[TERMINE] Sous une lumière de givre

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 [TERMINE] Sous une lumière de givre

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Othello Lehoia
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MessageSujet: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeDim 12 Oct - 21:32

[TERMINE] Sous une lumière de givre  33k7hp3

C’est au petit matin que la ville s’éveillait, comme chaque jour dans un brouillard dense. Le cri résonna peu après les premières lueurs du jour, qui gardait jalousement ses magnifiques couleurs orangées derrière la barrière de nuages blancs. Nul doute qu’ils se dissiperaient sous peu, une fois quelques heures passées. Dans les prémices de cette journée, la cité de givre était encore bien timide. Seuls quelques rares commerçants avaient l’audace de se laisser aller à sortir dans la fraîcheur matinale. Ces chats disparates avaient le même rituel : dresser leurs étales pour certains, se rendre au temple pour les plus pieux, fuir leurs démons pour d’autre, et pour tout le reste, descendre vers le port où allaient bientôt arriver les premiers bateaux de pêches, ramenant avec eux leurs premières cargaisons. Et parmi tous ces fantômes du matin, il y avait un spécimen qui, dans son infinie discrétion, suivait paisiblement le même mouvement que les autres. Sa démarche régulière et douce était connue par tous les habitués du moment. Ceux qu’elle croisait lui lançaient d’ailleurs, sur son passage, d’humble signe de tête, comme si il se liait entre eux un accord tacite de respect et de secret. Pourtant, elle esquivait le plus possible les regards…

Enveloppée dans une grande cape rouge, à la capuche de fourrure d’un blanc d’hermine qui lui retombait sur le visage, elle avait cette démarche gracile et innocente que l’on prête parfois aux jeunes filles, ou aux prêtresses… Ce qu’elle était. Rien ne le montrait, si ce n’était son allure droite et sage, et l’aura pieuse qu’elle dégageait autour d’elle comme le spectre invisible. Ses petits souliers pâles étaient déjà bien poudreux sur le plancher de neige, fraîchement déposée par la veille et ses nuages blancs. Mais elle ne semblait pas pour autant souffrir du froid. Serait-ce grâce à ces immenses cheveux qui l’enveloppaient tout autant que son drapé ? Ils étaient longs et blancs comme la lune, et tombaient dans d’élégantes boucles jusqu’à ces genoux dans une chute vertigineuse semblable aux cascades. Sous cette imprenable crinière aux allures peu civilisées se dégageait un petit visage de porcelaine, d’où deux yeux noirs scrutaient fixement la route avec une droiture et un vide déconcertant, d’une impassibilité extrême. Sa bouche était figée, et semblait incapable de bouger. Somme toute, la petite poupée de verre tentait de rejoindre, comme tous, le port dans toute sa discrétion. Pivotant légèrement dans une ruelle voisine, elle déboucha soudain dans une grande allée. Bien, le chemin n’était plus très long à présent.

Hellas avait la vertu d’être une de ces villes imposantes, construites sur les vestiges d’une colline immense, peut-être un pic gelé qui lui donnait cette forme si étonnante, celle d’une cité en pente. Toutes les rues menaient au temple et à la mairie. D’un autre côté, elles descendaient toutes au port – par on ne savait quelle magie – ou vers les terres gelées. L’un étant bien plus apprécié que l’autre. Alors qu’Othello sortit de sa ruelle déserte sur le grand boulevard principal comme une bouffée d’air frais, elle fut surprise par les premiers rayons du soleil, et le spectacle toujours splendide de la mer Cimmérienne se jetant aux abords de la cité de glace, au milieu des nuées d’hommes et femmes qui commençaient à se faire plus nombreux. Depuis des années, elle voyait cette vue imprenable. Mais la surprise et la curiosité faisaient qu’elle ne s’y était toujours pas habituée…
La baie toute entière était, ce matin-là, plongée dans une étrange lumière, ce curieux éclat doré projeté par le soleil au travers d’une vaporeuse couche de brume. Tout semblait auréolé d’une douce lueur jaune, donnant alors des allures grandioses aux plus petites choses sans importances. Les voiles lointaines semblaient alors fait d’ombre et de nuage, alors que les pans de glace qui flottaient péniblement donnaient l’impression d’être taillés dans l’or le plus pur qu’il fut. L’hybride baissa ses oreilles pointues et animales quelques instants. Cette vue paisible lui procura soudain un doux calme, transformant son regard en une nappe sereine, illuminé d’or.

De son emplacement, elle pouvait apercevoir, sur le port, les dockers et les badauds s’activer. Ils bougeaient, ramaient dans l’air comme des fous, déplaçant d’immense caisse à pleins bras. Ce concert de mouvement chaotique donnait l’impression d’une fourmilière, où tout le monde dans cet apparent désordre, avait sa place. La demoiselle se remit en route pour rejoindre cette danse – qui n’était pas sans l’inquiéter un peu, elle devait bien se l’avouer. Toutes ces personnes l’impressionnaient beaucoup, et leurs gestes un peu maladroits, volontairement amples et grotesques, lui laissaient l’amer sensation des navires et des bateaux. Depuis sa naissance, elle n’avait jamais était à l’aise avec les marins. Et même si elle savait son père l’un d’entre eux, voir tout ces hommes déchaînés, les muscles rayonnants sous leurs vêtements de cuirs et de fourrures, avait le don de l’effrayer un peu. Ce n’était pas la première fois qu’elle pratiquait cet étrange rituel. Tout ce qu’elle avait à faire était d’attendre un peu que les premiers bateaux arrivent –ils étaient déjà nombreux- et d’attendre que la foule ne s’épaississe pour passer discrètement jusqu’au bord de l’eau. Le reste n’était qu’un tour de passe-passe habile, pratiqué depuis des années. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pu se retrouver seule dans cet océan de froid. Ce ne serait pas quelques dizaines de marins qui lui feraient peur…

Le temps qu’elle descende l’allée, le monde avait presque doublé autour des bateaux fraîchement arrivés. Deux ou trois nouveaux bâtiments s’étaient arrimés, impressionnant par leur grandeur et leur stature, donnant l’impression d’être les rois parmi les hommes qui se pressaient autour. Rattrapée par la ville, aveuglée, presque, par les soleils qui perçaient le manteau nuageux, Othello se sentait prise au piège. Face à elle se déployait toute cette fourmilière qu’elle avait observée de si loin, et elle en restait glacée. Son regard d’ébène se rétracta, son visage se fit un peu plus vide, ses traits se crispèrent un peu. Bien, il suffisait juste de rejoindre l’eau, et le tour serait joué. Quelques pas et… Un coude s’enfonça dans son dos, la poussant en avant vers un autre marin, bourru, qui la poussa alors sur le côté. Et, en quelques instants, elle fut happée par la masse. Et la valse put commencer. Partout, les corps se heurtaient, envahissaient sa vision, la bousculait alors qu’elle essayait de sortir de la foule. Une vive inquiétude s’empara alors d’elle alors qu’elle était conduite malgré elle vers des myriades de personne, qui la conduiraient eux aussi jusqu’à d’autres visages. Elle se faufilait tant bien que mal entre les personnes, pour déboucher face à des nouveaux marins. Et dans tout ceci, elle fut rapidement complètement perdue.  
Une issue… L’odeur de sueur et de sel était étouffante, celle de vase l’était tout autant. Un frisson parcourut son dos. Peut-être qu’en levant les yeux elle pourrait ?... L’horizon se déchirait à peine entre toutes ces têtes qui la surplombaient de beaucoup. Elle balaya tout, plusieurs fois… Et soudain, parmi tout ce monde, une silhouette se détacha clairement du monde pour attraper ses yeux. Une allure immense, et majestueuse, et imposante, forte parmi tous les autres loups de mer présents autour de lui. Elle n’en cru pas ses yeux. Serait-ce ? Non, probablement pas… Un souvenir vague remonta de l’abysse de sa mémoire jusqu’aux fleurs de ses lèvres, alors qu’un vent froid qui voleter au loin se crinière blonde adroitement retenue. Sa peau de sable lui évoquait elle aussi quelque chose.

D’un pas maladroit, oubliant presque les raisons de sa venue, elle tenta de s’approcher de ce grand spectre qui remontait à si loin, mais un nouveau marin la bouscula alors. Et cette fois-ci, c’est le sol froid, givré en partie qui l’accueillit à bras ouverts. Heurtée, au sol, elle releva ses yeux, espérant revoir cette figure qui lui évoquait tant. Mais dans la foule, il avait disparue… Elle déglutit, reposant ses yeux vers les pavés glacés, ses cheveux blancs rependu tout autour d’elle comme un tissu de soie. Son esprit se tu, surpris par cette image vague et lointaine. Et au sol, elle se demanda quelques secondes de plus si il avait réellement était là.

Au loin, le fracas des vagues se mêla doucement aux cris impétueux des goélands.


Dernière édition par Othello Lehoia le Mar 9 Juin - 19:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeVen 17 Oct - 0:15

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte I: Scattered Memory


Il faisait douloureusement froid. Il faisait si froid que ses doigts à demi endormis ne lui répondaient pas, et que son corps transi était pris d'une fièvre le forçant à bouger quoi qu'il arrive. C'était comme si inconsciemment chaque parcelle de son être lui hurlait que rester à ne rien faire, se complaire dans l'immobilité le mènerait à une mort insidieuse et lente. Avant même les premières lueurs de l'aube il avait pris un copieux petit déjeuner, dans l'espoir insensé de trouver les forces nécessaires à résister à de pareilles températures. Pourtant malgré les diverses couches de vêtements -dont il n'avait absolument pas l'habitude- il semblait toujours aussi dévoré par le frisson irrépressible qui parcourait son corps d'un bout à l'autre chaque fois qu'une autre bourrasque le heurtait de face. Non, il n'était clairement pas taillé pour le nord, et chaque éternuement lui donnant l'impression de perdre ses poumons le lui rappelait un peu plus fort.
Il était un marin confirmé depuis longtemps, seulement s'il évitait de s'éterniser dans la région ce n'était pas sans raison. Pourquoi voguer sur ces bateaux étranges dont les coques armées perçaient les eaux recouvertes de glace, quand on pouvait naviguer en (presque) toute insouciance dans les mers méridionales ? Certes elles étaient loin d'offrir un voyage aisé, avec leurs tempêtes féroces, leurs corsaires cupides et tout le tintouin, mais au moins le climat le rendait bien plus apte à faire face à toutes ces contrariétés. Et puis se balader librement, sans devoir s'encombrer de milles fourrures, c'était quand même bien plus pratique.

Fenris alluma sa troisième cigarette de la journée dans un petit bruit de frottement, brûlant un autre minuscule phare dans ce port fourmillant, créant un point embrasé dans la lumière relative du matin. D'un roulement instinctif des épaules, il resserra la peau d'ours autour de ses épaules afin de mieux se couvrir. De l'ours, non mais franchement ! Il était vraiment forcé de faire n'importe quoi pour ne pas mourir congelé. Ce n'était pas aussi efficace que de la peau de loup, mais pour des raisons évidentes en porter lui paraissait un sacrilège. D'un autre côté il n'avait pas les sous pour s'octroyer le luxe du vison, et de la fourrure de renard lui attirerait les foudres d'Eesa, qui lui casserait les pieds jusqu'à lui faire perdre la raison. Oh, damnée soit cette satanée chair de poule qui le forçait à s'arrêter régulièrement dans le contrôle de la liste des marchandises. À ce train-là il en aurait encore pour plusieurs heures à vérifier l'intégralité du chargement du « Carmenis », l'imposant galion de son dernier employeur. De plus avant l'embarquement il devrait encore pas mal parlementer avec le capitaine du port, qui comme à son habitude chercherait la moindre faille administrative, afin de les taxer encore plus lourdement. Ah les charmes de la paperasse et les subtilités des dias qui voyagent de main en main, savamment glissés entre deux conversations sur des banalités... Le doux parfum d'un voyage réussi.

Le Lhurgoyf réprima un grand bâillement tandis qu'il griffonnait de son morceau de charbon sur le parchemin qui lui tenait lieu de répertoire. La journée allait être très longue... Parcourant d'un œil critique le contenu de quelques vieilles amphores, il fit vérifier que celles contenant du vin et de l'huile n'avaient pas été mélangées. Ce ne fut qu'une fois cela terminé qu'il se donna à peu près pour satisfait et interrogea son second sur une série d'autres détails assurant le bon déroulement de la transaction. Tandis qu'il répondait avec nonchalance à une autre batterie de questions de ce dernier, Fen marchait à grandes enjambées sur le ponton rouillé, avant de finir par descendre sur le quai pour se dégourdir un peu les jambes. Il suggéra alors à son subalterne d'aller faire un tour et prendre l'air, lui demandant au passage de fixer un rendez-vous avec le capitaine de la douane maritime. Voilà au moins un avantage de ne plus être un bleu : ne plus être obligé de faire du graisse pattes à chaque fois qu'un de ses supérieurs avait envie de se débiner.

Le soleil était encore assez bas, il devait être dans les dix heures, pas plus. Autant dire qu'il avait encore de belles heures d’ensoleillement devant lui. Enfin ensoleillement... Clarté, plutôt. Oui, c'était un mot clairement plus approprié. D'un air las il vit les épais nuages cotonneux qui couvraient les cieux pourtant clairs, ne laissant transpercer que quelques rares rayons d'une timidité toute féminine. Néanmoins ils étaient d'une beauté magnifiée par leur rareté, qui recouvrait toute chose d'un éclat cuivré et insaisissable. D'une grande inspiration, il s'emplit les narines des vapeurs iodées et s'assit sur un château de grandes caisses de bois, profitant de la hauteur pour s'en griller une. D'une mine concentrée et paradoxalement absente il voyait les hommes s'affairer dans tous les sens, comme on observe une pièce si familière qu'on la connaît par cœur.
Depuis quelques jours il y avait quelque chose dans l'air. Une tension inexplicable et abstraite qui semblait lui mettre les nerfs en pelote à la moindre contrariété. Un je ne sais quoi d'hostilité et de révolte qui couvait silencieusement, entre les méandres des sourires voilés et des poignées de main routinières. C'était comme si un orage grondait à l'horizon, mais que par pure obstination, personne ne daignait lever le nez de sa petite existence égoïste. Il ne saurait dire ce dont il s'agissait, ni même quel crédit il fallait prêter à ce pressentiment, cependant il était trop difficile de tout refouler dans un coin reculé de sa tête et tout ignorer.

Perdu dans ses pensées, l'Ascan sentit son empathie innée s'accentuer étrangement, et les fils émotionnels qu'il percevait parfois en retrouvant un visage connu se tendirent sans raison apparente. Curieux de comprendre ce qui motivait cette sensation soudainement exacerbée, il sauta de son perchoir improvisé et écrasa sa cigarette sous sa botte. Il se frotta alors les mains dans lesquelles il souffla pour essayer de garder un peu de chaleur, avant de les planquer dans les grandes poches de son long manteau de cuir. Puisqu'il n'avait rien à faire pour l'instant, autant faire un tour et voir s'il pouvait identifier la source de son récent trouble. Du bout de l'index, il tira sur l'avant de son chapeau pour couvrir ses yeux du soleil.
Ses grandes foulées lentes le menèrent machinalement vers la petite place du port, qui était le lieu rassemblant le marché quotidien. Des vendeurs de poisson de tous bords vendaient toutes sortes de victuailles fraîchement pêchées, même s'il y avait aussi toutes sortes d'autres marchandises importées par les nombreux navires tout juste arrimés. De la nourriture, de la vaisselle, de l'artisanat en tout genre, en bref de nombreux biens qui étaient commercialisés avant d'être repris par les magasins qui n'hésiteraient pas à pratiquer des prix on ne peut plus indécents pour se faire une marge juteuse. Beaucoup de gens faisaient donc le déplacement depuis Hellas pour faire quelques économies, qu'ils soient simples badauds ou servants des maisons nobles. Hors c'était précisément quelque part à l'épicentre de la foule compacte et fourmillante que se trouvait le lien vibrant et pâle qui avait attiré son attention. Prenant résolument cette direction, le marin joua de son gabarit pour faire une percée, bien que plutôt maladroite.

Confus, il cherchait dans les visages qu'il croisait une ombre de réponse, sans rien trouver de satisfaisant. Tantôt un froncement de sourcils accusateur, tandis de l'agressivité mal cachée, tantôt une moue impressionnée et farouche... Non, rien de tout cela. Son œil unique transperça le défilement de personnes de tous âges et de toutes classes, à la recherche... à la recherche de quoi, au juste ? Il n'était même pas sûr de le savoir. Il cherchait la source de cette sensation chaude et enveloppante qui l'entourait comme un épais manteau de quiétude. C'était comme s'il avait plongé la tête la première dans un lac paisible et transparent, dont les eaux cristallines ne laissaient pourtant pas voir les profondeurs. Il donnait la fausse impression de tout révéler, alors que pourtant il ne laissait voir que la partie émergée de l'iceberg. Cette personne, qui qu'elle puisse bien être était d'une douceur presque enfantine, et pourtant cachait une force de volonté impressionnante. Il ne connaissait pourtant personne dans cette ville, si ce n'est Léogan... Et inutile de dire que s'il s'était agi de lui, il l'aurait su immédiatement.
Non. Ce lien, ce fil... C'était sûrement une femme. Suivant son instinct, il s'excusa auprès de plusieurs passants et creusa un peu plus avant, zigzaguant entre les silhouettes, jusqu'à trouver une ombre blanche qui le fit s'arrêter brusquement, ce qui lui valut nombre de ronchonnements des gens qui étaient derrière lui. C'était là, droit devant lui. Le fil d'or s'était tendu au maximum, de façon si persistance malgré la subtile pression dans sa poitrine, qu'il avait presque l'impression de rêver. Et pourtant c'était là, issu tout droit d'une jolie jeune femme de petite stature et à la beauté enchanteresse, qui luttait pour se faire une place au milieu des gens qui l'entouraient. L’œil hagard et un peu craintif, elle scrutait alentours avec la minutie d'un animal traqué. Cela faisait peine à voir et en même temps lui donnait envie de lui prendre la main pour la tirer de là, jouant de son corps pour leur frayer un chemin.

Immobile à quelques mètres en face d'elle, Fenris s'interrogea. Était-ce vraiment raisonnable de s'approcher autant, alors qu'il n'avait pas la moindre explication rationnelle pour justifier sa présence ? Il avait bien envie de lui parler, de savoir qui elle était et d'où lui venait ce ressenti, mais comment s'y prendre avec quelqu'un qui demeurait techniquement une inconnue ? La prendrait-elle pour un détraqué s'il lui expliquait qu'il avait la sensation de déjà la connaître ?
Tu parles, ça sonne comme une technique de séduction d'adolescent pré-pubère, le genre de phrases bidon qu'un puceau sort à défaut de savoir aligner deux mots...
Et de façon plus générale, où l'avait-il rencontrée, à supposer qu'il ait vu juste ? Il avait presque trois cent ans maintenant. Était-il judicieux de penser qu'il avait pu la croiser il y a des années, ou même il y a des décennies ? Il agita la tête pour essayer de revenir à la raison, bien que cela soit d'une efficacité plutôt douteuse. Ses cheveux blonds voletèrent alors dans une rafale qui le glaça jusqu'à la moelle, ce qui sembla le pousser à avancer vers elle. Hésitant, il se mordilla la lèvre inférieure, cherchant les bons mots. La façon de l'aborder serait sûrement déterminante pour la suite, marquant la différence entre un homme d'honneur et un truand. Bon, mauvais exemple vu qu'il ne se considérait pas honorable, loin de là. Disons que cela marquerait la distinction entre quelqu'un qui avait des arrière-pensées, et quelqu'un qui n'a pas de mauvaises intentions. Baissant la tête pour lui faire face, il était obligé de se tordre un peu le cou pour combler la différence de taille.

