Solidarité scientifique.

Sujet: Re: Solidarité scientifique. Jeu 10 Avr - 20:16

Il était arrivé à son hôte de jouer à des jeux étranges auxquels elle n’avait pas comprit grand chose. Avec des pions et un plateau à carreaux. Cela demandait beaucoup de réflexion, de stratégie et de calme. Trop à son goût. Elle n’aimait pas ce jeu. Et elle avait l’impression d’être en pleine partie contre le gorgoroth… Sauf que dans leur cas, perdre serait certainement plus sinistre que dans les souvenirs de son hôte. Garder l’esprit clair et ne pas prendre complètement partie juste parce que sa situation était dramatiquement proche de la sienne était déjà une tâche ardue en soi… Mais jouer de psychologie pour l’amener là où elle voulait lui demandait beaucoup d’efforts et des compétences qu’elle n’était vraiment pas certaine de posséder.

Cela ne l’empêchait pas de profiter de chaque petite victoire même si la guerre faisait toujours rage. Visiblement il commençait à se détendre. Ce n’était pas forcément très flagrant mais il semblait déjà plus enclin au dialogue qu’à une exécution sommaire. Un mieux indéniable qui était probablement tout autant appréciée par la prêtresse que par elle-même. Il la laissait s’approcher aussi, même s’il la gardait fermement à l’œil. En toute honnêteté, elle n’était pas certaine de représenter une quelconque menace même en étant aussi proche. Elle pourrait peut-être porter un coup, le renforçant à l’aide de sa télékinésie, mais ce serait bien tout. Peut-être juste suffisant pour s’assurer qu’Irina était à nouveau à même de se défendre tout en espérant qu’elle en avait pleinement les capacités.

Face à ces incertitudes et malgré le fait qu’elle avait l’impression de s’aventurer sur un terrain dangereusement glissant, la syliméa préféra continuer sur sa lancée. Et vu que la rousse était une prêtresse, elle n’était pas complètement opposée à un petit coup de pouce divin. Le tout était maintenant de continuer à avancer et de ne pas gâcher les efforts qui avaient déjà été faits. Tout en restant relativement honnête. La question du gorgoroth était tout à fait justifiée... Qu'est-ce qui prouvait qu'Irina était différente de cette ancienne prêtresse sans cœur ? La syliméa ne connaissait rien d'Irina, elles venaient juste de se croiser dans ces boyaux glacés, difficile de pouvoir affirmer quoi que ce soit... Ou presque. S'il y avait bien une chose que la rousse n'avait pas caché et qui jouait largement en sa faveur aux yeux de la jeune femme c'était bien la relation qu'elle avait avec Alix. C'était un argument tout à fait recevable pour sa défense. Mais cela revenait aussi à exposer la jeune fille or, jusque là, elle était parvenue à rester sous le radar de leur adversaire...

-N'avons-nous pas tous notre propre part de ténèbres ? C'est notre façon d'y résister, ou de nous y abandonner, qui nous caractérise. Mais personne n'en est exempt...

Sa nature même était un parfait exemple... Si elle était parvenue à se contenter d'un régime alimentaire relativement « normal » bien qu'exceptionnellement carné, ce n'était pas forcément le cas de tous ses petits camarades. Toutes ses impulsions ne faisaient pas d'elle une douce, délicate et innocente demoiselle, loin s'en fallait. Mais elle savait se maîtriser...

La jeune femme écouta les revendications de leur preneur d'otage, car c'était bien ce qu'il était... A ses yeux, cela ressemblait à des demandes tout à fait raisonnables mais de là à dire si elles étaient réalisables... ? La syliméa porta son regard vers la prêtresse, vaguement soulagée de constater qu'elle ne risquait plus de mourir étouffée dans l'immédiat. Son regard interrogateur était suffisant, elle ne pouvait pas s'avancer pour elle...

-Cela me semble des demandes justifiées... Mais je ne suis pas prêtresse, je ne sais pas exactement comment fonctionne ce genre de sort...

Kaly incitait ainsi Irina à prendre la parole, histoire de voir un peu quelles étaient leurs cartes... De son coté, si elle parvenait à conserver un visage relativement calme, l'explosion d'anxiété qu'elle venait de subir n'avait pas du passer inaperçue pour la rousse. Oui, les revendications du gorgoroth étaient justifiées... Mais si elle devait rester enfermée ici plus longtemps que nécessaire, elle deviendrait folle. La jeune femme sentait chacun de ses poils au garde à vous, repoussant difficilement une crise de panique à l'idée d'être privée de sa liberté. Malgré toute la bonne volonté du monde, ce qu'elle avait vécu l'avait profondément marquée, pour ne pas dire définitivement traumatisée. Si on la contraignait à rester dans un espace clôt, elle risquait de ne plus pouvoir se maîtriser. Et dans ce cas là, elle attaquerait toute personne se mettant entre la sortie et elle, même si cela devait lui causer la vie...

