All I ever wanted was the world [Alba Tor]

Une rumeur susurre à l'oreille de l'impératrice de l'ombre. Un murmure qui court d'une rue à une autre jusqu'à trouver un écho dans une ruelle sombre. L'information en devient une, écrite noir sur blanc, dans un article de journal. Une phrase perdue dans une rubrique sans doute trop peu lu. Sans doute puisque la rumeur qui lui parvenait aujourd'hui, murmurait que personne ne s'était intéressé à elle. Pauvre enfant, désormais esseulée dans l'impasse des oublis, elle se mourra, inconnue de tous, sa valeur à jamais perdue. Heureusement, une main salvatrice se tendra vers cette rumeur monnayable. Une main douce et habile. Aux doigts crochus peut-être, mais d'or et d'argent. Nyx est une impératrice magnanime, voyez toute sa bienveillance, soyez témoins de son éternelle mansuétude.

Dans les rues malfamées de la ville des mensonges mal camouflés en vérités effroyables, l'ombre d'une silhouette féminine passerait presque inaperçue. Presque. Car la demoiselle n'est pas sans attirer les regards. Elle ne cache pas, ni son charme, ni son corps. La danseuse ne craint pas les malfamés, sans doute parce qu'elle en est certainement une aussi, peut-être aussi parce qu'elle n'était pas seule. Nyx n'est de toute manière, jamais vraiment seule.

Aujourd'hui, elle était accompagnée d'Erèbe son fidèle compagnon et d'un compère plus insolite, un yorka ne dépassant le mètre que du haut de ses grandes oreilles.

« Tu es sûre de ton information ? »

Le terran à la voix caverneuse trouve la rumeur trop belle pour être vraie. Peut-être n'a t-il pas tort ? Sa prudence serait sans doute d'une grande aide à la jeune femme aux cheveux noir de suie qui acquiesce légèrement.

« T'as pas intérêt à t'gourrer poulette, si j'ai fais tout c'putain de ch'min pour rien, j'te fais bouffer ta prochaine idée d'génie. »

Le yorka, avec sa petite taille et sa bouille de lapin, était, à n'en pas douter, aussi adorable que son pompon. La délicieuse créature encadrée de ses deux acolytes, lève ses jolis yeux émeraudes au ciel bien gris de Tyrhénium. Elle ne répondra pas davantage ni à l'un, ni à l'autre, car le temps qu'ils se plaignent, ils étaient arrivés devant la boutique recherchée. L'Atlantis. Un sourire carnassier mord les lèvres de la danseuse, une timide canine fait un bref instant sans apparition, la jeune femme semblait excitée à l'idée de faire ses emplettes..

Les trois compères entrèrent, Manat, la sulfureuse et enjouée danseuse, en tête. Leurs yeux furetaient déjà un peu partout, comme des clients curieux. La jeune femme s’avança davantage entre les babioles qui attiraient certes son regard mais guère son attention, elle se doutait que ce qu'elle cherchait n'était certainement pas parmi ces bricoles là.

S'approchant d'un large dos, la délicate chose tapota ingénument sur cette épaule inconnue. De sa voix de miel épicé et de sable chaud, elle demandait avec politesse :

« Excusez-moi, pourriez-vous me dire où je peux trouver le propriétaire des lieux ? »

All I ever wanted was the world.ft.Nyx Ananké

Comme le dit le vieux dicton, tout vient à poindre à qui sait attendre.

Alba le sait. Rien n’est jamais stable en affaire, tout fluctue. En ce moment, l’Atlantis semble être dans une période creuse. Le calme règne dans le magasin et il peut se passer des journées entières sans qu’une seul client respectable ne passe la porte de l’antiquaire. Oh bien sûr, ses affaires secondaires marchent très bien, et c’est une chance ! Si Alba avait dû compter sur les seules recettes des ventes officielles de l’Atlantis, il aurait déjà dû mettre la clé sous la porte depuis longtemps.

Sa situation est loin d’être précaire mais cette accalmie le dérange. Alba est un homme d’action, il aime quand les choses sont animées !

Dans l’espoir d’amener la clientèle à lui, il avait suivi les conseils soufflé par son apprenti quelques semaines plus tôt. P’tit Brigg lui avait suggéré d’essayer de faire de la promotion du commerce via le journal de Tyrhénium. N’ayant pas grand chose à perdre, le vert avait suivi les conseils de son protégé. Quelques pièces données par-ci, par-là avait suffi. L’Atlantis était désormais dans la gazette de Tyrhénium ! A lui les clients !

Alab s’y voyait déjà, la boutique pleine craquer suite à son annonce. La réalité fut toute autre. L’annonce avait effectivement attiré quelque curieux mais pas autant qu’aurait voulu le Zélos. Et aucune de ses pièces maîtresses n’avait trouvé acheteur.

Cette journée ne déroge pas à la règle. En ce début d’après-midi les affaire sont calmes. Il n’y a strictement rien à faire. Alba - qui n’a que pour seule compagnie aujourd’hui son fidèle animal de compagnie - s’ennuie à mourir. Installé au comptoir du commerce, il lance des fruits sec à Pitchik qui les rattrape au vol. Une bien piètre distraction mais il ne peut malheureusement rien faire d’autre. Brigg n’est pas là et il ne peut donc pas lui refiler le sale boulot de garder un commerce aussi calme qu’un cimetière.

Le carillon de la porte d’entrée retentit alors, comme le glas annonçant la fin de l’ennui du géant. Il se décale légèrement, de sorte à pouvoir bien avoir une visuel le potentiel client venant de faire son entrée. Ou plutôt les potentiels clients. Quel étrange trio ! Une délicieuse créature, un homme à la peau d’ébène et... un lapin. C’est surtout ce dernier qui étonne le plus le Corsaire. Mais en bon professionnel, il ne laisse rien paraître. Ca serait con d’auto-saboter sa vente…

- Il se trouve juste devant vous. Répond-t-il à la jeune femme avec un sourire affable tandis qu’il s’incline légèrement en guise de salutation. Puis-je vous être utile d’une quelconque manière ?

Question purement rhétorique, bien sûr. Alba se doute qu’ils doivent être là pour une raison précise. Ils n’ont rien à avoir avec les clients habituels - du moins ceux qui fréquentent habituellement “cette partie” de l’Atlantis. Rien à voir avec les riches bourgeois ou les nobles venant acquérir de nouvelles bizarreries pour agrandir leur collection personnelle. Comment peut-il en être aussi certain ? C’est une simple intuition. Peut-être se trompe-t-il. Mais depuis le temps qu’il fait ce métier, Alba a semble-t-il développer un don pour deviner si les personnes passant le pas de sa boutique vont faire des achats ou non. Espérons que son intuition ne le trompe pas !

C'est un musculeux zélos qui répond à l'appel. Un grand gaillard dépassant aisément les deux mètres, une peau olive et des crocs proéminents, aucun doute sur sa nature. L'un de ses crocs était brisé mais, visiblement, l'homme l'avait tout de même gardé avec lui.. transformant cette petite partie de lui-même en un bijou qu'il arborait à son oreille gauche. C'était à la fois astucieux et un brin dérangeant. Nyx aimait.

Habillé légèrement mais d'un tissu de qualité, il souriait et saluait ses potentiels clients avec toute l'amabilité d'un commerçant avisé. Les prunelles émeraudes de la danseuse dévisagent sans pudeur ce charmant visage à la mâchoire carré.

- Enchantée de faire votre connaissance.