« Je, euh... Bonjour. Je suis Fenris Skirnir. Je ne pense pas qu'on se connaisse, mais je pense qu'on s'est déjà rencontrés. Votre visage ne m'est pas inconnu, toutefois pour une raison qui m'échappe, je n'arrive pas à me souvenir. Non, je vous en prie ne vous méfiez pas de moi, je ne vous veux aucun mal, par Soulen je le jure. »

Il leva les mains en signe d'innocence, désabusé. Oui, cette chevelure blanche s'étendant comme une cape de soie neigeuse, ces yeux sombres et perspicaces, cette moue délicate et déterminée... Si seulement il arrivait à mettre le doigt dessus. Les gens criaient autour d'eux, les commerçants scandaient leurs prix et marchandaient avec leurs clients, complètement indifférents à ses hoquets empathiques. Le monde continuait de tourner comme il l'avait toujours fait, mais dans son esprit quelque chose s'était soudainement arrêté. Cette demoiselle l'intriguait plus qu'il ne saurait le dire, plus qu'il ne le comprenait lui-même. S'en était même terriblement frustrant. Il ne voulait pas lui forcer la main ni l'obliger à discuter, et il était même fort probable qu'elle refuse de parler à un homme à l'allure sans doute peu rassurante. Néanmoins il fallait qu'il essaie, il fallait qu'il tente le coup quitte à la voir partir en courant... Fen réfléchissait à comment s'expliquer et surtout comment gagner du temps. Ceci dit il n'eut pas le temps de verbaliser quoi que ce soit, car un énorme éternuement le coupa dans son élan, le faisant s'interrompre pour mettre les deux mains devant la bouche. Saleté de maladie... Tu parles d'une entrée en matière. Maintenant je passe pour un taré ET pour un tuberculeux...

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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeMar 21 Oct - 13:44

La brume ambiante, même transpercée de lumière, n’en était pas moins gelé. Et, même si elle avait toujours eu la chance de ne jamais ressentir le froid, les  pavés à moitié polis par le givre lui donnaient l’impression d’être faits de glace pure. Tout autour d’elle se tenait, droite comme des pics, une forêt de jambes dressées, qui lui paraissaient infinies, dressée vers le ciel comme l’auraient faits des pins. Elle distinguait à peine un éclat de bois entre les mouvements. Un morceau de coque de bateau par là, un bout de mer par l’autre. Et de sa hauteur, les ceintures et les pantalons constituaient son horizon. Et l’odeur piquante de restes de poissons et de neige sale lui retournait presque l’estomac, alors que tout se mouvait autour d’elle dans une fureur étouffante. Les cris des vendeurs et des négociants rendaient l’atmosphère lourde, et l’air saturé. C’était à peine si elle s’entendait penser… Les mains brunies par la vase et la poussière, Othello était cernée, complètement, par cette marée humaine. Mais pourtant, elle ne se relevait pas.
Cette vision l’avait presque hypnotisée, retranchée dans un recoin de son esprit qu’elle pensait enterré depuis longtemps. Les yeux dans le vague, elle devint à nouveau un monstre hybride qui pourfendait les eaux, entre deux ondes glaciales, avant de se prendre, de s’étrangler dans un filet qui traînait là et...Il lui fallut quelques secondes pour finalement relever les yeux vers un sourire presque édentée qui la terrifia.

Devant elle était maintenant tendue une main poisseuse, sur la surface de laquelle ses yeux écoeurés dévisagèrent les reflets quelques secondes. Cette main était boursoufflée, grasse, et au bout des tous petits doigts, à la forme tordue, des ongles cours et rongés, jaunies par les bouffées de tabac et noircies par la crasse lui renvoyaient l’image déformée des passants autour d’eux. Othello se pétrifia. Que lui voulait cette personne ? Elle n’osait même pas relever les yeux vers son visage, dont le sourire lui avait déjà glacé le sang. Centimètre par centimètre, elle remonta son manteau de fourrure épaisse – probablement d’ours ou de loup – tâché de grosse traces de graisses, d’un jaune blafard, pour finalement surprendre un visage rond et bossu, au goitre pendant comme celui d’un crapaud, qui lui souriait lubriquement, ses yeux livides brûlants d’une chaleur incontrôlée, et ses joues déjà rouge d’émotions. L’homme d’une cinquantaine d’année devait faire partie des commerçants, à en juger par la bourse épaisse et les deux lettres accrochés grossièrement à sa ceinture, qui tenait par un miracle divin à sa bedaine ventripotente. Othello remarqua soudain le chapeau dans son autre main, duquel pendaient deux longues plumes de faisan. Un spécimen des plus glaçants se tenait devant elle, à attendre qu’elle saisisse dans un élan de folie sa main pleine d’huile.


« - Venez, ma p’tite dame, restez don ‘ pas là, dans l’froid, toute seule ! »

Même sa voix avait des courbes grotesques, tantôt aiguës, tantôt grave. Fascinée par le personnage, et apeurée en même temps, elle se refusa de le quitter des yeux tout en secouant frénétiquement la tête. Une vague de frisson parcourut toute sa colonne. Hors de question de s’aventurer avec cette chose… Il avait l’air horrible, comme tous ces vieillards immondes qui faisaient la queue comme des brebis devant le temple de bon matin dans l’espoir d’apercevoir un petit bout de chair de femme révélée par une bourrasque de vent. Ses yeux étaient devenus de vrais brasiers lascifs. Et elle n’en était que refroidis. S’attardant sur lui, elle déglutit et chercha une échappatoire, alors qu’il semblait tendre la main avec plus d’insistance, la tendant désespérément plus près de son visage dans l’espoir qu’enfin elle se décide à la saisir. Pour qui la prenait-il ? Pour un petit oiseau blessé qui gisait désespérément sur le sol ? Son visage de porcelaine, dénué d’émotion, se secoua une nouvelle fois, pour enfin remettre sa cape sur ses épaules avec une surprenante vivacité. Il ne poserait pas une main sur elle.


« - Allez, faites pas vot’ timide ! J’ai d’quoi t’faire passez un bon moment… » D’un grossier mouvement de pied, il secoua son rutilent sachet pleins de duras.

Cette fois-ci, s’en était assez pour la petite poupée de verre, qui se releva alors brusquement, pour commencer à s’enfuir sans mots dire. Ses souliers étaient à présents bruns, et ses mains d’une froideur extrême laissaient s’échapper quelques gouttes brunes et translucides sur le sol givré. Et, alors qu’elle s’enfuyait comme un spectre au milieu des passants, elle sentait sur ses épaules le regard brûlant de cet homme porcin. La suivait-elle ? Même si elle n’osa pas se retourner pour le vérifier, elle savait pertinemment qu’il était derrière elle, à suivre son chemin. Cet idée lui retourna le ventre. Que cet homme gras la suive ainsi… C’était absolument dégoûtant. Kesha lui envoyait un instant l’image effacé d’un ancien sauveur, et maintenant lui ? Ce grand inconnu aux cheveux blonds comme la cendre, troqué par ce bonhomme à moitié chauve qui compensaient son manque de centimètre par une largeur certaine ? C’était bien deux opposés… Qui ne s’attiraient pas du tout.
Elle poussa derrière elle un long soupir, qui s’échappa de ses lèvres en un petit fantôme de brume qui s’évada soudain dans le néant. Pendant quelques autres instants, elle slaloma entre plusieurs personnes, se perdit encore plus dans la masse dans l’espoir d’abandonner son suiveur agaçant. Quand elle se sentit suffisamment perdue dans ce manège, la tête lui tournant presque, la yorka osa enfin tourner  son visage vers l’arrière. Rien. Personne. Pas de soupirant échevelé qui la dévisageait de but en blanc. Une vague de légèreté envahit son torse, soulevant adroitement ses côtes pour remplir agréablement ses poumons de soulagement. Une brise d’air frais ou la sensation félicité à peu près retrouvée ? Un peu des deux… La sirène clos alors ses yeux sombres où disparaissait la tempête, oubliant pendant quelques secondes les cris, la foule…

Puis soudain, la lumière tamisée fut éclipsée, l’ombre envahit son regard. La peur la saisit de nouveau. Quand elle le rouvrit, c’est un torse abrité par la fourrure d’un ours et d’un long manteau qu’elle découvrit – a défaut de faire face à un sourire édenté, ce qui lui valut un immense soulagement – et il lui fallut une ou deux secondes pour comprendre la différence abrupte de taille qu’il existait avec ce nouveau personnage sortit de la clarté. Il devait bien faire deux têtes de plus qu’elle, si ce ne fut plus… Ses oreilles se baissèrent brutalement. Son instinct se cabra avec l’intime sensation qu’elle était menacée. Trop de foule et d’êtres autour d’elle, alors qu’elle ne vibrait  que pour la mer un peu plus loin. Levant soudainement ses deux yeux de cèdre où jaillit une lueur inquiète au fond deux, c’est dans une rivière rafraîchissante de souvenirs qu’elle plongea. L’œil unique, d’une couleur de saphir à la profondeur d’améthyste, et à l’éclat d’opale lui faisait face avec une maladresse touchante, alors que son jumeau avait disparue sous les courbes épaisses d’un cache-œil… Alors que son visage aux traits fins et gaies, trahissant une vie joyeuse et simple, laissait se disperser autour de lui la sympathie et le ruse des renards ou des chiens… Elle le revoyait distinctement, à présent, il y avait bien des années de cela.

Dans une surprise qui lui value d’entrouvrir ses lèvres dans une moue candide, Othello dévisagea le jeune homme – ou non ? Il ne lui semblait pas qu’il eut pris une ride en cinq ans… - d’un œil profond, essayant malgré elle de se rappeler de tous les détails de cette précédente rencontre. « Fenris… » Répéta-t-elle alors dans un souffle, un peu sans s’en rendre compte, alors que ses mots voletaient hors de ses lèvres bleutés, pâlis par le froid, tranchants fortement à présent sur son teint de sable. Cette carnation d’ocre lui fit penser qu’il devait être marin, où originaire des îles bien plus au sud. Ce n’était pas la couleur habituelle des habitants de Cimméria. Ses cheveux longs, d’une couleur à s’y méprendre, s’agitait frénétiquement avec la brise qui voulait les emmener au loin. Ses mots étaient un peu hésitants, mais il semblait les avoir choisis avec habileté pour ne pas la brusquer. Elle retrouva alors son sérieux quand il eut finit, retrouvant son visage impassible de petite poupée blanche. Cependant, une lueur de reconnaissance habité à présent ses yeux obsidiennes. Il ne se souvenait apparemment pas… Mais qu’importe. Elle s’en souvenait sûrement assez pour eux, suffisamment, au moins, pour le remercier encore une fois.

Mais maintenant au pied du mur, elle se surprise alors à ne pas savoir que dire, ouvrant alors la bouche pour la refermer vivement, encore sur le coup du trouble. Sourde aux cris qui les entouraient, aveugles aux mouvements et aux gestes, elle cherchait quelques choses à dire, un soupir, même, n’importe quoi qui pourrait indiquer qu’elle ne se sentait pas menacée. Mais les mots lui manquaient encore une fois – sa maladresse avec la parole la suivait toujours… Et se collait à elle comme son ombre. Elle allait enfin tenter de se présenter devant son air innocent, les deux mains en l’air, quand il se braqua soudain, éternuant brutalement en rabattant ses deux mains près de son visage. Il venait des îles du sud… Nul doute que le climat ne devait pas être très à son goût au milieu de toute cette neige et ce froid polaire. Inondée de cette lumière dorée, la jeune femme s’effaça, baissant vivement son faciès pour se plonger vers le rouge de sa cape, alors qu’une de ses petites mains s’y glissa pour retrouver une de ses poches. C’est au bout de quelques secondes qu’elle en ressorti, encore miraculeusement plié, un petit carré de tissu qu’elle tendit au géant de sable, retrouvant ses réflexes de soignant. Un mouchoir d’une blancheur immaculée qui n’avait jamais réellement eut d’utilité avec sa propriétaire.


« - Tenez, vous… » Commença-t-elle, avant qu’un fantôme grassouillet ne vienne soudain surgir dans son champs de vision.

Toujours emmitouflé dans son manteau étroit, il se dandina alors vers eux avec un sourire carnassier accroché à ses lèvres. Soudainement, ses yeux s’écarquillèrent une nouvelle fois de méfiance, et de peur, et ses oreilles se baissèrent alors dans un pli animal. Ses pas sonnaient si lourds… La jeune femme arrêta brutalement de penser, et comme tout petit poisson menacé, se fia à son instinct qui lui suggéra la fuite. Mais Fenris était là, et ô combien elle voulait le remercier, lui racontait, ravivait sa mémoire sur le geste d’une infinie compassion qu’il avait eut à son égard. Elle arrêta de penser. Sa petite main blanche vint se glisser dans une des mains de géants du grand loup, et elle l’enleva derrière elle sur son maladroit chemin, ne quittant pas le bedonnant marchant du regard. De son air déconfit, il les suivit pendant quelques secondes, pendant qu’Othello se battait ferme avec les passants, avant qu’ils ne découvrent son compagnon et son allure athlétique et persuasive et ne leur ouvrent volontiers un passage. « Si j’avais su… Je l’aurai trouvé avant. » se dit amèrement la petite sirène, jetant à intervalle régulier des regards alertes derrière elle, tout en espérant que le grand marin de sable ne s’enfuit pas devant ce ravissement soudain.
Ce ne fut qu’une fois qu’ils atteignirent une petite clairière humaine qu’elle vit enfin le sombre bonhomme disparut. Ils ne se trouvaient qu’à quelques mètres de la mer, entre un immense bâtiment sagement amarré et un espace encore libre – plus pour très longtemps sûrement – et cet espace, pour des raisons inconnus, était dédaigné des passants qui étaient plein plus rare que dans le masse du marché. Othello resta cependant alerte, gardant le grand loup dans son dos alors qu’elle observait derrière eux avec les mimiques d’un chat. Ce n’est qu’alors qu’elle remarqua le ridicule de son manège, et que, malgré qu’ils étaient déjà arrêtés depuis plusieurs secondes, elle n’avait toujours pas lâché la main. Relevant les yeux, penaude, vers le jeune homme, elle ne put s’empêcher de descendre en piqué le regard une fois son œil de crépuscule croisé, lâchant sa grande paume d’ocre. Quel idée d’avoir couru partout comme une idiote… Dans un tour de tête insouscient, elle minauda quelques secondes, gardant sur son visage l’expression candide et innocente d’un enfant que l’on vient de gronder. Ses lèvres se pincèrent alors, avant de retrouver leur forme courbée qui lui valait de ressembler à un masque.


« - Veuillez excuser mon attitude, mr Skirnir… » Lâcha-t-elle d’un ton un peu honteux, avant de retrouver ses vieilles habitudes impassibles.  « Je ne voulais pas vous conduire à travers ce dédale. »

S’apercevant alors que dans son autre main, son carré de soi était toujours adroitement gardé, elle le lui tendit finalement, espérant qu’il puisse en avoir plus d’utilité qu’elle. Et à vrai dire, sans vraiment le savoir, elle se sentait un peu coupable du mal qui l’assaillait. Cette sensation était probablement propre à toutes les soignantes, qui se devaient d’affronter les maux les plus durs et les plus improbables sans jamais plier. Saisissant le mouchoir de ses deux mains, elle le tendit alors au refroidi marin du sud. Devant relever désagréablement le visage pour le regarder dans les yeux, elle soutint son regard simple, sans même faire grand attention qu’il manquait un œil. Encore inconsciemment, une sensation de calme vint apaiser son esprit, comme une rassurance vive, une chaleur paisible qui émanait de ce grand personnage. Le monde était bien petit, alors… Elle était donc la seule à se souvenir ? Beaucoup se serait senti ému et démenti d’avoir était si simplement oublié. Mais la sirène n’en était pas le moins affectée. Au contraire. A présent, elle brûlait d’envie de lui raconter tout, se sentant même l’envie de converser avec ce curieux marin borgne.


« - Voici pour vous. J’espère que cela pourra vous aider… » Dit-elle poliment, avant de détourner les yeux vers la mer dont le clappement des vagues montaient jusqu’à eux. «   Ne soyez pas surpris par cette impression étrange... Nous nous sommes déjà rencontrés, il y a cinq ans. »

Elle avait à présent la douceur du coton dans sa voix, et dans ses yeux, la lumière dorée du jour sous la nappe de nuage s’était transformé en un éclat de givre et de nostalgie qui brillait fugacement dans le fond de ses yeux. Pendant un instant, elle était ailleurs, à des années de cela, dans d’autres flots, et d’autres rivages.

« - Je m’appelle Othello Lehoia. » Souffla-t-elle, laissant ses mots disparaître à la houle.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeJeu 6 Nov - 4:45

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte II: Treasured Radiance

Toute cette foule, ça lui en donnait presque le tournis. Heureusement il avait l'habitude de côtoyer de larges groupes de gens, autrement l'écho de leurs ressentis condensés lui ferait perdre la boule. Fenris ferma la porte de son esprit, se concentrant simplement sur le moment présent, les vapeurs iodées dans l'air, et l'océan tumultueux d'expressions de la jeune femme qui lui faisait face. Il n'arrivait toujours pas à démêler les fils confus de sa mémoire comme il l'aimerait, mais l'association d'idées n'était sans doute pas innocente. Ce n'était pas une femme banale qui lui faisait face, mais bel et bien une dame à la douceur raffinée et naturelle qui était à des lieues des la beauté artificielle de toutes ces aristocrates trop riches pour être honnêtes. Il ne saurait faire justice à ce qu'il voyait et ses mots lui paraissaient insuffisants à la qualifier. Son visage était fin et pâle à la façon des gens de Cimméria, ce qui lui donnait une apparence fragile et presque éthérée. Elle était comme une de ces créatures qui apparaissent dans les songes pour mieux vous échapper, vous hantant pendant des jours sans jamais être rendues captives. Néanmoins ses yeux brillants recelaient la promesse de secrets attirants et hypnotiques, à la façon des profondeurs marines, qui le charmaient autant qu'elles le terrifiaient.
Elle lui faisait l'impression de ces femmes capables d'installer une distance de sécurité impossible à franchir avec une facilité déconcertante. Un genre de froideur implicite et mordante qui pouvait vous briser sans que vous ne vous en rendiez compte. Il y avait là dans ce faciès mince et pensif quelque chose d'incompréhensible et dangereux. Et pourtant à la regarder il avait du mal à ne pas ignorer le danger, pour se noyer dans les ondes infinies de sa chevelure qui s'étendait sur sa peau laiteuse, comme l'écume. Ailleurs qu'il était, Fenris fut un peu pris au dépourvu lorsque la presque inconnue lui tendit un mouchoir. Il balbutia alors quelques remerciements, sans oser l'accepter. Il cherchait un moyen poli de décliner cette attention lorsqu'un individu à la laideur boursouflée s'approcha d'un air suspect, ce qui lui fit instinctivement froncer les sourcils d'un air peu amène. Quelque chose dans le changement d'attitude d'Othello trahit son déplaisir de le voir, ce qui lui indiqua que ça ne devait pas être la première fois.

