L'habit ne fait pas le ladrini {20 Gleno 1305} | PV Deirdre

Ce n'était que le début d'après-midi quand un invité surprise se présenta "Aux Mille Couleurs". Techniquement, le casino n'était pas ouvert au public, uniquement à ceux qui travaillaient avec Deirdre. Cela pouvait aller de simples employés à certains fournisseurs. Les "amis" ne venaient se montrer que le soir pour briller devant tout le monde et laisser entendre qu'ils connaissaient la maîtresse de maison. La gorgoroth jouait généralement le jeu car elle savait que cela pouvait rapporter, surtout quand ces gens donnaient plus d'importance à leurs réputations qu'à leur porte-monnaie.

Alors que le ladrini entra sans se présenter et sans une onde de politesse, le premier agent d'accueil le toisa assez froidement. Ce n'était pas comme s'il allait obéir aussi facilement à la première personne qui osait exiger de rencontrer leur patronne. Ainsi, Raël ne trouva aucune réponse claire à sa demande. Juste un lourd silence. Il fallut attendre dix bonnes longues minutes avant que quelqu'un ne vienne à sa rencontre. Il s'agissait d'un jeune homme qui présentait bien, une chevelure argentée, un regard peu expressif mais qui le salua : c'était Uriel, l'homme de main de Deirdre. Il était l'homme qui passait le plus clair de son temps en compagnie de la jeune femme.

" Monsieur Raël. Veuillez me suivre. Je vous emmène voir Madame. "

A ces paroles, Uriel prit les escaliers et guida l'invité jusqu'aux deuxièmes étages, les appartements privés de Deirdre. Plutôt peu bavard, ce dernier n'essaya pas de faire la conversation, chose qui conviendrait sans doute au yorka. Une fois là haut, il s'arrêta devant une porte qu'il ouvrit et d'un geste de la main, invita ce dernier à entrer.

" Madame vous attend. "

Lorsque le jeune homme pénétra dans la pièce, il découvrir un bureau richement décoré. C'était relativement spacieux et agréable. Là, il trouva Deirdre face à une fenêtre, regardant l'extérieur avec visiblement beaucoup d'attention. Une fois que la porte se referma, elle se retourna vers le yorka avec un grand sourire.

" Et bien mon ami, voilà une visite à laquelle je ne m'attendais plus. Cela fait un moment que nous ne nous sommes pas recroisés. Comment vous portez-vous? Bien je l'espère. "

Là, la jeune femme désigna un fauteuil en face de son bureau et invita ce dernier à s'assoir.

" Que me vaut votre visite? "

La gorgoroth conserva un large sourire avant de prendre place à son tour, derrière son bureau. Là, elle s'enfonça dans son siège et ne quitta pas du regard le ladrini. Elle était bien curieuse de savoir ce que ce dernier lui voulait.

Lorsque la voix de Rael résonna dans la pièce, le sourire de la jeune femme s'étira. Il était vrai que ce n'était pas un homme de ville mais plutôt... un homme d'extérieur. Mais c'était souvent dans la nature des Yorkas, sans doute en cause leur animalité, bien qu'elle n'y connaissait pas grande chose. Ce n'était que son propre raisonnement. Qu'importait la vérité, elle n'en avait cure et ses politesses n'étaient dues qu'à ses habitudes et elle n'attendait pas spécialement de retour de son camarade. Le contraire aurait été étonnant.

" Ha oui, c'est vrai. La forêt, la verdure et ces moustiques. Chacun sa passion. "

En réalité, Deirdre était une femme beaucoup plus simple qu'elle ne le laissait imaginer. Certes, elle était vénale, elle aimait les jolies choses qui brillaient comme une pie voleuse mais elle savait apprécier la beauté d'un jardin fleurie ou tout simplement un soleil couchant sur l'horizon d'une montagne. Mais voilà. Deirdre était aussi un personnage, un masque, une reine du mensonge.