La belle s'incline à son tour, soulevant les bords de sa longue jupe de danseuse avec un brin d'ironie. Imiter les nobles manières lui procuraient toujours un certain plaisir de dérision. Pourtant, la danseuse ne s'exécutait pas sans grâce. Se redressant, elle balaya la salle du regard avant de revenir au propriétaire des lieux.

- Mes compagnons et moi-même avons entendu parlé de votre boutique, il paraitrait que vous auriez mis la main sur des objets aux propriétés intéressantes.

Un sourire entendu mord les lèvres charnues de la délicieuse créature qui soutient le regard du Zélos sans frémir, ni rougir. Il était certain que l'homme devait faire tourner les têtes et coeurs. Si la jolie terrane dépassait le mètre soixante-dix, elle devait malgré tout, lever le menton pour observer le visage du commerçant, une posture qui lui donnait un petit air conquérant. Une sirène en figure de proue d'un navire pirate face à un corsaire torse nu.

- Je suis Manat, poursuivait-elle avant d'indiquer rapidement ses taciturnes compagnons, et vous trouverez ici Hajr et Sylk. Ils ne sont pas très bavards mais ne vous causerons pas d'ennui.

La danseuse espérait dissiper un malentendu possible sur la présence de ses deux compères; ils n'étaient pas là pour intimider le marchand. Si tant est qu'un lapin et un terran puissent intimider un zélos. En Istheria tout était possible et les choses les plus innocentes pouvaient être aussi les plus mortelles.

All I ever wanted was the world.ft.Nyx Ananké

Voilà un bien étrange trio, vraiment…

Étrange mais avec un quelque chose de captivant. Et ce “quelque chose” de captivant semblait l’observer avec attention. Alba ne s’en formalise nullement. Il sait que son apparence dénote, même dans une ville aussi haute en couleur que Tyrhénium. Ca ne le dérange pas du tout, il en tire même une sorte de plaisir personnel. Est-il vaniteux ? Peut-être un peu…

Ses prunelles marrons détaillent à leur tour son interlocutrice avec un peu plus d’attention. Une belle femme. Sublime même. Alba a rencontré nombre de charmantes demoiselles dans sa vie mais il y a quelque chose de différents chez celle-ci. Il ne saurait dire quoi exactement. Cette terrane dégage un quelque chose de tentateur qu’il n’a jusqu’alors encore jamais ressenti chez celles de sa race. Et alors qu’elle se mord la lèvre, l’idée de l’inviter à découvrir les délices de Tyrhénium traverse l’esprit du Zélos. Peut-être bien… Il verra en fonction de la vente qu’il semble s’apprêter à faire.

- Alba Tor, pour vous servir. Se présente-t-il à son tour tandis que son regard embrasse le trio.

Il s’attarde sur les deux autres protagonistes présents. Ils sont effectivement peu bavards mais semblent également peu commodes. Les deux acolytes restent toutefois paisibles, aussi le Zélos ne s’en préoccupe pas plus que cela. Non pas qu’il soit intimidé mais il sait qu’un simple regard trop insistant ou un sourire mal interprété peut parfois mettre le feu aux poudres. Mais bon… Généralement, ce genre de débordement n’arrive que dans “l’arrière-boutique”.

C’est un étrange trio mais tout devrait bien se passer. Pourquoi en serait-il autrement ?

- Pour revenir au sujet de votre venue, nous possédons effectivement quelques objets “aux propriétés intéressantes”. Dit le Zélos avec un sourire mutin, reprenant volontairement les mots de la dénommée Manat.

Le Corsaire tourne le dos un instant à ses clients, attrapant un coffret située en hauteur juste derrière le comptoir. Il a une idée de ce qui les amène ici mais feint l’ignorance. Il est visiblement décidé à s’amuser un peu en jouant le numéro du parfait commerçant.

- Nous avons quelques sphènes de très bonne qualité. Continue-t-il en déposant un coffret sur son comptoir. Il s’empresse de l’ouvrir pour laisser à découvert trois magnifiques sphènes. Il fait mine de réfléchir un instant, se dirige vers une vitrine en verre et en sort un magnifique bracelet de bronze orné d’une pierre à l’éclat étrange. Il y également ce bracelet capable de rendre invisible. L’effet est toutefois très court. Moins d’une minute. Il dépose l’objet sur le comptoir et s’accoude à celui-ci tandis qu’il plante son regard dans celui de la demoiselle. Nous possédons également diverses amulettes anciennes qui, selon la légende, attireraient la chance ou chasseraient les mauvais rêves. Mais une fleur comme vous mérite ce qu’il y a de mieux et je pense avoir une petit quelque chose qui vous siérait à la perfection.

Alba offre un énième sourire à Manat avant d’ouvrir, cette fois-ci, le coffre fort se trouvant sous le comptoir. Il en sort un écrin qu’il pose, lui aussi, sur le comptoir avant de l’ouvrir délicatement.A l’intérieur, une boussole tout ce qu’il y a de plus banal, même si elle semble être de bonne facture. Le Corsaire fait un nouvelle fois le tour de son comptoir tandis qu’il ouvre le clapet de l’objet.

- Entre mes mains, on dirait une simple boussole indiquant le nord. Explique-t-il tandis qu’il se plante face à la délicieuse jeune femme. Mais si on la pose dans les mains d’une personne désirant ardemment quelque chose.

Le vert laisse sa phrase en suspens et, de sa main libre, saisit délicatement celle de son vis-à-vis. Elle semble si petite et menue dans son énorme paluche verte. Sans jamais lâcher le regard de la Belle. Un sourire malicieux étire tandis qu’il dépose le précieux objet dans les mains de cette dernière.

- Mais dans les mains d’une autre personne… Cet objet devient une porte vers ce que vous désirez le plus. Pensez-donc à quelque chose que vous que vous souhaitez ardemment obtenir et… Observez.

Rien ne transparaît chez Alba, si ce n’est sa confiance inébranlable en lui-même. Il est sûr de lui et sait que c’est cet objet qui a piqué la curiosité de ce petit trio. Il est même étonné que l’annonce n’ait pas poussé les foules dans sa boutique. Peut-être que personne n’y a cru. Pourtant, point d’arnaque cette fois-ci. L’objet est bel et bien enchanté et possède la propriété que le Zélos vient de décrire.

On serait en droit de se demander pourquoi il ne garde pas un tel objet pour lui. Et bien, la réponse est assez simple. Alba est un homme qui vit dans le présent et se laisse porter par ses envies. Il possède déjà tout ce qu’il désire, en quelque sorte. Que ferait-il d’un pareil artefact ? Rien de bien exceptionnel. Il préfère le laisser entre les mains de personne qui pourront exploiter son potentiel.

Ce sera peut-être ce petit groupe. Enfin, si tant est qu’il possède les fonds pour l’acheter.

Alba Tor. La terrane acquiesce à cette présentation. Ce nom, elle le connaissait déjà. Elle ne serait pas venue jusque là sans faire ses petites recherches avant. Pourtant, l'identité qui s'incarne désormais dans ce corps d'apollon, gagne à n'en pas douter, des atours bien plus attrayants que toutes les informations qu'elle avait pu rassembler sur le propriétaire de l'Atlantis.

