques pas. Les pieux pouvaient se montrer assez extrémistes pour ce que le prêtre considérait comme une simple broutille.

Sa main se posa instinctivement sur l'épaule d'un homme qui criait déjà au sacrilège. Il prit alors la parole, d'une voix mélodieuse.


- Désirez-vous réellement entrer dans le jeu de Sharna ? Ne pensez-vous pas qu'en parlant si vivement de cet homme, vous ne faites qu'attiser le feu d'un conflit qu'il désire ardemment ? Laissez donc Alton Zolond parcourir les rues de la cité, je ne veux pas voir ces regards aussi acérés que des poignards lorsqu'il passera devant vous et évitez les paroles acerbes.

Sa main effectua une légère pression sur le bras du fanatique tandis que Virgo souriait d'un air mutin.

- Demandez-vous plutôt pourquoi Kesha resta de glace face au terrifiant Sharna et suivez cet exemple. Je compte sur vous. N'oubliez pas que la violence est aussi une forme d'attention...

Pour lui, il n'était pas question d'accorder la moindre importance aux tensions liées aux religions ou encore à la géopolitique. Tout cela semblait le laisser de marbre. Les hommes avaient l'étrange habitude de chercher le conflit pour si peu de différences.Tandis qu'on s'apprêtait à lui répondre, un cri d'horreur se fit entendre au-dessus de l'agitation environnante. Plus personne ne parlait à présent, le syliméa en profita pour s'éclipser discrètement. Comme il fallait s'y attendre, il se dirigea vers le lieu d'où semblait provenir le bruit, bien qu'il n'eût pas l'occasion de voir la scène. Virgo aperçut cependant quelqu'un qui portait une jeune fille, se dirigeant vers le temple. L'altruiste se promit de lui rendre visite lorsqu'il en aurait le temps.

Il ignorait ce qu'il venait de se passer, mais la situation lui paraissait plutôt évidente. Quelqu'un s'était sûrement montré trop hostile. Il lui restait à savoir qui et pourquoi. De sa position, il apercevait déjà la troupe de gardes, bien que le haut-prêtre ignorât encore que ceux-ci escortaient l'un de ses homologues. Virgo resta ainsi figé au beau milieu du passage, son allure dressée et droite était accompagnée d'une de mécontentement. Le syliméa n'était pas véritablement en colère, mais il avait beaucoup de mal à tolérer la violence inutile et il comptait bien le faire savoir. Sa silhouette s'éclairait petit à petit d'une étrange lueur pâle et bleutée, en cet instant il parut véritablement beau. Aux yeux des passants, c'était comme l'incarnation de la pureté et de la beauté se trouvait là devant eux. Dès lors qu'il fut certain d'avoir leur attention, il s'exprima.


- Il est inutile d'offrir aux Dieux qui nous regardent un spectacle aussi lamentable. Rentrez chez vous et priez pour le salut de vos âmes.

Le gélovigien parlait d'une voix mélodieuse, mais son ton se voulait ferme. Virgo ignorait s'il serait écouté et quel impact cela pouvait avoir sur la population. Il espérait néanmoins voir celle-ci se disperser et disparaître. Pourtant, le religieux ne bougea pas pour autant, curieux de savoir si le cortège en approche était la protection rapprochée du haut-prêtre de Sharna.
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeVen 11 Avr - 23:39

Un siècle et quelques poussières plus tôt, dans le Temple de Sharna


Les portes du temple grincèrent, laissant entrer un prêtre de Sharna. Le bâtiment en accueillait plus de quatre cent, et celui-ci pénétra sans se faire remarquer, les entrées et sorties des clercs n’étant pas surveillées. La plupart cependant ne bougeaient pas, étant occupé à la prière au sein du temple, et cette prière se faisant oralement plus que mentalement, un mélange de mots sans queue ni tête résonnait tel un chœur en l’honneur de ce dieu chaotique qui étrangement parvenait à atteindre une certaine harmonie. Le faux prêtre se dirigea donc d’un pas tranquille vers les escaliers au fond du temple, afin d’atteindre le bureau du haut-prêtre.  La dernière marche franchie, l’homme arriva dans un couloir. Il connaissait le plan du bâtiment, même si tout ne correspondait pas vraiment à ce a quoi il s’attendait. Quelques torches éclairaient ce couloir, et tout au fond de celui-ci normalement, ce qu’il cherchait. Ses pas résonnants sur la pierre malgré la souplesse de la semelle de ses souliers, il finit par tendre la main pour ouvrir une porte grinçante, posant son regard sur sa cible, assise derrière son bureau. Alton leva les yeux pour les poser sur lui. L’assassin se crispa légèrement. Le haut-prêtre de Sharna baissa son regard sur les papiers qu’il avait devant lui et apposa sa signature sur celui qu’il était en train de lire.