-Peut-être devriez-vous la laisser nous expliquer comment nous pouvons procéder... ?

Encore une fois elle essayait de s'associer avec le gorgoroth afin de ne pas perdre les avancées réalisées. De là, Irina pouvait fort bien leur mentir, elle n'avait aucun moyen de le dire. Mais elle n'était pas prêtresse non plus, à un moment donné ou à un autre, il allait bien devoir écouter la rousse demoiselle...

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Sujet: Re: Solidarité scientifique. Lun 28 Avr - 18:15

Les mots de Kalysta avaient sans doute plus d'impact qu'elle ne l'imaginait, ne fusse que parce qu'ils transpiraient d'une brutale réalité. Le monde qu'ils foulaient n'était pas aussi manichéen que certains voulaient le faire croire, et même les plus grands prédateurs, même les plus véreux des dirigeants pouvaient éventuellement construire des bases solides pour leurs groupes, apporter un élan positif à ce qui semblait perdu d'avance. Elerinna en était un bon exemple... C'était une femme vénale, ambitieuse à l'extrême, méprisante envers tous ceux incapables de se défendre soit le commun des mortels. Sûre de son fait, elle prenait de haut tous ceux qui ne la suivaient pas, n'hésitant nullement à les bercer de ses paroles condescendantes et magnanimes jusqu'à endormir leur méfiance. Néanmoins c'était aussi une femme de poigne qui savait mener sa barque sans trembler, à travers les tempêtes les plus violentes.

Les yeux d'Irina étaient voilés par une réflexion profonde, jugeant la véracité de cette phrase pourtant si simple, et si naturellement prononcée. Mais ne disait-on pas que la vérité est l'apanage des enfants ? Couvant Kalysta d'un regard intrigué mais teinté de sympathie, la prêtresse respectait l'initiative qui avait été par la jeune brune. Il fallait un sacré courage pour essayer de parlementer avec une créature aussi instable, un étranger à l'agressivité à peine contenue. Cela montrait qu'elle avait du culot et qu'elle savait endosser le poids des responsabilités quand c'était nécessaire. Petit à petit cette fille gagnait son respect, bien qu’évidemment l'idée de confier sa vie et celle d'Alix à une inconnue lui déplaise toujours autant. Pourtant il faudrait aussi qu'elle participe à ces 'négociations', bien que cela représente un certain danger. Prenant la parole avec mesure, Irina réfléchissait aussi vite que possible.

« Je ne peux garantir l'issue positive de la démarche, mais je peux recourir en votre nom auprès du conseil. Si je me présente en tant que votre plaidant, même les prêtresses de haut rang ne pourront l'ignorer. Je suis prêtresse de premier ordre, seule la Grande Prêtresse elle-même est à un échelon supérieur. Je peux donc assurer sur mon honneur que je ferai comme vous le demandez, et que je tiendrai parole. Si vous en doutez, alors vous n'avez qu'à nous accompagner jusqu'à Hellas. Je suppose qu'un sceau vous empêche de quitter ces lieux. Je suis disposée à le lever, mais je veux que les choses soient claires. Si jamais l'envie de me rouler vous prenait, ou si vous vous en prenez à des innocents d'une façon ou d'une autre... Je vous tuerai de mes mains. Ceci dit, vous êtes également libre de disposer de ma vie si jamais je manque à notre accord. »

Son regard émeraude s'était plongé dans celui du Gorgoroth pendant ce qui sembla une éternité. À travers ce contact ils semblaient se mesurer et se jauger, estimant la sincérité et la résolution du parti adverse. Tous deux ne tremblaient pas et brûlaient d'une dureté semblable. Chacun défendrait ses intérêts à tout prix, s'engageant pleinement dans ce consensus improbable. Tous deux soutiendraient mordicus ce en quoi ils croyaient, et le moindre couac dans ce plan fragile risquait de donner lieu à un carnage.