Alors que le Scorpion se mettait à l'aise, le regard de la gorgoroth n'hésita nullement à le dévisager. Elle ne regardait pas son appendice yorka mais ces tatouages, ces courbes et ces motifs. Que voulez-vous, l'art se trouvait partout et elle ne pouvait s'empêcher d'observer. Ce n'était pas la première fois qu'elle les voyait mais elle ne s'en lassait pas.

" Un travail... Mmmm.... voyons... "

La jeune femme afficha une petite moue avant d'avoir une illumination.

" Ah! Il se pourrait que j'ai besoin de tes services. J'aurais deux propositions. "

Deirdre se redressa et s'accouda à son bureau avec un sourire qui en disait long.

" Normalement, Uriel aurait dû m'accompagner mais j'ai besoin de lui ici. Il se trouve que j'ai un de mes clients qui a cumulé une dette faramineuse auprès de mon casino. Je lui ai donné un délai mais il n'a pas respecté ce dernier et ne s'est pas non plus manifesté. J'ai besoin de quelqu'un pour m'accompagner, par mesure de prudence. Je te paierais avec une part de ce que je vais récupérer. "

Toujours le visage illuminé par une large esquisse, elle continua.

" L'autre proposition est moins exaltante. L'un de mes gardiens est tombé malade. Il me faudrait quelqu'un pour le remplacer pour la soirée. Tu sais, surveiller que tout le monde se conduit bien, que personne ne triche aux tables de jeux... "

La ladrini s'écarta de son bureau et s'enfonça à nouveau dans son siège en croisant les bras.

" Qu'en dis-tu? Oh! Tant que j'y pense, je n'ai pas besoin de ton herbe. J'ai largement ce qu'il me faut mais merci d'avoir pensé à moi. "

Deirdre était enfoncée dans son siège quand elle offrit le choix de la mission à son collègue. Quand ce dernier manifesta son intérêt pour la premier proposition, le sourire de la jeune femme s'étira.

" Parfait! "

Alors qu'elle se trouvait toujours assise tranquillement, Raël lui demanda bien vite les modalités de l'ordre de mission. C'était peut-être ce qu'elle appréciait le plus chez lui : on ne perdait pas de temps, on allait droit au but. Voilà une qualité appréciable chez un homme.

" Quand? Je dirais tout de suite! "

D'un bond habile, l'ancienne lhurgoyf quitta son siège avec une expression toujours pleine de satisfaction sur le visage. Elle n'aimait pas perdre son temps et si l'affaire pouvait résolument se clore rapidement, cela serait parfait.

Deirdre se dirigea alors vers ce qui semblait être un porte-manteau. Elle enfila bien rapidement une petite cape à la hauteur de sa fine stature et ne sembla pas s'encombrer de plus d'objet. Là, elle se tourna vers son nouveau garde du corps.

" Tu es très bien comme tu es l'ami. Pas besoin de costume pour ce bonhomme là, bien au contraire. Montres-toi plus effrayant que tu peux l'être. Je compte sur toi pour l'intimider. "

Tout sourire, elle ouvrit la porte pour laisser passer le ladrini.

" Quant à la somme, elle est assez importante pour que je vienne à me déplacer. Ce n'est pas comme si cela t'intéressait vraiment, n'est-ce pas? "

A force, elle avait compris que Raël ne s'encombrait jamais avec les détails inutiles et cela lui convenait tout à fait. Dans certaines situations, c'était tout ce que demandait la gorgoroth. Pas de parlotte, juste de l'action. Pas de grande histoire. Juste des choses vites faites mais bien faites.

" Oh! Tant que j'y pense. Je suppose que tu n'as pas d'endroit où dormir? Toujours en mode vagabond? Il doit me rester une chambre je crois. Enfin si tu la veux. Sinon tu devras dormir avec moi mais je pense que ce serait déplacé! Hahaha! "

La commerçante se mit à rire alors qu'elle referma la porte de son bureau derrière eux. D'un mouvement de tête, elle finit par lui faire comprendre qu'il devait la suivre. Quand elle disait immédiatement, c'était littéralement au pied de la lettre car en moins de temps qu'il n'en fallut, ils étaient déjà hors du casino.

