La Prêtresse et le Cavalier [Lily]

La Prêtresse et le Cavalier

Cocoon avait passé la soirée dans une auberge à expliquer et discuter avec un vieil ami des Cavaliers de Sharna. La cavalerie lui avait fait de l'oeil à la sortie de son esclavagisme, longtemps après il avait décidé de faire route avec eux, puis il les avait quitté et, il y a deux ans, il y était retourné. Il avait passé un peu moins d'une année dans leur rang. Il n'avait rien à perdre et tout à gagner. Ces gens pensaient comme lui et même si c'était la loi de la domination au sein de son équipe, il s'en était très bien sortit.

Et puis, contre toute attente, il s'était lassé. Ce n'était pas ça exactement qu'il voulait, ce n'était pas ce mode de vie qui était en accord avec ses ambitions. Il y avait un nombre incalculable de points positifs, mais ce n'était pas ceux qu'il voulait pour faire pencher la balance.

Son ami était fasciné par son histoire et, connaisseur des Cavaliers, il pu sans mal lui donner la réplique. Un peu avant minuit, deux roublards vinrent s'asseoir à leur table partager le dernier verre de la soirée. Eux aussi étaient des amis au Lhurgoyf. D'après eux, le conflit près du Marais Brumeux ne faisait que s'accroître. Demain, le village d'Elyf serait attaqué et prit en étau. Cocoon fit remarqué que c'était la mauvaise saison, celle des typhons et mener une guérilla par un tel climat n'était pas vraiment pertinent. D'après ce que j'ai pu recueillir comme information, il ont voulu attendre que des filles de Kesha arrivent.

Allongé dans son lit, le démon se remémorait cette phrase. Personne n'avait le droit de toucher des dévotes de Kesha, elles ne risquaient pas grand chose mais d'après ce qu'il savait, les gens d'ici étaient muent par la haine et le désir de vengeance et il n'était pas bien sûr que les filles résisterait.

Son esprit divagua vers une guérisseuse en particuliers. Elle devait être dans le coin de part son pèlerinage mais, voyageant seule, il s'endormit sur le fait qu'il était certain qu'elle ne serait pas mêlée à tout cela.

Il s'éveilla deux heures plus tard, préoccupé. Combien de fois la vie lui avait-elle prouvé que dans les proies qu'il pensait traquer, ou dans les effondrements qu'il tentait d'éviter, se trouvait Lily, prise au piège. Il devait en avoir le coeur net. Il était impossible pour lui de rester les bras croisés devant une telle tragédie car si un jour il apprends sa mort, dans ce village... il passera le reste de sa vie transformé et dans la troupe maudite des Cavaliers de Sharna.

Le faux Terran fit ses affaires en toute hâte et s'éclipsa. Il devait être quatre heures du matin. Il récupéra son bon vieux destrier et fonça dans le noir de la nuit au village le plus démuni.

Deux heures plus tard, alors que l'aube s'entrapercevait à l'horizon, les flammes grandissantes dans le ciel illuminaient la région boueuse. Son sang ne fit qu'un tour et il sauta de son étalon qu'une fois au bord des barricades. A l'intérieur, c'était le chaos. Les plus valeureux se battaient, mais des morts gisaient déjà sur le sol. L'odeur de la fumée laissa un goût de cendres dans la bouche du géant alors qu'il se frayait un chemin dans le brasier étouffant. A côté de lui, une demeure s'effondra. Il alla déblayer les gravats et en tira une famille dont la mère était encore consciente.

- Les prêtresses ?! Où sont-elles ?!

Hébétée la mère leva un bras faible pour indiquer une direction.

- Elle... elle est là-bas... chez Claudia...
- Elle ? Elle est seule ?

Le hochement de la tête de la victime confirma ses doutes. Dans un sprint effréné faisant vibrer les plaques de terre sous ses pieds, il arriva sur une place où il entendit le nom de Claudia. A nouveau, il se rapprocha des inconnu et demanda son chemin. La maisonnette était plus loin. Elle comportait un étage. Des malandrins étaient en train de la prendre d'assaut et les cris féminins à l'intérieur lui firent dire qu'il était sur la bonne piste. Sous adrénaline il reprit sa course, avisant le mur de la façade que les opposants tentaient de faire tomber vers l'intérieur. Si elle se trouvait en dessous il..