Sa main gauche se posa sur la garde de son épée Gleipnir avant même qu'il n'ouvre la bouche, ce qu'il estimait être l'avertissement implicite dont cet homme avait besoin. Mais cette même main calleuse fut tout d'un coup arrachée à son perchoir pour finalement être enlacée à la minette féminine. Surpris il cilla à plusieurs reprises, avant d'être entraîné par le rythme du pas de semi-course de la demoiselle. Il mit un certain temps à comprendre pourquoi la fuite était préférable, mais ne tarda pas à passer à l'action. Rattrapant la concernée avec ses grandes foulées, il suivit sans mal bien qu'il ait bien vite décidé de passer devant pour jouer de son gabarit et leur ouvrir la voie dans cette marée humaine. Intrigué, il l'interrogea tout en la rassurant de son mieux. À travers le contact de sa main il lui avait semblé éprouver un grand désir de liberté, entre les amas confus de peur et de l'adrénaline poussée par l'urgence.


« Tout va bien, même si cet homme revient je ne le laisserai pas s'en prendre à vous, soyez sans crainte. » Il sourit doucement face à cette mine gênée et coupable, sans se formaliser de cette course improvisée dont il ignorait toujours le motif exact. « Ne vous excusez pas, je suppose que ça ne peut pas me faire de mal de courir un peu. Au moins je n'ai plus aussi froid, c'est déjà ça. Et puis je connais bien ce dédale donc je pourrai toujours vous servir de guide si c'est ce que vous voulez. Quant à cet homme, je ne l'ai jamais vu et je suis sûr qu'il ne travaille pas au port. Vous avez le déplaisir de le connaître ? »

Le dégoût qu'il lui avait évoqué était plutôt évident, et à vrai dire il ne pouvait que partager son sentiment. Ce type avait des allures de marchand crapuleux aux mœurs tout aussi contestables, une dégaine traînante et un aspect crasseux qui rebouterait jusqu'aux moins regardants de l’hygiène corporelle. Se tenant non loin d'elle, Fen se mit sur le côté pour pouvoir observer son interlocutrice en même temps que les alentours, sans être gêné par son angle mort. Un peu distrait, il l'interrompit un instant. « Appelez-moi Fenris, ou bien Fen ça ira aussi. »

Il reposa une main au dessus de la garde de Gleipnir, cette fois plus par pose de repos que par besoin de se défendre. Détendu il s'étira même légèrement les bras, chassant la torpeur du travail depuis l'aube. Quoi qu'il en soi son attention était focalisée sur la jeune prêtresse qui à son grand soulagement, semblait confirmer qu'ils s'étaient déjà croisés. Un peu pris au dépourvu, il continua de fouiller les recoins de ses souvenirs, sans grand résultat. Cinq ans, c'était plutôt récent selon son échelle de centenaire. Il rit puis toussota un peu sans pour autant s'en préoccuper. « C'est l'âge, vous comprenez ? On finit par tout oublier, même ce dont on ne devrait pas. »

O... thello Lehoia. Cela sonnait étrangement coulant et fluide comme de l'eau, c'était joli. Songeur, il fouillait toujours à la recherche de la moindre trace qu'elle avait pu laisser. C'était bizarre. L'essence de ce qu'elle était était vive et claire en sa mémoire, et pourtant son nom ne lui disait rien. Il serra le petit morceau de soie dans sa dextre, jusqu'à ce que finalement des épisodes brouillés lui parviennent enfin par images confuses. Une silhouette blanche perdue dans l'eau, avec un corps lisse comme des écailles et des cheveux épars comme la robe d'une méduse. Était-ce un rêve, ou bien devenait-il simplement fou ?

« Venez, si vous le voulez bien nous pouvons continuer à discuter dans un endroit plus tranquille. Si l'on monte cette pente et que l'on prend à droite, on débouche sur les meilleures tavernes du port. Le Grand Bosco sert les meilleurs thés du coin et à cette heure-ci il n'y aura pas grand monde. Je vous escorte ? »

Il sourit et lui tendit son bras, après avoir discrètement rangé le mouchoir dans la poste de son manteau. D'un air confiant et un peu goguenard il attendit sa réponse, montrant bien plus de confiance qu'il ne ressentirait jamais.
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Othello Lehoia
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Othello Lehoia
MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeMer 14 Jan - 17:12

La brise balaya une brume de neige qui s’éleva faiblement pour retomber au milieu du passage, où les dalles étaient recouvertes d’un mélange de boue et de givre mouillé. La silhouette du grand homme se dessina alors subitement, quand Othello se retourna de sa rêverie marine. Le marin avait gardé une main préventive sur son arme, qu’il gardait à sa ceinture. Elle remarque l’appareil pour la première fois : personne ne voudrait croiser le fer avec une lame aussi imposante. Il faisait partie de la marine, donc… Quel type de marine pour être ainsi armé ?
Doucement, ses oreilles de poisson, semblables à des nageoires, s’arquèrent et se baissèrent, comme les lames d’un éventail que l’on ferme. Cette arme lui donnait des frissons, et une vague de soupçon vint à naître dans son trop plein de bienveillance. L’hybride remarque quelque chose : était-elle aveuglée par sa reconnaissance ? Sans dire mot, elle observa – même si dévisager de but en blanc semble un terme plus juste – le grand blond à l’œil de vague, qui balaya la foule de sa taille imposante.

Tout comme dans ses souvenirs. Ou presque… Quelques traits lui semblaient incertains. Il était peut-être plus grand… Ou plus court. Plus adroit, ou plus assuré. Elle toussota alors, un peu perdue dans ses pensées alors qu’elle écoutait à moitié les paroles de ce grand golem de sable. Son âge… Quel âge pouvait-il bien avoir pour perdre la ligne de ses souvenirs ? La jeune femme savait bien qu’elle n’oserait jamais poser la question. Pourtant, cela piqua sa curiosité. Le grand homme ne semblait pas avoir bien plus que la trentaine – tout au plus. Même si son teint hâlé laissé supposer des années d’expérience, et ses mains usées trahissaient des années en mer, il existait derrière son visage assuré une étincelle juvénile qui transpirait un air de jeunesse, qu’elle imaginait bien sous ses cheveux retenues qui se battaient avec le vent.
Elle toussa maladroitement, se retourna vers la mer. Ses souvenirs… A vrai dire, cela remontait à loin. Et il semblait réellement ne pas savoir, ne plus savoir grand choses de cette rencontre fortuite au milieu des flots. Et si l’âge, comme il l’avait si bien dit, n’avait rien à voir dans cette histoire ? Et si elle se trompait tout simplement de personne ? Ses lèvres se serrèrent, et elle s’effaça doucement.

Quand il évoqua l’idée de partir, elle ne pu qu’acquiescer discrètement. L’idée de quitter ce vacarme était presque un épiphanie. L’odeur de fange et de boue, et de sang commençait à lui retourner l’estomac. Et la vue des passants lui donnait le tournis, toute mésange qu’elle était dans ce vol de corneilles. Se retournant vivement, elle finit par hocher gentiment la tête vers le grand condor à l’air assuré, soudain plein d’assurance. Son visage de sable se détachait habilement sur le gris des pierres des maisons et le blanc presque aveuglant des maisons. Il n’était pas du genre des marins qui mouillaient souvent dans la cité. C’était même amusant de l’imaginer, avec ses airs de vagabonds plein d’humanité, au milieu des vieux loups de mer bourrus et cassés, aux épaules renfoncées et aux dos courbes. Si elle ne l’avait jamais croisé, elle aurait pu facilement le prendre pour un apprenti ou un jeune soldat. En même temps, il en avait la carrure – et même plus, si elle le comparait aux deux ou trois bonhommes ventripotents qui prétendaient vouloir garder le temple de Kesha. Sans plus parler, elle découvrit alors ce bras tendu, aux allures fines et subtilement musclé. Que de promesse de sécurité pour une petite chose chétive et pâle. Ce geste lui inspira une grande gratitude, ravivant le respect qu’elle ressentait depuis quelques années. Pourtant..


« - Merci à vous, mais je me dois de refuser votre bras. Une prêtresse au bras d'un marin pourrait délier des langues, et je ne voudrais pas vous causer ces problèmes. » Dit-elle poliment.

A ces mots, elle entama la marche, laissant le marcheur la suivre ou marcher à ses côtés, ou encore prendre la tête de la marche, comme il le voulait bien. Les ruelles de la ville, contrairement à la pleine du port, avait le cruel désavantage d’être des gouffres à brises, de vrais pièges à rafales. Le vent s’engouffrait à sa guise, laissant Othello rêveuse, et penaude devant le colosse d’ocre, étrangement vêtu de sa peau animal, et qui paraissait infranchissable. Rapidement, elle renfrogna sa nuque, l’enfouissant un peu plus sous sa crinière ou la fourrure épaisse de sa cape, la refermant devant elle.
Une taverne… L’idée n’était pas des plus alléchantes. Mais il valait mieux ça, plutôt que le chaos désolant du marché et du déchargement. Absente, Othello baissa le regard. A côté de ce grand homme, à l’allure si joviale et brave, elle se sentait un peu coupable de penser ainsi de ce monde qu’elle connaissait à peine. Un mélange de peur et de préjugé, sans doute… Pourtant, ça devait être son quotidien. Elle déglutit doucement. Cette profession la terrifiait autant qu’elle la fascinait. Entre deux pas, elle s’aventura sur la pente dangereuse d’oser une conversation.


« - Se pourrait-il que vous soyez marin ? Il m’a semblé que vous apercevoir dans la foule d’un équipage. »

Son ton était un peu maladroit, bien que la pureté de sa voix restait d’une candide monotonie. C’était une façon terriblement gauche d’engager la conversation, elle ne l’ignorait pas. Mais sa réponse la mettrait sur la bonne piste. Si il l’affirmait bien, cela confirmerait au moins ses souvenirs. Qu’il pouvait bien être le grand marin habile qui l’avait jadis tiré d’un amer moment. Cette amertume s’éveilla à nouveau, alors, et pris un goût aigre au fond de sa gorge. Le froid était sec. Une nouvelle fois, elle referma sa cape sur sa nuque.

« - Pardonnez mon impudence, peut-être suis-je trop curieuse. » Souffla-t-elle alors brusquement, hésitant encore.

La brise était forte. Et la taverne non loin. Peut-être, dans ces minutes, parviendrait-elle à éveiller l’étincelle d’un souvenir… Ou alors devait-il rester enfoui. Othello se redressa, et se retourna vers le grand loup de sable, ayant soudain retrouvé tout l’impudence de son impassibilité pour le regarder adroitement, respectueusement, dans cet œil océan unique qui éclairait son visage.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeSam 24 Jan - 20:03

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte III : Considerate Stranger


La prudence était une valeur de mise dans toutes les situations, en toutes circonstances. C'était quelque chose qu'il avait appris à travers de longues années d'errance. Un des rares éléments demeurant inchangé quel que soit le royaume dans lequel il se trouve ou le métier qu'il exerce. La demoiselle au visage d'ivoire quant à elle, lui rappelait toujours quelque chose dont il ne parvenait à se souvenir. En outre elle semblait hésitante et intimidée après leur course, non seulement par cet environnement teinté d'indifférence et de brutalité, mais aussi par ce qu'il était. Son regard marin se faisait plus fuyant, allant de l'épée à la ceinture du borgne puis à son profil, et il sentait aussi une crainte farouche émaner de son expression délicate. Intrigué, il ne put s'empêcher de se demander quel geste avait bien pu lui donner l'impression qu'il pourrait lui faire du mal. Il avait pourtant cru ne pas avoir laissé de doute possible dans sa posture qui visait à la protéger d'une compagnie malvenue...
'Enfin, souffla-t-il, je suppose que je l'ai cherché en montrant que j'étais armé.' Bien qu'il ne soit pas certain de tout saisir, il se devait d'admettre que c'était une réaction justifiée. La prêtresse ne le connaissait ni d'Aléa ni de Soulen, il était donc normal qu'elle se méfie de ce qu'il pouvait faire. Cela signifiait néanmoins qu'elle avait l'habitude de se défendre seule, et cela méritait un minimum de respect. Il lui arrivait souvent de déplorer le manque de bon sens de ses semblables, alors c'était plutôt plaisant de rencontrer quelqu'un qui avait la tête sur les épaules. Et il était aussi probable qu'elle ait raison d'être sur ses gardes, pour être honnête. Les types comme lui n'étaient pas franchement fréquentables, et dans son cas ce n'en était que plus vrai encore. D'une pensée amère il repensa à ce qui couvait sous sa peau et sourit sans grande conviction.


« Je comprends. » avait-il dit simplement sans se désarmer de son sourire. Préserver sa réputation c'était un motif plus que valable pour justifier ce refus et il ne comptait pas aller à l'encontre de la décision de la religieuse. Il saisissait parfaitement ce point de vue, bien que lui-même n'ait aucun attachement particulier à sa réputation. Dans certaines villes du sud son nom charriait toutes sortes de rumeurs obscures, dont au moins une bonne moitié était vraie. Mais mis à part ses capacités et son sérieux en tant que professionnel, il n'accordait pas d'attention à ce que l'on pouvait raconter à son sujet. Il y aurait toujours des gens pour spéculer, inventer et déformer tout ce qui pouvait avoir lieu, alors se soucier de leurs opinions revenait à leur offrir une importance qu'ils n'avaient pas. Néanmoins dans cette région du monde les choses étaient différentes, et le nom d'une prêtresse pouvait être entaché à force de critiques nocives et autres basses manœuvres. C'était une sorte de sport national, même si l'intérêt lui échappait encore.
Un soupir fuit d'entre ses lèvres gercées, puis il entreprit la marche en compagnie de la blanche sirène, qui cheminait agilement en ondoyant presque au-dessus du sol. Il l'observa discrètement en même temps que les environs, réfléchissant en simultané sur le trajet le plus tranquille à cette heure. Il n'arrivait pas à en démordre, elle lui faisait l'impression d'être si légère et évanescente que le moindre coup de vent pourrait l'emporter. Pourtant quelque part il y avait de la hardiesse dans son regard, une curiosité craintive qui gagnait parfois le dessus dans l'arc légèrement voûté de ses épaules. Ils traversèrent la ruelle en pente qui sortait du port en contrebas, débouchant sur un dédale de ruelles qui se ressemblaient. Fenris considéra les options et ouvrit parfois le chemin comme précédemment, prenant la tête sans pour autant la distancer. Il ne voulait pas lui donner l'impression de jouer les soldats marchant toujours le torse bombé, boursouflés de leur bon droit légal supposé forger l'admiration ; ou encore ces pathétiques chevaliers servants -dont il avait une horreur certaine pour leur hypocrisie presque perverse- qui voulaient sauver le monde à coup de bonnes intentions chimériques.

Dans son œil clair il n'y avait rien si ce n'est un calme maintenu par le sang froid et un intérêt pour la suite de cet échange bizarre qui opérait entre eux. Derrière cette armure sécuritaire dont elle s'emmitouflait, il semblait qu'elle brûlait de dire quelque chose. Se tournant à demi en sa direction le borgne fit de son mieux pour implicitement l'encourager à se jeter à l'eau. Et la question ne tarda pas, bousculée et un peu chancelante comme si Othello craignait de le froisser. Il sourit, plus sincèrement cette fois. Il n'avait pas grand chose à cacher et sa vie n'était pas vraiment palpitante ces derniers temps. C'est fou ce que que la légalité pouvait parfois être ennuyeuse. Évitant de justesse de se prendre les hautes plumes d'un chapeau féminin en pleine figure, il se demanda quelle espèce de mode pouvait si cruellement prôner de déshabiller des paons. Néanmoins malgré le réflexe qui lui avait fait reculer d'un pas, il ne heurta pas la noble dame qui filait sans se soucier d'où elle allait, ce qui lui fit presque perdre l'équilibre. Il reprit de justesse ses appuis, et laissa filer un nouveau soupir d'exaspération pour ne pas s’appesantir sur cet épisode d'une banalité toute trouvée.


« Oui je suis marin de profession depuis mes treize ans, tout comme mon frère, même si entre deux voyages il m'est arrivé de devoir gagner ma vie autrement. Cela fait quelques temps que je n'ai pas fait de long-cours, bien que ça me manque un peu. Enfin... pour l'instant je suis agent maritime pour le compte du 'Carmenis', le galion qui est amarré là bas. » Il se retourna lentement pour lui indiquer une direction, où l'on pouvait remarquer d'immenses voiles pâles trancher avec le ciel couvert de Cimméria. Tout doucement ils continuèrent tandis qu'il ajouta quelques précisions, espérant intérieurement ne pas être ennuyant. « Je suis agent sur le port et ne prends plus la mer avec eux si ce n'est pour des voyages d'une journée ou des vérifications du matériel. J'ai terminé pour la journée donc je devrais être tranquille. Et vous-même, quel vent de fortune vous amène à un endroit qui vous met apparemment mal à l'aise ? »

Une quinte de toux interrompit la suite, mettant fin à ce qui allait probablement être un sujet jugé invasif. Le Lhurgoyf s'agita dans le séisme qui couvait dans sa poitrine, puis resserra la fourrure autour de sa nuque. Finalement en se remettant de ses émotions il laissa tomber l'idée de poursuivre, de peur de brusquer la jeune femme. Une chose à la fois, un petit pas après l'autre. Si je ne veux pas qu'elle s'enfuie en courant, il vaut mieux que j'évite de mettre les pieds dans le plat. Comme s'il pouvait s'en empêcher, tiens. Tu parles d'une spécialité à la con. Et puis à côté de sa propre maladresse l'égard timide de son interlocutrice lui paraissait adorablement innocent.

« Non, posez les questions que vous voulez, cela ne me dérange pas. » Il indiqua alors le coin de la rue d'un signe de tête, sans oser se découvrir d'un fil. « Voilà le 'Grand Bosco'. » Ils traversèrent alors la rue pavée en direction des établissements colorés de l'autre côté, dont les devantures s’alignaient sagement comme des bonhommes bien rangés. Ah l'ordre tout illusoire des rues de Hellas, avec la discipline presque irréprochable des commerces faisant profil bas la journée. C'était presque amusant de les voir là, façades propres et trottoirs impeccables, alors qu'une fois la nuit tombée la déchéance tombait sur le quartier comme la lumière des deux lunes.

Distrait par le décor, Fenris vit la prêtresse se diriger vers la taverne la plus proche et posa gentiment une main sur son coude pour ne pas l'effrayer.
« C'est par là. » Il lui indiqua alors la boutique d'à côté, aux boiseries sobres qui encadraient la porte d'entrée. C'était une petite boutique discrète encastrée entre une taverne et une épicerie, s'ouvrant sur une pièce longue et étroite menant au comptoir. Fier de lui, il sourit. Il s'était effectivement attendu à surprendre Othello, et il était plutôt satisfait d'avoir su manager son effet jusqu'à la fin. Il lui ouvrit alors la porte et la laissa entrer la première dans le Grand Bosco, une boutique sans prétention qui vendait les meilleurs thés importés.
En fait il était plutôt content de voir qu'il pourrait lui montrer quelque chose qu'elle ne connaissait pas encore. D'aucuns diraient qu'il était de ceux qui se contentent de plaisirs simples et des choses basiques de la vie... et ils n'auraient pas vraiment tort. Chassant les quelques traces de saleté de ses bottes il battit des pieds avant d'entrer en baissant prudemment pour ne pas se cogner la tête. Ensuite il huma doucement le parfum d'herbes séchées et resta derrière Othello jusqu'à ce que la propriétaire des lieux vienne les accueillir. La quarantenaire essuya ses mains mouillées dans son tablier blanc et les accueillit d'un sourire chaleureux. Ses mains potelées serrèrent alors celles d'Othello, qu'elle traita comme la fille prodigue retrouvant enfin sa famille. Elle l'assomma de questions plus ou moins cohérentes, mais ne perdit jamais de sa posture maternelle.