« Bien. Puisse la foudre divine s'abattre sur celui qui manquera à cet accord... Et si les dieux dans leur clémence venaient à l'épargner, puisse-t-il tomber sous la lame du parti lésé. »

Il tendit alors sa main décharnée vers elle, afin de sceller le tout par une poignée rituelle, main qu'elle serra. Ses paroles elles-même étaient dans ce même langage vieilli, et ses mimiques et gestes d'un autre temps avaient de quoi dérouter. Pourtant l'être séculaire semblait plus lucide que jamais, et ses yeux avaient regagné un peu de la lueur vive qui devait dater d'avant sa mort. Il s'était alors tourné vers Kalysta avant de s'assurer une nouvelle fois de son soutien. Il lui faisait manifestement confiance, ou du moins quelque chose qui s'en rapprochait, ce qui n'était pas anodin étant données les circonstances.

« Vous qui me comprenez, vous m'accompagnerez, pas vrai ? »

Irina faillit rire de la question rhétorique. Cette pauvre fille avait-elle vraiment le choix ? Dodelinant tristement de la tête, la rouquine aida Alix à descendre de son perchoir, maintenant que le plus grand danger semblait écarté. Il fallait qu'ils sortent de cet endroit maudit, avec ou sans le matériel d'Olévus. À ce stade sa seule urgence était de prendre la poudre d'escampette et retrouver l'agréable chaleur d'un bon feu. Ses orteils endormis n'étaient pas vraiment bon signe, et le froid allait bientôt avoir raison de leur santé. D'un autre côté, ce n'était pas pire que de devenir la meilleure amie et confidente d'un vieux décrépi qui en plus de ne plus être très frais avait sûrement perdu la boule. Génial... Ils se mirent alors en marche, guidés par le mort-vivant qui avait pris les devants. Le petit groupe s'engagea alors à travers un grand tunnel de glace, qui les mena à une espèce de salle recouverte d'un dôme de glace.
À en juger par la présence de nombreux objets de toutes sortes, ça devait être là que l'ancien noble -qui s'était entre-temps présenté comme Vilkas- rangeait ses trouvailles... Des armures en plus ou moins piteux état, des livres et autres broutilles en tout genre. Visiblement il s'était reconverti en brocanteur grâce aux objets perdus ou abandonnés par les pauvres voyageurs et aventuriers, sûrement égarés ou morts. Irina ne faisait pas particulièrement attention car elle préférait ne pas trop penser à combien de personnes avaient bien pu trouver une mort en ces lieux, en proie au froid, à la faune sauvage, ou encore à la folie de leur guide. Pourtant elle s'arrêta d'un coup lorsque Alix avait sautillé sur place pour attirer l'attention, n'hésitant même pas à tirer sur la manche de Kalysta en lui indiquant une grande sacoche d'où dépassait un outil de cartographie et plusieurs grandes cartes. Les affaires d'Olévus, quasiment intactes. On dirait que le vent avait tourné, même de ce côté là...

Sujet: Re: Solidarité scientifique. Sam 3 Mai - 0:29

Mentalement, Kalysta était en train de croiser tous les doigts, orteils compris, disponibles dans leur caverne glacée. Si le gorgoroth n'entendait pas raison maintenant, elle ne savait vraiment pas ce qu'elle allait pouvoir faire pour dénouer la situation. Une attaque désespérée probablement mais elle ne voyait pas les choses bien finir pour Irina, et encore moins Alex, si elle en venait à cette extrémité. Pour l'instant elle avait ouvert la voix à la négociation, restait à espérer que la prêtresse saurait trouver les bons mots pour enfoncer le clou... La jeune femme ne lui semblait pas monstrueuse, il suffisait de voir comment elle traitait Alex, et il y avait donc de bonnes chances pour que ses paroles puissent définitivement lui ramener la raison...

Elle se doutait aussi que ses propos faisaient naître des questions... Pour l'instant, elle pouvait se permettre de mettre cette inquiétude de côté, elles avaient bien plus pressant à l'esprit. Mais si elles s'en sortaient... Irina chercherait peut-être à savoir d'où Kalysta sortait toute cette empathie, comment elle avait pu parler en connaissance de cause. Et elle n'était pas certaine de pouvoir répondre correctement à ces questions. Il fallait qu'elle trouve une bonne histoire à lui livrer... Quelque chose qui soit suffisamment proche de la vérité pour que le mensonge soit habilement camouflé. Car elle n'allait certainement pas avouer le fait qu'elle était une syliméa... Même s'il y avait de grandes chances que la grande majorité des gens ignoraient ce que ce nom voulait dire, elle ne doutait pas que la prêtresse avait à sa disposition des sources d'informations suffisamment précises et vastes pour combler ses lacunes.

