Le prix de la miséricorde

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 Le prix de la miséricorde

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Anonymous Invité
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MessageSujet: Le prix de la miséricorde   Le prix de la miséricorde Icon_minitimeJeu 12 Aoû - 2:01

Le prix de la miséricorde
Magnus Delacre se tenait debout en avant de la proue de l'Emérite, infranchissable face au vent marin qui fouettait sa longue tignasse châtain. Engoncé dans une tunique à col haut, parée d'épaulettes brodée d'où tombe une cape aux couleur de la Compagnie des Eaux Dorées, il s'était fiché à l'avant de sa frégate et avait plongé son œil azur dans l'horizon d'où s'écoulaient les flots luisants de la côte de Samhach. Un petit sourire satisfait réhaussait ses lèvres et paraît sa moue d'un air hautain qui seyait parfaitement au titre qu'il avait récemment reçu du Commandeur en personne. Nommé à la tête d'une flottille de cinq navires — une caraque, deux flûtes et deux frégate dont la prestigieuse Emérite dont il était le capitaine —, il avait depuis maintenant plus d'un mois la charge de commander l'expédition routinière de ses bâtiments marchands le long des côtes de Noathis pour le compte de la Compagnie. Chargés de pierres de sphène, de minerais rares et d'épices du continent, les trois navires de charge étaient escortés par deux frégates pour dissuader les assauts pirates occasionnels le long de la route maritime. Du haut de son expérience de corsaire, Magnus n'avait aucune appréhension particulière quant au bon déroulé de la présente traversée. Il n'en demeurait pas moins prudent ; son œil azur passait d'un navire à l'autre, surveillant le bon déroulé des manœuvres à l'approche de la passe du Col de Samhash, qu'il savait délicate en raison des pics rocheux qui la longeaient. En cette journée de Cobel, le ciel avait beau être dégagé, l'horizon était saturé par les murs rocailleux du Col, compromettant la visibilité globale de la flottille. Et voilà que la première frégate de la formation s'engouffrait dans l'étroit couloir de la passe rocheuse.

La frégate avait disparue du champs de vision du capitaine. Puis ce fut au tour de la caraque, suivie des deux flûtes, de disparaître le long du premier virage de la passe. L'Emérite clôturait la formation, elle serait donc la dernière à rejoindre la tête de la flottille. Les flots s'écrasaient avec violence le long des cimes rocailleuses du Col, taillant la pierre en d'épaisses dents tranchantes. Le cheminement du bâtiment était délicat, mais le second du capitaine connaissait son métier, et parvenait sans difficulté à manœuvrer la frégate le long du dernier tournant. Mais l'écho assourdissant des vagues battant la roche et le sifflement décuplé du vent le long de la passe avaient empli le Col tout le temps de la traversée, et couvert les sons en provenance de la tête de la formation. Rien d'anormal à l'occasion de la traversée d'un tel passage côtier, mais cette fois-ci, la couverture sonore avait servi à prendre de court la formation de la flottille. Car lorsque l'Emérite termina sa traversée du Col et rejoignit la côte de Samhash, c'était pour entendre un tout autre musique que celles des éléments.

Le vent et les flots avaient camouflé le tonnerre qu'accompagnait l'embuscade de la tête de formation. Magnus perdit aussitôt son air satisfait quand il s'aperçut enfin que la première frégate était aux prises avec une poignée de bricks aux voiles noires et rouges, piégée dans une tornade de flèches enflammées cadencée par les tambours des coups de canons. Une autre demi-douzaine de vaisseaux pirates bloquaient toute retraite aux navires de charge, mais ne les attaquaient pas encore. L'un des bricks retint l'attention du capitaine : un navire plus large, au pavillon arborant une fleur que tous les marins de la Compagnie connaissaient bien. C'était le Lotus. Magnus comprit que leurs assaillants faisaient donc partis de la flotte d'Obediah Limani, le démon-pirate, et que l'armada déchaînée qu'ils devaient affronter était commandée par la Couleuvre des Mers, la capitaine Amarante.


† † †


La situation n'était pas désespérée pour autant. Les équipages des frégates étaient composés de vétérans formés à se défendre contre de tels assauts. Aussi, quand Magnus se retourna vers ses hommes et tonna ses premiers ordres de manœuvres, tous s'exécutèrent aussitôt, dans une chorégraphie militaire parfaitement réglée. Le capitaine traversa le pont supérieur en dégainant sa rapière, qu'il tendait haut tout en dirigeant leur réplique. Avec un sang-froid exemplaire et galvanisant, il ordonna qu'on vire de bord pour faire flanc aux bricks qui s'en prenaient au flanc de bâbord de la première frégate. Un mage terran installé au niveau du grand mât gonfla les voiles d'un vent magique, et le navire fendit les flots jusqu'à prendre de vitesse les bricks qui n'avaient pas anticipé la manœuvre. Quand elle fut à portée, et que l'angle propice se dégagea, l'Emérite envoya sans sommation une première volée de boulets de canons. La discipline avec laquelle se coordonnait l'équipage était telle qu'on ne parvint même pas à distinguer plusieurs tirs, tant les détonations étaient synchronisées. Mais le capitaine ne prit pas même le temps d'apprécier le spectacle des deux bricks coulant par le fond, il laissa la seconde frégate se charger des deux bricks restant de son côté et avisa par tribord. Un détachement de bricks s'était lancé à leur poursuite. Profitant de la pleine lancée dont jouissait encore l'Emérite, il ordonna au mage de stopper son sort et tonna qu'on jette l'ancre. Ses hommes connaissaient cette tactique : stopper la frégate alors qu'elle était à pleine vitesse leur permettrait de braquer le gouvernail de sorte à offrir le flanc garni de canons en une seule minute décisive — de quoi prendre de vitesse l'assaut des bricks. Aussitôt la manœuvre entamée, tous se tinrent au bastingage, et sitôt le virage de bord opéré, une nouvelle volée vint cueillir les vaisseaux pirates. Désorganisés, ceux-ci virèrent de bord — trop tard pour l'un d'eux, dont la coque vola en éclat. On releva aussitôt l'ancre, et le mage gonfla de nouveau les voiles.