- Vous devez avoir une excellente raison pour venir me déranger.

De sa tunique, l’homme fit glisser quelque chose de sa manche qui tomba dans sa paume sans un bruit. Il lui fallait détourner l'attention d'Alton avec quelque chose d'important.

- Un émissaire des cavaliers est là pour vous parler.

Alton opina du chef, et repoussant sa chaise en arrière se leva, puis contournant le bureau il s’approcha de l’assassin. Celui-ci, la main presque crispée sur l’objet qu’il tenait, parvenait difficilement à s’empêcher de trembler, mais il ne devait en aucun cas montrer la tension qui l’occupait, par un tremblement ou pas un tic. Deux mètres le séparaient du Désosseur. Il leva son bras, et jeta l’objet de son crime sur la tête d’Alton, qui se fracassa en morceaux de verres, un liquide aspergeant le clerc, tandis que le meurtrier en recevait quelques éclaboussures. Alton, surpris, ne se protégea que trop tard, et les mains qu’il redressa afin de se protéger de vinrent que pour toucher une peau qui le brûlait d’une intensité rare. Il avait beau être gorgoroth, la douleur n’était jamais qu’atténuée, non pas absente de son existence.  Il ne poussa cependant aucun cri, et se jeta juste sur le faux prêtre.  Son visage commençait à tomber en lambeaux, mais on pouvait voir la fureur dans son regard et à ce rictus qu’il affichait tandis que l’épiderme laissait désormais voir les muscles, les nerfs et les tendons. Il ne dit qu’une seule chose à l’homme.

- Vous vivrez.

Puis, la douleur sortie du corps d’Alton, et submergea le Nérozia.

Les jours qui suivirent, Alton ne posa qu’une seule question au Nérozia.

« Par quel membre voulez vous que je commence ? »
Et l’homme avait finit par céder, désignant les membres au fur et a mesure, qu’il préférait perdre. Mais nulle douleur physique ne fut pourtant ressentie pendant que le désosseur faisait son œuvre, celui-ci usant de sa magie afin de prévenir la souffrance physique. Cependant, il forçait l’homme à regarder tandis qu’il opérait, et les larmes coulèrent, et des cris furent poussés, et des réponses furent données à des questions qui ne furent pas posées.

______________________________________________________________________________________

Léogan Jézékael avait été évoqué lors de cette longue semaine qu’avait passé le Nérozia, Ilyan aussi. Mais jamais Alton n’avait vraiment porté attention aux personnes qui aidaient ceux qui tentaient de le tuer, il aurait sinon dû prêter son attention à une grande partie de la population de Thémisto. Le désormais colonel cependant n’appréciait de toute évidence pas le Haut-Prêtre, peut-être avait-il perçu dans son attitude une menace. Alton ne s’écarta pas du colonel lorsque celui-ci lui fit une tirade sur ce qu’il pouvait ou non faire dans la cité.

- Faites ce qui vous semble juste, et ne cherchez pas d’excuses à vos actes. Ou vos inactions. Il y aura toujours d’autres tentatives d’assassinat contre moi.

Il se déplaça, tournant un moment le dos à Léogan pour aller là où la fiole de verre avait répandu son contenu au sol, et là il se baissa et posa la main droite dans le fluide qu’elle avait pu contenir quelques instants plus tôt. Se redressant, il revint face à Léogan et exposa sa paume.

- Je connais parfaitement les armes que l’on use contre moi. La première fois que l’on a usé de ceci contre moi, c’était un Nérozia il y a environ un siècle. Ce que cette fille à subit, je le connais en détail.

Sa paume désormais décharnée, dont on pouvait voir les muscles bouger sous le sang noir de Gorgoroth, bougeait entre les deux hommes tandis qu’ils s’échangeaient un regard intense puis, ils décidèrent de reprendre leur chemin pour le temple de Kesha, Léogan se murant dans un silence, tandis que de son côté Alton régénérait doucement sa main, qui malgré un passage dans une fontaine, était encore en train d’être consumé par la produit corrosif. La régénération soignait sa main, mais celle-ci continuait encore de le gêner. Et cela continuerait probablement plusieurs jours. Cependant, au bout que plusieurs longues minutes de marche, Léogan reprit la parole, afin d’interroger Alton sur ses propos plus tôt sur la confiance, et Ilyan.