Le commerçant affiche un sourire assuré, un brin mutin, sans doute pas peu fier d'avoir, en effet, des objets intéressants en sa possession. Il se détourne un instant pour revenir avec un coffret contenant trois pierres de sphène. Manat se plie au jeu de l'aventureuse cliente et s'empare précautionneusement d'une des pierres. Une sphène d'un vert presque aussi lumineux que celui de ses prunelles émeraudes. Le joyau était beau. L'éclat divin de son potentiel se reflétait dans les iris de la délicieuse créature qui, pourtant, ne semblait pas vraiment regarder l'objet. Elle le reposait délicatement dans son écrin, à côté d'elle, Sylk s'approchait. Il jeta un oeil aux pierres mais ne chercha pas à s'en saisir ou à les examiner davantage.

Le Zélos revenait à présent avec un bracelet de bronze orné d'une pierre qui devait sans doute être une sphène elle aussi. Il aurait la capacité de rendre invisible son porteur pour une courte période. Une fonction fort pratique.. mais le regard de la terrane ne quitte pourtant pas celui du zélos, elle ne s'intéressera pas à ce bracelet. Et il le sait. Pas plus à cet artefact qu'à toutes les amulettes anciennes prétendument porteuses de chance. Tout cela n'attise pas l'intérêt de la demoiselle et elle devine désormais que l'homme qui soutient son regard en souriant, en est parfaitement conscient. Il a déjà deviné l'objet de son désir et joue de ses marchandises comme de préliminaires.

Quand finalement, il se penche pour ouvrir un coffre que Manat ne peut que deviner, la jeune femme jette un regard à ses compagnons, restés en retrait. Hajr, fidèle à lui-même, lui renvoi un regard sévère, il n'a aucun mal à lire l'excitation que la belle ne cherche pas à cacher. Quant à Sylk, le yorka s'est penché sur le bracelet posé sur le comptoir, devant son oeil droit, un étrange monocle fait de couches d'engrenages successifs semble lui servir de loupe. Le nouveau coffret que pose le zélos devant sa potentielle client, attire à lui toute l'attention de la danseuse.

Il s'ouvre sur un objet somme toute commun, une boussole au design simple, anodin, sans grande fioriture. Si elle semblait certes être de bonne facture, elle ressemblait en tout point à la plupart des boussoles qu'on pourrait trouver dans les poches des marins de Noxis. Sauf que celle-ci n'appartenait pas à un marin mais à un marchand bien trop perspicace pour se laisser tromper par l'apparente simplicité de l'objet.

Le zélos saisit avec délicatesse la main de la jeune femme, la chaleur de ce contact détache le regard de la sulfureuse danseuse de l'objet pour le porter sur le visage du Corsaire. La malice qui habitait le regard et le sourire de l'homme trouvera un écho charmant sur les lèvres séductrices de la demoiselle.

- Vous êtes un homme très perspicace, monsieur Tor. Je tremble que vous lisiez dans mes pensées et n'y découvriez mes plus ardents désirs.

À son tour, elle reprenait les mots du zélos, y ajoutant l'épice de sa propre malice. Son regard aussi assuré que celui de l'homme s'abaisse pourtant, le métal de la boussole était froid au creux de sa main. L'aiguille qui devait indiquer le nord resta un instant figée. Devait-elle s'adapter au porteur ? Dans la main du zélos, l'aiguille indiquait sans hésitation le nord.. à croire que l'homme ne désirait rien de plus que ce qu'il ne possédait déjà, la boussole ne devenant alors, qu'un simple outil d'orientation. Cela avait éveillé en Manat une pointe de méfiance mêlée bien malgré elle d'admiration, un homme qui ne désirait rien était dangereux. Cela dit, la boussole ne devait pouvoir indiquer que des choses matérielles précises, difficile d'atteindre un concept, si l'homme désirait la gloire ou la fortune, pointer une direction précise ne devait pas être dans les capacités de l'objet.

Mais l'artefact serait-il capable de repérer ce qui éveillait le désir le plus profond de la fausse terrane ? Une simple boussole, pouvait-elle guider ses pas vers ce qui serait, sans l'ombre d'un doute, son plus grand accomplissement ? Un si petit objet pourrait-il supporter le poids d'une tâche aussi colossale, d'un désir si ardent qu'il pourrait consumer la terre et enflammer les cieux ? L'intensité du regard que portait la jeune femme sur la boussole aurait pu briser la vitre qui protégeait l'indécise aiguille, si cette dernière ne s'était pas soudain décidée à bouger. Brusquement, le bout de métal fit tout un tour de cadran avant de s'arrêter net, pointant avec détermination la poitrine de la jolie créature.

La réponse était-elle là ? Dans ce coeur que beaucoup désigneront un jour, sans le connaître, de froid et carnassier. Un léger sourire glisse sur les lèvres de la facétieuse jeune femme. Se trouver, elle, son plus grand désir ? Elle ne croyait pas à toutes ces inepties de conte de fées. Des contes inventés par ceux qui avaient abandonner aux abimes les atrocités de la réalité, niant génocides et barbaries, pour border leurs bambins d'histoires héroïques où le héros, à la fin, emballait la princesse grâce à la puissance de son grand coeur. De ces histoires, Nyx était sans doute la méchante sorcière. Le monstre caché sous le lit. L'obscurité qui effraie les enfants, l'inconnu qui terrifie leurs parents.

Le voile noir qui couvre ses jambes murmure avec sensualité contre sa peau alors que la chimère se tourne lentement. Le monstre était séduisant. La sorcière charmante. L'obscurité tissait ses cheveux en une interminable tresse. L'inconnue était, le réceptacle de tout un peuple oublié. Etait-elle si effrayante, elle qui tenait dans sa délicate dextre, le flambeau qui devait illuminer un chemin si tortueux que peu s'y aventurerait ?

L'aiguille, irrémédiablement, gardait le même cap alors que la demoiselle se retournait. Elle ne pointait certainement pas le coeur battant dans la poitrine de la charmante créature. Elle indiquait pourtant la direction de coeurs à venir. Ses longs cils s'abaissèrent alors qu'elle fermait les yeux, dissimulant derrière ses paupières closes, l'espoir fou qui embrasait ses prunelles. A-t-on jamais vu un monstre avoir de la reconnaissance ? La délicieuse sorcière finit par afficher un sourire convaincu, rouvrant les yeux pour se tourner vers le zélos.

- Visiblement, elle ne m'indique pas le nord.

Manat rit légèrement avant de reposer la boussole dans son écrin. Elle s'en sépare sans apparente difficulté. À côté d'elle, le yorka a reposé le bracelet, ses oreilles se redressent un peu sur le haut de sa tête, Manat acquiesce avant de tourner ses jolis yeux émeraude sur le visage du zélos.

- Accepteriez-vous que mon ami examine l'objet ? Il saura bien mieux que moi juger de la valeur de cet artefact.

Voilà donc sans doute, la raison de la présence du yorka, son expertise en objets magiques. Le marchand ne prendrait sans doute pas ombrage de cette contre-expertise, c'était après tout une pratique assez courante dans l'achat d'objets rares mais, Manat préférait s'assurer de son accord. Elle ne voudrait pas vexer celui qui était enclin à céder un objet aussi utile entre ses mains.

- Combien en demandez-vous ? En dias ou en.. services.

La jolie terrane sourit avec assurance, elle indique ici qu'elle connaît le double visage de l'Atlantis, quand bien même elle a décidé d'entrer par la grande porte. Elle était prête à vendre ses services et probablement ceux de ses compagnons, comme le feraient des ladrinis.

All I ever wanted was the world.ft.Nyx Ananké

C’est bel et bien pour cette boussole que ces trois-là sont venus.