Les propos d'Irina étaient justes... Il n'y avait pas de fausses promesses, aucune d'elle ne pouvait prévoir la réaction des autres prêtresse, ni si elles parviendraient à lever le voile sur la situation du gorgoroth, juste une l'assurance d'une assistance. La parole d'une prêtresse de premier ordre allait lui assurait une oreille attentive de la part des autres prêtresses, quelle que soit leur façon de traiter ce genre de cas. Cela revenait à promettre un procès juste à une condamné, avec un avocat qui resterait objectif. C'était certainement plus que ce qu'il avait eu lorsque l'ancienne prêtresse l'avait enfermée ici et cela fit naître un sourire optimiste sur le visage de la nérozia. Tout n'était pas gagné, mais c'était certainement la meilleure chance qu'il aurait ! Il ne lui restait qu'à la saisir... Remerciant Irina du regard, la jeune femme se tourna vers le gorgoroth, espérant qu'il passerait outre ses décennies de ressentiment pour comprendre qu'il n'aurait jamais meilleure proposition...

En entendant la formulation, assez alambiquée, la jeune femme laissa échapper un souffle qu'elle n'avait pas eu conscience de retenir. Il acceptait ! Ce n'était pas forcément très clair de prime abord pour quelqu'un qui n'utilisait pas ce genre de maxime mais c'était bien ça. La jeune femme eut l'impression qu'elles venaient tout juste d'esquiver une attaque particulièrement vicieuse et létale, le soulagement manqua presque lui couper les jambes. Tout n'était pas terminé, ils étaient encore tous coincés dans ces tunnels de glace et il y avait encore beaucoup à faire mais le premier pas, le plus important, venait d'être fait. Ce qui augmentait significativement leurs chances de survie... Le fait qu'il se tourne vers elle la surprit tout de même, elle s'attendait en fait à passer à l'arrière-plan, ce qui ne la dérangeait absolument pas, maintenant qu'il avait obtenu l'aide d'Irina.

-Oui... Oui je vous accompagnerais.

Elle eut un sourire un peu timide, voir crispé, prise au dépourvue par sa requête. Potentiellement cela pouvait la mettre dans une situation particulièrement périlleuse mais elle pouvait difficilement refuser maintenant. Tant parce qu'il valait mieux ne pas froisser le gorgoroth alors qu'il commençait à être raisonnable, que parce qu'elle ressentait une certaine empathie envers lui. Après tout elle se souvenait de ces premiers mois de liberté où elle avait découvert un monde totalement nouveau par rapport à celui qu'elle avait connu. L'écart temporel était peut-être moindre mais le choc allait être le même, sans compter qu'il allait souffrir d'un sacré « délis de sale gueule »... Du coin de l'oeil elle vit la réaction d'Irina... Visiblement elle aussi semblait penser que la syliméa était au pied du mur. Enfin... Au moins pourraient-ils tous revoir le ciel d'ici peu.

Alors qu'elles suivaient le gorgoroth, Kalysta capta le regard de la prêtresse et prononça un « merci » silencieux. Certes elle était coincée avec un vieux fou, ce qui ne la changeait guère si elle devait vraiment pousser la réflexion, et Irina allait devoir présenter son cas auprès de ses consœurs sans trop savoir ce qui l'attendait, mais les choses auraient pu beaucoup plus mal tourner et elle aurait très bien pu refuser tout dialogue, ou ne pas adhérer à l'idée de ce simili procès juste.

La salle aux trésors de leur vieux fou fit siffler la syliméa. Il avait accumulé une sacrée quantité d'objets aussi divers que variés et avec son autre « profession », elle en avait presque les doigts qui fourmillaient. A tous les coups il devait y avoir des artefacts que certains aventuriers devaient chercher depuis des années ! Son impulsion naturelle à « chiner » fut brusquement détournée lorsqu'elle se sentit tirée par la manche. Baissant son regard, elle découvrit une Alex particulièrement excitée qui désignait une sacoche avec un enthousiasme qui laissait peu de place aux doutes...

-Oh ! Bien joué Miss !

La nérozia s'approcha de la sacoche pour en vérifier le contenu. Instruments de cartographie, carnets, de quoi noter et, surtout, des cartes. La jeune femme eut presque un sourire de chat avant de réaliser qu'elles étaient potentiellement dans une pièce « appartenant » au domaine du gorgoroth... Elle se tourna vers lui, prête à lui demander s'il voulait bien qu'elles prennent la sacoche mais la jeune femme resta interdite quelques secondes, semblant chercher quelque chose dans son esprit...