Il faisait d'ailleurs bien chaud cet après-midi là mais ce n'était rien pour une femme qui était incapable de véritablement souffrir de la chaleur. Si un cadavre normal n'aimerait pas cela, être gorgoroth avait un avantage en matière de conservation.

" Notre futur hôte est un petit homme de la bourgeoisie de Tyrhénium. Il n'a en soit rien d'extraordinaire mais comme tous les gens d'ici, il avait jusque là une assez bonne fortune pour le couvrir. Mais j'ai cru comprendre que ses affaires ne couvraient plus autant les dettes qu'il possède un peu partout. Un homme qui aime trop les femmes et le jeu. Du coup, je ne sais pas s'il a encore assez de monnaie pour se payer une protection rapprochée. "

Deirdre lui fit un clin d’œil.

" C'est là que tu entres en scène. "

Alors qu'elle marchait tranquillement, elle guida le yorka dans le quartier résidentiel de la petite bourgeoisie locale.

" Je dois éviter de jouer les gros bras devant tout le monde. Je dois faire en sorte de conserver une certaine réputation. Du coup, j'ai besoin d'autres muscles pour jouer ce rôle et montrer qu'on ne rigole pas avec les dias manquants. As-tu des questions avant que l'on y arrive? "

Deirdre marchait l'esprit serein, un grand sourire sur le visage et en visible bonne compagnie. L'idée d'avoir prit avec elle le scorpion la ravissait parce qu'il avait quelque chose d’impressionnant de par son aspect. Il était grand, musculeux et avait un air si patibulaire qu'il donnait aisément l'impression de ne pas être une personne facile. Un modèle parfait en ce qui concernait l'intimidation.

" Jusqu'où tu peux aller? Où tu veux tant que tu ne le tues pas. "

Deirdre haussa les épaules mais finit par rajouter un point de détail.

" Finalement, je préfèrerais aussi que tu lui laisses tous ces membres. Tu peux les casser mais pas les amputer. Sinon, comment reviendrait-il jouer sans ses mains? Hahaha! Ou sans ses jambes! "

La jeune femme se mit à rire. C'était totalement cynique mais c'était sa façon de voir les choses. Cyniquement mais avec pragmatisme. Continuant leur chemin, ils finirent par arriver tous les deux devant ce qui avait été sans doute une très belle demeure... autrefois. Pour sûr, rien qu'en admirant la grande porte d'entrée, on devenait que l'entretien était totalement négligé. Les parterres de fleurs étaient fanés, la peinture du bois de la porte tout autant. Même le métal de la poignée commençait à rouiller. Décadent pour un noble.

" C'est.... ici. Vraiment navrant. Cet homme a joué de malchance. Même ça, il ne fait plus attention. Je me demande si seulement il possède un domestique qui nous ouvrira. "

La gorgoroth grimaça légèrement d'irritation avant de monter les quelques marches. Là, elle toqua lourdement et attendit quelques secondes. Aucune réponse. Elle recommença, par précaution et attendit un peu plus longtemps. Le silence demeurait. Pas de bruit de pas qui s'approchait, pas de voix qui aurait pu hurler que l'on arrivait.

" C'est bien ce que je pensais. Raël? Veux-tu bien nous ouvrir? Il doit sans doute se terrer de peur de ces créanciers. " "

La jeune femme se recula pour laisser place au ladrini faire son officice.

" Je suppose que nous allons devoir jouer au chat et à la souris. Et étant donné la taille de cette maison... "

Main sur les hanches, Deirdre se mit à soupirer. L'homme qu'il cherchait? Un certain Robert de Aubervent.