S’il en doutait encore, Alba a la confirmation de ce fait tandis que les yeux de la délicate Manat se mettent à briller d’impatience tandis qu’il dévoile la pièce maîtresse de sa collection actuelle. Le Corsaire ne peut s’empêcher de faire son petit numéro. Cette petite comédie, c’est ce qui fait le charme de l’Atlantis, au même titre que les objets rares et insolites qui remplissent les étagères de l’antiquaire tyrhénien. La jeune femme à la chevelure d’ébène ne se fait d’ailleur pas prier pour rentrer dans le jeu du Zélos, reprenant les mots de ce derniers, chose qui l’amuse au plus haut point.

Et voilà qu’il dépose délicatement la boussole enchantée dans les mains de la demoiselle. Le calme semble régner tandis que l’objet s’active doucement. Que va désigner la boussole ? Alba est curieux de la savoir.

De tout ce qui a pu passer les portes de l’Atlantis, cette boussole fait, sans conteste, partie des objets les plus insolites et intéressants. Un Ladrini l’avait stockée dans le dépôt tenu par le vert, quelques mois plus tôt. L’objet, bien que de bonne facture n’avait pas réellement attiré l’attention d’Alba qui s’était simplement questionner sur les raisons qui pouvait pousser son compère à vouloir déposer un objet aussi banal chez le Tor. C’est pourtant connu, les intérêts d’Alba sont plutôt élevés ! Le bougre n’était jamais revenu à l’Atlantis et le dépot qui ne devait durer que quelques semaines se transforma en mois. Le délais passé, l’objet devint donc la propriété d’Alba. Celui-ci n’en comprit pas toute de suite la nature, ce n’est que lorsque Brigg - son apprenti - pria pour une bière bien fraîche qu’il découvrit les facultés de la boussole. Elle avait subitement changé de direction, indiquant la position du Poisson Fringant. Comprenant qu’il détenait là un objet plutôt rare, Alba décida de le faire expertiser et de mener “quelques expériences” avec. Mieux vaut connaître la marchandise sur le bout des doigts avant de la vendre. Ainsi Alba a découvert que cette boussole peut indiquer la position d’objets ou de personnes mais pas de concepts tels que la Fortune ou l’Amour. De plus, la chose désirée n’est pas toujours indiquée avec précision. La boussole indique plutôt un périmètre où trouver ce que l’on convoite.

Mais que désirait donc la jeune femme face à lui ?

Elle-même, à en croire la boussole. Bien qu’il arbore toujours un fin sourire affable, une lueur furtive trahit l’interrogation qui traverse le géant, l’espace d’un instant. En voilà un étrange désir… Est-ce que Manat serait en quête d’elle-même ? Voilà quelque chose qui intrigue fortement le Zélos. Ce n’est pas une curiosité malsaine. Il se retrouve plutôt face à quelque chose de totalement inconnu. Lui qui a toujours été en accord avec lui-même, il n’a jamais ressenti ce besoin d’accomplissement personnel ou de quête de soi, contrairement à Khaas, le benjamin de la fratrie.

La douce voix de la terrane le ramène sur terre. Son sourire s’élargit tandis que la douce créature annonce que sa boussole n’indique effectivement pas le nord.

- Impressionnant, n’est-ce pas ? Pas de taquinerie ou de moquerie dans son ton. Alba expose simplement un fait, avec une certaine fierté que cet objet soit dans son magasin et nulle part ailleurs, évidemment.

Lorsque son interlocutrice lui demande s’il est possible que le Yorka examine la boussole, Alba se contente de s’incliner légèrement tout en désignant le présentoir d’un geste élégant, invitant ainsi Manat à laisser l’objet à son ami. La demande est accueillie avec professionnalisme. Les expertises et contre-expertises sont monnaie courante lors de ce genre de transaction.

Vient alors la question du prix.

Le sourire d’Alba change tandis que Manat fait référence à “des services”, il se fait plus joueur. Ce n’est pas une proposition anodine. Ce trio sait, ils connaissent son “autre activité”. Alba n’a donc pas affaire à des débutants. Cette transaction s’annonce peut-être plus intéressante que ce qu’il ne le pensait !

- Huit mille dias. Annonce-t-il, presque comme une sentence. Je peux consentir à descendre jusqu’à six mille. Je conçois bien que cela reste un prix assez conséquent mais cette boussole en vaut largement plus. Je pense que vous n’en disconviendrez pas.

Le vert plante un instant son regard dans celui de la jeune femme, puis dans celui du Terran silencieux avant de revenir vers la seule femme du trio. Quelque chose lui dit que c’est avec elle qu’auront lieu les négociations. Une lueur amusée illumine son regard marron. C’est ce qu’il préfère dans son métier, négocier. Mais pas question d’utiliser ses dons cette fois ! Ce serait bien moins amusant !

- Pour ce qui est des services, nous n'avons malheureusement besoin de rien de bien spécifique pour le moment. Mais puisque vous semblez bien connaître la boutique vous n’êtes sans doute pas sans savoir que les échanges de bons procédés ou le troc peuvent faire, eux aussi, office de paiement.

Une façon détourné pour Alba de faire comprendre qu’il sait qu’ils connaissent la véritable nature de l’Atlantis. Il n’a aucun soucis avec cela, cependant. Non, la transaction ne pourra qu’en être plus intéressante. Quelle que soit leur monnaie d’échange, ces trois-là ne sont certainement pas venu les mains vides. Et il a hâte de savoir ce qu’ils sont prêt à proposer pour acquérir cette boussole.

Un désir ardent animait la délicieuse créature qui endurait avec un flegme remarquable l'inévitable séparation qui l'éloignait de l'objet de ce feu dévorant. Avec la boussole, elle pourrait enfin délivrer les siens. Où qu'ils soient. Où que ces fourbes sylphides les aient cachés. Elle les trouverait. Tous. Un par un, s'il le fallait. Ensemble, enfin, ils formeraient à nouveau ce qu'ils furent autrefois, un peuple. À la différence près que cette fois, ils ne seraient les esclaves de personne.

Malgré la tension qui tendait toute son âme vers ce si frêle objet, la jeune femme gardait ses jolis yeux émeraude sur le visage du Zélos. Peut-être parce qu'il lui apportait la clef de nombreuses portes, elle le trouvait tout à fait à son goût. Une attraction qui ne fut que légèrement ternis par le prix annoncé du bien proposé. Huit milles dias. Une somme rondelette. Nyx n'avait pas autant de dias sur elle et sans doute pas autant non plus dans sa banque personnelle mais.. elle ne semblait pourtant pas paniquer face à ce tarif qui pourrait sembler exorbitant. Elle n'était pas naïve, elle savait que si l'objet avait réellement les caractéristiques décrites dans l'annonce, le prix serait élevé.

Elle savait donc avant même de franchir ces portes, qu'elle n'aurait sans doute pas assez de dias en poche. Comptait-elle détrousser le charmant Zélos ? Prendre la boussole sur son corps inconscient ou froid ? Les options étaient toutes sur la table mais, ce serait un réel gâchis que de priver Istheria de pareil Apollon. Nyx avait bien d'autres cartes dans sa main qu'elle préférait jouer avant d'en arriver à de telles tragédies.

Le Yorka se penche sur l'objet, ses étranges loupes se superposent à nouveaux devant ses yeux, il ne touche même pas la boussole. Manat jette un regard en arrière, vers son camarade terran qui approche et se défait du sac qu'il portait jusque là. Le posant sur la table qui séparait encore Manat d'Alba. Une distance que la danseuse semblait résolut à réduire alors qu'elle s'asseyait à demis sur le comptoir en regardant le Zélos, une lueur dans le regard qui semblera familière au commerçant. Ils partageaient visiblement un même amour de la négociation.