-Je... Excusez moi mais nous étions à la recherche de ces cartes... Je me demandais si vous accepteriez que nous les prenions... ?

Elle désigna la sacoche derrière elle avec le pouce, sourcils froncés, les yeux tournés comme si elle cherchait à se souvenir, visiblement troublée.

-On ne sait toujours pas votre nom...

Kalysta énonça cela avec une toute petite voix, un peu surprise...

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Sujet: Re: Solidarité scientifique. Ven 23 Mai - 16:40

Irina aussi se sentait petit à petit gagnée par le soulagement. Cette situation improbable se dénouait aussi subitement et étrangement qu'elle ne s'était déclenchée. Elle fut néanmoins assez surprise que Kalysta accepte de se faire suivre par cette aberration apprivoisée, avec la même facilité qu'on accepte d'adopter un chat. Enfin presque. Là c'était surtout son incontrôlable sarcasme qui parlait, car la rouquine se doutait bien qu'une telle décision n'avait pas été prise à la légère. Du moins elle osait l'espérer, car devoir se charger d'un gorgoroth qui ne possédait que la moitié de sa raison n'était pas vraiment un engagement négligeable. En vérité maintenant que les choses s'étaient tassées et que la pression était un tantinet redescendue, Irina s'en remettait à son attitude habituelle, soit un détachement hilare qui ne pouvait être terni par la peur. Posant une main sur l'épaule de la Syliméa, elle eut un petit rictus moqueur.

« Félicitations, vous êtes la maman d'un... ahem... beau et grand garçon. Un peu ronchon sans doute, mais il est fort vigoureux. Bonne chance, ma belle. Tu vas en avoir besoin. »

Oui c'était gratuit et oui c'était injuste de sa part de se moquer ainsi, même si ça ne semblait pas l'atteindre outre mesure. D'ailleurs quelque part en plein milieu de sa phrase elle avait commencé à la tutoyer, ce qui n'était pas simplement une forme de familiarité. En réalité c'était plus proche de l'estime bien qu'elle ne s'explique ni comment ni pourquoi. Mais après tout pourquoi se prendre la tête à essayer d'expliquer l'irrationnel ? Ce serait perdre un temps précieux. Un temps qui leur était compté si elles voulaient quitter ces grottes maudites sans perdre l'utilisation de leurs extrémités déjà engourdies depuis longtemps. Quelque part c'était peut-être l'innocence de cette jeune femme qui l'avait touchée. Peut-être se revoyait-elle en elle, il y a de ça bien des années. Irina soupira. Elle avait à peine trente ans, mais dieux qu'elle se sentait vieille parfois. Cette insouciante jeunesse lui paraissait tellement loin, que parfois c'était comme si tout ce vécu appartenait à quelqu'un d'autre.
Continuant d'avancer sans trop faire attention à ce que faisaient les autres, la serpentine fut contrainte de s'arrêter lorsqu'elle remarqua l'absence de ses compagnons. Haussant un sourcil avec un air sceptique, elle se demandait ce qui se passait... jusqu'à ce que ses prunelles se posent sur le joli pactole qu'avait amassé Vilkas au cours des années. Ce ne fut pas difficile de voir briller les yeux de Kalysta, qui avait la mine d'une enfant devant la porte d'entrée d'une confiserie. Et Irina ne fut visiblement pas la seule à le remarquer...

« Vous êtes celle qui se bat pour me faire libérer, bien plus que cette rousse aux mauvaises manières. Je vous laisse prendre ce qu'il vous plaira, de toute façon je ne compte pas retourner sur mes pas pour chercher quoi que ce soit. »

C'était une subtile façon de répondre à la demande qui lui avait été faite, mais aussi une porte ouverte à la cupidité de la jeune femme. Certes elles venaient de trouver les cartes et autre matériel un peu par hasard, mais jusqu'où Kalysta allait-elle se lester ? Allait-elle se charger comme une mule juste pour s'enrichir un peu ? Dans tous les cas Alix sembla jeter son dévolu sur deux gros catalyseurs bleutés qui brillaient sous la lumière. Bien qu'un peu agacée de devoir demander une faveur même par procuration, Irina transposa le langage des signes afin de lui donner la voix qu'elle n'avait pas.

