Le Rose vous va si bien. [Nemesis]

"Toi qui cherches, prends garde à ce que tu pourrais trouver.
La révolte gronde. Un rugissement sourd que tu penses entendre, qui résonne en toi. Seul, sans doute, tu te crois. Mais seul, tu n'es pas.
Le peuple n'attend pas, c'est lui, qui grogne, nous ne sommes que l'écho de leur colère.
Ton propre écho, tu le trouveras en gravissant le pic mort. Que le froid de la nuit renforce ton engagement, tu auras bien plus féroce à affronter.

La Rose Noire."

L'encre noire abreuve le morceau de parchemin qui ira bientôt rejoindre la poche d'un blanc inconnu ou l'étreinte d'une flamme. Il n'avait pas fallu bien longtemps pour que l'homme soit repéré et, en quelque sorte, intercepté. Il menait sa petite enquête, en tâchant d'être discret, avec un certain succès mais, quand on cherche des informations sur des gens eux mêmes spécialisés dans ce genre de pratique, on risque forcément de s'attirer leur attention. C'était très certainement voulu d'ailleurs. Il n'était pas rare que la Rose recrute ainsi, les malins qui se renseignaient sur eux, avaient souvent des idées révolutionnaires en tête.

Le tout était de découvrir si ceux qui furetaient étaient des fouines ou des rats. C'était là le travail on ne peut plus important des agents de la division recrutement. Ils investissaient la vie du curieux et finissaient toujours pas découvrir s'il avait des choses à cacher. Toujours... ou presque. Il y avait certaines exceptions. Pour des êtres d'exception, déjà capable d’effacer leurs traces ou n'ayant, en toute apparence, aucun passé. Ceux là, étaient pris en charge par des membres plus expérimentés de la caste, chargés de décider si le curieux était digne de confiance ou non.

Parmi ces rares cas, figuraient le plus souvent des espions à la solde de pays ou d'autres castes, le mieux était donc de les débusquer avant qu'ils ne causent trop d'ennui.. Ou de les "intégrer" pour les envoyer sur des missions de larbin, à l'autre bout du monde connu. C'était bien ce que prévoyait Nyx, si elle ne faisait pas simplement disparaitre le curieux qui grimperait la montagne cette nuit.

Parée de ses plus belles binocles. Roses, évidemment. Ce qui semblait être une jolie terrane, à moins que ce ne soit une sindarine, difficile de voir ses oreilles sous cette sulfureuse chevelure rose, attendait, ses pieds bottés à peine enfoncés dans la neige. À ses doigts, cliquètent des serres dorées. Sur ses épaules glisse une fourrure animale. L'extravagante créature fait des ronds de vapeur en soufflant vers le ciel noir pourtant illuminé par les lunes.

Quelques minutes plus tard ce qui ressemblait à une chouette vint se poser sur son épaule, son bec claqua à côté de son oreille et la silhouette féminine acquiesça. Elle n'aurait plus à attendre bien longtemps. Le curieux n'était plus qu'à une centaine de mètres. La chouette s'envola. La Rose créature restait donc seule, en apparence. Au coeur de la neige, le verre de ses lunettes reflétant l'éclat des lunes, dardant dans la semi-obscurité deux coupelles roses. Inimitables.

Nemesis & Nyx... à ceux qui ne peuvent se reconnaître.

Le Rose vous va si bien.

Une neige épaisse pour un cœur de glace. Un pas après l'autre, le syliméa s'avance dans ce qui paraît être un vent glacial recouvrant alors tout espoir de trouver chaleur et réconfort en ces terres d'infortune. Une fourrure animale tissée à partir de son dernier repas en guise de manteau d'Hiver. Pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire si compliqué… se dit-il alors que la racine de ses pieds s'enfonce dans la matière la plus brûlante qu'il semble avoir embrassé depuis sa naissance. Si son intérêt ne se trouvait pas dans cette délicate entrevue qui semble se dessiner au loin, sans doute n'aurait-il jamais eu l'idée de s'enfoncer ainsi vers l'inconnu.

Alors que notre personnage s'est laissé aller à la recette d'une vie simple afin de s'implanter en Cimmeria, il n'a eu guère d'autre choix que de chercher un moyen d'accomplir son souhait fait à la mort de sa précieuse infectée. Quelques repas de partagés avec des inconnus, quelques verres vidés au détour de conversations enrichissantes et des services rendus à de chaleureux inconnus l'ont amené à entendre ce qu'il a désespérément cherché. La preuve qu'en ce monde germe la graine de la liberté, jour après jour arrosée par le souhait d'une paix et couvée par la lumière d'un semblant d'équité. Glanant alors de précieuses informations afin de devenir la sève de cet arbre à venir, on a fini par le remarquer.