Deirdre était une femme ouverte à toutes les méthodes. Les brutales ou les plus fines, cela lui importait peu tant que les résultats étaient là et les conséquences pour sa personne limitée. Après tout, après les dias, elle n'accordait de valeur qu'à sa propre "vie" ou plutôt ce qui lui en restait. Tout sourire, elle laissa alors son camarade s'occuper de la porte d'entrée et fut surprise qu'il força simplement la serrure. Elle en était presque... déçue. Elle n'aurait pas craché sur un peu de spectaculaire.

Puisque Raël jouait les gardes du corps, elle le laissa pénétrer en premier dans le hall, attendant en laissant échapper un petit bâillement que ce dernier lui confirma qu'elle pouvait entrer sans danger. Mains dans les poches, sa petite esquisse désinvolte sur le visage, elle pénétra dans la maison avec une nonchalance presque effrontée.

" Monsieur De Aubervent? Youhouuuu! "

Deirdre tenta de l'appeler mais comme elle s'en serait doutée, il y avait peu de chance qu'il se manifesta. Cela serait bien trop facile. Puis elle se tourna vers le yorka, toujours tout sourire.

" Je dois avouer ne jamais avoir dépassé le rez-de-chaussée. Dans mes souvenirs, nous avons dans les parages ce qui ressemblent le plus à une cuisine et un grand salon de réception. Les chambres et le bureau sont à l'étage. "

La gorgoroth commença à s'avancer et s'engouffra dans le salon. Elle regarda un peu partout, certains meubles avaient été recouverts par des draps pour éviter la poussière mais sur le reste, il suffisait de glisser sa main pour en avoir toute la crasse sur le bout des doigts. Même les lustres avaient perdu tous leurs éclats. Cela devait faire des mois et des mois que plus aucun homme avait fait le ménage. De plus en plus affligeant.

Tranquillement, elle jeta un oeil sur les objets qui demeuraient encore là, des livres aux moindres vases. Il n'y avait rien qui ne pouvait avoir de la valeur. Même pas un tapis.

" C'est vraiment pathétique. Pourquoi n'a-t-il pas tout simplement revendu cette demeure? Elle doit bien valoir quelques milliers de dias. Il aurait pu au moins se refaire avant la catastrophe. Tout ça par... narcissisme et égo. "

C'était un peu l'hôpital qui se moquait de la charité, bien que Deirdre n'était pas effrayée par la pauvreté pour l'avoir connue. Par contre, elle ne nierait pas que cela la désolerait profondément de tout perdre maintenant qu'elle avait pu s'élever dans l'échelle sociale. Avoir une petite fortune, c'était un confort.

" Bien. Montons à l'étage. Je suis certaine qu'il se cache quelque part là-haut. "

Si tout paraissait désert au premier, c'était peut-être pour laisser croire que le maître des lieux était parti. Mais on ne la faisait pas à Deirdre. Quand elle voulait quelque chose, elle l'obtenait.

Les deux ladrinis montèrent à l'étage comme convenu, laissant précéder dans sa marche le yorka scorpion. Deirdre, elle, affichait toujours un visage d'apparence tranquille et portait ses mains à ses poches. Elle n'était visiblement pas spécialement pressée ni impatiente pour la simple raison qu'elle savait pertinemment qu'à la fin, elle repartirait avec quelque chose d'une manière ou d'une autre.

Une fois arrivée au premier étage, Raël commença à inspecter ce qui paraissait être le bureau. Elle le laissa faire jusqu'à ce qui lui indiqua qu'il n'y avait personne. A ces mots, elle haussa les épaules et eut un petit sourire.

" Ha! Rien qui ne puisse intéresser vos yeux! Je suis sure que le bougre a caché des choses intéressantes ici-même. Vous permettez? "

Elle passa devant son camarade et commença à fureter un peu partout. Bien évidemment, son premier réflexe fut d'inspecter les tiroirs du bureau et en sortit quelques papiers. Elle les étala et les inspecta avant d'afficher une petite moue. Il n'y avait rien là dedans. L'unique chose digne d'intérêt était une bouteille de liqueur dissimulée dans le caisson du meuble.