« Cet enfant souhaiterait emmener ça en guise de souvenir, et vous demande la permission de les garder. »

Vilkas considéra l'adolescente du regard comme s'il cherchait à percevoir ses intentions, puis finalement il acquiesça simplement pour approuver. Il n'en fut pas plus à Alix pour sautiller de joie et lui sourire avec enthousiasme. Irina haussa les épaules en dodelinant de la tête. Elle n'arrivait pas à comprendre comment ces deux-là arrivaient à traiter cette chose avec autant de naturel. À ses yeux il était certes une créature qui n'avait pas été épargnée par la vie, mais ça n'en faisait pas un innocent pour autant. Ce n'était même pas en rapport avec son apparence des plus repoussantes, en fait il avait cherché à la tuer et elle ne pouvait l'oublier. Sa nuque encore rougie trahissait la force létale de cette étreinte qui aurait bien pu lui arracher la tête sans trop forcer. C'était sans doute à cause de cet impérissable instinct de survie que passer l'éponge aussi vite lui était simplement impossible. Le gorgoroth sembla réfléchir un instant avant de répondre, comme s'il essayait de se souvenir.

« Vilkas... Vous pouvez m'appeler ainsi. Maintenant que je retrouverai ma condition d'homme libre, je peux reprendre ce qui m'appartient, à commencer par mon nom. Et vous ? »

Et voilà qu'il essayait de sociabiliser... Irina leva les yeux au ciel, excédée. Kesha avait un drôle de sens l'humour pour mettre un tel énergumène sur sa route. C'était vraiment la meilleure... le pire c'est que ce crétin nécrosé ne parlait qu'aux deux jeunettes et l'ignorait complètement, faisant comme si elle n'existait pas. Magnifique. Irritée, Irina prit les devants, traversant cette grande salle aux trésors sans même regarder les merveilles qui jalonnaient le sol. Elle s'était simplement contentée de prendre la sacoche avec le matériel d'Olévus sur l'épaule avant de poursuivre sa route, s'engageant dans la seule voie qui leur était accessible. Au moins le chemin n'était pas si compliquée. La force du sceau magique qui créait une barrière invisible était telle qu'elle l'aurait forcément sentie même si elle ne pouvait encore la voir distinctement. Laissant donc les trois zouaves discuter et blaguer comme ils voulaient, elle prit les devants le temps d'étudier les runes tracées au sol et sur les murs. C'était une magie ancienne et puissante qui pulsait en lui donnant la chair de poule.
Elle reconnaissait bien là la patte de la magie de son ordre, même si genre d’œuvres était relativement rare. Cela avait dû demander une sacrée énergie et beaucoup de concentration de créer une telle prison. D'un œil curieux elle étudia le travail comme un admire une belle sculpture. C'était un ouvrage délicat, raffiné, méthodique... Admirable. L'aura signature de la responsable ne lui était pas familière, mais elle avait sans nul doute la vigueur d'une grande prêtresse. Heureusement en tant qu'exécutrice interne des sanctions disciplinaires de l'ordre, Irina avait largement étudié ce genre de sorts. Ou plutôt de malédictions en l’occurrence. La lever serait en réalité bien plus simple que de la créer, du moins en théorie. Levant une main, la nordique s'approcha des limites dessinées au sol et leva la main pour toucher ce mur translucide et brillant. Pas d'hésitation dans sa main tendue même si le geste était délibérément lent. Finalement la barrière trembla et ses doigts la traversèrent comme si elle avait plongé la main dans l'eau.

« Je vois. Dans ce cas cette barrière n'emprisonne que les Gorgoroths, d'un côté comme de l'autre. C'est bien pensé je dois dire... et surtout ça me facilite la tâche. »

Comme elle pouvait la traverser sans mal, les choses n'en étaient que plus aisées. Briser un sceau de l'intérieur donnait toujours un certain avantage, surtout lorsque l'on connaissait déjà son fonctionnement. C'était comme si elle essayait de défaire une tapisserie complexe... C'était à priori confus et impossible, mais lorsque l'on savait quel fil tirer, ce n'était plus la même histoire. Fermant les yeux, Irina se concentra toujours la main tendue. L'air vibra alors et une brise certaine se leva, agitant soudainement ses cheveux. L'essence divine surgit de son bracelet et descendit à travers son bras. Sa main toujours en contact avec le sceau se referma. Ses doigts semblèrent alors se refermer sur quelque chose d'invisible, avant que d'un geste sec elle ne tire de toutes ses forces vers elle. Le mur s'effondra avec un bruit de verre qui se brise.

« J'ai tenu parole. À vous de faire de même. Guidez-nous en dehors de cet endroit. »

Ses paroles étaient calmes mais froides. Il était clair qu'elle ne se laisserait pas surprendre encore si jamais ce Vilkas se sentait pousser des ailes. Sa force l'avait prise au dépourvu une fois, mais ça ne se répéterait pas. Il se trompait rondement s'il pensait qu'il pourrait lui mentir. Au moindre pas de travers, elle le renverrai là d'où il venait... et il y avait fort à parier qu'elle serait moins clémente que sa dernière détractrice.

