Jeu de miroirs dans les ténèbres[Illumina, Verna,Torenheim]

Les Hommes disent que le Temps passe. Le Temps dit que les Hommes passent.

Tout était question de point de vue, et du point de vue de la momie, le temps commençait à se faire long. De chaque coté les cycles se répétaient sans cesses, le divertissant de moins en moins : toujours les mêmes assauts, toujours les mêmes refrains. Torenheim pouvait presque devinait à l'avance les répliques de chaque acteur, car bien que cette comédie avait le mérite d'être drôle, elle perdait en saveur avec le temps qui passait. Il paraissait que les meilleurs blagues étaient les plus courtes, le "procès" aurait peut être dut en tenir compte ? Torenheim commençait peu à peu à se détacher du présent, n'écoutant que d'une oreille distraite la scène qui continuait, flamboyante. Il se laissait aller, se reposer sur sa chaise sans se soucier de son manque de confort, s'enfonçant d'avantage contre elle, tête basse, yeux fermés, indolent. C'était comme si ça vie n'était pas en jeu, comme si la finalité de cette pièce de théâtre n'avait aucune espèce d'importance, et que seul comptait la pièce elle, son présent, son existence. Ni sa cause, ni sa conséquence, simplement son existence.

Il sourit à cette pensée, la trouvant aussi absurde que pleine de vérité. Comme quoi, peut être les deux notions étaient plus proche que ce que l'on pouvait imaginer. Torenheim ne prenait même plus la peine d'écouter le procureur qu'il trouvait ennuyeux à mourir, un véritable cliché que l'on trouvait dans bien des comédies. Cependant il était plus attentif au dire de l'aventurier, non pas pour leur pertinence, mais seulement car elles semblaient plus intéressantes et amusantes. Son hypothèse selon laquelle ce bon vieux Guisor était lié à cette drôle d'histoire l'intéressa. Ça aurait put, il avait le profil. Mais - peut être était-ce son instinct de momie ? - il n'y accordait pas beaucoup de crédit. Qu'il soit lié à l'affaire, sans doute, mais alors en tant que pion écervelé, rien de plus. Et de là à penser que Guisor aurait put tuer Kodran, il aurait fallut être stupide ou bien désespéré. Il l'avait vu avec eux, non ? A sa connaissance, sans magie on ne pouvait être à deux lieu au même moment. Et vu que la magie était proscrite dans le bureau du maire ... cela était peu probable. Mais ça aurait put être intéressant ! Tant pis.

L'autre hypothèse attira d'avantage son attention : le Roi manipulateur ? Intéressant. Après tout, il était celui qui tirait le mieux son épingle du jeu : il était roi maintenant, c'était pas rien. Toutefois, la manière dont l'aventurier avait amené l'idée ne la faisait pas tenir debout. Bien qu'elle puisse avoir une part de vérité, elle s'écroula d'elle même lorsqu'ils portèrent le raisonnement à ses limites. Torenheim l'avait bien compris, il ne s'agissait pas là d'un affrontement entre l'Accusation et la Défense. Il s'agissait d'une chasse à l'homme, Maverick qui recherchait ce mystérieux "marionnettiste". Toute cette mascarade, le procès, le procureur, la blondinette, sa présence, tout ici n'était là que pour un seul but : trouver la vérité. C'était un peu sa manière de réfléchir, il avait donc créer le procureur démoniaque et le petit angelot précisément pour mettre à l'épreuve toutes ses théories farfelues ... C'était très intéressante, la momie se devait de l'admettre. S'il reconnaissait une chose à l'aventurier, c'était que ce dernier ne reculait devant rien pour trouver la vérité, et il braverait Isthéria toute entière pour lui mettre la main dessus. Un trait de caractère qu'il trouvait très divertissant. Ainsi tout était ce qu'il semblait : une pauvre comédie. Un simulacre de justice dont le seul but était de nettoyer l'esprit de l'aventurier de toute trace de raisonnement impossible et erroné.

Cela n'avait pas était bien compliqué à deviner, surtout pour Torenheim qui avait l'habitude de voir les choses depuis l'extérieur. Et ça donnait une dimension nouvelle à la scène qui raviva sa curiosité : il ne s'agissait plus de la détermination de sa culpabilité ou non, il s'agissait d'un sujet d'expérience - Maverick en l’occurrence - qui se dépatouillait entre mensonge et vérité pour démêler ce qui s'était passé et anticipé ce qui allait arrivé. Une volonté noble, mais un effort vain. Ce procès ne regardait qu'une et unique personne : l'aventurier. Et son issus ne pouvait changer de chose que pour lui, le reste était déjà fermement sceller. Bien sûr, un sceau peut se briser, mais il y avait peu de chance que cela se produise, et encore moins du fait de la scène qui se passait ici. Ici, il n'y avait que Baptisma et lui même, tous le reste dont la momie n'était que donné à traiter. Cela le fit sourire, lui faisant penser à une parodie grossière de sa propre machinerie mentale. Mais cela importait peu. Maintenant l'aventurier était en mauvaise posture, alors que son "antithèse" avait mit à bas sa théorie. Maintenant on lui adressait un ultimatum : trente seconde, pas une de plus, pour démêler le faux du vrai, et dévoiler la vérité.