Mais les pirates avaient assez perdu de temps. Derrière l'Emérite, la seconde frégate venait de se faire harponner et la coque d'un brick se rapprochait dangereusement du flanc de bâbord, promettant un abordage imminent, tandis que sur tribord approchait un autre vaisseau prêt à entamer la même démarche. Plus loin, le mur de bricks s'était cassé et une flûte était parvenue à s'échapper tandis que la seconde, ainsi que la caraque, était abordée. Magnus s'aperçut au même instant que son vaisseau était encerclé. En poupe, le Lotus et un bricks s'approchaient de face et manœuvraient de sorte à virer au même rythme que l'Emérite, tandis que deux autres vaisseaux d'abordage les contournaient. Le second du capitaine s'approcha.

— Capitaine ! Nous sommes assez nombreux pour repousser un abordage, peut-être même deux, mais pas autant. Le code de la Compagnie indique de se rendre en cas d'encerclement.

— Les pirates de la flotte du Maudit ne font pas de quartier. Se rendre face à eux, c'est mourir sans avoir combattu. Et ils n'ont pour l'instant pas tirer sur l'Emérite, sans doute parce qu'ils comptent nous le dérober.

Le capitaine marqua une pause, et avisa la situation le temps d'une seconde. Son second avait raison. Ils étaient perdu.

— Mais nous ne leur laisserons pas ce navire. Et si nous devons mourir aujourd'hui, ce ne sera pas sans avoir combattu jusqu'au bout.

Magnus Delacre gravit les quelques marches qui menaient au pont de proue, et se posta face au pont supérieur. Il brandit sa rapière, face à son équipage désemparé face aux manœuvres d'encerclement de leurs ennemis. Le capitaine fraîchement nommé tonna d'une voix forte et démontra un sang-froid exemplaire. Il se fendit d'un discours court mais honnête, sans fausse promesse, et plein d'honneur, à ses hommes. Et au terme de celui-ci, tous brandirent leurs lames et tous entonnèrent la devise de la Compagnie. C'est alors que Magnus donna le dernier ordre qu'il pouvait exiger à bord de l'Emérite.

— Videz les canons !

Les pirates ne comprirent pas la tactique employée par le capitaine de frégate. Alors qu'ils s'apprêtaient à harponner l'Emérite et à sonner le glas de son équipage, le bâtiment cracha un tonnerre de feu qui noya les alentours dans un épais nuage de fumée noire. Mais peu importait aux forbans du Lotus. Le vaisseau était assez prêt de la coque de l'Emérite, de même pour le bricks qui l'accompagnait. Sur un seul son de corne, l'ordre d'abordage fut donné. Les harpons se fichèrent dans le bois, les chaînes tractèrent leur proie, et les cordages se délièrent pour balancer les pirates d'un pont à l'autre. La terrible Couleuvre des Mers, Amarante en personne, posa le pied en premier sur le pont supérieur de la frégate. Lames au clair, un regard de furie balayant l'horizon, elle s'apprêtait à verser le sang. Mais elle fut coupée dans son élan. Car, à peine l'écran de fumée levé, elle s'aperçut que l'équipage de l'Emérite n'était plus à bord. Le pont était vide.

Pourtant, le fer croisait bel et bien le fer, et un abordage était bien en cours. Mais c'est trop tard que la capitaine du Lotus s'aperçut de la supercherie. L'équipage de l'Emérite avait elle-même abordé l'un des bricks qui l'avait contourné, profitant du nuage de fumée pour lancer l'assaut à l'abri des regards. La diversion avait fait son effet : en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'équipage expérimenté de la frégate avait défait la vingtaine d'hommes seulement que comptait le vaisseau pirate. Profitant de son nombre bien plus important, elle avait noyé les pirates sous des coups disciplinés et meurtriers, profitant largement de l'effet de surprise. Le second du capitaine s'était quant à lui emparé du gouvernail, et le bricks virait déjà de bord. Le second vaisseau d'abordage qui avait encerclé l'Emérite fut bientôt en ligne de mire, et une canonnade l'avala d'une traite, l'entraînant par le fond. Ne restaient plus que le Lotus et un seul bricks, déserté par leur équipage qui se trouvait à bord de l'Emérite. Mais les matelots de la Compagnie n'avaient pas le temps de charger les canons. Il était temps d'aborder leur propre vaisseau.

Les marins ne s'étaient pas attendus à ce que leur stratégie désespérée fonctionne aussi bien. En quelques minutes à peine, ils avaient réussi à renverser la situation. Et même si le reste de la flottille était sans doute déjà tomber entre les mains des pirates, ils pouvaient espérer lutter à armes égales face à ceux qui avaient investis l'Emérite. Galvanisés par le combat, leur honneur redoré et nourris d'espoir, c'est le regard fiévreux et sanguinaire qu'ils toisèrent les pirates depuis le pont. Ils lancèrent eux-mêmes l'assaut, à nouveau, sur leur ancien vaisseau.

Les pirates les y attendaient de pied ferme. L'orgueil blessé, ils appelaient le sang plus que jamais. Et l'éclat du fer croisant le fer ne tarda pas à se faire entendre. Le pont supérieur de l'Emérite s'était transformé en un formidable champ de bataille. Les forbans, presque aussi nombreux, n'étaient toutefois pas aussi disciplinés que les vétérans du capitaine corsaire. Rien qu'à lui seul, Magnus embrocha trois pirates, trancha net le bras armé d'un quatrième, et en fit passer un par-dessus bord d'un habile mouvement du dos. Mais la capitaine du Lotus aussi bataillait sur le pont, et son palmarès ne tarda pas à égaler celui du corsaire. Ses mouvements étaient si rapides et si précis qu'on peinait à les distinguait, comme s'ils s'inscrivaient tous dans le sillage du précédent, brouillé par la couleur pourpre du sang qu'elle faisait jaillir en geyser du corps des pauvres marins. Tout en exécutant sa danse macabre, elle motivait ses hommes et tonnait des injures indicibles à l'encontre de ses ennemis. Le centre du pont se dégagea bientôt, et les deux capitaines lâchèrent le corps de leur dernière victime simultanément, se faisant face à présent. Ils n'étaient toutefois pas sur un pied d'égalité. Autour d'eux, le nombre des pirates chutaient drastiquement, les marins vétérans en valant chacun deux. La Couleuvre des Mers essuya un filet de sang du coin de ses lèvres, et avisa le visage de son adversaire, amoché lui aussi. L'un comme l'autre se préparait au duel. Amarante s'était redressée, et s'était calmée. Elle sourit, de ce sourire carnassier propre aux prédateurs.

— Tu as mon respect, marin. Tu es bien le premier de ton espèce à être parvenu à me flouer de la sorte. Ta résistance t'honore.

— Je n'ai pas tous les jours l'occasion de débarrasser ces mers d'un parasite tel que toi, pirate. Cela vaut bien quelques bravades au code de la Compagnie.

