Une rencontre fortuite dans la neige [pv Zéphyr]

Le ciel était gris, il faisait frais mais pas froid. Ester aimait ce ciel mi-triste mi-peu concerné par ce qu’il se passait en bas, dans la neige. Elle était de corvée de ramassage de bois, il en fallait pour chauffer l’immense temple et faire chauffer l’eau des marmites à cataplasmes. Et puis, elle aimait mieux être ici dehors que de devoir s’épuiser à soigner les pauvres hères qui se présentaient continuellement aux portes du temple. Elle n’était pas vraiment douée pour témoigner de la compassion à toutes ces créatures qui défilaient et qui, pendant un millénaire au moins, ne s’étaient pas intéressées au sort des siens.
Du coup, elle avait échangé sa place au chaud près des patients contre cette place, au froid, dans les bois, en cette petite clairière entourée d’épicéas aux branches drapées d’un lourd manteau blanc.
Et puis, elle avait droit à un second bonus en étant seule dehors pour cette corvée : elle pouvait parler librement à sa sœur.

- Alors Pahté, rien de nouveau dans nos projets ?

*De quels projets parles-tu, ma sœur ? Ceux qui les enfants du chaos ou ceux à échéances plus courtes et qui consistent à te faire monter dans la hiérarchie pour éviter les tâches subalternes et accéder à plus de pouvoirs ?*

- Tu as le don d’appuyer là où ça fait mal… Et tu n’as même pas de mains pour ça.

Je soupirais, mais elle avait raison, j’étais au point mort un peu partout. Ma tempérance était peut-être un frein, à moins qu’elle ne soit que juste prudence. Laissant Pathé virevolter à son aise dans la clairière, je m’attelais à ramasser le petit bois. Cette sensation de plénitude que l’on pouvait atteindre en faisant une tâche physique répétitive la surprenait à chaque fois. Être immatériel, c’était se priver de tant de sensations.

*Ester, attention, quelque chose vient !*

Qu’il était par contre bien d’avoir une sœur immatérielle et ange-gardien. Je laissais tomber mon bois, dégainant simple de sous mon manteau. Si quelqu’un venait avec de mauvaises intentions… Il aurait à en découdre avec elle.

Une rencontre fortuite dans la neige

13 du mois de Tymbé an 1306

Zephyr avait été engagé pour attraper une personne. Ce n'était pas une fugitive en soi, juste un gamin qui voulait vivre la grande aventure contre l'avis de ses parents. Alors ses parents avaient engagé un mercenaire pour le ramener à la maison par la peau des fesses s'il le fallait. Ça convenait bien à la Yorka, c'était une mission bien payée et qui n'était pas contre toute moralité. Elle avait trouvé le gamin en question par pur hasard, dans une taverne en train de se saouler. La jeune femme s'était arrêtée à cette taverne après avoir cherché des traces de ce dernier, qui était remonté jusqu'à la cité de Hellas. Que foutait-il là, elle n'en savait foutre rien ? D'autant que ce garçon n’avait l'air très peu dégourdi, ni même très prudent. Encore un de ces mômes, qui avait été élevé avec une cuillère en argent et qui ne savait pas se comporter en public. C'était un miracle qu'il eût pu atterrir ici sans aucun dommage. La jeune mercenaire guetta toute la soirée le gamin, jusqu'à ce que ce dernier monte à l'étage, jusque dans sa chambre. La jeune femme décida alors d'interroger le tavernier sur les habitudes du garçon, s'il était là depuis longtemps. C'était dingue comment les gens parlaient après quelques pièces. Elle apprit alors que ce dernier se réveillait souvent tard le lendemain, mais que le lendemain était apparemment, sa dernière nuit dans la taverne. Qui irait se prendre une cuite la veille d'un départ ? Était-il inconscient ? Possiblement. Elle prit alors une chambre et attendit le lendemain et se leva à l'aube. Sauf que l'abruti était déjà parti. Le tavernier l'aurait induit en erreur ? Non, quoique c'était fort possible aussi. Mais pour l'heure, il fallait qu'elle retrouve ce sale gosse. Heureusement pour elle, il ne s'était apparemment pas levé longtemps avant elle et Zephyr avait pu retrouver ses traces rapidement. Monter sur son cheval, elle l'avait suivi jusqu'à la sortie du village avant de l’interpeller. Ce qu'elle fit, bien entendu. Descendant de cheval.