" Monsieur semblait noyer son chagrin. "

La gorgoroth continua en inspectant la bibliothèque, toquant sur chaque livre pour essayer de repérer si dans tout cela il n'y avait pas un son creux qui se ferait entendre.

" Bingo! Et tellement prévisible. "

Il y avait en effet des libres d'apparats et en tirant sur l'un d'entre eux, une petite porte secrète dans le mur s'entrouvrit au bruit d'un clic. Fière d'elle, Deirdre se dirigea vers le coffre - parce que vous auriez bien compris qu'il s'agissait de cela. Par chance, ce dernier était fait dans un métal assez banal. Voilà qui n'était pas très malin de la part d'un noble mais une aubaine pour la gorgoroth. Elle plaça sa main devant la porte et fit un signe comme si elle broyait quelque chose. La porte se plia en quelques secondes par mimétisme à son geste. Quel trésor pouvait se cacher dedans? Et bien des papiers... mais elle sourit étonnamment.

" Parfait! Voici les actes de propriétés originelles de cet endroit. "

Emportant avec elle les précieux documents, elle suivit une nouvelle fois son camarade qui jouait les sentinelles. Direction la chambre du mauvais client.... qui s'y trouvait tapis comme un rat. Deirdre resta à côté de la porte, le temps que son camarade intimide l'endetté et attendit sereinement son feu vert pour intervenir.

" Haaaaa! Monsieur De Aubervent! Vous savez que vous êtes un homme très recherché en ce moment? "
" Que.... que.... que me voulez-vous! "
" Mon argent quelle question! Cela fait maintenant près de trois mois que nous ne vous avons pas vu dans mon établissement, trois mois que vous avez indiqué que vous règleriez votre ardoise, trois mois que vous n'avez pas répondu à mes lettres. "
" Il... il me faut encore un peu de temps, je n'ai pas cette somme sinon... sinon vous savez que je vous aurais tout remboursé! "

Le regard du noble passait du scorpion à la jeune femme, un air à la fois paniqué mais qui conservait toujours cette forme de mépris dû à son rang, une forme de dédain qui irritait Deirdre.

" Que vous êtes un vil menteur, Monsieur De Aubervent. Un homme respectable aurait répondu à mes lettres. Un homme respectable ne me mentirait pas encore une fois en prétendant qu'il n'a pas un dias. Comment pouvez-vous prétendre ne rien avoir avec cette maison? "

A ces mots, la jeune femme agita les papiers de propriété des lieux.

" Comment! Comment les vous avez-vous eu! "
" J'ai bien peur que ce ne soit pas la bonne question à poser. "

Deirdre regarda Raël, lui donnant l'autorisation de bousculer le couard qui visiblement ne comprenait pas qu'il n'était pas en disposition de poser la moindre question.

" Vous me devez près de 5000 dias, mon cher monsieur. Et je ne parle pas des intérêts. A vue de nez, votre maison les vaut à peu près. Alors voici ce que je vous propose. Vendez-moi là officiellement, et considérez que votre dette n'existe plus. "

Un large sourire carnassier s'afficha sur son visage.

Deirdre continuait à agiter son bout de papier avec une certaine provocation et un grand sourire aux lèvres. Alors que le yorka commençait ses menaces pour faire pression, la gorgoroth commença à faire un petit bruit de métronome.

" Tic... Tac... Tic... Tac... Vous feriez mieux de bien réfléchir Monsieur de Aubervent. Comme vous l'a indiqué mon camarade, il est bien moins patient que moi. "

A ces paroles, la jeune femme déambula dans la pièce, espérant que ce pauvre bougre céda devant la panique.

" Mais... mais.... cette maison est tout ce qui me reste!! Sans ça...sans ça je suis ruiné!! "
" Oui, oui, oui... mais vous ne devez qu'en vouloir à vous-même. Vous aviez tout, vous avez joué, vous avez perdu. Maudissez-vous mais régler vos dettes si vous espérez demeurer entier. "

Un large sourire s'étira une nouvelle fois sur le visage de la gorgoroth qui s'arrêta soudainement de marcher. Là, elle se tourna vers le mauvais payeur.

