GRANDE EPIDEMIE - La mort d'une étoile

La voiture avait foncé sur les chemins, ne prenant pas le temps de s'arrêter Imnia suivait les consignes de son maître à la lettre même si cela devait signifiait la mort des quatre imposant chevaux de trait qui étaient lancés au triple galop. Quitter Hespéria avait été le plus difficile, les contrôles étaient nombreux mais la fortune d'Ision colossale et capable d'acheter n'importe qui. De plus, Imnia n'était pas une simple servante, elle était également une médecin extrêmement douée, empoisonneuse à ses heures perdues, elle venait d'un temps où son art médicale était plus considéré comme une sorte de sorcellerie qu'autre chose et Ision avait été le seul à être là, à la soutenir, à l'aimer comme elle l'attendait.

Alors qu'elle repensait à cette époque, le cortège avalait les kilomètres avec une vitesse déconcertante, c'était un moyen de transport de premier choix et les secousses y étaient considérablement diminuées. Ils traversèrent les vastes plaines jusqu'à franchir les lourdes grilles de la propriété du Lord, Imnia ralentie pour que les gardes la laisse entrer. Une fois le sceau de lord exhibé elle reprit la chevauchée. Le domaine d'Ision était plus qu'immense, on aurait facilement put y construire plusieurs domaines comme celui ci, mais il avait décidé d'y garder la forêt, en faire un endroit profond et dangereux. le paysage défilait et l'immense propriété passa sous leurs yeux, la gorgoroth l'emmenait à l'écart, elles s’engouffrèrent dans les bois pour atteindre une petite chaumière, une des nombreuses maisonnette que le lord avait fait construire au plus profond de sa forêt pour divers raison, celle ci semblait être un lieu de recherches, il s'y trouvait du matériel médical hautement perfectionné mais aucun médecin.
Imnia conduisit Chrysallia dans la chambre qui possédait une fenêtre donnant sur la forêt et un peu plus loin on pouvait y distinguer un immense lac qui appartenait aussi à Ision.

"Ne bougez pas Baronne, vos parents arriveront demain, le Lord a prit les mesures nécessaire, reposez vous, un médecin en qui mon maître a toute confiance ne va pas tarder à arriver, peut-être pourra t elle soulager vos souffrances."

Imnia se redressa et se retira dans la seule et unique autre pièce de la maison, un homme était là aux cheveux blancs... Ision Lorindiar était arrivé, portant un long manteau bleu marine comme à son habitude. La gorgoroth referma la porte de la chambre pour parler avec lui. Elle s'agenouilla devant lui...

"Je suis fier de toi Imnia"

"Merci, mon maître, permettez moi de me retirer."

"Oui, surveilles les alentours et accueil le docteur Telenna lorsqu'il arrivera."

"Bien, mais prenez garde ô mon Lord, ne la touchez pas, ne la laissez pas vous toucher, même gantées et enduites de ma substance, vos mains restent fragiles"

Et Imnia disparue dans l'ombre. Ision passa la porte, sa mine était froide et glaciale comme à son habitude...

"J'avais espéré que nos retrouvailles se feraient en de meilleures circonstances Chrysallia. Une de mes connaissances va arriver, mais en attendant, j'aimerai que vous essayez de parler pour me raconter comment votre maladie s'est déclarée."

Il posa un bol sur la table de chevet...

"Buvez, cette tisane apaisera vos souffrances et éclaircira votre esprit."

Aux côtés du bol se tenait des papiers, Ision les avait déposé plus tôt, à l'intérieur, des actes de propriété, bref tout ce qui permettrait au Lord d'accéder aux possessions de la jeune femme, mais également une close concernant les parents de la jeune femme, où Lorindiar s'engageait à les loger et les entretenir aussi longtemps qu'ils seraient en vie.

Le lord restait en retrait, il ne voulait la toucher ni même se laisser toucher par elle, si elle tentait quoique se soit, elle mourait dans la seconde de la main d'Ision si cela s'averrai nécessaire.

Chrysallia s’était endormie dans la calèche et ne se réveilla que doucement lorsque celle-ci fut totalement immobilisée pendant quelques instants : elle semblait être arrivée à destination, elle parcourut une grande allée avant d’arriver dans une toute petite maison au sein de la forêt. Ce que c’était beau, elle avait bien fait de venir, elle allait pouvoir mourir en paix, maintenant elle en était convaincue. Elle se laissa guider par la femme qu’elle prit soin d’éviter de toucher. Elle s’allongea dans le lit et posa son regard vers la fenêtre, la dame lui déclara que ses parents arriveraient le lendemain et qu’un médecin viendrait pour tenter de soulager ses souffrances.