Le sourire d'Amarante s'agrandit. Mais il était temps d'en finir. Elle se jeta sur son adversaire, qui la réceptionna d'un pas de côté et dévia sa lame du plat de la sienne — presque au dernier moment. S'en suivit un échange digne des plus brillants escrimeurs des sept mers. Esquives, feintes et parades s'enchaînèrent dans le flou d'une danse improbable à laquelle tous deux excellaient. Puis, le premier sang fut versé. La Couleuvre des Mers essuya un revers de lame au niveau du bras, qui dessina un trait rouge. Les deux capitaines prirent leurs distances, et soufflèrent. Autour d'eux, les pirates étaient mis en déroute. Le visage d'Amarante se mua en une moue maussade, et elle cracha de dépit en considérant sa blessure. Quant à Magnus, il affichait un pli satisfait. Aujourd'hui marquait un tournant dans l'histoire maritime des quatre royaumes. C'était le jour où le Croc de Phelgra serait défait par un capitaine de la Compagnie des Eaux Dorées.


† † †


Encore fallait-il acter ce chapitre de l'histoire. Magnus Delacre pointa sa rapière en direction de la capitaine pirate. Celle-ci s'arqua droit vers lui, deux lames au clair le long des avant-bras. Et ils se jetèrent l'un sur l'autre. Mais avant même qu'ils ne parvinrent à la hauteur l'un de l'autre, qu'un brusque tremblement les déstabilisa, ainsi que tout le navire, qui manqua presque de chavirer. L'Emérite venait de se faire éperonner. Un coup d'œil par-dessus le bastingage et le capitaine Delacre comprit qu'ils venaient de se faire transpercer par la figure de proue de la flûte qui s'était esquivée quelques temps auparavant du mur de bricks pirates. Mais à son bord, plus aucun marin de la Compagnie. A leur place hurlaient des êtres difformes aux regards de braise. Une myriade de lames parsemaient le pont supérieur, remplit de pirates aux allures terrifiantes. Des zéols, des yorkas et autres lhurgoyfs s'y bousculaient, prêts à l'abordage. Mais surtout, une figure bien connue des légendes de marins : celle de Grecko Main d'Acier, et de ses gorgoroths à l'aura d'outre-tombe. Tous étaient auréolés d'un linceul rougeâtre accentuant leur aspect belliqueux, symbole d'une soif de sang décuplée et d'une rage débordante. C'était le Second du légendaire démon-pirate qui avait prit le contrôle de la flûte, et menaçait à présent d'envahir l'Emérite. Mais le plus effrayant était à venir. Car dans le sillage de la flûte marchande se dessinait à présent la sinistre silhouette du Baron Fortune. Le galion principal de la flotte du Maudit, commandé par Obediah Limani en personne. Derrière l'imposant navire se dressait un mur de flammes léchant les flots, au centre duquel coulaient la frégate et les bâtiments marchands de la flottille de Magnus Delacre.

A cet instant précis, le temps semblait s'être arrêtés. A bord de l'Emerite, le champ de bataille qu'était devenu le pont supérieur s'était totalement figé. Les marins écarquillèrent les yeux en apercevant le Baron Fortune, tandis que les pirates survivants s'étaient rassemblés autour de leur capitaine. Un murmure sourd inquiétant commença à emplir l'atmosphère. Les pirates entonnèrent doucement un chant aux sonorités sinistres, comme une complainte, ou une prière impie, aux paroles se faisant l'écho des légendes les plus noires des sept mers. Et comme s'ils étaient galvanisés par la présence du démon-pirate, une aura rouge commença à se dessiner autour d'eux, et leurs yeux s'embrasèrent subitement d'une fureur renouvelée, faisant reculer les marins, pourtant en supériorité numérique sur le pont. Quant à Magnus Delacre, il ne peut que constater le désespoir de ses hommes à la vue du Baron Fortune et de l'équipage cauchemardesque de Grecko, qui lança les premiers grapins qui vinrent s'agripper aux mâts de l'Emérite. Aussitôt, le flanc bâbord du Baron Fortune cracha un tonnerre de feu, comme pour sonner le glas de la frégate. Sans doute avait-il intercepté la flûte de la Compagnie dans sa fuite, avant de l'envahir puis de couler le reste de la flottille, pendant que l'équipage de l'Emérite faisait face aux assauts des bricks. Et face aux auras rougeoyantes de leurs assaillants, la ferveur des marins sembla les abandonner aussi vite qu'elle les avait gagné. Magnus lui-même se surprit à trembler face à la promesse qu'incarnait l'entrée du Baron Fortune dans la danse.

Démunis qu'ils étaient face à l'invasion de l'équipage de Main d'Acier, les marins de l'Emérite lâchèrent leurs lames aussitôt que les premiers pirates de l'ancienne flûte de la Compagnie franchirent l'espace séparant les deux navires. Un instant plus tard, l'imposante silhouette du Baron Fortune, à présent à tribord, plongea le pont supérieur dans l'ombre, avant de s'arrêter. Une jetée tomba et lia les deux navires, et la Horde du démon-pirate s'en déversa sur le pont de l'Emérite. De son côté, Amarante arborait un sourire cauchemardesque, tandis que ses hommes continuaient de chanter les louanges obscures du Maudit. Un silence pesant emplit l'atmosphère, tandis que les pirates se rangeaient de chaque côté du pont supérieur de la frégate, encerclant les marins à présent à genoux. Certains se surprirent à sangloter. Et la plupart tremblait. Le sentiment de peur qu'ils ressentaient tous ne fit que s'accentuer au fil des minutes, jusqu'à ce que la silhouette surnaturelle du « Visage de mort » se dessine de l'autre côté de la jetée. Le pirate était un véritable colosse. D'ésotériques dessins blancs jonchaient son visage, se rejoignant pour former un simulacre de crâne terran, et une lueur mauve s'échappait des orbites indiscernables de celui qu'on surnommait l'avatar de Kron. A cet instant, même le plus solide des vétérans de la Compagnie ne pouvait que ressentir une crainte profonde à l'égard du prédateur qui lui faisait face. Obediah Limani incarnait l'essence même du danger. A peine eut-il fouler le plancher du pont supérieur et eut-il avisé la rangée de marins à genoux de son regard d'outre-tombe qu'il en ordonna l'exécution. Et avant même que les vétérans puissent protester, tous virent leur gorge se fendre d'une plaie rouge et profonde, puis tombèrent d'un seul mouvement en avant, tapissant le sol de leur sang. Obediah en contempla le macabre spectacle, absolument impassible, avant de tourner la tête vers le capitaine Delacre, totalement désemparé, tentant tant bien que mal de donner une illusion de contrôle sur la peur insondable qu'il ressentait du fait de la simple présence du pirate. Le Sanglant s'approcha de lui, et s'arrêta à sa hauteur.