- Je parle de confiance en effet. Je vous fais confiance, colonel. Je sais que ma réputation de désosseur, avec tout ce qui a trait à la douleur rend les choses difficiles. Je peux vous dire que quand votre frère s’est dénoncé à moi de lui-même, il était relativement tendu je dirais. Mais j’ai juste rigolé. Je me fiche totalement que vous ayez aidé par le passé quelqu’un à commettre tel ou tel acte. Au pire, cela fait une anecdote.

Il continua pendant qu’il parlait à marcher, se rappelant de la lettre qu’il avait reçu du frère de Léogan. Une chose importante, avait-il signalé dans sa missive. En vérité, Ilyan avait appris que quelques années plus tôt, une de ses amies de Thémisto était morte en laissant un enfant orphelin, et que lui, le Haut-Prêtre de Sharna, l’avait recueilli. Il s’était sentit obligé de révéler au Gorgoroth son implication dans la tentative vieille d’un siècle, surtout quand il avait put rencontrer l’enfant de cette amie, désormais adulte.

- Pensez-vous qu’il aurait été préférable que cette gamine termine à Umbriel pour plusieurs années? Plutôt que cette seule minute de souffrance que je lui ai donnée, qui était une réplique de ce qu’elle s’apprêtait à me faire ressentir ? A mes yeux, non. J’ai fais ce que je pense juste.

Le chemin continua dans le silence, et au fur et à mesure qu’ils avançaient, ils croisaient de moins en moins de gens, mais ceux qui étaient dehors semblaient plus que jamais agités, jetant des regards apeurés sur la petite troupe qui avançait dans la ville. Chaque fois qu’Alton venait dans cette cité, les gens se comportaient comme des poules découvrant qu’un renard vient d’entrer dans le poulailler. Sauf que le renard en question n’est pas là pour dévorer les poules, il n’y attache que peu d’importance. Enfin cependant, au bout d’un moment ils arrivèrent sur une grande place à l’opposé de laquelle se trouvait le Temple de Kesha et, se dirigeant directement en bas des marches du Temple, Alton observa quelques instants l’édifice, resté presque inchangé au fil du temps. Celui de Sharna avait à plusieurs reprises été modifiés, mais celui-ci, du moins de l’extérieur, n’avait subit que très peu de modifications depuis la première fois qu’il avait pu l’admirer. En haut des marches, un homme aux cheveux blancs les observait, lui et les gardes.

Il s’agenouilla devant les marches, puis défit de sa ceinture son fourreau et posa celui-ci, l’épée encore à l’intérieur, à son côté, et posa le sceptre de l’autre, puis, les mains sur les genoux, dressa le regard vers l’homme en haut des marches. La populace autours d’eux était beaucoup moins grande que ce qu’ils avaient pu croiser jusqu’alors, mais ce qu’il en restait était silencieux.

-Je salue Kesha, et tous ses adeptes.

S’inclinant jusqu'à ce que son front touche le sol, il resta ainsi une vingtaine de secondes, puis redressa le buste.

- Je suis venu saluer monseigneur Dohaeris, Haut-Prêtre de Kesha.

Il regardait l’homme aux cheveux blancs, ne sachant avec certitude si c’était lui ou non son nouvel homologue de Hellas, et donc restait très formel. Son comportement respectueux à l’opposé de celui violent qu’il avait démontré plus tôt, était cependant simplement dans sa logique sur la façon dont les choses doivent se passer. Léogan et ses hommes autours étaient devenu presque secondaires, mais eux n’avaient pas forcément à faire montre d’autant que respect que lui, un Haut-Prêtre d’un culte haït, au représentant du culte de Kesha.
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MessageSujet: Re: Le Voyage Perpétuel (1)   Le Voyage Perpétuel (1) Icon_minitimeDim 13 Avr - 3:10