Tandis que Nemesis semble terminer l'ascension du Pic recherché, un écho du message lui étant adressé semble venir effleurer le fruit de sa nostalgie. Seul, sans doute tu te crois. Mais, seul tu n'es pas. Lui rappelant alors une famille perdue… Combien des siens peuvent aujourd'hui se vanter de respirer comme il le fait ? Combien sont encore perdus dans les ruines de ce monde ? Doit-il s'en vouloir de ne pas investiguer afin de les retrouver et de leur faire une place en ce monde ? Ou peut-il être heureux d'avoir donné un tout autre sens à sa vie ? Lui qui a jadis juré de se venger des Sylphides… pourra t-il au moins un jour oublier ?

L'albinos essuie alors une nouvelle salve provenant de l'ouest, emportant alors ce lambeau de réflexion qu'il vient de se faire avant qu'il ne remarque enfin la présence d'un individu se situant non loin de lui. Approchant alors de l'inconnue, une main délicate vient balayer le vêtement recouvrant sa tête et tandis que le tissu semble chuter en arrière notre cher Nemesis laisse apparaître un large sourire. Gardant précieusement ses paupières fermées, le syliméa s'incline brièvement tandis que son bras droit entame une danse afin de simuler une légère révérence. Se redressant alors et gardant cette même expression qu'à l'apparition de son visage aux yeux de ce qui semble être son interlocutrice, il entame les salutations sur un ton ampli d'une once de respect entremêlé à une touche de solennité.

« Vous me voyez enchanté de faire votre rencontre et vous remercie de cette attention que vous m'avez porté. Nemesis, tel est mon nom… que puis-je faire afin de satisfaire vos désirs ? »

Joue t-il alors un rôle ou se veut-il sincère lors de sa présentation ?

C'est un lapin albinos qui s'avance prudemment dans la neige. Jusqu'à la rose épineuse et ses deux grands yeux luminescents. Il est enchanté. Nyx n'en doute pas. Nemesis sera son nom, sans non de famille, sans apparente attache. C'était aussi ce que disaient les rapports sur le jeune homme un brin trop énigmatique. Il demande finalement ce qu'il pouvait faire pour satisfaire les désirs de son interlocutrice. Impassible, le visage sophistiqué de l'extravagante créature ne laisse aucun indice sur l'état d'esprit de la femme en rose. Du bout de ses serres dorées, elle remonte ses lunettes. Ses yeux invisibles, analysent, sans nul doute, le moindre geste de l'être qui se tient devant elle.

- Oh tu n'en est pas encore là, mon lapin.

La voix est chaude, suave, un brin condescendante aussi. Avant que la dame ne dévoile ses désirs, l'inconnu devrait déjà se mettre à nu.

- Dis moi d'abord ; qui tu es, pourquoi tu es ici, ce que tu fais, ce que tu désirs accomplir, ce que tu as déjà accomplis. Tes méfaits, tes errances, tes sous-vêtements, de gré ou de force, tu me donneras tout de toi.

Un sourire glisse sur les lèvres en coeur de la dame, écorche la commissure de sa bouche en une fausse ironie. Il n'y avait rien de plus sérieux que le ton employé et l'inconnu avait tout intérêt à se plier aux questions, ou il prendrait le risque de voir la rose lui tourner les talons.

- Si tu essaies de me mentir..

Elle tapote à nouveau le bord de ses lunettes du bout de ses griffes d'or, comme si, derrière le verre opaque, ses yeux avaient la faculté de discerner le vrai du faux. Après tout, certains avaient bel et bien ce genre d'habilité, aidé ou non, d'un peu d'essence divine. Le lapin blanc ne pouvait guère savoir de quelles capacités bénéficiaient la reine de coeur qui lui faisait face.

- Je te ferais couper la tête.

Nemesis & Nyx... à ceux qui ne peuvent se reconnaître.

Le Rose vous va si bien.

