Le mystère et la légende [pv : Esclarme]

Voilà longtemps que Ision s'était juré de revenir dans cette clairière. Mais il avait été tué peu après avoir découvert ce lieu, il y a une petite centaine d'année peut être. Il avait mit bon nombre d'année à s'en souvenirs et les événements de ces derniers mois l'avait encore retardé. L'avantage d'être un sylphide, était d'avoir le temps. Il s'était occupé de Véto et de tout ce qui l'entourait, il avait obtenu tout ce qu'il désirait.
Désormais sa vie était plus calme, sans apprentie et avec des affaires florissantes, sa mémoire l'avait reconduit jusqu'à cette clairière, endroit magnifique du royaume de Noathis, il était assez compliqué à trouver et cela convenait parfaitement au lord. Venu seul avec sa monture, il en trouvait le calme et l'harmonie; bien que la notion d'harmonie soit quelque peu différente que celle du commun des mortels, la nature, les petits oiseaux, c'était joli, mais un simple aspect différent du monde. L'harmonie, c'était ne pas avoir d'humain dans les environs.

Il avait mit près d'une semaine à arriver. Et la chasse n'étant pas véritablement son point fort, ses rations ne lui permettait de tenir qu'un jour ou deux sur place. Le temps lui manquait en cette fin de première journée. Ision avait étudié toute la journée des runes étrange sur des pierres elles même disposées de manière surnaturelle les unes sur les autres. Il pensait sincèrement pouvoir percé un des secrets de la mort dans ces écritures anciennes. Seul il avait décidé de travailler à son aise. Il avait troqué ses vêtements nobles pour un simple pantalon de voyage dans les tons toujours bleu et une chemise de la même couleur qu'il avait laissé pliée sur la selle de son cheval, découvrant de ce fait son corps sculpté malgré qu'il fut un Sylphide, il gardait une forme physique assez exceptionnelle pour ceux de sa race.

De ce fait, il avait caché kami, sa dague, au niveau de sa cheville gauche. Shinigami, son katana, était attaché à la selle de sa monture. A vrai dire, c'était plus une habitude de l'avoir qu'autre chose, il n'en voyait pas la nécessité lorsqu'il cherchait ou quoique se soit d'autre. Tellement absorbé par ses recherches qu'il faisait, il ne prêtait aucune attention au monde qui l'entourait ni à la beauté du lieu. Ce fut le soleil couchant qui interrompit le lord.
Il alluma un léger feu dans lequel il était absorbé, dans des notes qu'il avait prit pendant toute la journée et qu'il relisait tranquillement.
Il faillit ne pas s'apercevoir de l'homme venu pour le dépouiller, sans ses réflexe et sa capacité de prévoir les mouvements, il serait certainement mort. Mais Kami se planta dans la poitrine de son agresseur, un seul coup avait suffit à transpercer le cœur de ce qui s’avérait être une jeune femme, d'un vingtaine d'année, elle était si jeune et si belle. Ision n'eut aucune émotion, il se pencha sur le cadavre, la regardant un instant, une Sindarin, que faisait elle ici? Pourquoi l'avait elle agressé? Oui, il devait toucher au but. Mais avant, il eut envie de comprendre pourquoi elle, il alla chercher un scalpel dans son sac accroché à son cheval et se pencha sur le corps de la jeune femme. Il n'était plus l'Ision si noble et respectable, il était le Sylphide terrifiant... avant de planter le scalpel dans la poitrine pour l'ouvrir méthodiquement, il lécha délicatement sa plaie, avant de se rendre compte qu'une autre créature, venait de découvrir cette clairière...
Il était un prédateur, prit sur le fait, avec sa proie...