Dans l'élan il sauta par dessus des gravats et atterrit sur le plancher du rez de chaussé. Tous les muscles du Titan se bandèrent lorsque ses mains se posèrent sur le mur en pierres lourdes. Dans le mouvement, il vit une lueur rousse dans la pénombre, juste derrière lui accompagnée d'une femme enceinte et d'un enfant. C'était elle. Il reconnu son odeur parmi la mort et la désolation. Galvanisé, il hurla dans l'effort et poussa l'entièreté de la paroi penchée qui tomba sur les ennemis paralysés par le retournement de situation.

Essoufflé, son corps se soulevait et se rabaissait alors que les cris se turent et que la poussière retombait. Son corps se détachait dans la pénombre tranchée par la lumière des flammes alentours, bien plus loin. Son corps s'était endurci, développé, ses mains étaient grandes et son poitrail déployé. Ses cheveux étaient restés d'argent et l'un de ses yeux d'or.

Il se retourna alors.

A terre, Lily protégeait la fameuse Claudia ainsi que son premier enfant. Il était sale et puissant, elle était défenseuse et déterminée. Le géant la toisa quelques secondes.

- Toi.

Vivement il se pencha pour l'attraper par le poignet puis par la taille, la forçant à se redresser contre lui.

- Je suis venue te chercher.

La main sur sa nuque l'attira vers lui alors qu'il penchait son corps pour l'embrasser.

Ca faisait.
Une.
Eternité.

Il fallut que des cris retentissent pour le faire revenir au moment présent.

- Porte le gamin, je m'occupe d'elle. Intisar est de l'autre côté des barricades.

Cocoon

I protect those who stand behind me;
I fight with those who stand beside me;
I defeat those who stand in front of me.