« Et toi, Fen ? Te voilà enfin, je commençais à croire que tu avais enfin décidé de reprendre la mer ! Ça fait plaisir de te voir ! »
L'intéressé se renfrogna un peu à la mention de ce sujet douloureux mais fit en sorte de ne pas le montrer dans la mesure du possible. Au lieu de ça il prit place à une des petites tables rondes dans un coin de la salle, ignorant les quelques clients déjà présents. Ce ne fut qu'une fois assis qu'il prit la peine de répondre. Pourtant il n'y avait là aucun signe de mépris. C'est juste que parler de naviguer lui donnait l'impression d'être agressé dès son arrivée par quelqu'un qu'il tenait en haute estime, et il s'en serait bien passé.
« J'ai mis pied à Hellas voilà une semaine et j'ai été embauché il y a quelques jours. Je vais rester pour un temps indéterminé. Mon frère a besoin d'aide et il faut que je le garde à l’œil pour éviter qu'il ne fasse des conneries. »

Il dégagea une mèche blonde de son œil, ignorant celles qui couvraient son angle mort, se tournant à nouveau vers le faciès de porcelaine d'Othello. À moitié absorbé il apprécia à nouveau l'intérieur, dont le comptoir et les meubles en bois rendaient la pièce plus accueillante et moins froide que la plupart des maisons de la capitale. Par ailleurs le feu de la grande cheminée donnait une agréable température à la boutique, ce qui n'en était que plus appréciable encore pour ses membres transis. Les murs quand à eux étaient presque tous occupés par d'innombrables étagères chargées de boîtes à thé, exposant ainsi au public toutes les variétés disponibles à la consommation. Si l'on rajoute à ça que Alya était une cuisinière et pâtissière hors pair, alors on avait une idée plutôt claire de la raison qui avait rendu cet endroit un point de passage régulier lors de ses séjours à Hellas.

« Sinon ça me fait aussi plaisir de vous retrouver. Vous et surtout vos douceurs m'avez manqué. » Il rit en voyant la grimace boudeuse qu'il avait récoltée et lui prit sa main pour la tapoter. « Ne faites pas cette tête, vous savez bien que je plaisante. »
« Hmpf. Sale gosse. » Alya le regarda du coin de l’œil mais ne put rester sérieuse bien longtemps. « Bon ce sera quoi, mes enfants ? »
« Pour moi comme d'habitude. Vieux thé fruits et cannelle, avec ta pâtisserie du jour ou du pain chaud si tout est déjà parti. »
« Et vous ma belle ? »

On voyait dans son regard qu'elle était impressionnée par l'élégance réservée de la jeune femme, mais elle n'avait tissé aucun commentaire à ce sujet. C'était une personne d'expérience qui avait plus de tact qu'il n'y paraissait. Exception faite de Fen qu'elle voyait comme un jeunot qui avait besoin de quelques coups de pied au derrière pour avancer, bien sûr. Dans tous les cas elle lui fit plusieurs recommandations avant de prendre sa commande et disparaître derrière le comptoir pour préparer les mixtures qui avaient fait la réputation de la maison, laissant le loup face à la demoiselle ainsi que les souvenirs flous qu'elle lui suscitait. Il se débarrassa alors de son manteau épais, se penchant un peu plus vers la cheminée non loin. Un silence léger c'était installé entre eux, et depuis quelques minutes déjà il hésitait sur la façon de procéder. Il voulait vraiment savoir dans quelles circonstances ils s'étaient croisés il y a cinq ans. Quelque part au fond de son crâne il avait le pressentiment qu'il était important qu'il se souvienne, et pourtant... pourtant tout restait vague.

« Je vais sûrement paraître un peu brusque mais... Vous semblez vous souvenir mieux que moi de notre première rencontre. Accepteriez-vous de m'en dire plus ? »

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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeSam 7 Fév - 12:41

Un précieux indice, quand le grand loup de mer lui avoua librement les secrets de sa carrière. Un marin en pleine liberté, alors ? Libéré de toutes chaînes et de toute obligation ? L’idée paraissait alléchante, et quiconque aurait pu voir dans cette vie un rêve d’enfant. Mais quand elle se retourna vers lui, en s’attendant à le voir rêveur et plein de force, elle le découvrit calme et absent, comme ce qu’elle connaissait de lui depuis qu’ils s’étaient rencontrés sur le quai. En le dévisageant silencieusement alors qu’il continuait de parler, laissant rayonner sa voix chaude et rassurante, la petite dame blanche, emmitouflé dans sa grande cape, commençait à se demander si finalement, lui aussi ne portait pas un subtil masque de porcelaine, si discret et travaillé qu’on ne pouvait le distinguer…
L’homme avait la carrure d’un chef, et quoi qu’il fasse, l’ondine avait l’impression de le voir marché sur de l’eau, et soulevé par un vent de gloire et de fortune qui lui donnait cet air si confiant et sûr de lui qu’il aurait pu écraser toute la planète d’un seule main. Une poudre légère semblait s’évaporer de sa crinière blonde – à moins que ce ne fût que de la neige en bataille qui ne s’y soit logé lors d’une averse ou d’une bourrasque. Inutile de dire qu’Othello était impressionnait, et ne savait plus vraiment sur quel pied danser avec ce colosse de sable. Elle lui prêtait une oreille attentive – c’était sûrement la meilleur des choses qu’elle avait à faire. Parler serait trop en dire, et fixer la route serait trop impoli et négligeant.

Ceci dit, elle n’était bizarrement pas confiante pour autant. Elle avait un poids ridicule sur le cœur, qui croissait comme la gorge d’un crapaud à mesure qu’ils semblaient s’approcher de l’auberge. De cette crainte était née une distraction certaine, qui menait ses pensées bien loin de leur conversation. Il était marin, elle l’avait bien compris. Cependant, certains détails lui avaient bêtement échappés. Comme l’existence de son frère, ou la nature précise de son obscur travail. Elle poussa un petit soupir léger, hochant la tête quand il eut finis de parler. Cela était inutile de se dire si elle avait vraiment compris ou pas. On pouvait lire sur son visage l’appréhension, alors qu’elle scrutait la rue d’un œil tremblant. Et Fenrir ne pouvait rien y faire : qu’avait-elle pensé en suivant un marin sans même poser de questions ? Qu’ils iraient dans un agréable petit salon de thé ? Les hommes de la mer aiment souvent les boissons lourdes et l’ivresse, et les airs chauds et sonores. Pas le silence de salles étriqués et la douceur d’un lait épicé. La petite demoiselle se sentait plus vaporeuse que jamais, abritée sous ses tissus et ses cheveux, suivant de près le marin comme sil était le dernier rempart avant la vérité humaine.

Son rempart, d’ailleurs, s’effrita soudain dans une quinte de toux magistrale qui l’arrêta sec. S’approchant timidement, la demoiselle finit par simplement le dévisager, un air compatissant sur son visage de soignante. Le climat de Cimméria faisait ses victimes parmi les étrangers, et sa rigueur était des plus sévères avec les non-initiés. Ses talents de prêtresse de serait d’aucune utilité pour le loup de mer… Et elle ne pouvait se contenter que de le regarder se secouer brutalement, éructant tous ce que ses poumons froids pouvaient recracher. Un géant malade… Ironique, mais ce fut seulement à cet instant que la dame de givre, sous son air pâle, put voir sous le masque assuré de Fenrir l’être humain qu’il était. Une fois qu’il eut finis de tousser ( du moins, pour l’instant), ils purent se remettre en route, et elle reprit sa suite. Même si l’idée la rendait tristement anxieuse, une salle chaude et humide remplit de chaleur humaine ne lui ferait pas de mal. Au moins, ça apaiserait un peu son état souffreteux.
Il reprit la parole. Les questions qu’elle voulait ? Facile à dire, mais une pirouette à exécuter. Othello n’avait pas la conversation facile, et ne l’aurait sûrement jamais. Alors, autant lui planter des bâtons dans les roues : elle préférait sûrement affronté un léviathan plutôt que de dire tout ce qu’il lui passait dans la tête. Néanmoins, elle acquiesça, relevant alors la tête vers une rue marchande, où se dressait une grande devanture de bois noir, aux fenêtres fumés, d’où pendait une enseigne en forme de verre à pied. Nul doute, ça devait être là. D’un pas faussement assuré, elle l’élança vers les sombres lieux… Pour être adroitement dirigé vers le bâtiment d’à côté. Et y être étouffée de surprise.

Une magnifique petite boutique, d’une douceur incomparable. Sa vétusté lui donnait une intimité agréable, et la lueur des quelques bougies qui éclairaient la pièce apportait une rassurante chaleur, en plus de la lumière des soleils qui recouvrait tout d’une brume tamisée. Il y régnait une odeur forte et boisée, floral, que le grand loup huma avec insistance. Othello l’observa alors et l’imita maladroitement, manquant de noyer ses narines de santal et de musc. Elle secoua alors son nez, comme le museau d’un chat, pour retrouver un semblant d’air pur. Fenrir avait un odorat de fer, elle lui accorda ce point. Et sûrement des naseaux en acier pour pouvoir résister à un tel cocktail. Baissant ses épaules et réajustant sa cape, elle s’attendait à le suivre à nouveau quand une femme rondelette l’interpella. Ses mains humides et chaudes serrèrent les siennes, et prit la sirène au dépourvu qui la regarda sans comprendre, ne sachant plus sous quel pied danser. Elle balbutia quelques mots, chercha conseil vers Fenrir avant d’hocher la tête en reconnaissance. Elle priait pour que la réponse universelle à toutes ces questions serait oui, et que ce serait… Cohérent. Une boule poussa dans le creux de sa gorge. La petite dame avait tout d’une mère… Mais la demoiselle priait quand même pour qu’elle en finisse avec elle. Soudain, la pression de ses paumes s’envola, et l’imposant papillon alla voleter vers Fenrir. Apparemment, elle avait l’air de bien connaître le grand blond.

Bientôt, ils furent installés autour d’une table, la dame et le loup de mer pavoisant amicalement. Un spectacle très attendrissant, comme la mère qui retrouve son fils après des années. Elle devait être la propriétaire, probablement, avec ses mains usées et douces, et son air heureux mais épuisé. Malgré les petites rides qui commençaient à attaquer son visage, et son air fatigué de travailleur, elle avait la vigueur et une force incomparable, dégageant une chaleur humaine qu’Othello n’avait jamais vu. On tombait amoureux d’elle au premier coup d’œil. Il était même impossible de ne pas l’apprécier, cette voix chaude et couvrante, et cette maternité spontanée qui faisait d’elle votre mère, votre sœur, toutes celles qui comptent pour vous et qui veulent votre bien. Sans lui avoir jamais parlé, la sirène avait presque envie de lui raconter sa vie, et de chercher en elle les conseils et la protection qu’elle avait rarement eut. Fascinée par son humanité débordante, la sirène la dévisageait gentiment, un rare sourire figé sur son visage sans même prendre le temps de choisir une boisson. Finalement, quand la dame aimante se retourna vers elle pour prendre sa commande, elle se retrouva touchée, prise au dépourvu devant la carte qu’elle parcourut d’un coup d’œil.


« - Un… thé au gingembre et santal et un… ça sera tout.
» Balbutia-t-elle, les yeux fixés sur la tables et les doigts liés, se cherchant l’un et l’autre.

Puis elle disparut derrière son comptoir, emportant avec elle son petit nuage fleuri et son aura de douceur.


« -Intrigante, cette dame… » Souffla-t-elle à demi mot, avant de retrouver le silence.

Pendant quelques secondes, elle observa la salle, s’y sentant étrangement parfaitement à l’aise. Beaucoup pourrait dire qu’elle n’était pas du genre à accorder sa confiance aisément. Elle était même loin du compte, se méfiant instinctivement de tout, sa nature prenant souvent le pas. Tout lui paraissait hostile – le monde des hommes plus que celui des bêtes, bizarrement. Mais cette bulle, cet espace de coton et de fragrance était comme une bouffée d’air frais, un sanctuaire bienfaisant au milieu du bourbier de décadence blanc qu’était Hellas. A cet instant, elle se sentit infiniment apaisée, et une nouvelle fois imbibée de reconnaissance pour le marin. Cet homme téméraire avait la vertu de la parole, mais aussi celui de la surprise. Elle qui s’imaginait perdue dans une taverne, au milieu de l’alcool et des marins, la voilà gentiment assise autour d’une table sombre de bois brut, devant un éclat de son passé à qui elle devait la vie. La situation était étrange, incongrue, même. Mais Kesha faisait bien les choses. La toile qu’elle avait tissée pour elle était belle, et pleine d’autres fils entremêlés. Son regard d’opale plongé vers la fenêtre fumée, elle s’évada quelques secondes dans les reliefs du verre comme si c’était le fond de l’océan. Elle se lovait doucement dans ce silence, comme si cette intimité était un nuage de coton.

Puis il rompu le silence, avec une douceur et une finesse délicate. La sirène remarqua qu’il ne voulait pas la brusquer, et qu’il agissait avec elle comme avec une enfant que l’on guide, et elle en apprécia ce geste. Depuis qu’ils s’étaient revus, il avait toujours était prévenant, avisé, et ne s’était jamais emporté malgré toute sa bizarrerie. Comme la première fois qu’ils s’étaient vu – si c’était bien le cas – il ne l’avait pas jugé. Cet homme avait un fond pur, vaillant, mais d’une pudeur candide et respectable. Pour une rare fois, Othello avait la sensation d’être traité comme un tissu de soi, plutôt que comme un chiffon sal que l’on jette froidement. C’était très agréable. Relevant les yeux vers le borge, elle se sentit presque honorée de lui répondre, et, au lieux de cacher les choses comme elle l’avait fait jadis, elle était heureuse de pouvoir lever un peu le voile du mystère.
Seulement… Un doute se glissa au fond de sa gorge, totalement absent de son visage de porcelaine. Si ce n’était pas lui ?... Elle souffla un soupir froid, prête à rentrer dans la danse. Elle devait parler avec calme, et distance, pour réveiller justement ce qui manquait en lui. Doucement, elle releva ses petites mains pâles sur la table, les entremêlant dans des courbes sibyllines.


« - Ce serait un plaisir, même. Mais je dois vous avouer que… Je ne connais pas votre histoire. » Commença-t-elle, la voix presque éteinte. « La mienne commence il y a six ou sept ans, au fond de la mer froide de Cimméria. Je n’étais pas celle que vous voyez, mais une autre, une… Hybride décousue. »

Pendant de longues minutes, elle poursuivie, l’œil perdu, à raconter son histoire. Comment elle fuyait, comment elle avait rencontré des filets de pêcheurs et qu’elle s’y était accrochée, sans pouvoir s’enfuir, complètement enfermée dans les mailles, dans les cordes, s’étouffant de l’eau qui la faisait respirer. Et comment elle s’était retrouvée hissée et observée, jugée par une armée de marins à l’œil lubrique qui dévisageaient ses écailles, ses os, ses épines, ses courbes de succubes dans une enveloppe de monstre. Et comment, se découpant au milieu de la masse, un homme immense, à la crinière blonde, s’était élevé dans la foule, et avait pris sa défense pour qu’on la rejette à la mer.

« - Il avait un air courageux, fier… Et un œil unique qui affrontait le monde comme si il voulait le provoquer… »

A présent, elle était complètement perdue, immergée dans ce souvenir. Son regard fuyait tout, se perdait dans le vie, fixait un point insensé sur le mur. Elle avait oublié tout, le salon de thé, Fenrir, et même les tasses fumantes qu’on venait de déposer devant eux. Puis elle finit par remonter à la surface, se réveillant d’une étrange sieste, pour ne pas se noyer dans les vagues de son esprit.

« - Je ne sais pas si c’est vous, je vous importune peut-être avec une histoire qui ne vous concerne pas… Mais vous me rappeler cet homme. Ce marin à qui je dois la vie. »

Finalement, elle avait dit cela avec une fermeté troublante, plantant son regard boisé dans les hauteurs aériennes de Fenrir. Qui était-il ?... En son fort intérieur, elle priait pour ne pas se tromper. Elle ne voulait pas se tromper… Non, ça devait être lui… Non ?
Maladroitement, elle entoura sa tasse de ses doigts. Une odeur de gingembre et de santal envahit ses narines.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeLun 16 Fév - 3:59

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte IV: Smoke and Mirrors

Pendant un long moment Fenris resta là, le visage appuyé dans ses mains et les coudes sur la table, les yeux perdus quelque part entre les étagères emplies de thés du monde. Perdu dans les voyages qui l'avaient mené sur mer comme sur terre, il se remémora des différents endroits qu'il avait visités durant les dernières années. Puis de temps à autre il était ramené à son corps par les mouvements réguliers d'Alya, qui allait et venait dans la cuisine chaque fois qu'elle pouvait. Avec une certaine brutalité ses muscles lui martelaient l'emprise du froid hivernal, ce qui l'arrachait à sa méditation étrange, qui lui donnait cet air concentré qu'il prenait seulement quand il était pensif. Son visage se figea momentanément dans une expression sérieuse et bien plus mature qu'à son habitude. Plus de sourires fugaces, plus d'espièglerie dans son regard franc, plus vraiment de cette provocation enfantine et désintéressée qui l'animait la plupart du temps. Sous un rayon de soleil moins clément le colosse de sable avait tendance à briller un peu plus fort, laissant ses reflets dorés dissimuler les craquelures profondes qui sillonnaient ses coutures centenaires. Chez les rares spectateurs il ne resterait au final qu'un léger doute, une infime incompréhension passagère qu'ils ne tarderaient pas à mettre sur le dos du désert et de ses illusions de fumée, brillant tels mille miroirs trompeurs.

« Intrigante et d'une bonté bien rare, aussi. Hellas pêche un peu pour son manque d'hospitalité, je trouve. Enfin n'y voyez rien de personnel, hein. C'est juste que les choses sont très tendues dernièrement. Il y a un je ne sais quoi dans l'air, une tension qui me hérisse les poils sans que je m'explique pourquoi. C'est d'ailleurs pour ça que je préfère rester dans le coin. Mon frère est un type bien, mais il a un peu le chic de se fourrer dans des situations improbables. » Sa voix traînante avait murmuré les quelques mots, tandis qu'il revenait tout doucement au Fen habituel. Son expression se détendit en pensant au faciès sarcastique et plein de gouaille de son meilleur ami, qu'il surnommait affectueusement son frère.
Le marin se craqua doucement les doigts et posa doucement les mains à plat sur la table de bois, faisant involontairement tinter les maillons qui enchaînaient ses deux poignets. Baissant l’œil il se rendit compte que ses manches s'étaient un peu relevées, et les réajusta un peu précipitamment. Ce n'était pas vraiment ce qu'il voulait qu'Othello retienne de lui, ni qu'elle soupçonne ce que cela pouvait signifier. Non, c'était résolument la dernière facette de lui qu'il voulait montrer au monde, et à la jeune prêtresse en particulier. Pourquoi lui évoquait-elle un sentiment différent du reste de ses pairs ? Une bien bonne question, dont la réponse le ferait arrêter de s'interroger sans cesse sur cette rencontre passée.

Le Lhurgoyf tourna vers elle son visage attentif, hésitant toutefois à lui faire face trop longtemps de peur de l'intimider plus qu'elle ne l'était déjà. Pendant de longues secondes il fouilla à nouveau dans les recoins sombres de sa mémoire surchargée, à la recherche d'une piste, d'un quelque chose qui lui permettrait de retrouver ces yeux méfiants mais doux. Interloqué par les couches de prudence dont elle faisait preuve, il craignit que le sujet ne soit malvenu ou précipité. Déjà il ne pensait plus qu'à laisser les vapeurs apaisantes d'une cigarette lui détendre l'esprit. Et il aurait même sûrement cédé à l'envie s'il ne savait pas parfaitement qu'Alya le pourchasserait à coup de balai si elle le voyait faire. Se tortillant les mains pour chasser la tension, il fut on ne peut plus soulagé de voir que la prêtresse acceptait volontiers de faire lumière sur le passé.