- Connaissez-vous la joaillerie argyrienne, monsieur Tor ?

La jolie terran plonge ses deux bras dans le sac, pourtant bien modeste, posé à côté d'elle. De la toile elle tira un petit coffre de bois, puis un second, plus imposant et un dernier, tout en longueur. Elle posait avec délicatesse les trois coffrets devant le commerçant, non sans se délecter de la curiosité qu'elle devait éveiller avec ces mystérieuses boites.

- C'est un art que nous avons hérités de nos ancêtres et qui, hélas, faillit sombrer avec la chute des princes marchands. Désormais, les tribus nomades sont les seules gardiennes de cette culture séculaire. Certaines produisent de merveilleux bijoux, en quantité très limité cependant, ce qui rend difficile l'exportation.

Effectivement, difficile de produire beaucoup lorsque l'on voyage sans cesse et que le matériel doit être transportable à travers le désert. Le doigts fins et parcourus d'arabesques tatoués au henné de la jeune femme parcours le dos des boites. Ils s'arrêtent sur le fermoir de la plus petite, le font sauter pour ouvrir le coffret sur un trio de bracelets d'argent gravés et sertis de pierres semi-précieuses. Le design était typique des tribus du désert, exotique, coloré, très éloigné des standards de la bijouterie éridanienne.

Spoiler:

- Des bijoux rares se vendent mieux me direz-vous.. encore faut-il qu'ils parviennent jusqu'aux boutiques et que leur rareté n'en fasse pas de simples curiosités, dont l'approvisionnement serait trop sporadique pour être rentable.

Manat n'avait aucun doute sur les capacités de son interlocuteur à voir où elle voulait en venir avec sa petite histoire. Ses doigts jouaient avec le fermoir d'une autre boite, tout en longueur il était difficile de deviner quel genre de bijoux elle pouvait renfermer. Une question à laquelle se proposait de répondre la négociante, ouvrant le couvercle sur de longs entrelacs d'argent et de pierres scintillantes. Elle s'emparait du bijou et le faisant glisser de ses poignets à ses bras se fit mannequin de sa propre marchandise. La forme et le type même de ce bijou étaient inconnus des bijouteries de Thyrénium.

Spoiler:

Pourtant si joliment décorés, les bras de la demoiselle ne cessèrent pas leur petit manège, s'emparant de la dernière boite pour la poser sur la cuisse de la danseuse à demis posée sur le comptoir. Ses prunelles émeraudes ne quittaient pas le visage du Zélos alors qu'elle poursuivait son discours.

- Que se passerait-il alors, si une de ces tribus décidait de s'installer quelque part, avec un pied à terre et des locaux équipés pour laisser libre court à leur art ancestral ?

Avec une lenteur mesurée, ses doigts caressaient le fermoir bien plus élaboré, il fallut un peu de dextérité et de connaissance du mécanisme pour ouvrir ce dernier trésor. La lumière tamisée de la boutique trouva un éclat infime sur une petite pierre presque transparente, avant de se répercuter par dizaine. Le coffret s'ouvrait sur une imposante parure d'or sertis de diamants, d'émeraudes et de perles de culture.

Spoiler:

- Argyrei est un pays riche en pierres précieuses et en savoirs-faire. Tout ce qui lui manque, c'est un chemin vers le reste du monde et des ambassadeurs avisés. J'incarne ce chemin et je peux vous approvisionner régulièrement si vous devenez mon ambassadeur à Thyrénium. Nous pourrions ainsi nous retrouver si souvent que cela deviendrait presque indécent.

La tentatrice créature sourit avec malice alors qu'elle laisse les boites ouvertes devant le Zélos. La parure a elle-seule pouvait sans doute être vendue dans les quatre milles dias, voire davantage, suivant à qui il s'adressait. Mais il était évident qu'un tel bijou demandait plusieurs mois de travail, les bracelets et les bijoux que portait à présent Manat sur ses bras, seraient sans doute plus facilement rentables.

- Je ne peux cependant pas vous laisser ces bijoux pour cette fois, je vais en avoir encore besoin.

La maligne créature sourit avant de poursuivre, laissant au marchand le soin de se questionner et d'éveiller en lui un désir d'exclusivité..

- Je vous propose donc le contrat suivant, vous vendez les bijoux argyriens dans votre boutique, je vous ferais des prix intéressants, surtout compte tenu de la distance à parcourir. Vous êtes libre de fixer vos propres prix pour la revente à vos clients.

S'il était bon commerçant, ce dont Manat ne doutait pas, il pourrait facilement gonfler les prix à la revente de vingt à trente pourcents, voire davantage. La bourgeoisie de Thyrénium succomberait au charme exotique de ces bijoux synonymes de sables brulants et de richesses mystérieuses. Cependant, si Manat ne laissait aucun bijou derrière elle, c'était un remboursement sur moyen terme qu'elle proposait en échange de la boussole. Si l'affaire pouvait se montrer très lucrative dans le futur, le présent restait vide de paiement. Et il n'était pas question pour la jeune femme d'attendre les prochaines livraisons pour s'emparer de la boussole.

L'argyrienne eut une légère hésitation avant de glisser une main dans les voiles de sa robe pour en sortir une enveloppe un peu cornée.

- Aimez-vous les soirées mondaines, monsieur Tor ?

Si le Zélos avait l'oeil observateur, il reconnaitrait sans doute le sceau certes brisé qui ornait encore le dos de l'enveloppe. Un lion ailé sagement assit dans la cire.

All I ever wanted was the world.ft.Nyx Ananké

Cette jeune femme est décidément des plus surprenantes.

Elle ne sourcille pas tandis qu’Alba annonce le prix exorbitant de l’objet tant convoité. Possède-t-elle cette somme ? Peut-être. Le Zélos ne pourrait le dire. Même pour un bourgeois cela reste un sacré montant à mobiliser. Mais ce flegme n’est pas pour lui déplaire, cela fait longtemps qu’il n’a pas eu l’occasion de faire affaire avec un esprit aussi aiguisé et avisé.

La sulfureuse Manat sait exactement ce qu’elle fait et semble s’amuser de ce jeu de négoce autant que notre cher amis Zélos.

Il soutient son regard. La façon dont elle le scrute n’échappe nullement au Dom Juan, mais il s’agit d’être professionnel pour l’instant. Sans doute lui proposera-t-il un dîner une fois leur affaire conclue, l’occasion est trop belle et la demoiselle bien trop exceptionnelle que pour les laisser filer. Ses yeux sombres ne la quitte pas tandis qu’elle s'installe sur le comptoir. Le petit jeu de la belle absorbe complètement le Corsaire, qui ne fait même pas attention à ce que fait le Yorka de la boussole. Une partie de son esprit reste évidemment alerte, pas question de se faire voler ses biens sous son nez et dans sa boutique de surcroît. Mais son regard est rivé sur Manat dont le regard est animé d’une lueur qu’il connait bien. Il en frémissait presque d’anticipation. Elle va lui faire une offre et quelque chose lui dit que celle-ci risque d’être des plus intéressantes.

Alba ne s’attendait toutefois pas à ce que la Terrane lui fasse une proposition d’une telle envergure.

- Quelque peu, oui… Répond-t-il à la question de la jeune femme, un sourcil arqué.

