Two lost souls [Pv Hélia]

* Ne t’arrêtes pas ! Avance ! Si tu t’arrêtes ici, tu meurs ! *

J’ai beau me le répéter en boucle comme un mantra, j’ai beau me flageller mentalement pour avancer, mon corps, lui refuse de continuer. Mes membres tremblent sous l'effort et la douleur, mon flanc me lacère et l'orage qui gronde, la pluie battante qui tombe n'arrange rien. Le froid qui me ronge ne fait qu'empirer les choses. Mais pas question que je meurs ici ! Il faut au moins que je regagne le pied de la chaîne montagneuse, que je trouve un village. Je ne suis plus très loin.

* Il faut surtout sur je trouve un moyen de me débarrasser de cette fichue lance… *

Je tourne la tête vers l'objet de mes maux. L'arme est plantée dans mon flanc gauche et me fait souffrir le martyre. Impossible de l'atteindre sous ma forme monstrueuse et sa position m'empêche de reprendre forme humaine. Si je le fais, c'est l'hémorragie qui m'attend. C'est déjà le cas en quelque sorte, mais ça serait bien plus grave de me retrouver avec une lance fichée dans mon corps d'humaine.

Trouver un village, quelqu'un capable de me retirer cette chose et de stopper le saignement est ma seule chance de survivre.

* Sauf que je risque de me retrouver avec d'autre armes plantées dans le corps si je rejoins un village sous cette forme *

Une situation bien merdique, en résumé.

Qu'est-ce qui m'a conduit dans les pics dentelé, du côté de Mephrit ? La même chose qui m'a fait sortir de prison, voyons, l'appel du sang.

Le sous-entendu de la Commandante des Cavaliers Rouges lors de nos entretiens concernant l'affaire de Vrass n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Toutefois, j'avais préféré attendre que la mission sous la tutelle de la Gorgoroth soit terminé pour rendre la monnaie de sa pièce à un certain Cavalier. Sauf que j’avais appris, à mon retour, que le bougre était dans le Duché de Méphrit. La raison ? J’en m’en fiche pas mal, seule ma petite vengeance m’importe.

Et me voilà donc dans les Pics Dentelés, à traîner ma carcasse vers un endroit sûr suite à une rencontre avec une bande de vagabonds. Ils n'avaient rien de bien effrayant, en soi, pour un Cavalier aguerri. Sauf que le nombre jouant en leur faveur, je me suis retrouvée forcée à me transformée. Si j'ai réussi à me débarrasser des badauds, ceux-ci m'ont laissé un beau souvenir en guise d'adieu…

* Quelle idée de vouloir chasser l'autre ! * Je me maudis intérieurement. Ah fierté ! Quand tu nous tiens !

Ce moment d'inattention me coûte cher. L'une de mes pattes avant faibli et me voilà en train de dévaler le reste du flanc rocheux que j'arpentais. J'atterris avec un râle douloureux sur un un tas de gravats.

* Debout ! *

J'essaie de me révéler. Mon corps refuse de m'obéir, il est douloureux. Je laisse un grognement rageur m'échapper.  Je réussi un instant à me tenir debout mais mes pattes me lâche.Il me semble avoir perçu une silhouette non-loin mais je ne suis plus sûre, tout est flou et je finis par sombrer dans l’inconscience.

Survivre à Taulmaril et mourir bêtement d’un coup reçu par des rôdeurs. Quelle ironie !

C’est la dernière pensée qui me traverse avant de perdre conscience. Cette fois, la fin est là. J’ai même l’impression d’avoir aperçu la mort se pencher sur ma personne, juste avant de plonger dans l’inconscience. Je n’aurai pas cru qu’elle aurait un visage si charmant. Ou peut-être ai-je eu la chance de croiser quelqu’un dans un lieu aussi reculé ? Cela paraît peu probable tout de même…

On compare souvent la mort à un repos éternel mais il n’en est rien. Ma mort à moi n’a rien de reposant, en tout cas. Je suis hantée par d’anciens souvenirs et de vieux spectres. Je revois mon père, ma mère, mon arrivée à Thémisto, certains souvenirs de Taulmaril. Tout se mélange, se déforme comme si j’étais en train de divaguer. Et quelque part, perdue dans un flot de douleur, je me demande si je ne suis pas seulement en train de divaguer. Ou est-ce le châtiment que les Dieux ont décidé de m’infliger ?