" Dites-moi, qu'est-ce qui est préférable? Posséder encore quelques richesses mais être un homme mort? Ou bien ruiné mais toujours en vie? Soyez donc un peu optimiste mon cher. Mort, votre maison reviendra tout de manière à vos créanciers, vivant, vous aurez toujours l'opportunité de vous refaire si vous vous montrer plus intelligent. "

Deirdre jeta un regard appuyé en direction de Raël pour qu'il secoua un peu plus ce dernier. Certes, elle ne voulait pas qu'elle assassina mais qu'il l'effraya encore un peu pour montrer qu'ils n'étaient pas là pour rien. Une fois cela fait, et que notre bon seigneur commença à trembler comme une feuille, la commerçante s'approcha de ce dernier et lui parla à quelques centimètres du visage. Bien que peu perceptible, son souffle parut dégager comme une fine fumée colorée que le noble respira à plein poumon.

" Bien... maintenant vous allez prendre ce stylo, et vous allez signer un acte de vente.... vous allez me céder ce bien... il ne vaut pas le prix de votre vie, n'est-ce pas? "

Le noble parut encore plus paniqué et se saisit de la plume que lui tendit Deirdre. Si elle vous semblait sortie de nul part, ce n'était pourtant pas le cas. Elle avait emprunté dans le bureau et volé d'une main habile. Elle n'avait pas été voleuse pour rien dans son autre vie.

" Ce.. ce bien ne vaut pas ma vie... oui... je... je vous signe... je veux rester en vie... je ne veux pas mourir.... donner! "

Le revirement était un peu radical? Oui et non. En réalité, Deirdre venait de jouer de son pouvoir, le Souffle d'Ambrosis, qui accentuait ou non les émotions. Subtilement, elle avait influencé la peur et la résilience de cet homme avec facilité face à la pression qui lui fut mise à la fois par le Yorka, mais aussi Deirdre elle-même. Dans certaines affaires, cette magie pouvait s'avérer véritablement utile.

Il n'y avait pas à dire, le Yorka était un homme efficace et sans doute que sa forme à moitié animale y était pour quelque chose. Les terrans pouvaient parfois être si facilement impressionnable que la gorgoroth les trouvait ridicule... mais c'était tant mieux pour elle. Cela les rendait plus manipulables et influençables que quiconque.

En tout cas, qu'importait ce pauvre bougre car la seule raison de la venue de la jeune femme était de faire main basse sur la propriété de Aubervent pour éponger les dettes qu'il avait auprès de son établissement et voilà chose faite lorsqu'il lui signa - un peu sous contrainte - le document de cessation. Oh bien sûr, elle s'occuperait des formalités avec le notaire pour la validation "légale". C'était ironique bien sûr. Il y aurait sans doute un peu de corruption dessous mais qui s'en souciait dans cette ville?

" Et bien voilà quand vous voulez! C'était si simple! Vous pouvez maintenant considérer que votre dette n'est plus auprès du Casino. Vous êtes donc libre mon cher. "

Un grand sourire se dessina sur le visage de Deirdre alors qu'elle pliait déjà le document qu'elle rangea dans son manteau. Toujours sous le couvert de quelques menaces, le Yorka réclama les clefs à l'ancien propriétaire mais la gorgoroth leva la main pour dire que ce n'était pas nécessaire.

" Ce ne serait pas nécessaire, l'ami. Je vous fais grâce de cette journée. Je vous laisse profiter une dernière fois des lieux et de rassembler quelques unes de vos affaires pour votre départ. Demain matin, j'enverrais quelques uns de mes gens qui viendront faire le ménage ici, et vous leur remettrez les clefs à ce moment-là. "

Deirdre savait se montrer généreuse quand elle le voulait. Sur ces paroles, elle fit un signe de tête à Raël pour lui indiquer qu'ils pouvaient rentrer et avant de quitter les lieux, elle ne put s'empêcher de faire un petit adieu de la main à Aubervent. De la provocation? Bien entendu. Il y en avait toujours avec elle mais au moins, elle avait obtenu ce pourquoi elle était venue.