Une hybride décousue ? Voilà une drôle de façon de se qualifier. On dirait que je son estime crève le plafond, un peu comme la mienne... Il fronça les sourcils mais n'osa interrompre l'histoire qui petit à petit prenait forme, à coup de petites touches subtiles, donnant toute sa couleur à cette fresque marine. Et d'un coup, comme si on avait pressé un levier ou le bouton d'une drôle de machine, tout prit sens. Par flux constants il perçut la détresse de la jeune Yorka ballottée par les vagues, se laissant porter par les courants des profondeurs azurs. Puis il ferma les yeux et la vit étouffer progressivement alors que ses membres fragiles étaient prisonniers des filets humains. Prise dans cette toile labyrinthique de cordes elle se débattit faiblement, bien vite vidée de ses forces. Il revécut alors ses propres souvenirs, transporté en arrière sans prévenir.

Il avait fait beau cette après-midi là et bien que le vent ne soit pas très favorable, il avait pu se reposer dans la cale, secrètement allongé entre les caisses de marchandises. À en juger par les habitudes du capitaine et son habituel jeu de dés avec les autres officiers, il avait au moins une petite heure devant lui. Gagné par la torpeur d'une journée bien remplie, Fenris s'était roulé en boule contre le bois humide et avait attendu le sommeil qui n'allait pas tarder. L'odeur iodée de la mer et le balancement régulier du bateau avaient fini par enfin le bercer, lorsqu'un raffut inhabituel le tira de son repos. En haut des cris et de grandes exclamations masculines se confondaient entre les jurons et les raclements des grands filets. Paniqué à l'idée d'un soulèvement des matelots il s'était levé en trombe, montant quatre à quatre les marches qui menaient au pont. Ce fut alors qu'il la vit pour la première fois, entourée de plusieurs hommes confus par leur dernière prise.
C'était une créature mi-femme mi-poisson, à la peau écaillée et blanche, parcourue d'épines si pointues qu'aucun d'eux n'avait osé s'approcher de trop près. Les marins avaient peur qu'elle les attaque, sans parler du fait qu'une femme à bord -fusse-t-elle humaine ou démoniaque- était censée apporter mauvaise fortune à l'équipage. Fenris avait calmement fait quelques pas en sa direction, cherchant à sonder son esprit avec ses capacités empathiques. Des blessures plus ou moins graves clairsemaient son corps voluptueux, et le sang qui s'en écoulait lui donnait des airs d'animal pris au piège par accident. Il avait alors pris a parole pour raisonner les autres, quand bien même ses propres superstitions lui faisaient froid dans le dos. Soulen devait sûrement les mettre à l'épreuve en leur envoyant une de ses protégées afin de les tester. Il fallait absolument qu'ils libèrent cette sirène et la remettent à la mer avant qu'elle ne meure comme un poisson fragile hors de l'eau. Sans attendre il saisit le seau le plus proche et l'arrosa d'eau salée, ce qui a défaut de mieux lui rendit quelques couleurs. Les heures suivantes n'avaient été que négociation et tentative de convaincre les autres d'être raisonnables, sachant que la pauvre femme n'avait pas essayé de leur faire de mal. Finalement au bout d'un moment -et avec l'aval du capitaine- tous s'accordèrent enfin à relâcher leur captive, ce qui mit fin à cet épisode court, et pourtant si marquant.

Fenris sourit faiblement en se remémorant la scène, presque amusé que le destin la ramène à lui, comme une marée invisible ramène les naufragés les plus chanceux sur la côte. Les tasses fumantes furent déposées devant eux, et la propriétaire consciente de la conversation qui semblait les monopoliser tous deux, s'en fut sans un mot. Ainsi, presque hypnotisé par ces souvenirs qu'il avait enfin réussi à recoller ensemble, le borgne tendit une main sur la table, paume vers le haut. Sa manche un peu trop courte remonta à nouveau, mais sur le coup il ne sembla pas y faire attention. Il était trop happée par la silhouette frêle de la jeune femme, qu'il revoyait marine et irisée comme il y a cinq ans. Amusé, il rétorqua néanmoins au sujet de cette description fort flatteuse qu'elle avait fait de lui.

« Je ne pense pas déborder d'autant de vertu, mais je peux confirmer être cette personne. Donnez-moi votre main juste un instant, s'il vous plaît. » Il n'y avait dans son œil brillant qu'une envie presque innocente de lui prouver qu'il disait vrai. Et il pouvait certainement le faire, si seulement elle lui en accordait l’opportunité. Il lui ferait voir ce qu'il avait vécu de son côté, il lui montrerait qu'il l'avait vue comme un signe de Soulen, comme une merveille issue des océans insondables plutôt que comme le monstre qu'elle voyait dans le miroir. Et dire qu'il n'arrivait pas à se voir autrement que comme une aberration lui-même, c'était d'une ironie on ne peut plus mal choisie. Seulement ses crimes étaient d'une toute autre trempe, il pouvait presque le parier.
Enfin bien sûr elle pouvait encore craindre les rumeurs qui pouvaient circuler, bien que de fait il n'y ait quasiment personne dans la boutique, et encore moins le genre de personnes qui irait jusqu'à la reconnaître comme une prêtresse. Le colosse inspira un bon coup, se laissant envahir par les vapeurs épicées de son thé tandis qu'il attendait, avec espoir et impatience... de voir si cette fois-ci elle lui ferait confiance.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeLun 2 Mar - 14:01

Les vapeurs ondulantes dansaient faiblement au-dessus des tasses de porcelaines. L’odeur forte et embaumante les enveloppa alors, alors qu’elle achevait tout juste son récit. Ses doigts s’étaient enchevêtrés autour du petit récipient dans une cathédrale rassurante qu’elle appréciait avec chaleur. Ses yeux ne quittaient pas le liquide sombre, comme hypnotisés par l’eau brune et goûteuse, mais la vérité était bien ailleurs. D’une façon imperceptible, ses petites mains blanches tremblaient. Et son esprit était recouvert d’un voile de honte. Elle ne s’était pas confiée ainsi depuis bien des années. Et la vérité de cette étrange situation la frappa brutalement : elle était peut-être en train d’importuner un parfait inconnu, et de lui voler égoïstement son temps alors que les vagues l’appelaient. Le doute lui brûlait le fond de sa gorge. Son ventre commençait à se creuser douloureusement, alors qu’elle n’osait même pas regarder à nouveau le grand colosse lupin. Seul le silence pouvait la sauver de sa fougue à présent. Son cœur était serré dans un étau de verre, qui le compressait brutalement, comme pour l’étouffer. Son souffle était devenu glacé…

Puis il finit par ouvrir ses lèvres sèches et abîmées par le froid, et toute la pression brutale qu’elle inhalait en suffoquant s’évapora comme le voile qui se dégageait des thés. Doucement, elle releva ses yeux vers celui du grand homme qui venait de rabattre ses bras sur la table, tendant ses mains vers elle. Alors il était bien le marin troublé qu’il lui avait emblé croisé en mer, des années auparavant. Dans le tumulte des eaux froides, dans le chaos de la mer et de sa jeunesse noyée, alors qu’elle avait été arrachée à l’obscurité des flots qu’elle aimait tant. Ses souvenirs la rappelaient alors, sentant les nœuds de cordes brûler sa peau, et la lumière vive du soleil qui lui enflammait ses yeux inaccoutumés. Cette foule d’hommes concentrés autour d’elle comme des vautours, et les longues minutes attendues en vain, à chercher une échappatoire à cette situation. C’était un hasard miraculeux de le revoir.  Surtout dans un port aussi fourmillant que celui de Hellas… Si elle avait franchis le cap et qu’elle s’en était allée dans les eaux, elle ne l’aurait pas revu. Et pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de croire que ce n’était pas un hasard si Kesha lui avait permis de recroiser son chemin, si sa corde bleue et dorée s’était emmêlée une nouvelle fois avec la sienne. Elle lui offrait finalement l’occasion de remercier son sauveur, et peut-être même d’en apprendre un peu plus sur lui.
Il lui demanda alors quelque chose d’étrange qui lui parut bien mystérieux, alors qu’elle s’égarait une nouvelle fois dans ses pensées. Subitement, ses oreilles se rabattirent vers l’arrière dans un geste d’interrogation, un reste de son instinct qui lui soufflait de se méfier. Mais elle se radoucit alors immédiatement en le regardant faire, un sourire mystérieux subtilement accroché à son visage, aux traits paisibles et amicaux. Il voulait sa main ? Elle dénoua quelques secondes ses doigts, s’apprêtant à la lui donner.
Finalement, elle ne ressentait aucune hostilité. La simple crainte d’être méprise, peut-être, ou un sentiment de crainte latent qui semblait la poursuivre tout au long de sa vie – était-ce liée à sa nature ? Certainement, l’un n’étant pas séparable de l’autre. Un frisson froid parcourut son dos, alors qu’elle glissait son regard dans la salle, avant de regarder une nouvelle fois le jeune homme, comme pour avoir une nouvelle fois son approbation alors qu’il venait de lui demander ses mains.

Pourquoi voulait-il cela, c’était une toute autre chose. Et elle ne pouvait pas agir sans se poser de questions, bien qu’elle ne remette aucunement sa curieuse demande en question. Il y avait-il quelque chose, une intention particulière derrière ce geste ? C’était encore une coutume qu’elle avait du mal à comprendre. Ses observations sociologiques ne lui avaient encore permis d’observer l’utilité de ce geste. C’était une pratique commune pour ce saluer, ceci dit. Mais ne s’étaient-ils pas déjà dit bonjour – d’une façon bien maladroite, devait-elle admettre. Alors que souhaitait-il… La yorka un peu penaude esquiva alors maladroitement son regard, regardant dehors un peu hagarde, et scrutant ensuite la salle. Elle devait être bien ridicule à voir, dans son absence d’assurance candide et ses gestes hasardeux. Il n’y avait, à part eux, qu’un duo de convives au fond de la salle, et une ou deux autres personnes assises çà et là, une en pleine conversation, d’ailleurs, avec l’adorable patronne qu’elle avait eut la chance de rencontrer. Rien ne pouvait donc la gêner, dans le regard, des gens. Et elle était d’ailleurs parfaitement inconnue. Alors pourquoi cette hésitation ?
Au fond, Othello n’avait aucune raison de se braquer. Et au contraire, elle voulait fébrilement lui donner sa petite main de lys aux doigts si froids. Mais quelque chose la retenait, encore et toujours… La peur de l’inconnu. La peur du contact. Cette peur insidieuse de ne pas être à sa place, et de brusquer ce grand et avenant marin par ses paumes écailleuses et son attitude distante et étrange. Et ce malaise immédiat provoqué par le contact humain qu’elle ne maîtrisait pas totalement, devait-elle avouer. Un soupir froid s’évada de sa bouche. Doucement, dans une courbe habile, rendu splendide par la lumière, elle leva sa main droite où brûlait, noir, l’icône de Kron tatouée dans le fond de sa paume, pour aller la déposer dans celle de Fenris, en acquiesçant gentiment, un sourire adorable aux lèvres. Quelque chose la poussait à avoir confiance, à dépasser ses frontières. Il lui inspirait quelque chose de franc. Et même si c’était un courage éphémère, elle en jouirait le temps qu’il était là.

Une nouvelle vague de froid hérissa sa peau, du bas de son dos jusqu’au haut de sa nuque, sous sa grande crinière de givre qui recouvrait la grande partie de sa personne. Il avait les paumes chaudes… rugueuses, un peu sèches et usés, abîmés par des années de travail en mer, sûrement. Des mains de guerrier, d’artisan, d’homme appliqué, et voué à son travail, à une vie implacable donné aux autres. A présent, elle ne regardait plus que sa main, si immense comparée à sa sienne, et essayait d’en construire, d’en observer le moindre relief, la moindre veine, le moindre sillon, une lueur curieuse et absente dans ses yeux d’ébènes qui dévisageait ses doigts longs de géant loup de mer. Elle glissa alors du haut de sa paume, pour dessiner ses poignets, puis ses avant-bras… Et elle cessa alors de sourire brutalement, fascinée et compatissante, se laissant traversée par une lueur de surprise. D’un autre geste, tout aussi calme et serein, elle releva sa deuxième main pour l’approcher du jeune homme, tirant timidement ce bras vers elle par l’accroche qu’elle avait créé. Elle regarda le géant, timide, semblant demander la permission à Fenris pour ce qu’elle allait faire. Et doucement, elle glissa ses doigts le long de son avant-bras, repoussant encore un peu sa manche courte pour révéler alors une nuée de cicatrices, longues pour certaines, et beaucoup trop nombreuses pour un simple marin... Et les courbes lourdes et dangereuses d'une poignet de verrou. D’une délicatesse presque maternelle, elle enroula se bras de ses doigts frêles, les laissant couler le long de ses marques. Toutes les nuances de la peau reconstruite passaient sous sa paume, et elle pouvait en sentir les hauteurs, la sécheresse, les ravages tortueux. Et elle pouvait presque en sentir la douleur. Et doucement, dans un élan candide, le bout de ses doigts vinrent effleurer le métal froid des chaînes, sans plus oser les toucher.
Ces anneaux métalliques semblaient le retenir. D'où venaient-elles? Que faisaient des chaînes aux bras d'un marin, comme sil avait été un ancien prisonnier? Quiconque aurait été effrayé de voir de tel attribut chez quelqu'un - un inconnu, qui plus est- avec qui l'on partage une tasse de thé. Mais la sirène, toute pâle et blanche comme la lune, s'en sentait touchée. Meurtrie. D'une compassion extrême, cherchant du bout de ses ongles de les ouvrir - comme si cela allait marcher... Othello n'avait pas peur. Au contraire. Fenris, le loup de mer jovial et droit, prenait soudain une toute autre dimension. Il arborait enfin un visage... Humain. Douloureux. Prisonnier. Et la dame blanche comprit soudain: elle voulait en savoir plus sur ce Fenris-là.

Ces marques, ces cicatrices étaient des souvenirs, des monuments de bataille qu’il avait dû mener un jour. Et la chaîne: un lourd entremêlement de maillons qui devait avoir pour lui une signification dur. La demoiselle était comme happée par cette vision, et regardait le jeune homme sans trop comprendre ce qu’elle avait sous les yeux. Les irisations d’un passés sombres, de guerre, de tant de chose qu’il lui était certainement interdit. Et Othello pâlit soudain, comprenant qu’elle était allée trop loin. Elle s’était immiscée dans son monde, avait violé le pas de ses souvenirs, de son passé qu’il lui était propre. La frontière interdite avait était franchie… Son cœur ne fit qu’un saut dans sa poitrine. Et même si elle brûlait de l’aider, de vouloir le sortir de la source de ces blessures, elle savait qu’elle venait de brusquer l’intimité du loup de mer qu’elle connaissait à peine
Puis, avec autant de douceur, elle remonta ses mains, rabattit de nouveau sa manche au-dessus de ce champs de bataille, et glissa de nouveau ses deux mains dans la sienne. La yorka semblait coupable, la tête baissée, les yeux divaguant dans l’ombre. Elle était allée trop loin. Comme de si nombreuses fois. Même si elle s’étouffait maintenant de nouvelles questions, de nouvelles interrogations face à ce corps si abîmé sous ses airs de golem amicaux et braves, elle se promit de rester scellée, muette, par respect pour le passé de cet homme.


« - Je suis désolée… » Souffla-t-elle, l’air compatissant. « Je n’aurai pas dû... »

Ne bougeant plus, retrouvant son impassible immobilité, ses mains étaient toujours posées dans les siennes, attendant de connaître leur utilité – mais quelques tremblements trahissaient son hésitation. Avait-elle encore le droit de les lui donner ? Ses yeux étaient encore tristement rivés sur son bras, qu’elle aurait voulu guérir, pour payer sa dette, même si la tâche ne lui était plus possible. Le voile du soleil se posa sur le casque de ses cheveux, et elle sourit tristement, grave et fautive, accrochant toujours un peu plus ses doigts, comme si elle ne voulait à présent plus les enlever. Son esprit était coupable, honteuse d’en avoir trop vu, et d’avoir trop voulu voir. « Fenris, pardonnez-moi », soufflait-elle silencieusement dans l’univers de son esprit.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeDim 15 Mar - 4:17

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte V: Invisible Shell

Fenris se tenait très calme et sans bouger, un peu comme un enfant trop mutin au goût de la plupart, impatient de voir si Othello allait lui accorder une chance. Une seule chance de l’approcher un peu derrière sa carapace et l’entrelacement de ses voiles opaques de méduse, pour voir ce qui avait en dessous de cette apparence qui lui pesait tant. Il ne s’agissait pas là de forcer une proximité indésirable ou de la gêner par un contact physique dont elle ne saurait que faire. Son but premier était bien plus simple et plus innocent aussi, car à ce moment rythmé par les flots tumultueux du passé, son esprit pensif était dépourvu des pensées calculatrices qui auraient pu le traverser d’ordinaire. Il tenait seulement à véhiculer par ce lien de peau contre peau ce qu’il avait pu éprouver de son côté, et lui transmettre la sécurité d’avoir bien affaire à la même personne qu’il y a cinq ans. Libre à la jeune femme de tirer les conclusions que lui imposait son vécu par la suite… Devant la longue hésitation de la Yorka, Fen hésita à lui dire de laisser tomber et d’oublier cette idée idiote. Ce ne fut que d’interminables secondes plus tard qu’elle accéda enfin à sa demande, penaude bien qu’il ne comprenne pourquoi.
Avec douceur il referma ses doigts sur la mimine pâle dans la sienne et en savoura la fraîcheur féminine. À travers cette dernière il projeta son ressenti, par petites touches subtiles, prudemment afin de ne pas la faire basculer dans le chaos désorganisé de son for intérieur, agité de contradictions et ponctué de détails amers. Il ignorait ce qu’elle verrait exactement, ou sous quel angle se présenteraient les souvenirs confus de cette période morne de sa vie. En tout cas ce qui est certain, c’est qu’il ne pourrait simuler quelque chose qu’il n’avait pas réellement éprouvé, étant donné qu’il était incapable de manipuler l’esprit des gens à leur insu. Son empathie pouvait seulement l’aider à lire partiellement en autrui, et dans un effet de miroir inversé, à parfois laisser ses sensations originelles parler pour lui, en venant remplacer les mots avec lesquels il était de toute façon plutôt maladroit. Pourtant il était très rare qu’il accepte de se plier à ce processus qui avait tendance à en révéler plus que nécessaire. Néanmoins il était de telle façon transporté par ces grisantes retrouvailles qu’il était prêt à courir le risque. Bien que mortifié, il ferma son œil après avoir remarqué la marque sombre de Kron, qu’il grava silencieusement derrière sa rétine.
’Plus tard.’