La légèreté avec laquelle Alton répondit à ses questions et ses reproches trancha étonnamment avec le persiflage cruel qui avait été le sien quelques minutes plus tôt, et cela désarçonna brusquement Léogan. Sa colère s’écroula sur elle-même et s’affaissa, toute piteuse, dans ses restes encore fumants.
« J’ai rigolé »… ? Et tout à l’heure, ce « colonel » si grinçant de mépris ? Que penser de « Au pire, cela fait une anecdote », quand les circonstances de ce jour brumeux à Hellas étaient si similaires, par hasard, à celles de la nuit noire à Thémisto, où il avait accepté cette bourse pour tuer un homme et sauver son frère ? Pourquoi tant de signes, pourquoi tant d’échos et de reflets, si ce n’était pour le prévenir qu’il savait, désormais, et que tout pouvait arriver – la souffrance, la duplicité, les accidents ?  
Oh, plus troublant encore, Alton Zolond ne se sentait pas obligé de lui accorder de la confiance, après leurs entrevues ponctuelles où Léogan s’était appliqué à lui sauver la mise, non, en fait, c’était naturel, c’était facile. Il lui faisait confiance, voilà. Et pourtant, tout à l’heure, ce « la confiance », « un luxe que je ne peux plus me permettre » ? Qu’est-ce que toutes ces contradictions voulaient bien dire ? N’était-ce que l’effet du hasard, ou de son imagination, ou l’intelligence du Haut-Prêtre était-elle vicieusement à l’œuvre ?
Léogan était incapable de mettre le doigt dessus. Cet homme pouvait très bien être en train de le manipuler, de jouer avec ses nerfs – beaucoup de gens s’y plaisaient, c’était si simple – ou bien toute cette histoire pouvait effectivement l’indifférer considérablement ; un instant s’écoulait, et il y avait ce sourire carnassier sur ses lèvres, l’instant d’après, son visage était impassible comme l’onde d’un fleuve trop calme.  
Il ne savait plus qu’en penser. Tout devenait absurde et confus. Il ne savait même plus quel sentiment il devait éprouver quant à cette révélation, s’il devait bien avoir peur pour Ilyan, ou si cela ne changerait rien à leurs existences – il en doutait encore, en vérité ! Un lien étrange se tissait entre lui et Alton Zolond, dont la nature lui échappait, qui était fait de rancune et d’oubli, de désintérêt et d’irritation, de peur et de confiance.

Léogan scrutait Alton avec incrédulité, tandis qu’ils marchaient et qu’il réfléchissait intensivement à son propos. Finalement, il prit une profonde inspiration pour parler à son tour, surtout pour faire état de l’étrangeté qu’il décelait dans le comportement de cet homme.

« Ce n’est pas une réputation facile, j’en conviens… Mais je ne souhaite pas m’y arrêter…  murmura-t-il, lentement, en proie au vertige. Enfin, vous faites beaucoup de sous-entendus pour un homme indifférent, dans ce cas – et on ne me prête pas le défaut de la paranoïa, habituellement. Enfin, si c’est comme ça que vous le prenez… dit-il, doucement, l’œil posé sur le prêtre, à l’oblique et encore plein de méfiance. C’est comme ça que vous le prenez. Tant mieux pour moi. C’est bien comme ça que vous le prenez ? »

Il le regarda directement, très intensément, sans plus aucune étincelle de colère, avec un mélange d’étonnement et d’inquiétude. Oh, il espérait qu’il prenait tout ça avec la légèreté qu’il prétendait, il espérait qu’il n’y aurait pas de suite, il espérait que le prêtre lui offrirait l’occasion de voir au-delà de ce qu’on lui avait raconté, et de ce qu’il avait vu ce jour là, et Alton le lui laissait penser, avec son pas tranquille, ses sentences prononcées sans hésitation, froides, sévères et implacables.
Il était si sûr de lui, cet homme, et ce qu’il disait était à la fois si effroyable et si sincère. Léogan ne s’énerva pas. Il avait l’impression de se retrouver face à une personne sans culpabilité, intelligente, formée, mais incapable de sentir ce qui était bien et ce qui était mal – et cela le décontenançait terriblement. Il regarda le Haut-Prêtre avec sincérité, et tenta de s’expliquer avec autant de tact qu’il le pouvait :

« Je ne prétends pas être un homme irréprochable, je ne prétends pas savoir grand-chose de la justice, en fait. Mais il y a une chose dont j’ai l’intuition, c’est que la loi du talion est loin d’être juste. Ce n’est qu’une chaîne, un vieux mécanisme, un engrenage infernal que vous avez généreusement huilé. Rétablir l’équilibre n’est pas de votre ressort, dit-il, patiemment. De votre part, ce n’est pour elle qu’une riposte, à laquelle elle voudra répondre tôt ou tard – et vous l’y avez encouragée. Rien n’est rétabli. Le fossé s’est seulement creusé. Vous le savez, n’est-ce pas ? demanda-t-il, en fronçant les sourcils avec désarroi. Seulement, pourquoi appeler cela justice, alors ? »

La question était vraie, car elle soulevait encore une contradiction que Léogan n’avait pas élucidée. Pourquoi s’évertuait-il à parler comme un homme de morale quand tous ses actes n’étaient tournés que vers l’amplification et l’aggravement d’une tempête qu’il avait fait lever lui-même. Il terrifiait, on l’attaquait, il répliquait et terrifiait au centuple – et il réclamait qu’on revînt ensuite lui porter un coup ! Et réussir, encore !