- Yukia… Pourquoi as-tu fais ça ?

Les jardins de Sirtha ont brutalement laissé place à la mer de cadavres de Taulmaril. Je cligne des yeux, l’espace d’une seconde, cherchant mon père. Il apparaît devant moi, mon épée plantée dans l’abdomen. Mon sang se glace en un instant tandis que je comprends le sens de sa question. Non… Je n’ai jamais… Je tends la main dans sa direction, il disparaît tandis que la morsure froide de l’acier tiraille mes propres entrailles. La douleur me fait plier genoux tandis qu’un autre spectre mort de ma main apparaît face à moi.

- Illiria ?

Pour toute réponse, la Lhurgoyfs  - que j’ai moi-même tuée à la fin de la guerre - lève son épée au-dessus de sa tête, visiblement prête à me rendre la pareille. J’essaie de bouger, d’attraper l’épée qui traine à côté mais mon corps est complètement figé, je ne peux pas bouger ne serait-ce que d’un millimètre. Je peux juste attendre que le coup fatal s’abatte. Il s'abat dans la seconde qui suit.

Je me réveille en sursaut, l’image d’Illiria abattant son épée sur moi dansant encore devant mes yeux l’espace d’une seconde. Il me faut un instant pour reprendre pied avec la réalité. Visiblement, je ne suis pas morte. Pas encore du moins… Les souvenirs me reviennent peu à peu tandis qu’une douleur lacérante me tenaille l'abdomen. Je grogne, essaie de me redresser sans succès. J’arrive seulement à me redresser assez que pour tenir sur un coude. De l’autre bras, je soulève le drap qui me couvre.

- Bordel... Je siffle tandis que j’examine l’ampleur des dégâts causés par cette lance de malheur.

Ce n’est pas joli à voir, même si la blessure a été grossièrement recousue. Les points sont beaucoup trop gros et saignent. Mais bon, j’ai bien conscience que cela m’a tout de même sauver la vie, du moins pour le moment. Il ne reste plus qu’à espérer que mon corps arrive à s’en remettre. C’est fort peu probable sans l’intervention d’un médecin. Je ne peux guérir moi-même une blessure d’un telle ampleur et la fièvre m’a déjà gagnée. Les choses se présentent mal.

Je souffle, me laisse retomber sur la couche sur laquelle je suis allongée. Comment je suis arrivée là, déjà ? J’essaie de me rappeler, sans y arriver. Le dernier souvenir que j’ai, c’est d’avoir atterri au sol après avoir dévaler le flanc rocher du pic sur quelques mètres. J’étais certaine d’être seule et là, je me retrouve dans sous un abri de fortune. Je creuse ma mémoire, essayant de comprendre comment je suis arrivée là sans y arriver. C’est alors que des bruits de pas se font entendre. Instinctivement, j’essaie de me redresser et jette une main sur le côté, à la recherche d’une arme. Je n’ai malheureusement rien sur moi. L’epée empruntée au Manoir Cavalieri s’est perdue dans la mêlée avec les rôdeurs. Quant à mes propres armes, elles sont restées dans mes quartiers, à Thémisto. Elles étaient trop voyantes pour qu’elle ne me trahissent pas si je devais prendre Dréis en filature, aussi avais-je décidé de les laisser. Une bonne idée au final, j’aurai été peinée de les perdre dans un tel endroit.

Le fait est que je me retrouve donc sans défense face à un étranger arrivant dans ma direction. De toute façon, dans mon état actuel, je n’aurai rien pu faire...[/i]

Dans mon malheur, il semble que j’ai tout de même un peu de chance.