Il n’en a qu’une connaissance très superflue. Toute ce qu’Alba sait à propos de la joaillerie argyrienne, c’est qu’elle vaut son petit pesant d’or. Compte-t-elle lui proposer des bijoux en échange ? Curieux, Alba se penche quelque peu sur son comptoir tandis que Manat plonge les deux bras dans le sac de toile que l’autre Terran a posé sur le comptoir, réduisant ainsi encore la distance entre les deux négociateurs qu’ils sont. L’expression d’Alba, jusque là détendue et un brin joueuse change alors que trois coffrets couvrent à présent son comptoir. Il est beaucoup plus sérieux et attentif. La lueur qui anime ses yeux marrons ne trompe pas: ces coffres ont piqué sa curiosité. Le Corsaire doit presque faire un effort pour se concentrer sur ce que raconte son vis-à-vis qui semble vouloir se jouer de son impatience. A chacun son tour, comme on dit.

Enfin, le contenu d’un des coffres se révèle. Il s’ouvre sur un trio de bracelets finement travaillés. Le vert se penche, histoire de pouvoir mieux observer les bijoux. Il voudrait dire qu’il reconnaît-là le travail et le savoir-faire de sa terre natale mais ce n’est point le cas. C’est un enfant de Phelgra et non d’Argyrei comme le laisse pourtant supposer son teint vert et sa stature de géant. Mais son oeil expert reconnaît d’un seul coup qu’il s’agit bien là de petits chef-d’oeuvres d’orfèvrerie. Alba relève son regard vers Manat, l’écoutant avec attention tandis qu’elle continue son petit discours. Serait-elle en train d’essayer de troquer la boussole contre le contenu de les bijoux ? Peut-être mais Alba subodore qu’il y a quelque chose d’autre, sans pour autant arriver à mettre le doigt dessus.

Le contenu du second coffret est alors révéler. Jamais Alba n’avait vu pareil ornement. C’est fin, exquis et exotique. Une pareille parure dans sa boutique ferait fureur. Rien que le bracelet et ces étranges brassières suffiraient à rembourser le prix de la boussole. Il doute même qu’il aurait à user de ses dons de persuasion. Il ne quitte pas des yeux les bras de Manat, maintenant somptueusement décorés. Son regard se replonge pourtant dans les pupilles émeraudes de la jeune femme tandis qu’elle fait des suppositions quant à ce qui pourrait arriver si une tribu décidait de se sédentariser et se consacrer à l’art de la joaillerie.

La tension semble monter d’un cran chez le Zélos tandis qu’il comprend où veut en venir sa délicieuse cliente. Il ne fait pourtant aucun commentaire et la laisse finir son discours. Il veut entendre la proposition sortir de ses lèvres. La petite prestation continue et atteint son paroxysme tandis qu’une parure digne d’une reine se révèle. C’est un partenariat que Manat propose à Alba. Le Zélos semble en rester sans voix tandis qu’il comprend les opportunités et le profit que pourrait lui rapporter une telle coopération. Il s’y voit déjà !

Mais voilà que la divine tentatrice se rétracte. Ces bijoux ne sont pas à vendre. Le Corsaire doit faire un effort considérable pour ne pas laisser sa mâchoire se décrocher. Un fin sourire en coin vient cependant orner son visage carré. Il n’y a pas à dire, cette femme sait captiver un auditoire et jouer avec l'intérêt qu’elle suscite.

- Et bien… Vous êtes une femme pleine de surprises… Souffle le vert, presque déçu que ces luxueux bijoux ne lui soient pas destinés.

Mais ce que lui propose la négociante est encore plus attrayant que ces bijoux. Présentés ainsi, les termes de ce partenariat semble des plus alléchants. Alba n’aura aucun soucis à revendre pareille marchandise. Reste à savoir à combien s’élèvera le prix de vente. Quel qu’il soit, Alba sait qu’il pourra facilement compenser avec les reventes. Ces bijoux sont inédits en Tyrhénium. C'est une véritable touche d’exotisme pour laquelle certains fortunés seront prêts à se battre, il le sait. Cette affaire lui serait presque profitable mais…

Parce qu’il y a toujours un “mais”.

Mais il n’est pas question de laisser partir la précieuse boussole sans que le trio lui ai offert un acompte et l’assurance que ce partenariat sera mené à bien. Les pourparlers sont loin d’être finis ! Pas question pour Alba de laisser partir son précieux bien en échange de promesses de fortune future. Il allait falloir lui proposer autre chose et pourtant, Manat semblait avoir abattu toutes ses cartes. C’est du moins ce que pensait le Zélos. Et voilà qu’elle sort une enveloppe. Sa question le laisse quelque peu dubitatif. Est-ce donc l’acompte que la jeune femme à la chevelure d’ébène lui propose. Une soirée mondaine ? Il en est presque déçu. Cela semble tellement dérisoire face aux bijoux.

- Je ne rate jamais une occasion de briller en société. Lance-t-il néanmoins sur un ton plaisantin.
Enfin, l’attention du commerçant se reporte sur le petit bout de papier tenue dans les fines mains de Manat. Il remarque enfin le sceau qui décore la lettre. Bien que brisé de Lion Ailés de Vanes est reconnaissable entre milles.

Ce n’était quand-même pas ?!

Alba éclate de rire. C’est un rire franc et bon enfant qui gronde tel le tonnerre dans l’Atlantis, l’espace d’un instant tandis qu’Alba se rend compte que ce qui tient Manat entre ses mains est une invitation à l’anniversaire de la fille du Duc de Vanes. Cette fête est l’évènement du siècle et nombres de riches fortunés tueraient pour s’y rendre et c’est à lui, le Zélos sorti des bas-fonds de Mavro que l’on propose une invitation. Il a réellement une bonne étoile !

- Vous êtes décidément bel et bien plein de surprise, Ô douce Manat. Confie le Zélos tandis qu’il croise les bras sur son comptoir et se penche vers la jeune femme. Est-ce que vous cachez un troisième tour ? Car si c'est le cas, je risquerai bien de tomber sous votre charme et vous offrir mon corps et mon âme en plus de cette boussole.

Flatterie que tout cela, évidemment, et Alba a assez bien cerné la belle que pour savoir qu’elle ne se laisserait très certainement pas berner par ses belles paroles. Mais il ne peut s’en empêcher. Cette situation l’amuse. Voilà bien longtemps qu’il n’a pas effectué une transaction aussi excitante et stimulante. Il en est presqu’euphorique, un état qui n’échappera pas un fin observateur.

Toujours accoudés à son comptoir, le barbu fixe sans gêne aucune son interlocutrice. Il est silencieux et semble réfléchir. Que faire ? Il s’amuse bien trop que pour finir cette vente dans l’heure.

- Et si nous discutions de tout cela autour d’un repas ?

La demande semble être sortie de nulle part. C’est un peu le cas. Alba se laisse juste emporter par son envie du moment, bien décidé à profiter encore un peu la présence de la terrane. Ils pourraient très bien décider des clauses du contrat ici, autour d’une bouteille du stock personnel d’Alba mais cela serait bien moins amusant aux yeux de ce dernier.

La créature des sables argyriens se tient à son aise sur le comptoir du zélos attentif. Sa silhouette gracieuse sagement immobile, le menton légèrement abaissé, ses prunelles d'émeraude fixant le commerçant avec un appétit qu'ils partagent. Assise sur la table des négociations, la terrane se fait Naja, captive des ondulations dans la voix grave de l'homme, suspendue à ses mots comme le serpent à la flute de son charmeur. Il est, à n'en plus douté, charmé lui aussi. Par l'offre tout au moins. Il reconnait aisément le sceau sur l'enveloppe qui devrait être le gage de bonne foi de cette future transaction. C'est aussi le cas des deux acolytes de la demoiselle qui échangent un froncement de sourcils. Les invitations n'étaient pas destinées à finir entre d'autres mains que les leurs.. Jusque là.