« Et je ne pense pas que l’envoyer à Umbriel eût été la seule alternative à votre propre jugement. » dit enfin Léogan, dans un souffle préoccupé.

Il n’osa pas formuler la suite de sa pensée, de peur qu’elle parût dénuée de sens à un homme de Thémisto, pour qui la bienveillance n’était que mièvrerie, faiblesse ou stupidité – et lorsqu’il avait habité Phelgra, il avait dû le croire aussi. Ici, à Hellas, les gens avaient bien des défauts, mais ils savaient pardonner la faute aux enfants. La jeunesse avait encore assez de volonté et de courage pour changer de chemin, pour mettre ses préjugés au placard, et reconsidérer la situation, pour changer et se perfectionner. Si elle tempêtait et bousculait tout sur son passage, au fond d’elle, elle pouvait encore questionner ses actes.
Il aurait peut-être suffi d’un pardon, d’un regard, d’un mot pour faire s’interroger cette jeune fille, pour faire s’interroger tout Hellas sur la clémence d’un homme qu’on attaquait injustement. L’hésitation aurait ralenti les volontés, il n’y aurait plus eu de tentatives d’homicide ce jour-là, il y en aurait eu moins à l’avenir, parce qu’il aurait montré qu’il était autre que celui qu’on supposait.
Mais il avait voulu enfoncer le clou, pour une raison qui échappait à Léogan. Le chaos peut-être ? C’était la réponse à tout, c’était presque trop facile.

Son regard s’attarda sur la main blessée d’Alton, qu’il avait plongée tout à l’heure dans l’eau glaciale d’une fontaine, et qui se putréfiait à vue d’œil. Il s’en voulut un peu. Il s’était montré véhément, et il était vrai que le Haut-Prêtre de Sharna avait eu également son compte de souffrances – il ne pouvait même pas imaginer à quel point, en vérité.

« Au temple, les prêtresses ou le Haut-Prêtre sauront vous soigner. Quelle idée vous avez eue… » soupira-t-il, et il fuit le regard d’onyx d’Alton.

Le temple lui-même se dressait devant eux, dans toute sa splendeur blanche et austère. Léogan aperçut presque aussitôt la silhouette reconnaissable de Virgo Dohaeris, qui avait des cheveux de neige, une figure pâle et mystérieuse comme la lune, un vêtement tout aussi immaculé, et qui s’accordait si bien aux froids paysages de Cimméria.
Il voulut faire signe à Alton Zolond qu’il s’agissait bien du Haut-Prêtre de Kesha, mais déjà le serviteur de Sharna s’était avancé au bas des marches du temple et saluait le jeune homme plus bas que terre. Léogan passa une main dans ses cheveux et adressa un sourire gêné à Virgo Dohaeris.
Lorsqu’Alton eût déballé toute la politesse qu’il estimait convenable, Léogan porta son poing sur son cœur et salua à son tour l’éphèbe, avec bien moins de cérémonie, mais sincérité et respect.

« Haut-Prêtre Dohaeris. » dit-il, en guise de bonjour, en se redressant et en portant son regard orageux sur le visage bienveillant du jeune homme.

Le représentant du culte de Kesha n’avait pas la moindre autorité sur les corps armés de Cimméria, ni même sur le corps prétorial qui était sous les ordres d’Elerinna Lanetae – en vérité, il n’était investi d’aucune mission politique, c’était un chef spirituel (et de toute façon, les prêtresses se seraient bien empressées de lui spolier ses droits d’autorité sur la cité, s’il en avait eus). Il n’était responsable que de religion, même si sa voix aurait certainement de l’influence en temps voulu : il avait un air de bonté naturel qui le rendait charismatique aux yeux du peuple, et Léogan lui-même appréciait cette douceur qui apparaissait dans ses yeux lorsqu’il souriait. La garde prétoriale, si elle n’avait aucun ordre à recevoir de lui, le soutiendrait et lui serait fidèle, et c’était peut-être une promesse qui valait mieux que toutes les obligations hiérarchiques au monde.
Léogan croisa les bras derrière son dos et resta un peu en retrait, près à s’effacer pour laisser les deux prêtres converser, et toujours disponible, s’ils réclamaient sa participation – et il pensait toujours à Ilyan, à la lettre qu’il devait lui écrire, et à tout le trouble qui avait déjà ébranlé Hellas en cette matinée de froid et de grisaille. Ses yeux allaient et venaient sur la place du temple, inquiets et méticuleux. Qui savait ce qui pouvait encore se passer et ce que les hommes sauraient encore inventer pour se nuire et souffrir ?
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