Cela revient à demander à un nouveau né qui il est, se dit-il intérieurement. Comment répondre à cette question si lui-même ne connaît pas la réponse ? Ira t-elle seulement le croire si il se contente d'avouer que lui-même ne le sait pas ? Où ira t-elle s’insurger d'une réponse aussi improbable et pourtant si honnête ? Notre personnage se sent alors terriblement vide face à sa propre vérité. Lui qui a passé des siècles et des siècles enfermé avant de parcourir un bref instant ce monde sous une forme éthérée ne peut aujourd'hui que se maudire de son ignorance. Jouer un personnage a été facile ces derniers mois, mais il constate maintenant qu'il n'a pas appris à se connaître soi-même si ce n'est qu'au travers des différents visages qu'il a brièvement arborés.

« Il est difficile d'admettre qu'on ne sait pas soi-même qui l'on est en ce moment même, vous ne pensez pas ? Je suis ce que l'on peut appeler un vestige du passé, quelque chose que des êtres hauts-placés ont jugé bon d'effacer et de faire oublier. », dit-il simplement, toujours le sourire aux lèvres et les yeux fermés.

Néanmoins, ce qu'il sait c'est ce qu'il désire accomplir. Un souhait prononcé lorsqu'il a achevé sa renaissance. L'albinos pense alors qu'il peut jouer là-dessus afin de contenter son interlocutrice pour un temps, espérant alors qu'une douce symphonie se jouera lorsqu'il aura achevé sa réponse. Passant donc ses doigts entre les mèches de cheveux habitant son front afin de les coiffer machinalement en arrière, il reprend la parole. Son ton se faisant à cet instant convaincant, laissant ses lèvres façonner des mots habillée d'une douce et pure vérité.

« Je désire amener les Prêtresses de Cimmeria à se repentir des crimes qu'elles ont commis. Je souhaite les voir admettre leur vilenie et les conduire jusqu'au chemin du pardon. J'ai été témoin de certains de leurs agissements, du traitement qu'elles réservent à leurs consœurs lorsqu'elles refusent de rentrer dans le moule. Leur Ordre et leur religion sont pervertis par les macabres projets et désirs qui les habitent. », ses paupières finissent alors par s'ouvrir telle une rose qui éclot subitement, dévoilant alors un bleu reflétant la sincérité et la quiétude de son cœur en cet instant. « Tout comme je souhaite offrir aux enfants de ce monde une vie dont ils pourront jouir et être fier à l'avenir. Car ce monde me paraît plus laid qu'il ne l'était il y a de cela des siècles… Ne pensez-vous pas qu'un monde qui ne sait pas respecter la vie et qui n'en connaît pas la valeur ne peut rien apporter de bon aux générations à venir chère inconnue ? »

L'on ne peut dire qu'il est un menteur, lui qui n'a jamais commis un seul crime de sa vie, si ce n'est celui d'avoir profité de la crédulité d'une enfant. C'est d'ailleurs une question à laquelle notre lapin n'a pas encore répondu et peut-être doit-il s'y hâter si il ne désire pas finir en civet…

« Ne soyez pas déçue d'apprendre que je n'ai jamais eu à commettre de crimes ou de méfaits. Je n'ai seulement fait que rendre justice à une enfant vendue et abandonnée, justice que je n'ai pas terminé de dispenser. Voilà ce que je fais… Je dispense un semblant de justice au nom des enfants de ce monde afin qu'ils ne se sentent pas abandonnés, afin qu'ils sachent qu'ici-même des individus œuvrent dans l'ombre afin de leur offrir un monde à aimer. Je ferai en sorte de leur donner ce que « nous » n'avons pas réussi à gagner par le passé… », dit-il alors que ses paupières se referment doucement, concluant alors simplement. « J'espère que ma réponse vous aura contentée… »

Tout du long Nemesis n'a fait que sourire et rien d'autre, ne laissant rien transparaître ou filer. S'étant simplement contenté d'ouvrir les yeux un bref instant en souhaitant que son interlocutrice sente la sincérité au-travers de sa prise de parole. Lui qui a fait preuve d'honnêteté espère réellement que Nyx a senti en lui son désire de se rendre utile et les idéaux qu'il souhaite lui partager en cet instant présent.

Voilà un lapin bien bavard. Il ne lâchait cependant pas grand chose sur son identité. En quête peut-être. Il fallait du temps pour se connaître soi-même. Entrer chez les nérozias avait sans doute pu aider certain à trouver leur voie, un but à leur vie. Cependant, il s'agissait là de jeunes gens le plus souvent et le lapin disait être un vestige du passé, ajoutant à la fin de son petit discours, que le monde lui paraissait plus laid aujourd'hui qu'il ne l'était il y a de cela des siècles. Le visage de l'excentrique reine fuchsia reste impassible, ce n'est pas la première fois qu'elle fait face à une personne se refusant à donner son identité. Elle était, après tout, assez familière de la pratique.