Manat jouait une carte rare, précieuse pour tout ceux qui voulaient mettre un pied dans le monde chatoyant des riches et des bien nés. C'était aussi son propre laissez-passer et celui de ses camarades. L'enveloppe contenait trois invitations, plus ou moins subtilisées au comté de Dalma. La voie était dès lors aisée pour pénétrer dans le sacro-saint palais de la bien trop alléchante famille Vanes. Un chemin simple et sans risque qu'elle était prête à céder, au moins en partie, pour un échange commercial. La boussole valait bien quelques désagréments. En réalité, la boussole valait tout l'or du monde pour la syliméa. Elle ne partirait pas sans.

Quant à un troisième tour.. Manat se contenta de sourire en observant la lueur euphorique qui brillait dans les prunelles sombres de son interlocuteur. En se laissant glisser de son perchoir pour retrouver le sol sous ses pieds, l'argyrienne jette un regard à son camarade yorka. Ce dernier à reposer la boussole dans son étui, il acquiesce, confirmant que la boussole était bel et bien ce qu'elle prétendait être et pas seulement victime d'un enchantement temporaire ou d'un autre subterfuge. La transaction semblait donc se conclure quand le zélos reprit la parole sur une toute autre proposition. Une invitation à diner. La terrane redresse son attention sur le zélos, légèrement surprise mais prête à accepter elle fut rattrapé par l'intervention du terran à la peau basané qui n'avait pas lâché un mot depuis qu'ils étaient entré.

- Nous avons beaucoup à faire, Manat.

La voix caverneuse de l'homme avait l'accent des dunes d'Argyrei, un compatriote de la jeune femme qui n'avait sans doute pas autant d'attrait pour la négociation ou même la conversation. Manat caressait distraitement la longue tresse d'ébène qui tombait sur son épaule.

- Tu as raison, Hajr.

La petite moue contrariée qui glissait un instant sur le visage de la douce créature ne fut que de courte durée. Elle se tournait vers le zélos alors que le dénommé Hajr refermait les coffrets des bijoux pour les ranger à nouveau dans son sac de toile.

- Nous avons quelques préparatifs à finir mon cher monsieur Tor.

Le terran silencieux acquiesçait tout en remettant le sac sur son dos, faisant signe au yorka qu'il était temps de partir. Manat restait pourtant au comptoir, ses jolis yeux verts s'agrémentaient d'une touche de malice, des éclats d'ambre qui ressemblaient à des paillettes d'or.

- Nous reviendrons dans quelques heures, finaliser cet échange.

Elle s'écartait finalement du comptoir, presque à regret, laissant son regard caresser une dernière fois le visage du zélos, lui abandonnant un sourire plein de promesses.

- Ne m'oubliez pas.

La jeune femme et sa petite délégation quittèrent l'Atlantis sur une note inachevée mais prometteuse. Les soleils poursuivirent leurs courses au-dessus de Tyrhénium et alors que leur lumière déclinait à l'horizon, la porte de la boutique s'ouvrit à nouveau. Une énième fois peut-être. Sage, la cliente vêtu de voiles noirs attendait que le commerçant ait fini de traiter ses affaires en cours. Son ombre passait entre les rayonnages, poursuivant les voilages obscures qui frémissaient contre les chevilles de la belle. Les derniers curieux partis, la créature d'ombres et de murmures se rapprochait du zélos.

- Mes camarades s'excusent, ils n'avaient pas faim.

Le sourire qui glisse sur les lèvres pulpeuses de Manat ne laisse que peu de doute sur cette piètre excuse. La jolie danseuse était venu seule et cela n'aurait pu être autrement. Peut-être même avait-elle acquiescé au rappel à l'ordre de Hajr dans le seul but de pouvoir revenir sans ses compagnons. Il n'y avait pas de mal, après tout. Ce n'était qu'un repas et la nuit était encore jeune.

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Alba ne peut décidément pas la laisser filer comme ça.

Certainement pas après le coup de maître qu’elle vient de lui asséner. Si cette délicieuse rose des sables a su, jusqu’alors, le captivé, le Zélos est définitivement sous le charme. Il veut encore profiter de sa présence. La proposition de repas sort de nulle part, motivée par la seule envie du commerçant de profiter encore un peu de la présence de Manat. Cette invitation pourrait paraître bien innocente, conclure un contrat d’une telle envergure autour d’une bouteille ou d’un plat est plutôt monnaie courante par ici. Mais la lueur qui anime le regard sombre du Corsaire ne trompe pas.

Alba se délecte de la surprise passagère qui passe dans les deux émeraudes accrochées sur lui. Il est presque certain que Manat va accepter son offre. Il oublie malheureusement qu’il ne sont pas seuls et la présence des deux compères de la demoiselle se rappellent à lui d'une façon bien fort désagréable.

Parfait comédien, il se contente d’un sourire affable en guise de réponse au refus du dénommé Hajr. Mais la frustration pique néanmoins quelque peu son égo.

Il suit du regard les mouvements de l’homme à la peau sombre tandis qu’il enlève du comptoir les parures argyréennes, faisant ainsi disparaître de la vue du Zélos toutes les promesses de futures richesses. Ce n’est qu’un au revoir de courte durée, Alba le sait mais cela sonne la fin de cet agréable échange. Du moins pour un temps…

- Cela ne risque pas d’arriver. Réplique le Zélos à la demande de la terrane, d’un ton enjôleur. J’attendrai votre retour avec impatience.

Le marchand ne quitte pas le trio des yeux tandis qu’il quitte l’Atlantis. Son regard reste même accroché un bref instant sur la porte fermée. Le revoilà seul. L’ambiance lui paraît subitement morne, comme s’il venait de se réveiller d’un rêve. Lui qui n’est guère patient, le voilà obligé d’attendre. Être dans la peau de celui qui se languit est une nouveauté pour lui. Il ne sait dire s’il apprécie ou non. C’est à la fois grisant et contraignant. Mais pour une fois, il aura su prendre son mal en patience.

Le ciel vire doucement au crépusculaire lorsqu’enfin Manat réapparaît à l’Atlantis. Al ba est bien tenté de mettre ses derniers clients à la porte mais bon commerçant qu’il est, il continue à vendre les mérites de cette “magnifique sculpture antique” achetée quelques semaines plus tôt dans un bourg voisin.

- Huuum. Je ne sais pas. Est-ce vraiment nécessaire ? Je ne crois plus avoir réellement de place dans le salon.

Le vert se retient de souffler. Ce petit manège a assez duré à son goût. Il est temps d’y mettre un terme car il a bien plus important à faire présentement.

- Mon bon monsieur, commence-t-il alors qu’il se pare de son plus beau sourire et plante son regard dans celui de son client. La question n’est pas de savoir si cette acquisition est nécessaire ou non ! Le tout, c’est de savoir si vous désirez cette œuvre unique et inestimable ou non. Et à cette question, je pense que la réponse est oui. Oui, vous voulez cette sculpture.

L’espace d’un instant, le silence se fait dans le commerce. Le client d’Alba semble avoir un moment de flottement, signe que la magie du vendeur fonctionne à merveille. Le Terran cligne des yeux et se reprend bien vite.

- Vous avez raison ! Je veux cette sculpture.