— Sais-tu combien de mes hommes tu as abattu aujourd'hui, marin ? Combien de mes navires tu as envoyé rejoindre le fond des océans ?

Il marqua une pause. Magnus Delacre n'avait pas même la force physique d'ouvrir la bouche pour répondre au sinistre pirate qui le dépassait de plus d'une tête.

— C'est un exploit que tu as accompli aujourd'hui. Je respecte les capitaine de ton acabit, petit marin. C'est pour cette raison que je m'apprête à t'offrir une mort rapide.

Obediah passa une main dans son dos et en sortit la hache qu'il avait surnommé le Croc de Sharna. Il la brandit face à l'ancien corsaire, qui se trouvait transit d'effroi face à l'abominable capitaine pirate, incapable du moindre mouvement, complètement désemparé face à tant de pouvoir et de violence. Mais avant qu'il l'abatte sur Magnus, un bruit sourd le stoppa dans son mouvement. Plus loin, Amarante s'était effondrée. Etalée sur le sol, elle convulsait, et un filet blanchâtre tapissait le coin de ses lèvres. Obediah rabaissa aussitôt son arme, et deux gorgoroths vinrent maîtriser Magnus, le mettant à genoux face aux cadavres de ses hommes.

Le Maudit s'agenouilla à côté de la jeune capitaine, avisa son état. Il se redressa brusquement, et le son vibrant de sa voix emplie d'autorité résonna.

— Qu'est-ce que tu as fait à ma capitaine ? Répond, corsaire ! Tu l'as empoisonnée. Sauve-la, et je t'épargnerai une existence de tortures insoutenables à bord de mon navire.

Mais Magnus ne desserra pas les lèvres. Face à la promesse du démon-pirate, il s'efforça de conserver son honneur, et refusa de révéler quoi que ce soit de sa machination. Obediah se releva d'un seul mouvement et s'approcha du marin. Il le toisa de tout son haut, constatant son mutisme, et avisa la lame de sa rapière. Elle était léchée d'un liquide aux reflets ambrés, qu'Obediah estima être une puissante toxine. Il saisit l'arme par la garde, avant d'abattre son poing sur le visage du marin. Si fort que ce dernier sombra aussitôt dans l'inconscience. De nouveau, la voix d'Obediah tonna.

— Qui seconde Amarante à bord du Lotus ? Qu'il se présente !

Un terran d'une cinquantaine d'année, au visage maculé de sang, s'empressa d'accourir sur l'ordre du démon-pirate. Il s'inclina avec déférence. Obediah le fit se relever.

— Tu étais responsable de ta capitaine, pirate. Tu as échoué dans ta tâche.

Le Sanglant n'ajouta pas un mot de plus. Les lèvres barrés d'un pli haineux, il abattit sa hache sur le sommet du crâne du second du Lotus, qui se fendit net sous le coup puissant d'Obediah. L'homme s'effondra, le visage scindé en deux. Sans perdre un instant, le pirate leva son arme sanguinolente et ordonna qu'on rejoigne la terre ferme. A défaut de compter un apothicaire dans ses rangs, il lui faudrait trouver de l'aide sur la côte. Le démon-pirate ne savait pas s'il en trouverait, mais il ferait tout pour sauver celle qu'il considérait comme sa fille de cœur. Sa horde rejoignit le Baron Fortune, et le galion gagna les sables de la côte. Dans son sillage brûlait toujours le mur de flammes au sein duquel s'était abîmée la flottille de Magnus Delacre, que Grecko avait enfermé dans la cale du Baron Fortune. Plusieurs épaisses colonnes de fumée noire gagnaient les cieux nimbés de soleil des côtes de Samash. Arrivé à terre, l'équipage du Visage de Mort se mit en quête des villages attenants, à la recherche d'une personne apte à guérir la Couleuvre des Mers, qu'Obediah avait allongé à même le sable de la plage. Il avait fiché son regard au loin vers la cime des forêts de la région, espérant qu'on lui apporte l'aide dont il avait besoin pour sauver sa capitaine. Quiconque la lui apporterait se verrait bénéficiaire d'une dette dont le démon-pirate se sentirait investi.




Dernière édition par Obediah Limani le Dim 15 Aoû - 1:06, édité 3 fois
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Anonymous Invité
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MessageSujet: Re: Le prix de la miséricorde   Le prix de la miséricorde Icon_minitimeVen 13 Aoû - 20:30

Les femmes chargées de la surveillance des environs avaient repéré des mouvements au sud, en mer: on soupçonnait des contrebandiers venus piller les ressources de la forêt, pierres de sphaigne au premier rang de leur butin. Pour cela, on se préparait à l'embuscade, au sabotage, voir à l'assassinat. On avait envoyé qu'une poignées d'Eryllis depuis Elgondor en renfort à Samhach, leurs dirigeantes ne s'attendaient pas à une attaque d'ampleur contre la forêt et Dura était l'une d'elle. En sa qualité de guérisseuse de combat, capable de réduire une fracture en quelques minutes et de renvoyer ses patientes au combat débarrassées de leur douleur en quelques instants, elle était un élément indispensable pour les petits contingents.

La marche d'Elgondor à Samhach s'était déroulée sans encombres en quelques jours et l'arrivée au village avait été placée quasiment sous le signe de la fête. Malgré les risques, le danger semblait loin et beaucoup d'entre elles avaient des amies dans l'un ou l'autre des deux points névralgiques des Eryllis. Dura avait toutefois eu le plus grand mal à profiter du moment: éprouver de la sérénité alors qu'une menace, même minime planait sur la forêt lui semblait inconcevable. Pour beaucoup de ses sœurs, Noathis avait été un refuge pour vivre la seconde partie d'une vie difficile commencée bien loin de là. Dura, elle, été née et avait grandit sous les frondaisons de la forêt: tout ce qu'elle avait vécu, le bon et le mauvais, y avait eu lieu. Peu de ses sœurs partageaient son profond sentiment d'appartenance non seulement à leur ordre mais également à la terre.