Dressée tant bien que mal sur mes coudes, j’attends. on corps est aussi tendu que la corde d’un arc à flèche prêt à tirer. Mon cerveau, lui tourne un plein régime, étudiant les options. Attaquer - de façon frontale ou non - ne semble pas être une très bonne idée. La fuite ? C'est un option. Je pourrai me téléporter plus loin. Mais sans cheval et blessée comme je le suis, je n’irai pas bien loin.

Je prends donc le parti d’attendre.

Les bruits de pas se font plus proches. Et finalement, une silhouette surgit. Une jeune fille, tirant un gibier derrière elle. Elle ne semble guère hostile. Du moins, ce que j’arrive à voir dans son regard, dans un premier temps, n’a rien d'hostile. Juste de la surprise et de la déception. Il semble se passer mille chose dans sa tête. Je me contente de la fixer, silencieuse. J’imagine que c’est elle qui m’a trainé ici.

Elle prend la parole, me faisant arquer un sourcil. Elle m’a trouvé sous ma forme monstrueuse mais cela ne semble pas la terrifier plus que cela. Les conclusions sont vite faites. J’ai devant moi l’une de mes congénères ou quelqu’un qui les connais assez bien que pour ne pas être effrayés. Connaissant notre nature un tantiner belliqueuse, ça reste tout de mêm dangereux de traîner un lhurgoyf inconnu dans son camp.

J’évite toutefois de me plaindre ou de le faire remarquer. Je dois la vie à cette femme après tout.

Je la suis du regard tandis qu’elle traîne sa prise un peu plus loin, allume un feu et se met à dépecer la carcasse. Elle a l’air d’avoir une sacrée force. Elle a également l’air d’avoir roulé sa bosse. Si son allure n’est pas aussi piteuse que la mienne, on ne peut pas non plus dire qu’elle a l’air en pleine forme.  A qui ai-je à faire ? Une simple voyageuse ? Aucune idée mais ce n’est clairement pas une ennemi et c’est tant mieux. Tandis qu’elle est tout affairée à sa besogne, nos regards se croisent. Le sien se pose sur ma blessure. Elle s’excuse pour la grossièreté du travaille, je hausse les épaules pour lui signifier que ce n’est pas grave.

Ca risque de vite le devenir si on ne trouve pas un médecin digne de ce nom mais c’est ce qui m’a certainement gardé en vie jusqu’ici.

Un sourire amusé étire mes lèvres tandis que j’attrape le gobelet qu’elle me tend. Je dois avouer qu’un peu d’eau est la bienvenu. Mais ce qui m’amuse c'est son attitude presque naïve.

- Les temps ont bien changé, on dirait ? Je me rappelle qu’il fut un temps où il n’était pas bien vu, voire mortel, de se présenter comme Lhurgoyf.

Je fixé la dénommée Hélia, le regard rieur tandis que je porte le récipient à mes lèvres. Ca fait du bien de boire, il faut bien l’avouer.

- Ne t’en fais pas pour la blessure. Une cicatrice de plus ou de moins. De plus, je te suis redevable. Il serait malvenu de me plaindre. Et pour répondre à ta question, je me nomme Yukia.

Le silence plane un instant tandis que je sirote mon verre. Je n’ai pas réellement grand chose à raconter et un mal de tête horrible me tiraille, conséquence de la fièvre qui m’assaille. Je n’ai pourtant pas le temps de me reposer.

- Je te remercie d’avoir pris le temps de me soigner mais je pense qu’il va falloir que je te laisse. Mon cheval doit sans doute roder dans le coin et il faudrait que je trouve un médecin. Sais-tu où se trouve le village le plus proche ? Je demande tandis que je fais mine de me redresser en position assise.

Mais aussitôt la tête me tourne et je suis prise de vertige, sans parler de mon abdomen qui me tiraille douloureusement.  J’arrive à rester dans cette position uniquement parce que je prend appui sur une main. Je passe l’autre sur mon visage, comme si ce geste allait chasser mes maux. Visiblement, je suis bloquée ici pour un moment…