	La Prêtresse et le Cavalier
	Ft. Cocoon
- Attends ! Où tu vas ? L’ombre de son large dos se découpait avec netteté sur la campagne qui s’éveillait. Sous les lueurs d’un jour timide, la rosée s'évaporait en volutes des mêmes nuances d’argent de sa chevelure ébouriffée. Il s’arrêta au son de la voix de Lily, et tourna, par-dessus son épaule, son visage sévère. L’éclat de son œil d’or éblouissait plus que l’astre solaire qui montait sur l’horizon. Elle marcha jusqu’à lui, malgré ses jambes tremblantes, et tendit une main dont il connaissait par cœur toutes les courbes. - Où tu vas ? Pas de reproche, ni de surprise. Elle savait, elle avait toujours su qu’un jour, Cocoon partirait. Le hasard était responsable de leurs retrouvailles, lesquelles duraient depuis trop longtemps pour s’éterniser encore. Quelque chose vibrait sous la peau du Terran, quelque chose qui évoquait à Lily une liberté en sursis qu’une puissance occulte lui arrogerait sans crier gare. L’heure était venue. Il glissa sa grande main autour de la sienne, avant de l’enrober de tout son être. Dissimulée de la lumière du monde, elle ne se sentait jamais plus chez elle que contre son torse dans lequel battait un cœur de géant. Penché tout contre elle, il eut été facile de murmurer des paroles rassurantes à ses oreilles de renarde, mais il préféra sceller leur silence d’un baiser. Cocoon se passait de mots là où les gestes suffisaient. Ce n’était pas un adieu. Lily le connaissait suffisamment pour avoir l’instinct de penser qu’un départ définitif ne se serait pas déroulé ainsi. S’il s’était retourné vers elle, c’est qu’elle avait encore sa place sur sa route. Ils se reverraient, tôt ou tard. - Tu me le promets ? Il lui promit. Il s’éloigna sur le chemin, où un vent paisible se levait. Un vent chargé des larmes de la Prêtresse, qui ruisselaient sur un sourire qu’elle se jura de lui servir au moment de leur réunion. * Le roussi qui les avait tous réveillés ce matin-là irritait la gorge de Lily. C’était pourtant ses sens de Yorka qui avaient permis de mettre la maisonnée en alerte, juste avant l’assaut qui aurait pu les surprendre bien davantage. Les rumeurs au sujet de la guérilla, qui couraient depuis plusieurs jours, s’avéraient justes. Leurs visiteurs belliqueux furent accueillis par quelques coups d’estoc que la Prêtresse leur porta avec l’arme qu’elle avait attrapée en quatrième vitesse, à sentir le sol vibrer de leurs pas rapides. Il fallait protéger Claudia, son enfant et celui à naître. Le premier ennemi avait reçu le manche en plein dans l’estomac, un autre sous le menton. Des coups donnés avec force et précision, et qui les avaient étourdis. Mais ils étaient nombreux, et la débandade dehors les encerclerait bientôt. Si cette maison demeurait la seule à tenir debout, rien ne servirait de se défendre comme Lily le faisait. Bientôt acculée, elle dû se résigner à subir l’assaut imminent de leurs adversaires, offrant son corps en bouclier de la famille sur laquelle elle veillait depuis plusieurs semaines. Mais debout, la maison ne le resta pas longtemps. En ce quoi les ennemis n’étaient responsables de rien. Un rugissement sorti du néant, celui d’une bête de puissance et de brutalité, capable de renverser des montagnes et d’affronter des tempêtes. Un chaos d’une violence inouïe, que Lily reconnut dès qu’elle pu lever les yeux. Il se tenait là, aussi solide qu’un titan, plus large, plus fort que jamais. Ses épaules s’étaient déployées au-dessus d’un torse d’une robustesse nouvelle. Ses grandes mains, endurcies par le temps, avaient à elles seules renversé le mur sous lequel leurs ennemis avaient vu périr leurs espoirs de victoire, leur courage et leurs misérables carcasses. Sous la pluie d’argent de sa chevelure brillaient un œil clair et un œil d’or, joyaux de son visage mat, aussi fermé et sévère qu’auparavant. Une carapace qui ne souffrait aucune brèche de douceur, même quand il s’approcha d’elle pour la saisir et la relever, sans ménagement. Pareille à une plume entre les griffes d’un félin sauvage, Lily reconnut ce touché animal et possessif, qui caractérisait celui qui hantait chacune de ses nuits depuis qu’il était parti, un matin, à l’heure où la campagne s’éveillait. - Cocoon… Il était là. Il était revenu. Il avait tenu sa promesse. Jamais elle n’en avait douté. A le sentir lui voler un baiser, et l’embrasser comme il savait le faire, si bien le faire, son corps s’embrasa plus ardemment que les flammes qui détruisaient le monde à l’extérieur. D’abord ballotée dans ses bras, elle s’agrippa à son cou avec autant de force que si elle craignait de tomber dans le vide. C’était là qu’il la faisait tourner. De nouveau, des cris. Une marche à suivre, lancée de sa voix rauque et profonde qui sonnait, dans le cœur de la Yorka, comme le chant d’un dieu des ténèbres. Et dehors, Intisar, qui les attendait. Cours, Lily. Le petit se blottissait contre elle et cachait sa figure dans les longs cheveux de sa protectrice, qui courait, courait à toutes jambes. Il fallut se frayer un chemin, par-delà le chaos qui régnait, et éviter les zones les plus sensibles pour pouvoir outrepasser les barricades. La prêtresse reconnut aussitôt la monture qui les avait menés jadis par monts et par vaux dans les terres du vaste monde. Il faudrait y installer Claudia et son fils. Elle, pourrait se transformer et galoper aussi vite que le vent. Ils profitèrent de cette ambiance de guerre pour s’échapper plus vite qu’une hémorragie chasse le sang d’une veine. Le temps de leur fuite dura jusqu’à ce que Lily, à bout de souffle sous sa forme de petit canidé, doive reprendre des forces. Le village, derrière eux, ne ressemblait plus qu’à un champignon de fumée. Elle reprit forme terranne, malgré ses muscles tétanisés, et prit appui contre un arbre dont l’ombre bienfaisante soulagea ses maux. Claudia gémit de douleur, pied à terre, tandis que son fils se réfugiait dans ses jupes. Et Lily leva les yeux vers Cocoon. - Mon héros est revenu, dit-elle pour elle-même. Elle qui l'avait tant attendu. * Une fois leurs esprits retrouvés, ils chevauchèrent dans la campagne sur des chemins méconnus pour se préserver de toute filature ennemie. L'enfant et sa mère sous l'aile de Cocoon, inébranlable garde du corps, Lily demeurait sous sa forme de renarde et les suivait, discrètement, au travers des herbes et fourrés qui longeaient leur route, à l'affût du moindre bruit annonciateur de danger. Le colosse les guida jusqu'à un nouveau village que Lily n'avait pas visité au cours de ses pérégrinations. L'aurore s'annoncerait d'ici quelques minutes, lorsque les uns posèrent le pied à terre tandis que l'autre recouvrait son apparence humaine. Dans les rues peuplée de maisons endormies, ils marchèrent à pas de loup, jusqu'à l'abris qui leur servirait de cachette jusqu'à ce qu'ils avisent de la suite des événements. Et à en juger par l'état de Claudia, ces événements s'annonçaient des plus intenses.