Passée l'euphorie des débuts, les femmes d'Elgondor s'étaient installées presque comme pour un voyage d'agrément. On attendait le premier mouvement des présumés contrebandiers pour passer à l'attaque et les guetteuses locales, plus habituées au terrain, étaient bien mieux qualifiées que les renforts pour définir à quel moment Samhach et la forêt seraient en danger. L'inaction avait usé les nerfs de Dura, la légèreté de ses camarades encore plus. Elle faisait et défaisait sans cesse sa trousse de chirurgie pour s'assurer que la moindre de lames, la plus infime aiguille à suture, était prête à l'emploi et se gardant elle-même ainsi que Secours, son familier sanglier, en permanence prêt à l'action. Malgré tout, la guérisseuse n'avait que rarement mieux à faire que de regarder ses herbes et son moral moisir lentement.

Il fallu six jours à Samhach pour que Dura arrive au delà de ses limites. Au matin du septième jour, elle annonça qu'elle passerait la journée hors du village. A défaut d'action, la guérisseuse comptait s'y préparer au mieux: au bord de la mer, il y avait nombre de plantes qu'on ne pouvait pas obtenir plus haut dans les terres. Sur les plages et dans leurs voisinage directe, il n'y avait évidemment pas grand chose, mais dans les falaises et la rocaille certaines herbes discrètes pouvaient lui être utile. Elle était donc sortie du couvert de la forêt pour s'avancer vers le littoral, sans crainte: elle se savait dans l'angle mort des guetteuses, mais accompagnée de sa laie à la silhouette massive et son marteau de guerre sanglé en travers du corps, elle ne craignait rien. C'était à peine quelques minutes après le début de sa fastidieuse collecte que Dura avait aperçu les bateaux.

Les choses de la mer lui étaient si étrangères qu'elle mit quelques instants à comprendre qu'il s'agissait d'un affrontement. La scène lui semblait inextricable: chaque parti semblait disposer de plusieurs vaisseaux qui s'entremêlaient dans une danse complexe de fumée et de feu. Dura restait là, au bord de la falaise, tenant Secours bien serrée par le licol, le visage fouetté par le vent iodé qui lui portait des cris d'agonie, des chants sinistres, des explosions. Elle avait le même sentiment d'horreur et de mystère que si elle s'était tapie dans les buissons pour observer deux cerfs en rut se battre jusqu'au sang, les cors en avant. Le feu brûlait sur l'eau, en un spectacle contre-nature qui lui glaçait le sang.

Finalement, à mesure que des navires disparaissaient sous l'eau, la fortune semblait avoir choisi son camp: Dura avait désormais moins l'impression d'assister à un combat d'égal à égal entre deux rois de la forêt qu'à la prise d'une proie terrifiée par une meute de loups. Comme lors de la chasse, le vaincu semblait lentement submergé par la masse de ses agresseurs, jusqu'à succomber et tomber à genoux pour être dévoré vivant par des gueules avides. Abîmée dans sa sidération, Dura mit quelques minutes à s’apercevoir que le vainqueur avait viré de bord pour s'approcher de la côte. Le vaincu lui, s'enfonçait dans les abysses, rongé par les flammes sur ses parties émergées. Le vaisseau était déjà fort proche de la terre et quand il aurait accosté, l'équipage lui couperait la route vers la forêt.

Elle avait espéré que ces marins, qui ne pouvaient être que des contrebandiers de sphaigne pour Dura, s'éloigneraient vers des mouillages plus accueillants que Noathis pour se remettre du combat. Mais ils ne semblaient pas perdre de vue l'objectif qu'elle leur prêtait. Aussitôt, elle remonta les rênes sur l'encolure de sa laie, bénie du pouvoir de gigantisme et faisant d'elle une monture idéale pour la zélos. Son pied se porta à l'étrier et Dura souleva sa silhouette massive au dessus du dos de Secours pour se caler en selle. Un œil en contrebas sur la plage lui apprit que déjà, les premiers hommes d'équipage débarquaient. Alors qu'elle s'apprêtait à lancer sa monture à pleine vitesse vers les bois pour donner l'alerte, l'esprit de Dura s'accrocha à une petite incohérence comme du tissu s'accroche à du bois grossier: cela n'avait pas de sens de débarquer ici si on avait pour objectif d'échapper aux Eryllis.

La plage était certes dans l'angle mort des guetteuses, mais approcher l'immense bateau ainsi était d'une imprudence ridicule. L'évidence, pour piller les richesses de la forêt, aurait été de laisser le navire en mer et de débarquer des petits groupes en chaloupes discrètes et faciles à cacher à terre. De même, les colonnes de fumées et le bruit des canons avait dû attirer l'attention. Si c'était le bon endroit, ce n'était ni le bon moment ni la bonne stratégie. Soit celui qui dirigeait ces gens était idiot, soit quelque chose d'anormal était en train d'arriver. Cet instant d'hésitation avait été de trop pour la sécurité de Dura: on l'avait repérée, elle l'entendait aux exclamation des hommes d'équipage, et déjà se dirigeaient vers elle. Plutôt mourir que d'être prise, c'était l'impulsion qui raisonnait en elle au rythme des battements affolés de son cœur.

Dernière solution: forcer le passage. Dura piqua des deux, et avec le profond grognement de son espèce, Secours s'élança en avant le long de la pente. Grisée par la vitesse, la guérisseuse se vit dépasser la première ligne des marins qui s'avançaient vers elle. La charge d'un sanglier géant pouvait faire trembler le plus brave des guerriers, surtout un homme de la mer qui savait affronter bien des dangers mais pas la fureur des bêtes fauves de la terre. La ligne de la forêt s'approchait, mais Dura eut la curiosité idiote de se retourner: ce mouvement de son poids, sur un animal qui n'avait pas été façonné pour porter un cavalier, suffit à faire perdre l'équilibre à Secours. La laie dérapa, le corps perpendiculaire à la ligne de la pente et fini par tomber lourdement sur le flanc.

Sonné, la bête mis un instant à se redresser pour libérer la jambe de Dura, coincée sous elle. Un instant de trop: la guérisseuse et sa monture étaient cernées.
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MessageSujet: Re: Le prix de la miséricorde   Le prix de la miséricorde Icon_minitimeDim 15 Aoû - 2:04

Le prix de la miséricorde
L'équipage du Baron Fortune s'était montré efficace. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, la horde du Maudit avait installé un camp de fortune sur la plage, dont une tente, où on installa la capitaine Amarante, nimbée de sueur. Quelques tonneaux de denrées, tables et tabourets en bois l'entouraient, et Obediah fit instaurer un périmètre de sécurité s'arrêtant avant l'orée de la forêt. Il savait que ses hommes n'étaient pas prêts pour affronter ce qui était susceptible d'en sortir, et avait jugé en conséquence qu'il valait mieux s'en tenir éloigné.