« Excusez moi, monsieur, je me suis perdu, pourrais je avoir un renseigne. Je cherche quelqu'un à vrai dire. Un certain Joshua Belgrade... »

Sans demander son reste, l'homme prit ses jambes à son cou... Pourquoi fuyait-il ? Elle n’avait pas envie de lui courir après. En même temps, il devait se douter que ses parents lui avaient envoyé quelqu'un aux fesses. La Yorka n’eut pas d'autre choix, du coup que de le poursuivre jusqu'à des bois. C'est qu'il courrait vite, l'abruti. Elle décida alors qu'il était temps d'user de ses pouvoirs, utilisant sa célérité de niveau 2 afin de le rattraper et de lui rentrer dedans, l'envoyant valser par la même occasion. Après tout, ses parents ne lui avaient précisé s'il fallait le ramener entier... Au moins, il sera légèrement KO le temps de l'attacher. Elle n'avait cependant pas remarqué qu'il y avait une troisième personne dans le décor et cette dernière avait pu donner l'image d'un bœuf qui emboutissait un individu quelconque. Zéphyr dans toute sa classe. Après, la mercenaire n'était pas connue pour sa subtilité. Toujours sans se soucier de la tierce personne dans le décor, la jeune femme attacha le jeune garçon sans se soucier de rien. Ce n'est que lorsqu'elle se redressa, forçant le gamin à se lever qu'elle vit la troisième personne.

« Oh ! Bonjour ! Navré de vous avoir dérangé ! »

Toute souriante, elle donnait l'impression à présent d'être une jeune femme tout à fait joyeuse et bienveillante. Loin de l'aspect un peu plus tôt, d'un buffle en pleine charge.

©Saphi

Une rencontre fortuite dans la neige

Ester s’était attendue à beaucoup de choses, telles qu’un animal sauvage genre sanglier ou cerf, voire à un manant en quête de pitance. Une rencontre plus banale et plus habituelle en somme. Mais la scène qui se déroulait sous ses yeux, elle n’y aurait pas songé un instant.
Surgissant des fourrés, un jeune homme visiblement effrayé semblait fuir quelque chose ou quelqu’un. Ester n’eut pas le temps de s’appesantir sur un questionnement relatif à la nature du poursuivant que le jeune homme goûtait déjà l’amère saveur de la terre. Une ombre était venue le percuter, telle un tourbillon enragé de neige et de glace, et le plaquer au sol.

*Et bien, on peut dire qu’elle ne l’a pas raté. Je loue les dieux de nous avoir fait immatériels.*

-Parle pour toi, ma sœur…

Lui murmurai-je en observant les « batifolages » du couple dans la neige.

De loin, on aurait pu se croire à un rodéo, avec un le cowboy ligotant le veau qu’il venait de capturer. Sauf qu’ici, pas de cheval et le veau en question saignait de la pommette gauche, première partie de son anatomie à avoir embrassé le sol… et malheureusement pour lui, une pierre au passage.

« Oh ! Bonjour ! Navré de vous avoir dérangé ! »

Tiens, la brute était en fait une jeune femme qui, si elle ne tenait fermement son prisonnier d’une poigne d’acier, aurait pu passer pour une innocente voyageuse.
Maintenant qu’elle était expressément interpelée, Ester hésitait de la facette à montrer. Finalement, elle adopta pour la façade la plus simplet et la plus usuelle.

Soeur Ester, prêtresse de Cimmeria. Non pas que vous me dérangiez, le petit bois n’est pas du genre à fuir le raffut, mais je crains que vous ne me forciez à intervenir pour ce pauvre bougre, du moins si vous voulez le ramener en un seul morceau.

Dis-je en pointant son prisonnier du menton.

La blessure à sa tête saignait abondamment, typique d’une blessure à la tête et aux extrémités. Le sang coulait toujours inutilement à flot à ces endroits, même pour les coupures les plus bénignes.

- Permettez que j’apporte quelque soin à sa blessure. La bienveillance de Kesha m’interdit de le laisser repartir dans cet état.

Toutefois, au vu de la démonstration de force à laquelle elle venait d’assister, Ester se montrait prudente. Bien qu’elle soit douée avec ses dagues, elle n’était pas certaine d’avoir l’occasion de les dégainer avant que la jeune femme ne soit sur elle. Après tout, elle n’était pas une guerrière, plus une sorte d’assassin. Du coup, elle attendait l’assentiment de la guerrière avant de s’approcher de son prisonnier.