Bien souvent l’on avait tenté de dompter ces paysages, de les lacérer en petit morceaux bien reconnaissables, de plier les montagnes dans des cases pour mieux l’appréhender au regard des peuples qui pourtant n’y vivent pas. Etait-ce par désintérêt ou par impuissance, personne n’y était parvenu. Le seul qui aurait eu ses chances dans la description de ces titans avait refusé de le faire. Quand il l’avait emmenée sur ces pistes et que la fillette le lui avait demandé, son père lui avait brièvement répondu que personne ne gagnait rien à ce que ce soit fait. Le ton grave de sa voix avait même conduit Esclarme à fermer les yeux, refusant de voir autour d’elle : au cas où après elle fasse la lourde erreur de le dessiner ensuite. Son père, la laissant faire, avait rigolé, et les quelques rochers affleurant dans lesquels elle se planta les pieds eurent tôt fait lui faire élargir son point de vue.

Aujourd’hui, guidée par les vents, les mousses, et le soleil, la jeune femme progressait plutôt aisément. Les rocs granitiques qui jonchaient son chemin, probablement résultats d’un passage glaciaire, jouaient les aspidochélons pour les arbres juchés sur leurs dos, ou bien se révélaient en dolines abruptes sur le bord du sentier qu’elle suivait. …Sentier... il en fallait, de l’imagination, pour considérer que ce chemin immatériel en était bel et bien un… Mais, après tout, tant qu’il contournait les arbres et les creux infranchissables, il avait son existence ou tout du moins un semblant, dans son tracé subtil, où le sol sur lequel on pose un pas parait un rien plus tassé que celui qui le borde. Esclarme marchait, insouciante, laissant les senteurs l’envahir, celle de la terre sombre et fraîche des sous bois, des feuilles claires qui bruissaient plus haut, de cette joie paisible qui naissait de la simplicité.

Esclarme marchait, et le monde était derrière elle.

Cela faisait à vrai dire bon nombre d’années qu’elle n’était pas revenue dans cette vallée, pourquoi y était elle revenue ? Pour s’y perdre peut être, ou pour toucher une nouvelle fois du regard les pierres mystérieuses qui hantent ses souvenirs et parsèment la clairière dans laquelle elle prévoyait de passer la nuit.. peut être oserait-elle-même en effleurer une du doigt cette fois-ci. D’autant plus que dans sa mémoire, il lui semblait avoir vu des plantes qui, sans doute influencées par la proximité des runes, ne poussaient nulle part ailleurs. Une sorte de pèlerinage intéressé sans doute, appelez ça comme vous voudrez. En tous les cas, fidèle à son habitude, la jeune femme n’avait pas emporté vraiment d’armes avec elle. Il y avait bien sa lame de jet à portée de main, mais il était d’un optimisme baveux de penser qu’il pourrait s’agir entre ses mains d’une défense digne de ce nom contre toute personne un peu motivée. Elle avait beau ne pas s’être vraiment renseignée, il lui semblait que de toute façon les brigands et autres détrousseurs n’étaient pas légion dans le coin… et au pire, elle aviserait : ils n’allaient tout de même pas débarquer ainsi juste pour lui gâcher la journée tout de même, qu’ils soient un peu gentleman ! Esclarme la voleuse, n’est pas présente aujourd’hui, nous n’avons que la fille du cartographe et éventuellement la soigneuse, prière de repasser plus tard, merci. C’était bien, c’était optimiste, et c’était sans compter le hasard.

Entre les arbres, la fameuse clairière était maintenant en vue mais il y avait du mouvement. Quelque chose, ou quelqu’un, Esclarme ne pouvait bien dire encore, se tenait au-dessus de ce qui ressemblait vaguement à un cadavre, ou bien alors à quelqu’un dormant très très bien. A cette heure, et au vu des réactions du carnivore, la jeune femme penchait –étrangement n’est ce pas..- pour la première idée. Mais, l’infime problème qui se posait maintenant, forçant ainsi la main à moult déductions logiques, était qu’il l’avait vue et que son regard acéré plongeait désormais dans le sien.