Quelques minutes après avoir terminé l'installation du camp, Grecko rejoignit Obediah dans la tente.

— Capitaine. Le camp est établi et j'ai envoyé une dizaine d'hommes sonder les alentours pour trouver un guérisseur. En attendant leur retour, ne devrions-nous pas baisser le pavillon pour nous éviter des heurts avec les locaux ?

— Non. Qu'ils sachent qui a investi leur plage. Ma renommée tiendra leurs détachements de reconnaissance à l'écart. Les Eryllis ont beau être sauvages, elles ne sont pas stupides. Mais nous sommes sur leur territoire, et elles le connaissent mieux que nous. N'engagez pas le combat. Monte à bord du Baron, descend assez de barques pour contenir l'équipage et jette l'ancre plus au large. Présente la coque de tribord et charge le mortier. Si elles s'approchent de la plage et qu'elles se montrent agressives, fait tonner des tirs de dissuasion, mais vise le sable. Cela devrait les tenir en respect. Et relaie l'ordre à nos éclaireurs de ne pas faire couler le sang à moins qu'elles ne les y contraignent.

— A tes ordres, capitaine.

Grecko savait la menace que pouvaient représenter les Eryllis. Il ne s'étonna pas la prudence de peu de coutume d'Obediah, et se contenta de relayer ses ordres. Il investit ensuite le Baron Fortune, qu'il fit mouiller au large, ses gueules prêtes à cracher un feu de dissuasion pour impressionner leurs éventuelles adversaires.


† † †


En amont de la plage, un détachement de cinq pirates — un zélos, deux gorgoroths et deux terrans — s'apprêtait à gagner l'orée de la forêt quand ils repérèrent une forme montée sur un promontoire jalonnant la plage. Ils s'avertirent aussitôt de la menace, dégainant leurs sabres. Mais contre toute attente, c'est vers eux et en direction de la forêt que s'élança la silhouette. Il leur sembla apercevoir une zélos sur le dos de d'une bête géante — d'une taille démesurée, si impressionnante que l'allure de l'animal les figea un instant d'hébétement. Le vrombissement gagna en intensité à l'approche de l'éclaireuse, et ils s'écartèrent instinctivement, pour voir bondir au-dessus d'eux la monstruosité ambulante, avant de s'apercevoir qu'il s'agissait d'un sanglier géant lancé à toute allure. Lame au clair, ils se lancèrent à sa poursuite, donnant le signal à un autre groupe situé à quelques dizaines de mètres. Leur démarche surprit visiblement la zélos, qu'ils virent se retourner avant de tomber de sa monture, qui roula avec elle sur plusieurs mètres de dénivelé. Sans perdre un instant les forbans encerclèrent la monture géante et sa cavalière à terre. D'eux d'entre eux jetèrent un filet sur le sanglier, espérant le maintenir au sol, tout en s'efforçant de s'en tenir à bonne distance. La bête encerclée, ils la tenaient en respect, toutes lames pointées en sa direction. Les pirates avaient beau avoir affronté des horreurs sans nom en mer, aucun d'eux ne s'étaient vraiment attendu à devoir maîtriser un jour une créature terrestre aussi sauvage. Les renforts arrivés et la situation plus ou moins maîtrisée, le zélos et deux gorgoroths encadrèrent l'éclaireuse et lui déconseillèrent de façon très convaincante de se relever. Ils la dépouillèrent de ses armes et de son équipement, puis la saisirent par les épaules et lui ordonnèrent de calmer sa monture, avant de la ramener au campement.

L'ambiance avait prit une tournure pour le moins pesante sur la plage. A proximité de la tente érigée pour accueillir la capitaine agonisante, tous les pirates, aussi sinistres soient-ils, s'étaient regroupés en silence en cercles de trois ou quatre. Ils se tenaient aux aguets, bien sûr, mais ils avaient aussi l'air inquiets. Inquiets, parce qu'ils savaient l'ampleur de l'attachement de leur démon de capitaine pour l'ancienne esclave qu'il avait pris sous son aile. Et ils savaient que si cette dernière venait à périr sur cette plage, la rage du pirate ne connaîtrait aucune limite. L'unique espoir d'Amarante, du même que leur unique espoir de ne pas assister au spectacle effroyable de la colère du Maudit, résidait sur cette côte. Aussi dévisagèrent-ils tous la zélos quand le groupe de forbans l'amena à proximité de la tente, impatients de savoir si elle pourrait s'avérer utile. Et il valait mieux pour elle, comme pour eux, qu'elle le soit.

A l'intérieur de la tente, plongée dans la pénombre, seules quelques bougies à la lueur vacillante, disposées à même le sol, éclairaient une scène aux contours sinistres. Obediah avait fait décharger une table qu'il avait recouverte de paillasse pour installer Amarante, ainsi qu'un banc qui faisait face au lit de fortune, où le Sinistre s'était assis. Le colosse tenait un bocal entre ses mains d'où s'échappait des fumerolles aux couleurs impossibles, embaumant la pièce d'une odeur d'encens aux relents épicés. Expert dans l'art de donner la mort, le pirate ne disposaient toutefois que de croyances très ésotériques en matière de soins, et se livrait sans doute à un rituel interdit en vue d'aider sa protégée à lutter contre le mal qui la rongeait. Il marmonnait des mots incompréhensibles, dans un langage inconnu, à la manière dont on récite les psaumes d'une prière oubliée des mortels de ce monde. L'un des gorgoroths qui tenaient la zélos par l'épaule déclama :

— On l'a trouvée à la lisière de la forêt. Elle chevauchait un sanglier géant, mais nous l'avons interceptée avant qu'elle ne donne l'alerte. On a retrouvé du matériel et des plantes dans ses affaires. C'est sans doute une guérisseuse.

— Ou une empoisonneuse, le coupa le second.

Obediah les congédia d'un seul signe de la tête à la suite duquel ils se turent instantanément, avant de laisser l'Eryllis seule en compagnie du Mort. Ce dernier se leva pour lui faire face. Son visage était plongé dans les ombres de son capuchon, mais les tatouages blancs qui en soulignaient les arrêtes laissaient deviner l'apparence d'un crâne aux allures démoniaques. Tout dans sa stature saturée de muscles respirait le danger, tandis qu'il se tenait, stoïque, face à son ôte.