La momie s'avança sur son siège, croisant les doigts sous son menton, les yeux clos, souriante, elle écoutait attentivement ce qui allait suivre. Comment le "plus grand aventurier que la Terre est portée" se sortirait de ce mauvais pas cette fois ci ? Il demandait à voir, sincèrement. Il se concentra, en silence, et s'apprêta à déguster la réponse du jeune homme, comme un client d'un restaurant s'apprêterait à goûter à sa commande délicatement cuisiner. Avec un peu de chance, celle ci serait à son gout.

Avec un peu de chance ...

Dieu que cela pouvait être ennuyant !!! Pire, assommant ! Sharna seul pouvait savoir depuis combien de temps cette… mascarade avait duré mais Verna avait déjà manquée par deux fois de s’évanouir d’ennuie. Bailler, un système d’autodéfense du corps humain pour ré-oxygéner le cerveau, une chose que Verna avait compris grâce à son pouvoir. Elle avait déjà baillé vingt fois si ce n’est plus… cette parodie de procès était donc si dangereuse pour le cerveau ?

Pourtant parmi toutes ces élucubrations, Rick était parvenu à soulever quelques hypothèses convaincantes si ce n’est terrifiantes. La Sarnaroah ? Relâché intentionnellement pour masquer la naissance de syliméas ? Si tel était le cas, combien avait vraiment péri pour donner naissances à ces monstres ? Et pire encore, mise à part cette histoire avec les Sylphides, agissaient-ils tous dans un but commun !? Si oui, alors une véritable armée avait pu naitre sans que personne n’en ai conscience, et pire encore, ils auraient infiltré tant d’organisme différents que leurs agents auraient un nombre infinies d’informations provenant des hautes sphères politiques… Ils n’auraient aucun mal à détruire tout un peuple, si ce n’est pire.

Quoi qu’il en soit, la situation n’avait de très amusante, c’est pourquoi Verna jugea bon d’agir à sa manière pour ne pas mourir d’ennui. Elle se leva de son banc, et traversa la salle du tribunal afin d’arriver aux côtés de Torenheim. Elle ne le regarda pas vraiment, ne lui adressa pas non plus la parole mais s’installa suffisamment près de lui pour laisser transmettre une absence totale de gêne. Elle se pencha alors vers lui et lui murmura à voix basse.

« Pour répondre à votre question… oui il est toujours comme ça. Croyez-moi que ce n’est pas tous les jours facile… »

Elle croisa alors les jambes avec élégance, s’adossant un peu plus convenablement au banc.

« Dites-moi, je ne vous imagines pas rester à jamais enfermé derrière les barreaux de ce sordide endroits. Que comptez-vous faire une fois dehors ? »

Elle regarda en direction de Rick du coin de l’œil avant de feindre un sentiment de surprise.

« Oh désolé, peut-être que ce… procès… va-t-on dire, vous porte un tant soit peu d’intérêt. Je m’en voudrai de vous importuner. »

Elle s’accouda alors nonchalamment au dossier du banc devant elle, portant nouvellement son intention vers Rick. Il était clair, pour sa défense, qu’il avait le don pour savoir maintenir l’intrigue durant son monologue… et pour être franche elle était curieuse d’en connaitre la suite.