Au moment où la jeune fille entendit parler de médecin, son sang ne fit qu’un tour : elle n’en voulait pas. Qui sait, il était possible qu’il veuille la guérir et cela elle ne pouvait l’accepter, chaque être vivant sur terre devait mourir un jour ou l’autre, certains partaient tôt et d’autres tard mais la vie était faite de cette manière et il ne fallait pas chercher à la changer.

La femme partit et peu après Ision arriva, elle avait envie de se jeter dans ses bras, de l’embrasser mais elle ne pouvait pas, elle serra simplement fortement ses draps. Elle s’était redressée et avait calé son dos contre son oreiller sur le rebord de la tête de lit. La fillette prit la tisane dans ses mains et la regarda longtemps avant de fermer les yeux et de tenter de se souvenir de ce qui s’était passé.

-Comment cela s’est passé ? Voici une excellente question à laquelle je ne peux malheureusement pas vous répondre. L’on m’a dit que ce que j’avais était très contagieux et que l’on pouvait l’attraper si on touchait quelqu’un la portant, c’est ce qui a dut se passer. Ces derniers temps j’ai aider des gens, j’ai dut toucher quelqu’un qui portait le virus sans en avoir conscience avant que les signaux d’alertes ne soient lancés.

Chrysallia avait bien vu la pochette à côté du bol qu’elle n’avait pas but. La petite reposa le bol et prit un mouchoir avant d’aller chercher l’enveloppe et de se remettre sous les couvertures pour examiner son contenu. Elle pensait savoir ce qu’il y avait à l’intérieur et ce fut délicatement qu’avec le mouchoir elle ouvrit l’enveloppe. La maladie pouvait aussi se transmettre par un objet qu’on touchait, elle n’en savait rien alors elle préférait garder ses distances avec tout le monde même si cela lui faisait mal. Elle lut lentement tous les papiers avant de les remettre dans l’enveloppe et de la poser au pied du lit.

-Il faudra voir cela avec mes parents. Ce que vous voulez faire ne me gêne pas le moins du monde car vous avez pris grand soin de moi et je vous en suis reconnaissante mais tout ceci ne me concerne pas, ne me concerne plus, il faut voir cela avec les vivants et non avec les morts monsieur Lorindiar.

Elle était froide dans son attitude, ce n’était pas du tout la petite fille qui jouait de la flute sur la place de la grande ville pour aider les musiciens, ce n’était plus qu’un corps à l’agonie qui espérait en finir rapidement avec cette vie. Elle avait rouvert les yeux et avait planté son regard glacial dans celui du lord en prononçant ces derniers mots avant de fixer la forêt.

Aider les gens, toucher quelqu'un qui avait le virus... voilà des mots que Ision ne prononcerait jamais. Depuis l'arrivée de cette maladie il s'était hermétiquement coupé du monde et ses serviteurs eux même n'avaient pas le droit de le toucher ou de toucher quelque chose dont il allait se servir. Il avait apprit par de nombreuses études, que l'on pouvait purifier les choses en les plongeant dans une eau à très haute température, c'était tout ce qui lui restait. Bien que ses plus proches collaborateur n'aient jamais eut à sortir et par conséquent ne pouvaient pas être contaminé.
Mais voilà, Chrysallia avait le cœur d'une enfant, fragile, altruiste et plein de bonté... des choses que le lord ne ressentait plus depuis des siècles sans que cela ne lui manque réellement. Pourquoi l'avait il amené ici au risque d'être contaminé?... Pour plusieurs raisons dont lui-même n'avait pas toute la portée.
Quoiqu'il en soit il écouta le court récit de sa jeune protégée et ce qu'elle lui dit à propos des papiers concernant sa succession... voir avec ses parents... parfait, cela rendrait les choses encore plus simple d'autant plus qu'une nouvelle fois il obtiendrai une famille qui lui serait redevable, tout allait décidément parfaitement dans le meilleur des mondes.

"Votre amour d'autrui vous a perdu Chrysallia... je vous avez pourtant prévenu, qu'une fois devenu baronne, ce monde n'est plus le même. Et pourtant, tous sont touché, noble, paysans, riches, pauvres, hommes, femmes... tous... sauf les gorgoroth, voilà pourquoi la femme qui vous a amené ici n'avait rien à craindre de votre état, finalement une fois de plus, ce sont les morts qui gagnent sur les vivants alors peut-être votre condition est elle, quelque part, plus enviable que la mienne."