— Il est plutôt rare qu'une femme arrive à ma hauteur, se permit d'ironiser le marin d'une voix caverneuse, avant de reprendre sur un ton des plus graves. Cette femme qui est allongée là est victime d'un empoisonnement. La plaie infectée se situe au niveau de son épaule droite. Elle a beaucoup de fièvre, et a perdu plusieurs fois connaissance. Je veux que tu fasses tout ce qui est en ton pouvoir pour la sauver.

Sans dire un mot de plus, il s'écarta pour laisser la zélos constater par elle-même l'état d'Amarante. La jeune femme avait la vingtaine, semblait en bonne santé, mais fiévreuse et victime d'hallucinations. La plaie en question ne saignait plus, mais était léchée d'un liquide épais couleur d'ambre. Sa respiration était saccadée, son rythme cardiaque élevé et son pouls irrégulier. Mais avant qu'elle puisse l'examiner plus avant, Obediah se posta de nouveau devant l'Eryllis, et la mis en garde.

— Tu ignores peut-être qui je suis, Eryllis. Mon nom est Obediah Limani, mais on me surnomme l'Avatar de Kron. Crois-tu que j'ai volé ma réputation ? Il marqua une pause. Si tu infliges le moindre tort à cette femme que tu vois là, je te promets de te l'apprendre. Ce n'est pas seulement sa vie qui se retrouve entre tes mains, c'est aussi la tienne.


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MessageSujet: Re: Le prix de la miséricorde   Le prix de la miséricorde Icon_minitimeLun 16 Aoû - 19:10

Dura était trop sonnée pour se relever mais avait porté la main à son marteau de guerre. Les gorgoroths avaient une sale tête mais ne l'effrayaient pas et les terrans n'étaient pas assez grands pour représenter une menace pour elle, mais le zélos mâle, lui, était de taille. Avec l'aide de Secours, la guérisseuse pouvait se sortir de cette situation, même si combattre n'était pas sa spécialité. Se dressant sur un genou elle sentit sa bouche se tordre en un rictus féroce et du fond de sa poitrine monta un grondement sauvage qui en avait déjà fait fuir plus d'un. C'était sous-estimer l'adaptabilité des hommes de la mer et le filet, une arme pourtant bien connue des Eryllis, avorta la possibilité d'un combat. S'il ne s'était agit que de sa vie, Dura se serait battue jusqu'à la mort, mais Secours était une amie plus qu'une monture: elle refusait de la mettre en danger.

La guérisseuse se rendit donc avec une docilité froide et digne de cerf soumis à l'issue d'une chasse à courre, s'appliquant à faire comprendre par le moindre de ses gestes qu'elle agissait par rationalité et non par lâcheté. D'un ordre lâché à mi-voix en zinonien, Dura obtint la soumission de Secours: il valait mieux pour leur sécurité à toutes les deux que la laie ne s'emporte pas. Débarrassée de son marteau et de tous ses effets personnels, dont sa ceinture mais surtout les précieux bijoux qu'elle tenait de sa mère, la guérisseuse se laissa mener vers le campement de la plage, laissant croire aux deux gorgoroths qu'ils la maîtrisaient physiquement. Au premier coup d'épaule pour se libérer, le zélos relaya l'un d'eux, forçant Dura à renoncer à une tentative d'évasion: au marteau de guerre, il n'aurait pas souffert une chance mais à mains nues elle savait qu'il serait vainqueur.

Dans ce calme imposé, la guérisseuse eut enfin le temps de se poser la question de ce qu'on lui voulait. Il n'y avait que des Eryllis dans cette partie de la forêt, ce ne pouvait être qu'à ses sœurs qu'ils en voulaient. On allait sûrement la torturer pour obtenir l'emplacement d'une de leurs bases, ou comment contourner leurs embuscades pour s'emparer d'un beau butin quelque part dans la forêt. Maintenant que l'action était retombée, Dura eut pour la première fois l'occasion d'avoir peur. Son visage n'était qu'un masque de mépris imperturbable, mais ses entrailles étaient tordues par l'angoisse: elle avait absorbé la souffrance de tellement d'êtres, fractures, mutilations, blessures mortelles. Souvent elle s'était sentie mourir avec ses patientes, mais n'avait jamais été confrontée de si près à la perspective d'une agonie qui serait purement la sienne. Sa vie ou sa mort aurait tant d'enjeu, la moindre bribe d'information qu'elle pourrait lâcher pourrait causer la perte de ses sœurs.

Il n'y avait plus qu'à espérer que la bataille navale ait attiré l'attention des guetteuses et que les femmes de Samhach soient prêtes au combat. Mourir d'une mort violente aux mains d'hommes sans scrupules, pour la forêt et les sœurs était une fatalité à laquelle chaque Eryllis était prête mais à présent que le destin frappait à sa porte, Dura était amère. Prise dans ses tourments, elle en oubliait le détail qui l'avait frappée là-haut sur la falaise: ce n'était pas un endroit pour débarquer en masse dans le but de lancer un raid sur la forêt. A l'approche du campement, la guérisseuse se redressa et rassembla tout le courage présent dans son grand cœur pour rester plus que jamais imperturbable. Ses ravisseurs la poussèrent jusqu'à la plus grande tente du campement de fortune et la firent entrer sans qu'elle oppose de résistance: elle était prête à affronter son sort.

Ses yeux mirent un instant à s'habituer à l'obscurité, si bien que Dura cru un instant que l'homme massif qui marmonnait des prières tapi dans l'ombre était un zélos. Le gorgoroth qui la maintenait résuma sa capture en quelques mots: son cerveau à moitié décomposé avait réussi à additionner a et b pour déduire qu'elle était guérisseuse. La zélos sursauta toutefois d'une absurde vexation en s'entendant qualifier d'empoisonneuse mais avant qu'elle ai pu rétorquer quoi que ce soit, les marins étaient sortis, la laissant seule avec leur chef. L'homme s'était levé pour lui faire face, elle s’aperçut alors que ce n'était pas un zélos, mais un terran à la peau sombre, d'une taille exceptionnelle: ils pouvaient se regarder dans les yeux sans que l'un ou l'autre n'ai à lever ou baisser la tête. Dura n'était pas dupe, elle avait immédiatement comprit qu'elle n'était pas face à n'importe quel forban mais refusa de se laisser impressionner le moins du monde. Il n'aurait pas la satisfaction de deviner la peur qu'elle ressentait, aussi, elle leva un menton hautain et aux reflets blancs des tatouages de l'homme répondirent l'éclat de ses défenses dans la lumière des chandelles.