Il semblait remonté contre les prêtresses de Cimmeria. Nyx s'était déjà un peu renseignée sur elles et sur Cimmeria plus généralement. Un pays de corruption, fragilisé par la cohabitation chaotique de deux effigies du pouvoir. Le pays en lui-même n'était pas riche et le climat n'aidait certainement pas à la prospérité de son peuple. Difficiles à parcourir les terres glacées couvraient en plus de cela une trop grande surface pour que les quelques milliers d'hommes normalement en charge de sa protection ne puissent être efficaces et présents équitablement sur tout le territoire. Cependant, ce qui faisait de Cimmeria un pays difficile à vivre en faisait aussi un pays facile à défendre. N'ayant que peu d'attrait, il n'attirait guère les convoitises et quand bien même un pays belliqueux viendrait jusqu'à leurs portes il serait forcé de faire passer ses armées dans les rares passes entre les montagnes. De véritables goulot d'étranglement. Seule Phelgra avait une porte d'entrée assez large pour faire circuler sans risque ses armées et elle s'y était tout de même casser les dents.

Cela étant, loin de profiter de cette situation pour faire régner la paix à l'intérieur de ces montagnes protectrices, les déboires du gouvernement cimmerien et la réputation dégradée des prêtresses de Cimmeria laissaient grimper les rats sur le navire. Les pègres et les hommes de main se taillaient une belle part dans ce pot de glace géant.

« J'espère que ma réponse vous aura contentée… » concluait finalement l'interrogé, non sans se défaire de son éternel sourire. Un rictus qui peinait pourtant à rendre ce visage sympathique, lui donnant tout au contraire un air cynique et fourbe.

- Un espoir louable mais insuffisant.

Le visage sans émotion de la sulfureuse créature ne laissait pas plus d'indice dans le ton de sa voix. Non, elle n'était ni satisfaite ni contentée. Ces réponses n'en étaient pas et malgré l'honnêteté qu'elle sentait poindre dans le bleu de ces iris, elle restait irrémédiablement sur sa faim.

- Comment pourrais-je faire confiance à un homme qui ne se connait pas lui-même ? Tu n'es pour l'heure qu'un nom et un semblant de velléité. Ne crois pas pouvoir me duper avec quelques phrases creuses faussement philosophiques, si elles ne sont guère des mensonges et ne t’ôterons donc pas la tête, elles ne sont pas pour autant des vérités.

Elle avait fait deux pas en avant, se rapprochant dangereusement de l'homme bien seul dans ces silencieuse montagnes. Il pourrait bien disparaître ici et maintenant, sans que personne ne songe même à le remarquer. Il ne serait sans doute pas le premier ensevelit, dévoré puis oublié, par les neiges éternelles de Cimmeria.

- Toi qui n'es personne et qui n'a rien accompli, comment comptes-tu me prouver que tu es digne d'entrer dans nos rangs ? Digne de porter notre idéal ? Digne des aspirations auxquelles tu tends ?

Oh la rose lady n'était pas tendre et elle ne ferait certainement pas dans la dentelle si le lapin venait à tenter quelques cabrioles verbales pour échapper à ces questions.

Nemesis & Nyx... à ceux qui ne peuvent se reconnaître.

Le Rose vous va si bien.

« Et pourtant elles sont ma vérité. », rétorque t-il simplement alors que la demoiselle s'approche de lui.

L'épine se plante finalement dans la veine du Syliméa. Comment peut-il donc prouver sa valeur et son utilité ? Car il peut très bien énoncer sa vérité, cela ne prouve aucunement qu'il peut être destiné à rejoindre leurs rangs. Son interlocutrice a posée sa griffe à l'endroit précis qui lui pose désormais problème. Celui-ci ayant beau se retourner encore et encore dans sa tête, aucune véritable réponse ne paraît naître dans son esprit. Pourtant, Nemesis sait qu'il doit se démarquer, qu'il doit à tout prix se montrer pour ainsi réussir à les rejoindre. Il n'a pas le choix car son désir le plus profond en cet instant est de convaincre la demoiselle qu'il est un outil pouvant à l'avenir comme maintenant se vouloir utile et compétent, mais comment ? Telle est la question.