Non, Alba n’a aucun scrupule à utiliser sa magie sur sa clientèle. Le tout est de ne pas se faire prendre. Aussi l’utilise-t-il avec modération. Généralement son charisme et sa verve suffisent mais quand il fait face à des acheteurs indécis, il n’hésite pas à faire usage de ses dons s’il sent qu’il peut faire des profits.

- Très bien ! Convenons donc d’un acompte. Mon apprenti se chargera de faire la livraison demain, dès la première heure.

Une affaire conclue et une note laissée à l'adresse de Brigg plus tard, le voilà enfin seul avec la seule cliente pour qui il porte un intérêt aujourd’hui. Il lui rend son sourire tandis qu’elle excuse l’absence de ses compagnons.

- Voilà qui est bien dommage.

La plainte est dans le même ton que l’excuse. Que Manat soit seule enchante Alba au plus haut point et son sourire charmeur ne le cache point le moins du monde. Les choses lui conviennent bien mieux ainsi.

- Dites-moi donc, c'est la première fois que vous venez à Tyrhénium ? Demande-t-il tandis qu'il lui présente galamment son bras.Si c'est le cas, sachez que je me ferai une joie de vous faire découvrir tous les délices de notre charmante cité. Et dans le cas contraire, je m'arrangerai pour vous faire passer la meilleure soirée que vous ayez passé ici. Continue le Zélos tandis que ses pas les mènent tous deux vers une destination bien précise.

Intérieurement, il espère que c'est la première fois que la jeune femme a la chevelure d'ébène passe par la majestueuse cité. La découverte du Mille Couleurs n'en sera que plus réussie. Dans le cas contraire… Eh bien… Il ne doute pas de pouvoir enjoliver la soirée par sa présence et ses propres moyens.

L'ombre file entre les rayonnages, elle tend l'oreille, curieuse de savoir ce que le zélos essaie de vendre à ce dernier client. Une sculpture apparemment, Manat ne se rapprochera pas pour la voir, elle ne voudrait pas briser la magie d'une vente. Elle ne saurait pas si bien dire, puisque la magie était bel et bien de la partie. Impossible pour l'exotique créature de l'affirmer avec certitude évidemment mais, le doute s'instille en elle alors que le client change brusquement de comportement. Cela étant, ce ne serait pas le premier homme à être assez manipulable pour retourner sa veste en un claquement de doigt.

Enfin seuls, le bien habile l'accueil avec un jeu d'acteur à la hauteur de sa fausse déception. Aucun deux ne s'y trompera. A sa proposition de visiter la ville si elle ne la connaissait pas, l'argyréenne se rapproche d'un pas supplémentaire, redresse sur le visage à la peau verte, l'émeraude scintillante de son regard. Un visage angélique pour une démone qui sourit avec malice avant de lâcher, du bout de ses charmantes lèvres :

- Faites-moi donc découvrir des délices inconnus, cher monsieur Tor.

La malice glisse le long de ses cils noirs alors qu'elle chasse de son épaule, la longue tresse d'ébène qui y reposait. Elle accompagne le pas de son hôte si il décide de la guider au dehors.

- Je ne suis jamais venue à Tyrhénium auparavant mais des confrères m'en ont un peu parlé. Ils m'ont dit une chose que je n'ai jamais vraiment comprise.. que cette ville était soit un eldorado, soit un purgatoire.

Cela faisait sans doute référence au gouffre qui séparait riche et pauvre, et le désir de richesse que provoquait cette cité où tout était permis pouvait parfois mener des malheureux aux jeux à tout perdre. Un paradis pour les plus riches, un enfer pour ceux qui ne parvenaient pas à s'élever. La noblesse n'avait plus rien à voir avec les règles du jeu, même les plus puissantes familles d'Eridania pouvaient perdre leurs fortunes ici.

- Êtes-vous originaire de cette cité ?

La créature des sables était sincèrement curieuse et portait son intérêt sur le bel homme qui l'escortait dans les rues de la ville. Elle qui disait ne jamais être venu et avoir entendu de piètres rumeurs sur cet endroit, semblait pourtant peu inquiète alors que ses pieds foulaient le pavé. Ses voiles sombres s'entrouvrant au hasard de ses pas, dévoilant des jambes galbées, rompus à l'exercice physique. Peut-être comptait-elle sur ses belles jambes pour s'enfuir en cas de problème ? Ou peut-être, n'avait-elle aucune raison de s'en faire. Elle était après tout, en très bonne compagnie.

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Les yeux du Zélos brille d’une lueur indescriptible alors que la femme qui l’accompagne l’invite à lui faire découvrir les délices de Tyrhénium. Comment peut-on chanter le diable avec de tels accents d’ange ? La phrase anodine se remplit de mille et uns sous-entendus alors qu’elle tombe dans l’oreille d’Alba. Est-ce que la jeune femme à la sombre chevelure est dotée d’une quelconque facultée la rendant hypnotique aux yeux de quiconque croise son chemin ou est-ce simplement l’esprit du vert qui s’enflamme ? Le Corsaire est bien incapable de le dire. Mais peu lui importe pour l’instant.

Magie ou non, il est certain de passer une agréable soirée, en charmante compagnie. Et il n’en demande pas plus.

Il écoute avec attention les paroles de Manat et un fin sourire étire ses lèvres tandis qu’elle lui parle de la réputation que Tyrhénium possède en dehors des terres d’Eridania. C’est assez représentatif de la Cité-État, il faut bien l’avouer.

- Tyrhénium est une ville qui peut se montrer impitoyable, c’est vrai. On peut être propulsé vers les sommets, comme on peut tout y perdre. C’est peut-être ce qu’ont voulu dire vos confrères. Réponds le marchand, un brin songeur. J’ajouterais à cela que c'est une ville où tout est possible. Cette belle cité n’a pas son pareil dans tout le continent. Ici, Même le plus misérable peut atteindre les sommets pour peu qu’il s’en donne les moyens et qu’il connaisse les bonnes personnes.

Alba en est un parfait exemple. Petit Zélos misérable des bas-fonds de Mavro, le voilà aujourd'hui fier marchand à l’abri du besoin pour deux vies au moins. Il est certes loin de pouvoir rivaliser avec les requins qui régissent cette ville mais il est loin d’être un petit poisson. Et cette situation lui convient parfaitement. Il n’a pas d’autres ambitions que de continuer à s’enrichir dans son coin. Vivre au jour le jour, loin du besoin et au gré de ses envies. Voilà ce que sont ses projets.

- Pas du tout. Répond le géant à la question de l’Argyréenne. Je suis originaire de Mavro Limani, en Phelgra. J’y ai passé toute mon enfance avec mes deux frères cadets. Quand il fut temps pour nous de voler de nos propres ailes, j’ai décidé de m’installer à Tyrhénium. La grisaille de Mavro ne m’allait pas trop au teint. Plaisante-t-il, laissant le silence planer un instant, semblant perdu dans ses souvenirs. Mes débuts ici n’ont pas été simples mais je pense avoir plutôt bien réussi.

Non, ça n’a pas été facile au début. Il a fallu se battre, voler, devenir le larbin des ladrinis mais le voici aujourd’hui. Il n’a pas à se plaindre de sa position actuelle, d’autant qu’elle risque de s’améliorer encore avec le marché que lui a précédemment proposé Manat.

- Et vous ? Qu’est-ce qui vous amène aussi loin d’Argyrei ? J’imagine que vous n'avez pas fait ce déplacement uniquement à cause de ma petite annonce dans un journal. Demande Alba, dans le but de continuer leur conversation tandis qu’ils se dirigent vers les Mille couleurs plus que par réelle curiosité.