Ainsi dans sa mémoire se redessinèrent les contours de la forme blanche qu’il avait découverte sur le pont ce jour-là, encore somnolent et la tête baignée par les soleils qui cognaient dur. Il portait un pantalon effilé et troué qui avait connu de meilleurs jours ainsi qu’un gilet de lin sur son torse nu et tatoué, avec des vieilles bottes de cuir montant sur ses mollets. Il sentait l’océan et le poisson, et ressemblait à un pêcheur comme il y en avait tant de par le monde, la peau hâlée par l’air marin et un travail manuel exigeant, et le visage à moitié recouvert par un foulard sombre. Son œil gauche était déjà perdu depuis très longtemps, ce qui l’amenait souvent à mettre son cache-œil des beaux jours au placard pendant le travail. Mais après tout qui aurait pu deviner qu’il aurait qui que ce soit à impressionner en pleine mer, à des dizaines de lieues des côtes les plus proches ?
Son apparence laissait à désirer et son amour-propre en aurait sûrement souffert en d’autres circonstances. Son handicap était toutefois la dernière de ses préoccupations, et les autres membres de l’équipage ne s’en souciaient plus des masses non plus. Être loin de tout avec une vingtaine de types c’était un peu du baume pour ses complexes, aussi il n’y pensa pas trop sur le coup. Ce qui les inquiétait tous c’était de contrarier Soulen en malmenant l’une de ses créatures aquatiques, de s’attirer ses foudres ou sa malédiction pour avoir blessé l’une de ses protégées. Un peu tard pour ça, me direz-vous... Mais pas trop tard pour limiter la casse. Il déglutit alors en s’approchant d’Othello, n’osant vraiment la toucher. Il était nerveux et avait peur de mal faire, mais comprit en sondant son esprit terrifié qu’elle ne représentait pas de danger immédiat. Elle avait été emprisonnée par accident, et souhaitait seulement regagner la liberté qu’on lui avait injustement volée.


« J’ai reconnu en vous… ce que l’on peut ressentir en étant jugé. J’ai moi aussi une forme bestiale que seule une paire de personnes a pu accepter à ce jour. » Il baissa le regard et déglutit avec un poids sur le cœur, plus lourd que ce qu’il aurait voulu admettre. La solitude était pesante parfois, suffocante et invincible, de telle sorte qu’il avait soudainement envie de revoir le regard espiègle et brillant de son frère, ou la moue désapprobatrice de son jumeau. Un jumeau qui ne lui adressait plus la parole depuis des décennies à cause de la bête en lui, justement. Il sourit avec un brin de sarcasme visant à balayer la tristesse sous le tapis.
« Heureusement pour moi, je n’ai pas énormément de signes physiques qui me trahissent. La taille peut être, les paluches, les crocs. » Il lui sourit sincèrement, dévoilant sa dentition de carnivore au passage. Des dents blanches avec des canines légèrement pointues et surtout des molaires puissantes. Une dentition canine. Il baissa le ton pour ne pas être entendu des gens autour. « Je n’ai pas d’écailles ou de cornes, mais j’ai un léger surplus de fourrure, si vous voyez ce que je veux dire. Enfin j’ai de la chance de pas ressembler à un ours sous forme humaine, au moins j’n’ai pas trop de poi… bah rien. » Il se gratta la nuque de sa main libre un peu gêné, toussotant pour reprendre contenance. Il se perdit malencontreusement dans sa toux et mit quelques secondes à émerger à nouveau.

La projection de ses souvenirs arriva doucement à sa fin, avec la libération de la Yorka et le soulagement qu’avait ressenti Fenris qui avait eu l’impression d’avoir fait ce qu’il fallait. Il savait pertinemment qu’il ne la reverrait plus jamais et n’attendait évidemment aucun juste retour des choses. Mais malgré tout cela, malgré la fascination et la vaine rédemption suscitée par l’aide à cette inconnue, il avait continué de s’interroger sur ce qu’elle était devenue pendant des semaines. À cause des regards suspicieux de l’équipage, il n’avait pas osé tenter de communiquer avec la sirène. Avec le recul, il n’avait aucun regret de l’avoir défendue. Cependant il avait été déçu qu’ils n’aient même pas discuté, et pourtant… Pourtant malgré la mine vaguement reconnaissante que la prêtresse avait eue juste avant de retrouver l’azur profond et insondable, en cet instant il l’avait enviée de tout son être.
Il l’avait jalousée d’être en paix avec elle-même, d’avoir la force de fuir les autres pour vivre sous ses atours marins et l’envisager comme quelque chose de naturel. Pendant longtemps le marin y avait réfléchi sans jamais comprendre, cherchant inlassablement ce qui lui faisait défaut pour accepter l’animal sommeillant en lui. Comment pourrait-il fermer les yeux sur son passé et les nombreuses souillures qu’il contenait ? Il comprenait bien pourquoi Seior ne voulait plus avoir affaire à lui, pourquoi il refusait qu’il s’approche de ses enfants. La réponse était toujours marquée au fer rouge sur sa peau. Il ne valait pas mieux que son vieux père. En réalité il était une ordure d’une autre catégorie. C’était son fardeau, le vide sanglant qui rampait sous ses pores et menaçait de se soulever à tout moment. L’angoisse monta dans sa gorge, en même temps que la peur de perdre à nouveau le contrôle. Il évita de regarder la prêtresse en face, dissimulant les vieux fantômes comme il pouvait.

Il se perdit dans ses pensées pendant un long moment lorsqu’Othello entreprit de toucher ses poignets. Le toucher suave sembla mettre du baume sur ses blessures invisibles et apaiser les nombreuses tourmentes qui germaient. Ces nombreuses traces cicatricielles ne lui faisaient plus mal depuis longtemps, mais ses bras sensibles furent parcourus d’un frisson sous les mains de la jeune femme. Il avait rarement été touché avec autant de gentillesse dans ses presque trois siècles de vie, et cela le prenait complètement au dépourvu. Interdit, il la laissa faire en la regardant avec la bouche entrouverte de surprise. C’était d’autant plus choquant qu’elle ait une telle gestuelle qu’elle avait jusque-là soigneusement érigé un mur entre eux. Qu’est-ce qui avait bien pu changer en si peu de temps ? Il se mordilla la lèvre en retenant la bougeotte qui montait le long de sa cheville et son cœur manqua un battement lorsque les doigts de la religieuse effleurèrent la fermeture métallique scellée de ses chaînes. L’inconfort le heurta de plein fouet et il ne put s’empêcher de retenir douloureusement sa respiration, dans l’attente. Dans la crainte de la voir reculer d’horreur, de la voir se refermer par méfiance ou pire, qu’elle ne vienne à le couver d’une pitié qu’il ne méritait pas.
Il ouvrit la bouche pour parler mais rien ne sortit. Il n’avait simplement aucune idée de ce qu’il avait eu en tête il y a un battement de cils à peine. Il avait oublié. Plus rien, il ne restait rien. Son œil unique se posa sur leurs mains unies à nouveau, surpris qu’elle n’ait pas à nouveau rompu le lien pour se protéger dans sa sécurité distante. Sa gorge était sèche, et son cerveau congelé en même temps que le reste de son corps. C’était comme s’il était totalement nu en face d’une femme qui l’intimidait d’un regard critique, bien que ce ne soit pas le cas. Fen balbutia d’une façon qui ne lui ressemblait pas, lui le conteur émérite et barde à ses heures perdues.


« Pas de quoi vous excuser, ce n’est pas de votre faute. » Sa voix était rauque et cassée. Il serra ses mains un peu plus fort sans trop s’en rendre compte. « Ce n’est pas comme si c’était particulièrement discret non plus, hein ? » Le borgne lui offrit un sourire sans grande conviction, sans lui garder rancune. « Je… Je vous assure que je ne suis pas recherché par les autorités Cimmériennes. Du moins… pas que je sache. » Il réfléchit à toute vitesse. Non, dans les derniers mois il avait fait profil bas pour éviter tous les ennuis qui d’habitude le suivaient comme son ombre. Il faisait même attention à ne pas fréquenter des tavernes et autres endroits du genre pour ne pas attirer l’attention. Si son frère avait besoin de lui il fallait qu’il puisse passer à l’action sans être ralenti par quoi que ce soit. « Ce n’est pas douloureux. C’est juste un peu lourd mais je m’y suis fait avec l’habitude. Alors s’il vous plaît ne vous rétractez pas alors que vous commenciez à me voir comme un type bien. Enfin bien… c’est à vous d’en décider. Vous voyez ce que je veux dire pas vrai ? » Il haussa les épaules et effleura les mains féminines de son pouce. Il les tenait chaudement sans les retenir, lui laissant ainsi la marge de retirer quand elle le voudrait. « Ne soyez pas désolée, vous semblez avoir bien assez de soucis comme ça. Et avant que vous vous posiez la question, non je ne sais quel est le problème. J’ai juste une certaine empathie envers les gens, mais je ne peux pas lire leurs esprits. Vous ne risquez rien. » Il porta une de ses mains vers le pain chaud qui lui avait été servi et continua plus légèrement, son esprit chassant la culpabilité que lui rappelaient les chaînes. « Y’a-t-il quelque chose que ce vieux loup puisse faire pour vous aider à sourire un peu ? J’avoue être un peu curieux concernant ce symbole de Kron, mais peut-être suis-je indiscret à mon tour. »
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Othello Lehoia
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeDim 19 Avr - 13:44

Les yeux tournés vers la table, elle ne le vit pas tout de suite, ce grand homme qui prenait des airs un peu perdu, éclairé par la lumière sans cesse défaillante qui passait à travers la grande fenêtre fumée, les lèvres finement entrouvertes dans un souffle de surprise et son œil unique entre l’écarquillement et l’abandon. Othello ne fut surprise qu’il se soit laissé faire après avoir cessé son jeu de contact, et n’en prit la pleine mesure qu’en fixant le marin hébété, divaguant à travers les lueurs de la sable, le blond de ses cheveux se révélant à la lueur des bougies.
Les murmures qui tapissaient la petite salle se taisaient, s’éteignait petit à petit dans le silence commun du marin et de la prêtresse. Rien n’expliquait son geste, et sa surprise était pleinement justifiée. La demoiselle comprit alors l’ampleur de son culot, et comprit qu’elle avait été loin de sa place. Jamais elle n’aurait du bouger – elle venait de jeter le pauvre marin à moitié malade dans un trouble palpable, lui qui paraissait si fier et sur de lui. Cherchait-il ses mots ? Ou son regard vide trahissait-il d’une montée prochaine d’un flot continu de méfiance et d’insulte ? Elle s’attendait à tout, après un tel élan de spontanéité... Quelle idiote elle était.

Et pourtant il ne lâcha pas ses mains – au contraire, il les tenait plus fort. La jeune femme releva ses grands yeux bruns vers lui, vers cet étrange faciès abîmé, qui compensait un regard mutilé par un visage franc. Son grand front paré de son cache-œil était innondé de lumière, rappelant à ses yeux sa peau basanée par les années en mer, perdu avec les siens au cœur de l’océan. Quand elle avait été relâché à la mer, son premier réflexe avait été de sombrer le plus profondément au fond des abysses, là où la lumière ne passe plus, où le son a disparu… Pour s’éloigner de ce monde des hommes, d’un chaos civilisé que l’on voulait faire passer pour sensé. Si ce n’était pour la vie de Drasha, elle n’y serait jamais retournée, se contentant de hanter humblement les profondeurs. Elle ne savait pourquoi mais dans les dernières secondes qui avaient précédées ses projections, elle avait senti entre tous les sentiments un brun d’amertume, de jalousie qu’elle n’avait su expliquer. Derrière son visage un peu pensif, derrière son corps finement musclé, son apparence de leader oisif et insoucieux, derrière ses chaînes usées devait se cacher un être bien plus sombre et bien plus secret qu’on ne pourrait l’imaginer. Et la prêtresse – imbue d’arrogance peut-être – avait la sensation qu’elle, mieux que beaucoup, pouvait comprendre ce qu’il ressentait.

Les secondes passèrent. Les mots graves devinrent un peu plus clairs, et Fenris retrouva un peu son éloquence, perdue un instant dans un coin de leur conversation. Son pouce retenait doucement ses mains, sans pour autant lui imposer ce contact. Mais elle ne le fit pas pour autant, appréciant un peu trop ce geste dans un inconscient silencieux, alors que la demoiselle feignait de ne pas y faire attention. Pourtant, ses oreilles se baissèrent soudain dans un  pli interrogatif et accusé, alors qu’il prenait pour lui une faute qui n’existait pas. Cela faisait des années qu’elle le voyait comme un type bien, lui qui s’était élevé contre tous, une meute de carnassiers sanguinaires qui frémissaient devant la première créature étrangère qui souillait leur navire. Un autre homme n’aurait pas agit ainsi. Pas un qui eut des idées scrupuleuses, ou même qui n’aurait pas ressenti pour elle un minimum de compassion. Alors ce n’était pas des verrous et quelques maillons qui lui ferait peur – qui plus est, le loup de mer ne semblait pas les portes de son plein grés, et un ancien prisonnier aurait déjà trouvé le moyen de s’en débarrasser. Resserrant un peu ses propres mains, elle le regarda gentiment, laissant poindre au coin de ses lèvres un sourire sincère.


« - Ne vous en faites pas, je vous comprends. Nous avons tous notre part de mystère… » Souffla-t-elle. « Le vôtre semble relever plus du fardeau que de la fierté. Et après tout, vous m’avez déjà sauvé la vie. Pour cela, je ne pourrais jamais vous voir que comme quelqu’un de bien. »

Dans ce genre de situation, elle n’avait pas l’art de mentir. Sa voix comme son discours transpirait d’une sincérité franche que l’on ne pouvait douter. L’atmosphère sembla alors s’apaiser, le discours se désépaissir, comme si, au fond, ses mains maladroites et culotées avaient contribués à effacer les quelques petits voiles de malaise que peuvent susciter de premières conversations entre deux étrangers. Attentive, elle attendit ses prochains mots… Et à sa grande surprise, il lui fit le même effet qu’une lame affutée qui plongeait jusqu’à son cœur.
A son tour, la jeune femme baissa les yeux dans une longue chute coupable, pris de cours par la question qu’elle avait toujours voulu évitée, que ce soit de la part du grand borgne à l’œil de mer, de ses sœurs, ou de simples inconnus. Le symbole mortuaire, aux courbes délicieusement noires, n’avait pas déteint avec le temps comme beaucoup des tatouages qu’elle voyait. Cela faisait presque un an… Sa dette tenait toujours. Jour après jours, la lame se rapprochait toujours un peu plus de sa gorge, laissant tinter le métal de la lame dans un sifflement serpentin. C’était un symbole de honte, de traîtrise et de culpabilité. Rien d’autre… Pendant un instant, elle retourna sa main pour tous les deux, honteuse d’avoir été percée à jour aussi facilement… D’avoir baissé sa garde quelques secondes. Sous son petit visage de porcelaine s’insinua lentement une douce mélancolie, tendre et amer, alors qu’elle se mettait à nue devant le marin venu du sud. Il avait eut le bon coup d’œil… Et réussit un exploit qu’elle dut admettre. Il était arrivé quelques heures auparavant, et ne l’avait côtoyé qu’une grosse heure, à peine un peu plus, mais il avait su la percer à jour comme nul autre auparavant… Avait révélé son secret le plus inavouable…  


« - Ce n’est pas un symbole… » Dit-elle tristement, refermant sur sa main cette paume maudite. «  C’est une chaîne, comme les vôtres. » Ondulant le visage de gauche à droite, un peu vaguement, elle poursuivit, le regard perdu dans les abîmes de son breuvage noir. « - Je ne sais pas d’où viennent celles-que vous portez aux jambes. J’ignore si je veux vraiment le savoir, même. » Son sourire se mu alors en une courbe désolée et bienveillante, trahissant une complicité maladroite tant ils semblaient tous deux contraints par des forces immuables. « - Ceci est le symbole de mon pêché. Une… promesse, je crois… Ou un contrat que j'ai signé avec la mort.» Une malédiction voulut-elle dire, mais les mots ne franchirent pas ses lèvres. « Enfin. Je ne veux vous embêter plus avec cette histoire. Seule un miracle parviendrait à m’en libérer, c’est une drôle d’histoire… »

Une fois de plus, ses lèvres s’étendirent dans un sourire doux, mais plus faiblement cette fois-ci… C’était un bien piteux spectacle. Les mains liées autour de sa tasse, elle avait fermé les yeux pour qu’il ne les voie pas. Un lys fané, qui souriait idiotement, ses yeux plissés dans une arabesque abîmée, oscillant entre une joie sincère et dépitée, offrant, dans une chrysalide de lumière, l’apothéose de l’abandon. Elle était encline à un de ces instants rares et si dures, ou l’on se rend compte de la douloureuse ampleur de tout un sort. Son destin était déjà joué, après tout. Elle ne voyait aucune issue, aucun échappatoire à cette malédiction… Alors le seul choix qu’elle avait était de se résoudre. C’était le plus douloureux : un fantôme blanc qui transportait, gravé à même sa peau, ses propres chaînes, et qui les avait pleinement accepté… Qui avait décidé d’arrêter de se battre – après tout, ce n’était rien de plus qu’une simple punition. Lourde, certes. Mais à la hauteur de son crime.

« - C’est ce qu’on obtient à vouloir voler un dieu… » Dit-elle simplement, sans douceur ni manière, d’une franchise et d’une brutalité inédite pour elle alors qu’elle avalait une gorgée du liquide tiédie.

D’un geste, elle secoua alors son visage, se tirant doucement de ses souvenirs et de sa chaleureuse mélancolie pour retrouver son attitude habituelle, sans pour autant retirer ses mains. Comme si elle avait oublié leur présence, que leur place était juste. C’était étonnant, cette proximité étroite mais habile, cette emprise approuvée par les deux camps qui avaient créé entre eux une complicité aussi étonnante que tacite. La prêtresse se laissait faire, complice, sans bouder ni craindre, comme si au fond elle venait de retrouver un vieil ami perdu depuis des années. Ce grand homme était quelqu’un de touchant, renvoyant cette image de force herculéenne, ce sourire d’une sincérité prenante, et cette culpabilité lourde qui semblait le ronger jusqu’à l’os sans qu’on ne sache pourquoi. Un héros à deux visages, sans doute, éclairés par des soleils différents. Mais elle ne voulut ni lui imposer de parler de ce côté sombre, ni le laisser présager, aussi se contenta-t-elle simplement de glisser dans les remous d’une conversation bien plus bienveillante, et de ramener vers elle un sujet qui lui tenait plus à cœur et qui avait su piquer sa curiosité.


« - C’est étrange, ce pouvoir que vous avez-là. » Dit-elle gentiment en désignant leurs paumes entremêlées. « - Comment fonctionne-t-il ? Je n’ai jamais vu une telle capacité, c’est très beauElle aurait pu en vanter les mérites pendant des minutes, mais la conversation paraissait toujours des plus maladroites sorties de ces lèvres épicées. Un art du dialogue somme toute assez limité, donc… Déjà, ses yeux s’enfuyaient vers la table. « - Le partagez-vous avec votre frère ? » Il lui semblait qu’il avait mentionné un frère dans la région. Cela éveillait aussi sa curiosité, mondaine cette fois – et cela était suffisamment rare pour la faire disparaitre au fond de sa tasse chaude.