« Je ne demande qu'à faire mes preuves. »

Voici le début de ce qui peut l'amener à conclure sur quelque chose de satisfaisant. Effectivement, si il n'est encore personne et n'a encore rien accompli, il se peut très bien que cette femme puisse lui donner quelque chose sur quoi travailler. Peut-être y a t-il bien quelque chose qu'il puisse accomplir pour celle-ci, un quelque chose lui offrant l'occasion de se vendre parfaitement. Néanmoins, l'albinos ne peut parler à sa place, il ne peut pas accomplir quelque chose si on ne lui donne pas matière à travailler pour faire ses preuves.

« Dites-moi chère demoiselle, il doit bien y avoir un moyen de vous prouver tout cela. Si les mots ne suffisent pas, alors peut-être bien que les actes sont la clef à tout cela. Qu'en pensez-vous ? Diriez-vous qu'il y a un travail que je puisse accomplir pour vous ? Quelque chose à accomplir qui me permettrait de vous montrer que je suis digne de votre idéal, digne de rejoindre votre famille… »

Voici enfin la réponse qu'il pense juste. Un acte vaut mille paroles, du moins c'est quelque chose qu'il a autrefois entendu. Impensable, il est impensable qu'il soit incapable de faire ses preuves par les actes. Son visage se trouvant à quelques centimètres de celui de la rose lady, Nemesis laisse place à une expression des plus sérieuses, son sourire se voulant dur et robuste tandis que ses mains se joignent dans son dos. Peut-être aurait-il fallu comme par là dès le début.

Le lapin sent le collet se resserrer sur son cou. Il a foncé, tête baissé, oreilles en arrière, dans un buisson de ronces. Acérées. Intransigeantes. Elles le dépèceront vivant s'il ne prend pas garde. La Rose est belle mais redoutable. Vouloir s'en emparer, c'était prendre le risque de se planter une sacrée épine dans le doigt. Le lapin commence sans doute à le comprendre. Pour autant, il n'abandonne pas. Il aurait pu faire demi-tour maintenant, mettre fin à cette entrevue où minute après minute, il risquait de perdre plus qu'il ne pourrait gagner.

Le petit albinos tient bon. Il se creuse les méninges pour trouver une réponse qui pourrait correspondre aux désirs de la dame. Mais est-ce vraiment ce qu'elle attend de lui ? Qu'il corresponde à ce qu'il imagine être ce qu'elle attend. Se conformer à un fantasme, une fantaisie dont il ne sait définir les contours. Être un bon petit soldat ? Être un rebelle ? Qu'est-ce qui satisferait la Rose ?

C'est finalement un rictus, à la commissure droite de la bouche féminine, un demi sourire difficilement déchiffrable. Avait-il dit quelque chose de juste ? Ou venait-il de tomber dans un piège ? La Reine de coeur s'écarte du Lapin blanc. Il vivra. En sursis peut-être.

- Il y a un village, à l'est de ce pic. Riche de son sol et pourtant affamé. Tu te rendras dans ce village et tu viendras en aide à ses habitants.

La Dame relève légèrement sa main droite, son pouce et son majeur se rejoignent et un claquement caractéristique brise un temps le silence des monts enneigés. Là où il n'y avait que roches et neige, une brume suspecte s'élève. Là où il n'y avait rien, se précise les contours d'une silhouette. La brume se fait femme. Une demoiselle habillée de noir, aux cheveux blancs, les yeux bandés de noir, apparait comme sortie du néant. Elle tient entre ses mains une large caisse de bois qu'elle dépose aux pieds de Nemesis avant de se placer derrière la Dame Rose.

- Il y a dans cette boite, de la nourriture séchée, rudimentaire mais en quantité suffisante pour nourrir le village dans lequel tu te rends pour un mois. Ta mission est simple, délivre le paquet à l'endroit indiqué et revient ici. Tu as quatre jours. Si tu ne livres pas le paquet, si tu as le moindre retard pour le rendez-vous ou si tu meurs, tu ne seras pas un des nôtres.

Fallait-il préciser qu'un décès prématuré rendait caduque sa candidature ? Rien dans le ton de la dame ne laissait supposé une plaisanterie. L'information était en tout cas donné qu'il pouvait mourir. Pour une mission si simple ? Quel fou donnerait sa vie pour une caisse de viande séchée ?

- Tu peux refuser. Tu peux tourner les talons. Tu cesseras de chercher la Rose et la Rose ne te portera plus aucun intérêt. Tu peux abandonner, maintenant, et maintenant seulement. Si tu prends ce colis, tu t'engages à mener à bien ta mission. C'est ta dernière occasion de faire demi tour.