Sujet: Re: Solidarité scientifique. Mer 28 Mai - 15:06

Kalysta eut toutes les peines du monde pour ne pas éclater de rire en entendant la remarque de la prêtresse. La nérozia ne pouvait pas prendre la moquerie, plus une taquinerie à ses yeux, mal. De toute façon, elle en était au stade où elle estimait qu'il était préférable de rire de la pire chose plutôt que d'en pleurer. Attitude plus positive et efficace que de se rouler en boule dans un coin et de pleurer lamentablement sur leurs sorts respectifs... Ça, elle allait probablement avoir besoin de chance pour continuer à vivre à peu près normalement si le gorgoroth décidait de continuer à la suivre ainsi. Mais la rouquine ne pouvait pas savoir combien elle venait de faire mouche. D'un point de vue strictement temporel, oui, elle était effectivement plus vieille que lui. Normalement. Sur le papier en somme. Mais d'un point de vue pratique, émotionnel et logique, elle était, et de bien loin, la gamine du groupe. Même Alix avait l'air plus mature qu'elle en comparaison pour certaines choses.

Quoi qu'à l'instant cela ne se voyait peut-être pas des masses maintenant qu’elles étaient dans la caverne d'Ali Baba. La jeune fille semblait aussi intéressée qu'elle, même si elle soupçonnait qu'elle devait plus penser en découvertes de trésors qu'en monnaie sonnante et trébuchante. Comme quoi, il suffisait d'un début dans la vie dans le corps d'un vieux grigou alcoolique pour ruiner toute forme d'innocence pécuniaire... Si elles avaient été ailleurs que chez le gorgoroth, la syliméa aurait déjà essayé de s'en mettre plein les poches... Mais elle avait une forme de respect pour lui et avait donné sa parole, en quelque sorte, qu'elle allait l'aider. La jeune femme n'allait donc pas le dépouiller. Une résolution qui se trouva particulièrement mise à mal en entendant les propos du propriétaire des lieux. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres.

-Vraiment ? Merci !!

Déjà, elles avaient les cartes. Ce qui était une excellente nouvelle après ce par quoi elles étaient toutes les trois passées. Même si se faire de nouveaux amis était toujours intéressant, Irina était tout de même venue ici avec un objectif bien précis en tête ! Et maintenant on venait de lui donner carte blanche dans la salle au trésor, ce qui ne manqua pas de provoquer un certain frisson d'anticipation chez sa petite personne. Le tout était maintenant de parvenir à se maîtriser ne serait-ce qu'un minimum histoire de ne pas apparaître comme quelqu'un de particulièrement avide. Ou maniaque. Kleptomaniaquement maniaque... ? De toute façon elle ne pouvait pas non plus tout ramener chez elle hein ? Il suffisait juste qu'elle se souvienne de la position de la grotte...

La nérozia articula le nom du gorgoroth silencieusement, comme si elle cherchait à se rappeler si elle avait djà entendu ce nom... Mais la mémoire de son hôte ne lui révéla rien de bien pertinent. Il avait été bien trop « jeune » pour pouvoir connaître quoi que ce soit à son sujet. Irina ne semblait pas vraiment emballée par les nouvelles aptitudes sociales de leur récent ami mais cela n'empêcha en rien la jeune femme de lui répondre avec un certain enthousiasme... Ce n'était pas qu'elle ne le considérait plus comme potentiellement dangereux. En fait, elle n'avait en rien oublié qu'il pouvait très bien l'éliminer en un claquement de doigts si l'envie lui prenait, mais jusqu'à maintenant le traiter comme un humanoïde normal avait eu tendance à fonctionner. Et puis elle savait pertinemment que dans sa position, elle n'apprécierait pas du tout d'être traitée comme un monstre, une bête de foire qu'il faudrait abattre au premier mouvement vaguement inattendu. Elle lui offrait le bénéfice du doute car c’était un luxe dont elle espérait profiter le jour où elle serait démasquée.

-Kalysta. Elyomar !