Une fois de plus, le thé coula jusqu’au creux de son ventre, y diffusant sa chaleur bienveillante qui éloignait quelques instants le climat hivernal du dehors. Ils avaient passé le stade des premières questions et des discussions malhabiles, et elle avait même eut la chance de plonger en lui quelques secondes pour saisir jusqu’à l’essence de ses émotions. Alors pourquoi s’embêtait-elle encore de tant de gêne à chaque question ? C’était idiot, oui. Et habituellement, elle ne s’attardait pas avec autant de manière. La plupart du temps, elle était même dénuée d’émotions – quand elle ne les feignait pas – pour ce qu’elle parlait avec des sœurs et des inconnus. Cela ne nécessitait aucune implication de son être, bien au contraire. Ce froid polaire qu’elle dégageait la rendait lointaine et inaccessible, lui rendant le service de glisser entre elle et le monde le plus de distance possible. Elle n’aimait pas la proximité, habituellement. Cependant, pour elle, il était déjà quelqu’un d’important, et depuis plusieurs années. Alors elle devait faire preuve de sincérité...
Mais elle pensait sincèrement ses mots. Cet étrange entrelacement d’un espace de pensée dans un autre fut inédit, improbable, un peu maladroit, mais le résultat fut splendide. Ce voir enveloppée de sensations et de vagues d’émotions par rafales fougueuse ou petites notes subtiles… Comme une couverture chaude qu’on lui avait jeté dans les épaules, avant qu’elle ne devienne le témoin de la vie d’un autre. Une immersion dans la psyché de Fenris… Avec cela, il n’y avait plus aucun doute à avoir sur son récit. Elle en avait éprouvé une grande satisfaction, après avoir laissé passer quelques secondes de retomber, ou elle se sépara de tous ces sentiments étrangers pour retrouver les siens… Entre un éblouissement notoire et une amertume détaché, elle vogua quelques secondes dans cette soupe colorée d’émotions, comprenant leur ressemblance, et saisissant soudain dans un souffle à quel point ils étaient similaires. Souriant à ses boutades et à ses comparaisons espiègles, elle finit de se laisser enchanté, sachant bien qu’une fois cette fusion finis, elle ne verrait plus Fenris comme le même homme.

Soudain, elle aperçut sur son épaule une forme sombre couler doucement. Se retournant soudain, elle s’aperçu qu’il ne s’agissait en fait que d’un flocon dont l’ombre glissait paisiblement le long d’une de ses tortueuses mèches de cheveux… Il finit par s’éteindre sur le bord de la fenêtre, comme beaucoup de ses congénères qui commencèrent à tomber du ciel. Saisie par ce spectacle nébuleux, la demoiselle se retourna alors vers la fenêtre, happée par cette valse en quatre temps qui se dansait dehors. Ses yeux bruns se perdaient d’ombre en ombre, de neige à pavés, dans le silence doucereux qui se dégageait d’elle.  


« - Le temps se dégrade… J’espère que votre état ne va pas en pâtir… » Ses yeux papillonnaient dans le lointain, et sa voix brumeuse sonnait comme sortie d’un songe, un souffle prononcé sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, alors que dehors, Une épaisse neige commençait à tomber.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeMer 29 Avr - 23:15

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte VI: Ink Oath

La croisée des chemins. La fin et le commencement. Le froid fige tout, dans un éternel nœud de personnes et de moments, accidentellement immortalisés au même endroit l'espace d'un instant. Une quiétude toute relative, ne retranscrivant pas la confusion qui hante les cœurs tuméfiés. Après la tempête vient le calme silencieux,... encore plus dévastateur, car traître. Le vent siffle paresseusement, et charrie avec lui des souvenirs qui se perdent. Avec le temps, certaines choses s'effacent. La neige recouvre les traces de nos pas, le bruit de nos promesses, la cruauté de nos choix. Elle est à la fois châtiment de nos erreurs et réconfort à nos élans. Elle éclaire nos sourires feints de sa pureté ingénue, nimbant tout de douceur solitaire. Pleines d'une hâte enfantine, nos mains se tendent pour essayer de la retenir, mais elles n'attrapent que du vide. Pourtant on rêve encore de cette pluie de diamants célestes et étoilés, présents inattendus, déchus de l'immensité. Hymne aux sacrifices perdus et aux espoirs gâchés, mélodieuse ode millénaire à tout ce qui n'est plus qu'un souvenir. Tout semble s'arrêter, il fait déjà froid bien que l'hiver arrive seulement à nos portes. Le plus dur reste encore à venir, alors même que le monde refuse de s'arrêter de tourner pour rendre le tout supportable ou compréhensible. 'Cela va vite, trop vite. On s'y perd plus rapidement qu'on ne réagit, et de gré ou de force les événements finissent par nous dépasser. Nous sommes submergés par ce qui continue de nous échapper et emprisonnés par son aversion étrange, nous perdons toute lucidité.'

Hellas semblait lentement plongée dans cette même chute inexorable, entraînée dans ce tourbillon invisible sans même s'en rendre compte. C'était dans l'air, dans les expressions tendues des hommes et femmes qui fuyaient la lourde croix pesant sur tous les habitants de la région. C'était là, presque palpable, évanescent mais farouche, inscrit dans l'air d'un temps monstrueux où chacun devait lutter pour sa propre vie. Un frisson parcourut la peau hâlée de Fenris et son œil brillant s’égara quelque part entre les flocons pâles et le visage contrit de la sirène qui lui faisait face. Elle se noyait dans son thé comme elle rêvait sans doute de s'immerger dans les abysses marins pour fuir ce monde terrestre au bord du gouffre. Son visage entier criait sa confusion et sa culpabilité, dans un mélange qui lui faisait mal au cœur. Fen ne l'éprouvait pas de la même façon bien que ses sentiments y ressemblent parfois. Mais il comprenait. Il comprenait si fort que s'en était pénible parfois d'être ainsi renvoyé à sa propre conscience, une disgrâce ancrée dans sa poitrine qu'il s'efforçait de fuir comme il pouvait, à travers ses pérégrinations, ses voyages, ses découvertes.
Rien ne pouvait le préserver de lui-même, pourtant. Car c'était là le démon le plus puissant de tous, celui qui ne laissait aucun répit, aucune paix. Dans ce marasme que le borgne gardait secret il ne restait guère que l'envie de passer à autre chose, de vivre un autre jour, de tuer l'ennui par d'autres légendes et d'autres symboles, qu'ils soient réels ou le fruit de son imagination fertile. Il ne restait plus qu'une once, un éclair foudroyant d'empathie réelle dans une myriade de reflets d'indifférence, luisants comme des miroirs. Othello était l'une de ces fulgurances inexplicables, une de ces pulsions premières qui le poussait à rendre justice à sa nature canine, indépendante et affectionnée sans réelle raison. La prêtresse n'avait sans doute pas besoin de lui, pas besoin de son aide ou de son regard protecteur. Son attitude cavalière lui suscitait sûrement de nombreux doutes et encore plus de méfiance, mais il ne pouvait s'en empêcher. Il était un être trop impulsif pour se retenir d'agir à sa guise, trop séditieux pour se plier à ce qu'on attendait de lui. Il était aussi incapable de se contenir du pire que du meilleur et s'il devait aller contre nature, ce serait pour s'empêcher de détruire plutôt que de créer. Enfin encore fallait-il qu'on lui laisse ce choix, et en la matière Othello était seule décisionnaire. Il savait ce qu'il avait envie de faire, mais il ignorait ce qu'elle était prête à accepter.


« De nombreuses histoires circulent au sujet des dieux, au sujet de Kron plus que de n'importe quel autre. » Il regarda pudiquement ailleurs. Soulen était aussi souvent repris, surtout dans les milieux des marins qui (de Noxis ou non) avaient un répertoire très vaste. La mer était source de vie, de voyages, mais aussi de mythes qui faisaient vibrer ceux qui ne l'avaient jamais arpentée. Fen de son côté était conteur depuis des lustres, ayant commencé par curiosité et par jeu pour finalement se faire prendre dans les mailles du filet d'une passion dévorante. On le traiterait certainement de prétentieux s'il exposait son avis, néanmoins il pensait sincèrement qu'il n'y avait pas toujours que du mensonge dans les légendes urbaines et autres chansons populaires. Il suffisait d'ailleurs de connaître l'existence des colosses, ces titans de roche et de brume, pour s'en certifier. Lui-même n'avait jamais eu le déplaisir d'en croiser un, mais bien que l'idée l'épouvante comme n'importe qui, sa soif de savoir était plus forte. Il rêvait d'y remédier.
Quelque chose gargouillait depuis les entrailles d'Isthéria et en barde inavoué, Fenris brûlait de savoir ce que ça pouvait être. La colère d'un dieu outragé, le réveil d'une créature millénaire, le courroux d'une entité inconnue et innommable, ou une malheureuse coïncidence qui devenait de plus en plus grosse ? Il voulait savoir, il voulait connaître... Et cette marque ? C'était la même chose. Avec douceur il effleura cette dernière du pouce, avec lenteur, comme s'il craignait de briser la main de la demoiselle. Cela avait noirci sa peau diaphane, entaché son corps et sa psyché comme une cicatrice indélébile. C'était un bout de laideur qui ne lui appartenait pas, qui lui avait été imposé par on ne sait quelles circonstances. À ce contact il sentit l'écho de honte qu'elle éprouvait, et ne put s'empêcher de la couver du regard. Elle le détesterait de se mêler de ses affaires de la sorte. Elle le mépriserait et lui dirait de la laisser tranquille, le rejetterait comme on dégage un cabot insistant et entêté. Oui mais... Il fallait qu'il fasse quelque chose. L'avoir laissée regagner la mer il y a cinq ans serait inutile s'il ignorait ce qui lui arrivait maintenant. Cette seule marque briserait le lien infime qui les unissait, tel le vent qui balayait la poudreuse dehors. Et ça, ça il ne pouvait l'accepter. Il poursuivit quelques indices le concernant, cherchant à se faire pardonner à sa façon.

« Ces chaînes sont… une partie de moi. Mon seul trait commun avec mon autre forme. » Il ne savait pas non plus quelle était leur raison d’être, et pourquoi contrairement à ses semblables, il gardait une trace physique sous ces deux formes. Il ne savait même pas s’il était possible de les retirer d’une quelque façon, bien qu’il ait déjà essayé de les arracher, sous le coup de la rage. Il avait seulement réussi à se blesser et se frustrer encore plus, sans se libérer. Enfin le point positif c’était que c’était moins agressif d’apparence qu’une corne ou des écailles. C’était plus bizarre aussi, mais ça il s’y était fait. De toutes ses extravagances c’était de loin la plus louche. Il soupira. Ce n’était pas de lui qu’il voulait parler, et si la conversation pouvait migrer de sujet ce n’était pas plus mal. « Les miracles sont simplement des succès trouvés là où l’on ne s’y attend pas. Même si parfois on évite de tenter le coup parce qu’on croit que c’est impossible, ou que les dieux n’y sont pas favorables. » Fenris sourit évasivement. Il était persuadé que c’était malhonnête de tout imputer aux dieux, à la fois les injustices et les bénédictions. Il croyait profondément en eux et ne questionnait pas l’existence d’entités supérieures quels que puissent être leurs noms, mais il avait du mal à se laisser confiner dans une fatalité qu’il ne pourrait combattre.

« Je n’ose m’immiscer dans votre vie privée plus que je l’ai déjà fait, même si j’aimerais en savoir davantage. » Il réfléchit un instant, déglutit après une bouchée de pain, puis poursuivit. Les mots lui coûtaient à cause de l’appréhension. « J’aimerais vous aider. Je veux dire, vraiment. Trouver ce qui a pu concrètement causer cette marque et tenter de trouver une solution. Je n’aime pas laisser les choses inachevées. Quitte à jouer votre ange gardien, autant mener ma tâche jusqu’au bout non ? » Il plaisanta et regarda leurs mains, le cœur battant. Sa voix était étonnamment calme. « Soulen me maudirait encore plus qu’il ne l’a fait de ne pas aider un de ses enfants. » En vérité qu’elle accepte ou non il mènerait ses recherches dans l’ombre. Avec ou sans son consentement il irait consulter des gélovigiens spécialistes de Kron, les interrogerait sur ce genre d’événements afin de voir ce qu’il pouvait faire. Cela ne coûterait rien et pourrait éventuellement aboutir à quelque chose de positif. Il lui sourit avec plus de conviction et sût en voyant la chaleur timide de ses yeux qu’il pourrait la retrouver en remontant le fil rouge qui les reliait.

Il toussota et but un peu de son thé, avant de répondre à la suite. Il eut une pensée pour son ami de toujours et son expression se fit un peu plus absorbée. Sans s’en rendre compte il entrelaça ses doigts à celui de la nonne, une longue série de questions à l’esprit.
« Non pas vraiment, aucun de mes frères n’a le même don à ma connaissance. Mon aîné, qui vit dans la région, sert dans l’armée depuis un paquet d’années déjà. Un sacré numéro, il trouve toujours le moyen de se fourrer dans les ennuis. Il sert la prétoriale, alors il vous a peut-être déjà traîné dans les pattes. Ah, j’sais même pas comment il a réussi à décrocher autant de promotions. » Il se gratta la nuque et rit. En fait si, c’était assez aisé de le savoir… Léogan avait suivi les bonnes personnes, ce qui l’avait jusque-là protégé de certains désagréments disciplinaires. Non qu’il manque des capacités nécessaires à son poste, remarque. C’était même un irrécupérable acharné, qui vivait pour son boulot, s’investissant complètement pour oublier ses malheurs. Un homme qui ne devrait pas avoir à se sacrifier de la sorte. Il avait seulement quelques problèmes avec l’autorité, et comme lui, il n’était pas adepte du climat polaire. « C’probablement le gars le plus malade de l’armée. Il éternue l’année entière et toutes les fourrures du monde ne suffisent pas à le réchauffer. J’suis sûr qu’il pourrait jouer des castagnettes avec ses genoux. » Il mâchonna un morceau de croûte, tout en se retenant de commander une pâtisserie par pure gourmandise. « Et vous, vous êtes Cimmérienne ? Cela fait longtemps que vous êtes prêtresse ? » Il avait bien envie de reparler du tatouage de Kron, seulement ça lui paraissait déplacé d’insister alors qu’ils discutaient de choses et d’autres, comme de vieux amis qui ne s’étaient pas vus depuis longtemps.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeLun 25 Mai - 17:29

Les miracles… Quelles choses curieuses que celles-là. On pouvait en voir partout, mais quand certaines ne sont que vague supercherie, d’autre relève d’un aléatoire si pure et si bienveillant que l’on peut les penser du fruit des Dieux. Une rencontre au hasard d’un port tient-il du miracle ? Une mère qui donne naissance au prix de sa vie en est-il un ? Et un tueur sanguinaire qui se repend et accepte son mal… ?... Curieux. Mais si on s’en tient aux faits et que le hasard est seul responsable, le nombre de miracle ne tiendrait plus que sur les doigts d’une main, si quelques scientifiques n’iraient pas encore tuer le peu de foi et d’espoir qu’ils pouvaient susciter. Dans ce cas et généralement, le mot était terriblement mal utilisé, même par la prêtresse elle-même. Cela ne tenait pas du miracle. Seulement d’un pour-parler long et rigoureux qui s’élevait à un domaine divin, et qui venait de l’égoïsme et de l’inconscience d’un hybride un peu trop naïf. Pendant l’ombre d’un instant, elle s’en voulut d’avoir prononcé ce mot à tort, et de mettre sur le dos des divinités son affaire personnelle… Pourtant, ce n’était pas une erreur en soit, et ses mots reposaient, quelque part, sur une vérité.
Enfin, ce n’était pas la peine de creuser plus profond, se dit-elle. Ses oreilles tendues, elle écouta patiemment le grand cyclope ocre et blond, dont la tignasse tout à fait maîtrisée transportait mystérieusement des sensations de sable chaud et lointain. Ces chaînes lui venaient de son autre forme, alors ? C’était aisé de deviner qu’il était un Llurghoyf à présent, Othello n’en avait pas le moindre doute. Un frisson parcourut son dos. Elle n’avait encore jamais côtoyé quiconque de ce peuple, et le sujet lui paraissait encore curieusement vaporeux. Pour une raison qui lui échappait encore, leur évocation était restée source de crainte – sans doute mille fois alimentée par les récits et les légendes terribles qui couraient sur eux, et que les mères avides de terrifier leurs progénitures ne manquent pas de conter le soir au coin du lit pour assurer à leurs enfants de parfaites nuits de cauchemars. Bien sûr, certaines de ses histoires lui étaient tombées au creux de l’oreille, et, même si la prêtresse était connue pour son scepticisme impériale, la rumeur de leur cruauté avait eu fi de sa tolérance pour lui laisser d’amers a prioris en tête. Une question s’imposa d’elle-même : Fenris était-il comme les terribles monstres que l’on décrit parfois, ou tenait-il de l’exception qui confirme la règle ?

Un regard vers son étrange œil unique et leur longue discussion eut vite fait de lui donner une réponse. Elle ne pouvait imaginer que ce grand marin, au cœur si généreux, ait pu commettre le moindre mal… Du moins, pas sous cette forme de grand gaillard souriant et spontané, dont les quintes de toux rappelaient la fatale humanité face à la rigueur du climat. Dans une fente angélique, elle pencha légèrement sa tête, chercha inconsciemment à élargir son point de vue : même avec des chaînes usées aux chevilles, il n’était nul criminel, ou alors ils auraient lui aussi prit un malin plaisir à l’examiner sous toutes les coutures avant de la saigner vive, comme l’aurait voulu le reste de la flotte. Lui s’était élevé de la masse, de cette nuée de carnassier, dans un geste d’une grande bonté, acceptant et sauvant l’inconnu sous un de ses formes les plus grotesques et étrange.
Cependant, cela éveilla en elle une nouvelle question, bien plus sombre que la première. Il semblait régner en lui une de ces dualité singulière et mystérieuse qui n’habite qu’une poigné d’individu, qui semblaient à jamais osciller entre un visage de lumière et un autre d’ombre, bercé d’un mystérieux et lunatique oxymore qui pouvait les rendre aussi plaisant qu’inaccessible. Le marin lui était apparu droit, souriant et franc, mais elle avait décelé dans son oeil de si infimes fragments de doutes et de peines… Mais qui réunis trahissait d’un malaise, discret, certes, mais présent, et d’une mélancolie douce et honteuse, l’échos d’un passé qu’on voulait peut-être enfoui. Pendant un instant, elle se perdit loin, très loin dans cet œil qui parlait de miracle, essayant peut-être de déterrer des miettes de réponses, de passé, de n’importe quoi qui pourrait expliquer ce poids lancinant qui pesait sur son être.
Une autre forme, disait-il. Inutile de le cacher, Othello était curieuse. Personne n’ignorait que les llurghoyf avait cet étrange don d’être lié à un autre corps, un peu comme les yorkas, et pouvait transiter de l’un a l’autre à leurs guises. Mais, contrairement aux hybrides bestiaux, leurs transformations ne relevaient en rien aux leurs. Des monstres… Des démons. La sirène ne connaissait pas le terme exacte – ni même sil y en avait un, en réalité. Seulement qu’ils n’avaient aucun point commun avec des créatures existantes. Un jour seulement, elle avait eut l’occasion d’en observer un, à la forme et aux capacités plutôt exceptionnels. Celui-ci avait la forme d’un tigre, proche de l’allure de Drasha, son familier, mais plus petit en taille, et aux rayures luisant d’une aura azurée. Il pouvait se mouvoir dans l’espace et le temps à sa guise, comme si les dimensions n’avaient plus aucun sens pour lui. A son cou pendait une impressionnante horloge…

Ce détail la ramena brusquement au salon de thé et à leur conversation, qui coulait petit à petit vers des sujets plus tranquilles et plus sages. Cette horloge, il ne l’avait plus sous sa forme humaine. Seul le tigre la portait. Alors, pourquoi le grand loup de mer devait-il traîner son fardeau avec lui ? Finalement, elle balaya tout d’un battement de cil. Tout viendrait en son temps, après tout. Et à vrai dire, cette discussion simple et amicale lui convenait parfaitement, inutile de vouloir ouvrir une nouvelle boîte de Pandore pour déterrer des souvenirs désagréables profondément enfouis.