"Je pourrais te retourner la remarque, terran." répondit-elle calmement.

Dans le secret de son fort intérieur, Dura appelait à elle son pouvoir d'empathie pour lire les intentions du capitaine, mais fut interrompu dans son effort par la requête du terran. La femme allongé sur la couchette de fortune était d'une jeunesse qui lui brisa le cœur: Dura plus que personne, était sensible à la gravité des enfances volées et cette fille là devait à peine sortir de l'adolescence. Et voilà qu'elle était aux mains des hommes, qui plutôt que de la laisser partir en paix loin d'une vie misérable à les servir, allait faire violence à des inconnues pour la ramener des portes de la mort et se servir d'elle jusqu'à ce qu'elle ne soit plus bonne à rien. S'approchant à mi-chemin entre le capitaine et la pauvre enfant, elle se ravisa puis se retourna, bien déterminée à se servir de sa magie pour voir au fond de l'âme de cet homme et regarder en face la noirceur de ses intentions.

Dura en fut si profondément déstabilisée qu'elle ne put retenir un petit hoquet de surprise: le terran était réellement et sincèrement inquiet pour la blessée. Il ressentait quelque chose que la guérisseuse pensait ne jamais trouver dans une émotion masculine, comme un sentiment... paternel? Malgré elle, ses traits tendus s'adoucirent mais elle se détourna au plus vite vers la jeune femme pour ne rien lui en laisser deviner. Même s'il n'avait pas de mauvaise intention envers cette enfant, rien ne lui disait qu'elle pouvait lui faire confiance comme elle l'aurait fait spontanément pour une femme. Parant au plus urgent, Dura se tourna vers la blessée pour l'examiner.

"Qui lui a fait ça?"

Elle n'était pas inconsciente, mais délirante et ne répondit pas à ses questions visant à déterminer son niveau de confusion. "Quel est ton nom?", "Où sommes nous?" et "Quelle est la date?" restèrent sans réponse, lui prouvant que la jeune femme était profondément enfoncée dans sa transe fiévreuse. Dura ne pourrait donc pas compter sur elle pour obtenir des informations sur le mal qui l'affligeait. Elle ne pourrait compter que sur ses capacités diagnostiques et sur la parole du capitaine. Du reste, la jeune femme était bouillante de fièvre et respirait mal: le poison devait agir sur ses muscles respiratoires. La plaie ne lui plaisait pas, la substance qui recouvrait les lèvres de la blessure ne ressemblait à rien de ce qu'elle connaissait et la quasi absence de sang lui laissait penser qu'en plus des effets respiratoires, le poison devait avoir des propriété coagulantes. Dura était donc face à une femme en mauvais état, bien que son état soit relativement stable, mais dont elle ne parvenait pas à expliquer l'état: la substance qui recouvrait sa blessure était probablement un composé issu de plusieurs toxines. Il était trop tard pour amputer, le mal s'était répandu bien au delà de la blessure originelle: ses seules options étaient soit de définir quel était l'antidote adéquat, soit de maintenir la jeune femme en vie jusqu'à ce que son corps élimine le poison de lui-même.

Les menaces de cet Obediah virent couper court à son intense réflexion. Ce nom lui était vaguement familier, l'une ou l'autre de ses sœurs avaient sûrement dû l'évoquer. Cependant, elle avait été piquée au vif par l'ultimatum du terran et puisqu'il semblait faire grand cas de sa réputation, elle s'appuya sur la table pour se pencher dans sa direction et claironna sans hésiter:

"Jamais entendu parler!" elle s'interrompit un instant et reprit sur un ton plus bas, moins provocateur:Je suis Dura et je n'ai pas usurpé ma réputation non plus, puisqu'on en est à tenter de s'intimider mutuellement. Mes sœurs m'appellent Tranche-Souffrance. Observe."

Appliquant la main sur la blessure de la jeune femme, elle rassembla toute sa concentration. Lentement, sa souffrance se déversa en Dura qui s'affaissa légèrement sur elle-même alors que la blessée s'apaisait et tombait dans le sommeil, délivrée si ce n'est de son mal, au moins de la douleur qui l'accompagnait. Cette capacité était un formidable outil de diagnostic: la guérisseuse ressentait non seulement la plaie, mais aussi une sensation de brûlure atroce dans sa poitrine et le supplice de ses muscles raides, paralysés par des crampes atroces. Plus que jamais, Dura dû lutter contre elle-même pour reprendre le contrôle, se martelant que cette douleur n'était pas la sienne, que ce n'était pas elle qui agonisait. Il ne lui fallu toutefois que quelques instants pour relever la tête et affronter le regard du terran. L'épuisement qu'elle ressentait était inhabituel et elle réalisa alors que dans son empressement à jouer d'égal à égal avec lui, elle avait oublié qu'on lui avait retiré son catalyseur.

"Elle dort en paix, j'ai fais de sa douleur la mienne. Apprend que je te crains pas Obediah, pas plus que la souffrance ou la mort. Si le moindre mal est fait aux Eryllis, la fille ne vivra pas."

C'était faux, évidemment, elle avait encore expérimenté toutes ces craintes à peine quelques minutes plus tôt et elle accordait trop de valeur à la vie pour mettre sa menace à exécution. Le forban n'avait toutefois que sa parole à disposition, elle n'avait plus qu'à espérer lui avoir montré un visage assez terrible pour qu'il la croit: c'était ce qu'elle pouvait faire de mieux pour protéger ses sœurs. Dura respira un grand coup pour achever de reprendre le contrôle d'elle-même. La douleur n'était pas partie, mais elle était à nouveau endurable. Elle leva une main en signe d'apaisement:

"Maintenant, nous sommes entre gens civilisés. Il n'y a pas de raison qu'il arrive quoi que ce soit de tragique à qui que ce soit. Tu sens cette odeur de décomposition, entre les vapeurs d'encens?" demanda-t-elle en tapotant l'arrête de son nez. "C'est de la mandragore, mais n'y a pas que ça. Il me faut du saule blanc et de l'huile de gaulthérie couchée pour stabiliser son état en attendant de trouver les bons contrepoisons. C'est dans les sacs que tes hommes m'ont pris, tout est étiqueté. Ensuite, tu me conduira à celui qui a fait ça, si tu l'as laissé en vie."
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MessageSujet: Re: Le prix de la miséricorde   Le prix de la miséricorde Icon_minitime

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