Ision ignorait les souffrances mais il les avait vu, Imnia lui ramenait régulièrement de la ville des cœurs cristallisés sur lesquels il pouvait s'adonner à des expériences dont il avait le secret, des expériences à la frontière de la vie et de la mort, pour qu'elle puisse revenir, pour qu'ils puissent tous revenir, cela lui importait peu finalement.
Les paroles froides de la jeune fille ne choquèrent pas Ision, il comprenait cela, la mort changeait les gens, elle les amener à se rendre compte de la réalité de tout ce qui pouvait les entourer, de ce qui était important ou non et la plupart du temps, cela finissait sur une remise en cause totale de ce qu'ils étaient.

"Peut-être si votre volonté est assez forte, reviendrez vous en ce monde en tant que Gorgoroth et alors vous n'aurez plus rien à craindre de ce mal et vous pourrez soulager autant de souffrances que vous le désirez. Vous l'avez compris, le médecin que j'ai fais appeler... ne pourra pas vous soigner, si seulement elle accède à ma requête, peut-être pourra t elle vous apporter la paix car à moins que vous ne le désiriez, je ne m'acharnerai pas à vous faire souffrir, pour vous garder en vie."

Il avait été aussi distant qu'elle, tout simplement parce que pour Ision, la mort ne signifiait pas la fin, il ne connaissait pas l'autre monde, mais il avait fait de nombreuses théories sur le sujet, et la mort n'était là que pour rappeler le corps à la terre et non l'âme au néant, puisque lui-même possédait les pouvoirs de faire appel aux âmes des morts, c'est qu'elles étaient quelque part, attendant leur heure pour une quelconque raison.
Il vit alors le regard de Chrysallia s'échapper vers la forêt...

"Si vous pouvez marcher je vous accompagnerai dans cette forêt, elle m'appartient, vous n'avez donc rien à y craindre. Mais avant d'aller plus loin, Chrysallia mon enfant, souvenez vous de mes paroles lorsque vos yeux se fermeront, la mort n'est pas une fin en soit, comparé au mouvement des étoiles et à l'âge de notre univers, l'existence humaine n'est qu'un battement de cil, mais pendant ce simple battement que l'on nomme vie, l'homme naît, aime quelqu'un, en hait un autre, rit, pleure, se bat, se blesse, est heureux, est malheureux et enfin tombe dans un sommeil appelé la Mort... et dans cette dernière il n'y a que le corps qui disparaît car votre âme, elle, est immortelle."

Ision eut un léger sourire en prononçant cette phrase, il y croyait sincèrement et son regard vers les étoiles à cet instant précis lui rappelait cette phrase, ces mots qu'avaient prononcé sa défunte épouse avant de mourir. Le Lord restait à distance de l'enfant, mais il faisait vibrer son essence divine, comme si la lumière était attiré par lui pour qu'elle puisse s'échapper de la douleur et sentir le bien être du pouvoir du Lord.

Chrysallia ne répondit rien, elle voulait se jeter dans ses bras et pleurer de tout son cœur mais elle n’en fit rien, elle n’écoutait presque pas celui qui avait été son tuteur. Il lui parlait de sa trop grande bonté mais cela n’était-il pas dû à son âge ? Non et puis ce titre qu’elle avait reçu ne signifiait rien pour elle. Chrysallia ne pensait pas qu’un nom puisse représenter une personne. La fillette était qui elle était avec ou sans particule, elle se l’était promis et n’avait pas changé.

Elle avait plongée son regard dans les bois et pensait au médecin qui devait venir. Elle ne voulait pas vivre d’avantage et lui, voulait faire appeler un médecin pour abréger ses souffrances ? Mais de quelles souffrances parlait-il ? Elle avait entendu qu’on mourrait plus vite si on utilisait ses pouvoirs mais de toute façon, sa volonté de quitter ce monde était suffisamment forte pour que ses pouvoirs n’aient pas à intervenir.

Et puis il déclara qu’il l’accompagnerait dans la forêt plus tard si elle le souhaitait et si elle en avait la force. Elle projetait d’aller mourir contre un arbre près du lac mais elle comptait le faire seule, elle ne voulait pas voir quelqu’un à ses côtés même si cette personne était aussi froide qu’Ision. Elle le remercia donc de sa proposition mais la refusa et elle lui déclara que cela n’était pas la peine de faire venir le médecin. Elle était capable de se tuer toute seule sans l’aide d’un quelconque produit.

Elle ne savait pas ce que faisait le lord et se sentait gênée du coup. Elle s’excusa auprès de lui, prétextant qu’elle souhaitait dormir car ses yeux ne supportaient plus la lumière. La fillette se coucha et tira les couvertures jusqu’à sa tête.

" Bonjour! Veuillez m'excusez du retard! Je suis le Dr Telenna! Quitter la ville a été plus difficile que ce que je croyais. J'espère qu'il n'est pas trop tard. "