Quand il poursuivit, son cœur se resserra un peu, et il lui sembla qu’il battit alors à l’unisson avec la lente marche des flocons qui murmuraient aux fenêtres. Ses petites mains frêles se resserrèrent alors dans ses mains. Ne sachant vraiment pourquoi, elle se sentait déjà coupable. Non pas pour son crime, ni pour sa peine. Mais car elle songea quelques instants accepter son aide. Mais ce ne serait pas juste. Embarquer une autre âme dans cette histoire relèverait de l’égoïsme pur, et de l’inconscience. Après des années de prêtrise, elle était bien placée pour savoir qu’il était parfois dangereux de s’immiscer dans les affaires de forces supérieures, ou même dans celles des marionnettistes qui prétendaient pouvoir tirer pour eux les ficelles du destin. Ils avaient des pouvoirs et des alliés insoupçonnés qui pouvaient réduire à néant la vie d’un marin aventurier et d’une petite prêtresse d’un claquement de doigt, même si le premier, du haut de sa carrure athlétique. Sans plus parler, elle sourit gentiment, timidement, le regardant impétueux, l’œil brillant, en regardant leurs mains unis. Ses doigts se serrèrent un peu plus quand il finit, et elle baissa à son tour ses yeux dans une petite moue timide et gênée, flattée dans un sens, et impressionnée dans l’autre. Elle ne pensa à rien en cet instant, ni à accepter son aide, ni à le répudier. Seulement qu’il était vraiment aimable de la part du grand loup de mer de songer à la protéger à ce point.

Quelques instants plus tard, elle releva les yeux, se contentant de sourire d’une arabesque mystérieuse, pleine de reconnaissance et de respect, qui ne laissait entrevoir aucune réponse. Mais ce fut surprenant, alors, de voir son visage évoluer doucement vers quelque chose de sérieux, de songeur, d’éloigner alors qu’il disparut un court instant dans ses pensées. Son œil s’évada, enveloppé d’une lumière presque tendre sous la clarté tamisée diffusée par les carreaux fumés. Alors que ses mains se laissaient délicatement faire, elle s’amusa de le voir penser ainsi, sûrement à sa famille qu’elle avait évoquée plus tôt.
Intéressant. Un llurghoyf gradé de la garde du temple et de la prêtresse, donc ? Il n’y en avait qu’une poignée qui avaient obtenus suffisamment de faveurs de la part des hautes pieuses pour gravir suffisamment les échelons de la hiérarchie. Pourtant, ils étaient rares à avoir l’air aussi sensible au froid. Même si elle servait l’église depuis quelques années, la demoiselle blanche n’était pas très au fait du nom de leurs protecteurs – si elles en avaient réellement besoin. Enfin, il était vrai qu’un grand nombre d’entre elles, les ignorantes tout du moins, n’arriveraient surement pas à se défendre seul. Mais il fallait aussi admettre qu’un attentat contre la caste faisait partie des évènements rares, peut-être un par décennie. Lassant était donc que de servir de garde pour les dames de Kesha. Othello baissa les yeux : elle trouvait parfois cela triste de le voir déambuler dans le temple pendant les messes et les offices, sans grands buts, dans l’attente veine d’un évènement particulier qui viendraient éclairer les parois blanches du bâtiment. Sauf si ils s’enrôlaient dans les bonnes affaires, les affaires sombres du réseau de la grande prêtresse, et ses manigances criminelles. Là, seulement, ils pouvaient espérer un peu plus d’action.
Cela lui avait déjà traversé l’esprit. Les gardes, à un certain point, devaient bien connaître quelques secrets qui traversent les murs. Au moins quelques-uns pour qu’Elerinna puisse garantir sa sécurité, et celle de ses complots. Tout comme d’espionne, elle devait être entourée de soldat pour accomplir pour elle quelques tâches un peu grossières, et quelques besognes sordides, ou même assurer la pérennité de son règne. « Etait-il au courant ? » eut-elle envie de demander. Mais ce n’était pas poli de le demander, même d’y penser. Et ce n’était ni le lieu ni l’instant pour se remplir l’esprit d’amertume en repensant à sa fatalité, à l’état corrompu et pourri de leur ordre. Au visage hypocrite qu’elles présentaient jour après jour aux pauvres et aux nécessiteux qui avaient cruellement besoin de l’aide de saintes… Et qui se retrouvaient face à une armée de vipères.


« - C’est peut-être le cas, mais il faut avouer que je ne suis pas très familière des gardes qui nous protège, je ne connais les noms que de certains d’entre eux… Mais cela ne doit pas être facile pour lui, alors, de travailler ici. Il faut dire que notre pays n’est pas le plus… Agréable à vivre. » Dit-elle avec un lapsus compatissant. Leur climat n’était pour le moins pas des plus agréables, et seul un Cimmérien ou un amoureux du froid et de la neige pouvait en apprécier la dureté. « Une raison particulière l’a-t-il convaincu de rejoindre les rangs de la garde ? Je dois admettre que je trouve son choix un peu maladroit s’il est aussi sensible au temps. »

Même si la question sonnait particulièrement intéressé, elle ne l’était nullement, et elle avait été prononcée avec une innocence si spontanée qu’il était dur de croire à autre chose que de la pure candeur. Son visage renvoyait toujours ce même masque immobile, sans émotions, aux grands yeux sombres et vibrants. Mais, sous les ombres de la neige lourde, il semblait moins distant, moins froid… Plus humain, somme toute. Ses lèvres révélaient une douceur sucrée et enfantine, alors qu’on sentait, quelque part derrière son iris, un reflet amusé et heureux, loin de la sirène de givre que l’on croisait d’habitude. D’une main, elle bu une nouvelle gorgée de thé – il n’en restait à présent plus qu’un fond. Dans une bribe de pensée, elle se promit de se souvenir du nom de l’établissement. Pourquoi pas y revenir un jour, c’était un endroit des plus charmants. Du coin de l’œil, elle aperçut la patronne avec son regard pétillant et chaleureux qui les couvait de derrière son comptoir, comme une mère surveille ses enfants. Elle lui adressa un timide sourire, ce qui sembla la satisfaire, car elle immédiatement fit volte-face, un sourire d’approbation aux lèvres, pour retourner à la rangée de tasses humides qui attendaient d’être séchées.

« - Oui, je suis née ici, dans un port de pêcheur un peu plus au nord de la cité. » Continua alors l’hybride. « Mais je ne sers les prêtresses que depuis quatre ou cinq ans. Elles sont ma famille, à présent. Pas la plus aimante, certes, ni la plus sainte. Mais cela me convient suffisamment. » Ce serait probablement tout, elle n’était pas la plus bavarde ni la plus prolifique quand il s’agissait de sa propre et maigre existence. « Et vous, d’où venez-vous ? Pas d’ici je présume. Vous semblez aussi avoir du mal avec le climat Cimmérien. » Conclut-elle en souriant.

A voire le teint de sable et l’allure élancé du grand voyageur, inutile de supposer qu’il pouvait venir de la terre de froid. Ici, les hommes étaient trapus et dur. Le froid leur avait taillé de larges épaules et un dos musclé et voûté, rendu encore plus fort par l’épaisseur des capes et des fourrures. Leur mentons carrés trahissaient leur dignité et leurs franchises,. Quant au reste,  des jambes plutôt courtes les indisposaient à la course, mais leurs bras forts et leur stature imposante en faisaient de redoutables trappeurs, à l’endurance et à la force sans pareille. Fenris était long et svelte, aux traits fins d’un homme du sud. Sa peau n’avait rien de la pâleur des hommes d’ici. Sans trop s’avancer, elle le situait dans les forêts luxuriantes de Noathis, ou vers les sables chauds d’El Bahari. En réalité, elle l’imaginait très bien partout où l’on trouvait l’accès à un cheval ou à un bateau, en grand voyageur qu’il semblait être.
En le regardant simplement, elle pensa de nouveau à sa proposition… Attirante, pour le moins… Son regard s’assombrit alors, comme un ciel d’orage, et pendant quelques secondes elle retira ses mains. La culpabilité la rongeait de nouveau, avant même d’avoir dit quoique ce soit. Sa fierté d’espionne, sans doute, et sa culpabilité d’enfant d’avoir fait ce foutu pacte… Elle se savait enchaînée à ce destin sombre, à une fatalité ridicule auquel elle ne pourrait échapper, que par… Miracle. Etait-ce seulement possible de défaire ce lien maudit ?
Dans un geste lunaire, elle se retourna vers la fenêtre, droite dans sa chaise comme un lys insaisissable, tendant vers la neige sa main marquée comme pour attraper vainement un fragment de lumière. Parfois, on joue… Et ce n’est que lorsque l’on croit avoir gagné qu’un vent glacé vous jette au sol, et vous montre que vous avez tout perdu. Elle avait commis l’horreur de n’avoir rien parié de matériel. Seulement sa chaire et son sang… Si seulement elle avait vu moins grand. Dans un geste penaud, elle secoua son visage pour remettre ses idées au clairs, et passa nerveusement ses doigts entre une poignée de ses mèches d’argent. Fenris n’y étais pour rien, pourquoi l’impliquer, et lui faire courir quelques dangers pour son seul égoïsme ? Ce ne serait pas responsable de sa part… Mais elle avait pourtant envie de le croire, d’accepter son aide. Il lui paraissait si grand et protecteur, comme sur les flots, des années plus tôt, comme si, quelque part, il ne pourrait pas être touché par le mal. Et s’il pourrait vraiment l’aider à conjurer le sort… Un ange gardien, comme il l’avait dit.

Maladroitement, elle glissa de nouveau ses mains sur la table, en les reposant sur celles du grand blond, n’osant retrouver son œil opalin. Son cœur battait de plus en plus lentement, à mesure qu’un poids lourd se déposait sur sa poitrine. Elle oscillait toujours entre accepter et refuser… Mais mieux valait parler. Cela l’aiderait peut-être.


« - Cette malédic… » Elle regarda autour d’eux, intriguée, avec un sérieux proche de celui qu’elle avait lorsqu’ils s’étaient retrouver sur le pont. « Ce que vous voulez savoir… Je ne peux pas en parler ici, pas aux oreilles de certains possibles visiteurs de notre temple. Retrouvez-moi ce soir si vous le souhaiter, à mon herboristerie. Je vous raconterai tout. Et... je pourrais même vous donner quelque chose pour votre toux. » Elle baissa alors ses oreilles, n’osant ni enlacer ses doigts de nouveau, ni retirer ses mains pour autant. « Merci beaucoup, Fenris. » On sentait dans son ton qu’elle-même ne savait pas très bien pourquoi le remercier, pour sa générosité, sa bonté passée ou pour l’attention qu’il lui donnait sans qu’elle n’ait à demander son aide. Elle n’avait pas mentionné si elle accepté ou non. Seulement, elle lui faisait confiance : il pouvait bien être au courant de cette histoire…

Doucement, elle vida sa tasse, en appréciant lentement les dernières gouttes, les laissant très lentement couler dans sa gorge, allant même jusqu'à les chercher avec le bout de sa langue qui racla la porcelaine avec avidité. Non que le goût lui manquait déjà, mais plutôt qu'elle tentait vainement de distraire ses pensées qui s'étaient tout à coup déchaînées à la façon d'un orage, comme si elle venait de se trahir elle-même, ou de trahir son serment. Enfin, ce n'était pas aussi compliqué que cela, mais pour l'ondine, elle venait presque de déplacer une montagne. Lentement, elle reprit, enroulant finalement ses doigts autour, entre ceux du grand lupin, comme elle le pouvait, cherchant inconsciemment ce contact qui était devenu rassurant.


"- Si vous cherchez mon locale, il se trouve rue de la grive, dans la petite ville... Vous le trouverez près du quartier résidentiel. Prenez l'allée d'Aloyse, après la Grande Place, c'est une des ruelles qui la jalonnent. Une chandelle y sera allumée, visible depuis dehors - vous ne pourrez vous tromper, c'est la seule herboristerie du passage." Elle ponctuait son discours de discret coup d'oeil, qu'elle tenta de faire discrets - en réalité, elle essayait de se convaincre qu'elle faisait le bon choix, et qu'il viendrait à ce rendez-vous. Qu'elle ne se berçait pas d'illusions. " Vous y serez le bienvenu." Conclut-elle. Ses yeux s'étaient à nouveau égarés quelques part dans la mer houleuse de son oeil azuré.
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Sous une lumière de givre    [TERMINE] Sous une lumière de givre  Icon_minitimeLun 8 Juin - 20:08

Chapitre II : Sous une lumière de givre
[TERMINE] Sous une lumière de givre  1413477346-postfen
Acte VII: Open Door

Ils s’étaient fugitivement rencontrés il y a de ça des années, en une situation surréaliste qui n’aurait jamais dû avoir lieu si le hasard n’avait pas si bien fait les choses. La pensée tourbillonnait sans arrêt dans sa tête qui avait du mal à s’y faire. Son œil divagua sur la beauté cristalline du visage délicat qui lui faisait face. Ils étaient à peine plus que deux inconnus. Selon la logique commune, ils auraient dû se dire bonjour en masquant la surprise, se gratifier mutuellement d’un sourire poli et continuer chacun leur chemin séparément. La logique commune était loin derrière eux néanmoins. Ils étaient là autour d’une tasse de thé chaud, dans un petit établissement modeste de Hellas, à discuter tranquillement comme si le temps s’était figé, comme si leurs préoccupations mutuelles demeuraient hors d’atteinte. Ils se parlaient autant avec les mots qu’avec le regard, se risquant parfois à y joindre le geste et le contact régulier de leurs mains hésitantes. Fenris semblait différent de l’image qu’il renvoyait d’ordinaire, écarté de la panoplie de réactions trompeuses qui le caractérisaient. Il était moins exubérant et bavard, moins joyeux peut-être. Nettement plus terrestre et vrai.

« Pour être honnête, j’ai souvent failli lui demander de rentrer avec moi dans le sud, de voyager à travers le continent sans destination précise. Toutes ces années, j’ai eu envie de l’appâter avec des histoires au coin du feu, un soleil de plomb et des fêtes au crépuscule. » La mélancolie brilla dans l’améthyste de son œil unique qui s’assombrit d’une jalousie intense et dévorante. Il se rappela distinctement la détresse contenue dans ses silences, et l’orgueil qui l’avait dissuadé de lui demander de rester, il y a cinquante ans. Bien sûr qu’il avait du mal à accepter que Léo le laisse seul avec ses démons, tout ça pour suivre une harpie en jupons. Une très belle harpie certes, mais une harpie quand même. « Une femme. Il a quitté notre île pour servir une femme. » ‘Servir’, ce mot ne lui inspirait que du dégoût. Oh bien sûr son frère ne l’admettrait jamais, il prétendrait qu’il l’avait suivie de son plein gré, qu’il brisait la monotonie de leur existence paisible au fond de la jungle d’Ilanî.
Mais qu’avait-il réellement accompli depuis ce demi-siècle, si ce n’est perdre foi en lui-même et devenir encore plus malheureux ? À chasser des chimères ridicules d’un monde idéal pour une poignée, saigné et anarchique pour tous les autres ? Remuant la fange d’un cercle vicieux de magouilles sans fin, si sales que tout mafieux rôdé –doté d’un minimum de bon sens- les fuirait comme la peste ? Il avait juste réussi à se salir les mains pour rendre les choses possibles, pour s’affranchir de toutes les corvées dont sa princesse n’avait pas voulu se charger. Fenris lui, en le voyant inévitablement sombrer, se sentait coupable de n’avoir rien fait. Coupable d’avoir été trop lâche pour manifester son désaccord, blâmable de ne pas faire valoir un égoïsme qui aurait pu le protéger de la chute. Peut-être Fen avait-il simplement eu peur que l’amour, ou cet étrange attachement illusoire qui animait Léo, n’ait raison de l’amitié fusionnelle qu’ils avaient bâtie en dépassant tant d’obstacles. Il soupira profondément, dans une tentative vaine de refouler l’impuissance et les remises en question qui n’avaient rien à faire là.

Au lieu de ça il se focalisa sur la jeune femme qui lui faisait face, et l’écouta attentivement parler de sa vie passée. Elle ne mentionna ni parents ni famille, si ce n’est celle qui l’avait accueillie dans la foi. Et encore, certaines nuances pertinentes ne tardèrent pas à relativiser l’image que le peuple avait des prêtresses cimmériennes. Fen haussa un sourcil de surprise, sans trop savoir quoi dire à ce sujet. Il ne savait au fond pas grand-chose sur les religieuses, si ce n’est les nombreuses légendes fondatrices et les nombreuses rumeurs auxquelles il ne prêtait pas forcément fondement. Évidemment il avait eu vent de quelques envers du décor, des dessous moins reluisants que les éloges salvatrices et autres louanges plus ou moins compréhensibles. Pour cette même raison il avait un avis plutôt mitigé sur l’organisme, qui faisait le bien ouvertement et le mal en sourdine. Comme tant d’autres, il fallait le dire.
Cependant il était assez étonné qu’Othello soit si lucide concernant ce qui se passait dans l’ensemble du pays et qu’elle aborde le sujet avec spontanéité, même si elle ne s’était pas étendue longtemps. En outre, la Yorka n’avait pas l’air de quelqu’un baissant facilement les bras, alors la sentir déçue et en proie au désarroi ça en disait long sur l’état des choses. Qui de mieux pour juger de l’état du temple qu’une prêtresse ? Le borgne sourit doucement puis se prêta au jeu et parla également de son passé.


« Je suis né à Mavro Limani et j’y ai vécu jusqu’à mes douze ans. Douze ? J’ne sais plus, exactement. » Il réfléchit puis haussa les épaules. Cela n’avait pas d’importance. L’âge devenait plutôt dérisoire passé un certain stade. « A la mort de mon père, j’ai pris le bateau pour fuir les conditions de vie. C’est comme ça que mon jumeau et moi avons atterri à El Bahari, où nous avons fait naufrage. J’y ai vécu la plupart de ma vie, entre deux voyages en mer. » Il entrevit son expression de confusion et sourit, lui offrant quelques explications en plus. « Je n’ai qu’un seul frère de sang, mon jumeau. Le deuxième, celui qui est soldat à Hellas, est un frère d’autres parents. » Il s’arrêta là afin de ne pas l’assommer avec une masse de données pas forcément intéressantes. Au lieu de ça il laissa la conversation voguer librement entre quelques silences, ce qui l’amena à laisser parler ses intentions profondes. Soucieux, il se sentit un peu mal de voir le trouble revenir tout à coup sur les traits de porcelaine d’Othello. Il était désormais trop tard pour se raviser.

« Je comprends. » Il acquiesça sans insister et effleura ses mains de son pouce. Il doutait sérieusement que les clients du Grand Bosco soient familiers avec les prêtresses, mais par les temps qui couraient, on n’était jamais trop prudent. C’était déjà pas mal qu’elle accepte d’aborder les secrets couvant entre sa peau et cette marque indélébile. Il saurait s’en satisfaire. Un certain réconfort afflua à travers ses longs doigts, oscillant entre sa main et celle de la sirène. Il assimila les instructions avec une attention plus forte que jamais. Avec une quiétude soulagée maintenant qu’elle lui donnait une chance, il acheva en un murmure. « Je trouverai et vous y rejoindrai, mettons dans une heure. » Il avait encore quelques affaires pendantes à régler, et puis ce temps était la moindre des courtoisies envers celle qui acceptait de l’accueillir à l’improviste. Une heure, c’était tout ce qu’il lui fallait pour aller au port signer quelques papiers et déléguer le gros des tâches. Mais pour ça, il fallait se résoudre à partir et se séparer pour un moment. Il soupira. Se tut. Soupira à nouveau, puis délivra enfin sa main, à contrecœur.
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