Au moins elle était sûre que lui n'avait pas entendu parler d'elle... La jeune femme laissa Irina s'occuper de la barrière et se résolut donc à profiter des lieux sans avoir l'air d'un vautour arrivant sur un champ de bataille. Tout n'avait pas une immense valeur en pièces d'or mais elle sentait que chaque objet avait une histoire. Des traces, des bouts, de vies qui avaient dû s'achever depuis longtemps. Et elle prit soin de ne surtout pas se demander comment... Elle aurait aimé pouvoir en apprendre plus, les connaître et écouter leurs témoignages mais elle n'en avait pas vraiment le temps. La syliméa essayait de conserver au maximum ses mains dans ses poches afin de garder un certain calme, du moins en apparence.

Kaly finit tout de même par jeter son dévolu sur deux souvenirs... Dans la multitude d'objets, la jeune femme avait repéré une épée courte de très belle facture. Elle ne semblait pas avoir souffert du froid, hormis au niveau du cuir de la garde, ce qui laissait sous-entendre une très bonne qualité de forge. Son équilibre était impeccable et elle avait l'impression qu'elle ne pesait quasiment rien. La lame était finement gravée d'arabesques qu'elle trouvait tout à fait à son goût. Avec un peu d'huile de coude, elle ferait une excellente arme. Le second objet allait avoir besoin d'un peu plus d'efforts de restauration. Il ressemblait fort à un petit amas de chiffons et de bois qu'elle s'empressa de mettre dans sa sacoche avec une tendresse presque maternelle. Elle adressa un sourire gêné à Vilkas qui avait dû reconnaître la poupée avant de se diriger vers la sortie, se positionnant aux cotés d'Irina et Alix.

-Personnellement j'ai plutôt hâte de retrouver l'air libre...

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Sujet: Re: Solidarité scientifique. Lun 16 Juin - 15:52

Irina avait pu assister au début de cette étrange amitié aux premières loges, avec la subtile réserve de quelqu’un qui ne peut que garder un œil sceptique sur la situation. Avec un détachement plutôt visible, Irina les accompagna en se maintenant en retrait afin de leur laisser un minimum d’intimité. Enfin une intimité toute relative puisqu’ils étaient obligés de cheminer relativement près les uns des autres à cause de l’exiguïté des lieux. Alix quant à elle ne semblait pas se gêner de l’association de ce duo improbable, et souriait de toutes ses dents à Vilkas. Elle semblait presque oublier que quelques heures auparavant ce corps décharné avait menacé leurs vies en les accusant d’une injustice qu’elles n’avaient pas commise… C’était à ne rien y comprendre. La jeunesse et son indissociable fougue n’étaient sans doute pas étrangères à cette tolérance, complètement disproportionnée selon Irina. Il y avait tolérance et candeur, et là, les deux jeunettes avaient tout bonnement explosé la limite entre les deux.

Ceci dit la prêtresse se voyait mal jouer les arbitres et les moralisatrices pour une affaire d’ordre privé, qui comme son nom l’indique si bien, ne la concernait pas. Ce serait dommage de voir Kalysta se faire étriper dans un coin parce qu’elle aurait baissé sa garde, mais après tout que pouvait-elle faire de plus si ce n’est la raisonner sur le danger encouru ? Elle était plutôt futée et débrouillarde pour son âge, alors elle devait être consciente… ce qui en un sens n’était pas très rassurant. Enfin, il ne fallait pas que la rouquine se fasse du mouron pour une étrangère, aussi sympathique lui soit-elle. Ce n’était pas comme si elle avait d’autres chats à fouetter…
Du coin de l’œil elle épia Vilkas, qui maintenant descellé semblait avoir plus de facilités à s’exprimer. La lumière du jour se faisant de plus en plus vive ce dernier plissait douloureusement les paupières comme pour se forcer à regarder cette lueur agressive en face, la tête haute. D’un autre côté son apparence se fit bien moins nécrosée, ses traits toujours creusés paraissaient moins marqués. Il était toujours très loin des standards de prince charmant, notamment parce que sa pâleur fantomatique avait de quoi donner la chair de poule, mais il était désormais loin de la figure squelettique et pourrissante qui les avait apostrophées. Le sceau qui le retenait prisonnier des profondeurs glacées n’avait visiblement œuvré comme une cage, mais aussi comme une punition latente qui le rendait encore plus hideux et abject pour ses éventuelles rencontres. Peut-être son ancienne amante avait-elle voulu se jouer de son égo masculin pour mieux le piétiner. À cette pensée Irina soupira. Décidément les femmes en blanc avaient le don pour faire preuve de la plus grande cruauté…

[Fini pour moi, Kaly je te laisse récupérer la récompense de la mission, ce qui correspondra à la vente des objets que tu auras emportés de la caverne d'Ali Vilkas ^^]