Reprenant donc le chemin du retour, les deux jeunes gens rentrèrent Aux Mille Couleur silencieusement, bien qu'un large sourire illuminait le visage de la commerçante. A peine arrivée, l'un de ses employés lui demanda si tout c'était bien passé, chose qu'elle répondit par l'affirmative avant de demander qu'on apporta quelques choses à boire dans son bureau.

" Raël, si tu veux bien me suivre, montons dans mon bureau. Nous allons pouvoir discuter de ta paie. "

En effet, elle s'était à peine rendu compte qu'elle n'en avait pas fait mention lorsqu'il était venu lui demander du travail. Elle avait proposé, il avait accepté mais sans étudier les modalités. Il fallait dire qu'il y avait une grande liberté de ton entre les deux ladrinis mais cette fois-ci, ce serait le temps des négociations.

Il fallait dire qu'entre Ladrinis, selon celui avec lequel on était amené à travail, tout n'était pas si formel. C'était le cas avec Raël. Il était habitué à travailler de temps à autre avec Deirdre et cette dernière ne l'avait dupé jusque là. Il n'y avait pas de raison qu'elle commença. Montant les escaliers pour regagner l'étage privé de l'établissement, les deux jeunes gens gagnèrent son bureau où elle partit bien vite s'installer derrière. Là, un sourire carnassier sur les lèvres, elle lui fit un signe de prendre place s'il le désirait.

" Bien. Parlons maintenant gros sous. "

La jeune femme s'étira et se vautra dans son fauteuil avec une sorte d'impatience. Lorsque le premier chiffre tomba, son esquisse s'élargit.

" Et bien dit donc mon grand? Tes prix ont augmenté? Hahaha! Je te propose 100 dias. "

Tout en conservant son énigmatique sourire, elle se balança sur son siège.

" Note que je me trouve assez généreuse. Tu n'as eu qu'à intimider un gros benêt mais je sais que les temps sont durs alors... je te fais une fleur en guise de camaraderie. "

Ce fut à cet instant que l'on toqua à la porte. Là, un employé entra et comme demandé, apporta un plateau avec une théière, deux tasses et quelques petits gâteaux secs pour accompagner la boisson chaude. Deirdre fit un signe négligemment pour dire de poser le tout près du table tout près de là avant de faire à nouveau geste pour le convier à partir.

Sur cette interruption, elle finit par se lever et se dirigea vers le plateau où elle commença à servir la boisson.

" Si tu acceptes mon prix, sache que je t'offre aussi une chambre pour la nuit. Il m'en reste une de libre. "

Sur ces paroles, elle s'approcha de lui et lui tendit la tasse servie.

" Qu'en dis-tu? C'est assez honnête, non? "

Elle aurait bien rajouté "comme d'habitude" mais cela sonnerait peut-être faux pour certaines oreilles. La malhonnêteté était après tout une qualité que tout ladrini devait se posséder un minimum. En effet, pour la gorgoroth, jouer la carte de la vérité et de l'honnêteté n'étaient pas bon pour les affaires ni pour pouvoir tirer son épingle du jeu. Après tout, les plus riches de ce monde n'étaient pas de "gentilles" personnes et encore moins celles qui étaient les plus prompts à faire preuve d'un sens de l'honneur véritable. Les gens biens, ce n'était bon que pour les contes et n'existaient que dans l'imaginaire collectif.

" Ho! Mais dis-moi, comment vont tes affaires? Je crois que je ne te l'ai même pas demandé. "

Deirdre se dirigea vers sa propre tasse et s'appuya contre la table en commençant à la boire.