Alors que Torenheim attendait paisiblement la suite de ce procès de pacotille, sagement installé dans son siège les yeux clos pour en apprécier toute la vanité délicate, un mouvement le tira de sa contemplation mentale rêveuse. La petite rouquine qui n'avait pas intervenu depuis maintenant un bon moment. Il l'aurait presque oublié, s'il ne ressentait pas toujours ce lien étrange qui les liait depuis le début de l'interrogatoire. Il sourit doucement entre ses bandelettes en la senti s'approcher, sans doutes poussée de l'avant par l'ennui mortel qui ne la regardait pas le moins du monde. Ah ! L'ennui ... Une merveille en soi. Responsable à elle seule de tant de bouleversement dans le monde ! Les dieux savaient que, lorsqu'ils étaient dévorés par l'ennui, les hommes devenaient si cruelles, si passionnés, si avides, si ... bêtes. L'ennui, véritable vecteur de changement, au même titre que l'espoir, l'ambition, la haine, et tant d'autres passions ... Mais ce qu'il y avait d'intéressant dans l'ennui, c'était le vide qui le composait : un vide que les hommes redoutaient depuis l'aube des temps et que, par lâcheté sans doutes, refusant de l'affronter, ils fuyaient encore et toujours en se réfugiant là où ils le pouvaient - fussent dans les recoins les plus sombres de l'âme humaine. Oui, l'ennui, et surtout son effet sur les Hommes, avait quelque chose de proprement fascinant. C'était lent ... C'était graduel. C'était inexorable. Comme la famine. Ou la folie.
A toute ses pensées, le détenu sourit de nouveau, entendant les petits pas graciles de la rouquine se faire plus distincts à mesure qu'ils s'approchaient. Il ne la regarda pas, pas même du coin de l’œil, ses paupières toujours closes enfermant son regard de cendre de l'autre coté de son esprit. Il souriait calmement, l'oreille attentive à chaque son, chaque note se dégageant de la pièce. Lorsqu'elle arriva près de lui, elle s'installa à ses cotés sans qu'aucun d'entre eux ne fussent gênés. Ils restèrent là en silence, chacun quelque par dans ses pensées. Après quelques minutes, la roussette se pencha vers son oreille et lâcha dans un murmure criant de détresse :

« Pour répondre à votre question… oui il est toujours comme ça. Croyez-moi que ce n’est pas tous les jours facile… »

Ces quelques mots arrachèrent un sourire plus large aux lèvres du prisonnier, dévoilant à nouveau sa dentition carnassière. Ses épaules furent secouées d'un ricanement silencieux et amusé. Oh, il n'en doutait pas une seule seconde ... Et il compatissait pour le triste sort de la demoiselle : forcée de devoir supporter ce jeune homme aussi exubérant que borné, ce ne devait pas être une mince affaire ! Toutefois ...Bien qu'il soit évident que ses délirent ne fussent pas des plus simple à suivre avec fidélité, il ne pouvait nier qu'il avait au moins un don pour la mise en scène et les envolés flamboyantes, et sans doutes pour dénicher les "grandes aventures", ce qui devait être sans doutes divertissants par moment. Si elle le suivait toujours, c'était sans doute que ce jeune "héro" empli de fougue et de bonnes intentions apportait un peu de vie et de couleur dans l'existence morose et sombre de la "petite dame de la cour", qui sans cela serait peut être morte d'ennui à l'heure actuel. Ou pire.
Encore une fois, l'ennui jouer son rôle et faisait, en bonne partie, tourner le monde et ses habitants. Comme c'était amusant !

La demoiselle croisa les jambes de manière plus décente et s'adossa à son dossier, reprenant doucement :

« Dites-moi, je ne vous imagines pas rester à jamais enfermé derrière les barreaux de ce sordide endroits. Que comptez-vous faire une fois dehors ? » Elle regarda en direction de Baptisma du coin de l’œil avant de feindre un sentiment de surprise. « Oh désolé, peut-être que ce… procès… va-t-on dire, vous porte un tant soit peu d’intérêt. Je m’en voudrai de vous importuner. »

Torenheim ouvrit alors les yeux, toujours cet étrange sourire aux coins de ses lèvres. Il regardait d'un air amusé l'accusation et la défense se faire face autour de lui, semblant alors extérieur à tout ce qui pouvait se passer dans ce lieu, comme si rien de tout cela ne le concernait. Rien de plus que des enfants s'amusant à jouer au garde et au voleur. Il restait parfaitement calme et laissa s'échapper un soupir avant de répondre avec tranquillité, partageant le même niveau de murmure pour ne pas importuner ceux qui travaillaient.

- Vous ne m'importunez pas le moins du monde, dame Luxis, au contraire. Il sourit d'avantage avant de reprendre normalement. Ce ... "procès" ne m'importe absolument pas, et je n'y accorde pas le moindre intérêt. En revanche, je trouve que les "acteurs" qui le composent sont tous aussi amusants qu'intéressants à observer. Ce Baptisma a vraiment une manière bien singulière de résonner. Dommage qu'il manque autant de discernement et d'ouverture ... Il soupira, son sourire se faisant quelque peu songeur. Puis il porta son attention sur le jeune Lhurgoyfs à ces côtés, la regardant avec toute la civilité et la bienséance dont il pouvait faire preuve. Il y a pourtant fort à parier que je reste ici encore un moment, non ... ? Vu la lourdeur des charges qui m'incombent et la faculté de la justice Isthérienne à modeler les lois comme cela l'arrange ... Cela dit, je vous en pris, continuez d'imaginer s'il vous plait. Si vous ne me voyez pas rester ici éternellement, où me verrez vous ? Demanda l'individu enrubanné avec une sincère curiosité.