Un embryon d’esprit pragmatique tenta de se faire une place dans ses pensées, arguant que commettre un meurtre dans un endroit à ce point isolé était une idée douteuse : se traîner la victime vivante tout le long de cette vallée devait être bien lourd à supporter pour son assassin. Non il valait mieux axer sa logique sur du « sur place ». Peut être avait-il était surprit par quelqu’un auquel cas.. amicale ou non, la surprise n’aurait pas fait long feu.. Peut être aussi avait il lui-même surprit quelqu’un. Et visiblement ses intentions n’avaient pas été des meilleures. Ou bien. …Il avait trouvé ce corps… et il l’étudiait. Un médecin ? Un psychopathe passionné ? Ca c’était de suite plus intéressant. Non moins dangereux dans le deuxième cas mais.. . assurément intéressant. Peut être même.. aurait il commis cet acte pour faire réagir les runes ? Le regard de la jeune femme glissa vers le scalpel qu’il tenait en main… et décida d’aller l’embêt … le voir de plus près.

Il s’agissait d’un homme, au physique plutôt jeune, mais au regard azuré étonnamment sans âge. Ses cheveux, qui lui étaient apparus très clairs lorsqu’elle était plus éloignées, s’avérèrent être blancs comme neige. Il émanait de lui une aura de puissance contenue, qui murmurait que ça ne devait être une personne à laquelle s’attaquer était simple. Ni même conseillé. Cela tombait bien, Esclarme n’y comptait pas. S’approchant d’un pas léger, elle s’accroupit en face de lui aussi naturellement qu’elle se serait installée dans un fauteuil pour prendre un thé, et jeta un œil sur le corps de feu une ravissante demoiselle à la poitrine incisée et aux vêtements propices à la grande randonnée... -ou vadrouille en montagne, seuls les termes diffèrent. La soigneuse avait beau s’y être essayée à coup de tunique verte plutôt claire maintenue par une sorte de bustier en cuir et pantalon étroit de la même facture, pour permettre des mouvements amples et répétés, il lui manquait un gros tas d’accessoires venus directement de la panoplie de bandit de grand chemin confirmé, et sans revenir sur les armes, on voyait que ses habits étaient usés par endroits sans pour autant être de mauvaise qualité initialement. Authentique marcheuse ? Fugitive ? Autre ? Redressant légèrement la tête, la jeune femme recroisa cet étrange regard aux nuances du saphir, et esquissa une ombre de sourire.

- Puis-je vous aider ?

Ision resta interdit en voyant l'autre jeune femme, bien vivante elle. l'odeur, l'aura qu'elle dégageait lui était familière. C'est pour cela qu'il ne bougea pas, comme une bête au dessus de sa proie, il avait une main sur la cadavre, les yeux vers elle. Il n'esquissa pas de geste brusque ni même hostile envers elle. Pourtant, Kami était à portée de main et elle même ne semblait pas porter d'arme ou tout du moins, être agressive envers lui.
Le Ision qu'elle avait en face d'elle, n'était pas le Ision de la haute société, il était le sylphide Ision, l'inventeur, le créateur, l'exécuteur, celui dont le seul nom était connu dans la société de sa race et dans la capitale comme quelqu'un de très intelligent, brillant certains disaient même. Mais très lunatique également, exerçant des expériences qui étaient aux frontières des Lois des siens et pourtant on le respectait car on le disait fils d'un Dieu. Réalité ou fiction? Ision entretenait le mythe quand à sa naissance et à son parcours durant les 550 dernières années. Son peuple était très anciens, mais il n'avait prit son premier corps que lorsque Taulmaril la grande était sortie de terre, comme pour signifier que lui aussi s'éveillait à la société humaine, quittant sa forme éthérée pour vivre une vie mortelle.

Lorsque la jeune femme s'approcha de lui, il la trouva jeune, bien plus que lui, même si ses propres traits ne reflétaient pas réellement l'âge de son corps, soit les 35ans, tout se jouait dans son regard et ses deux saphirs qui semblaient pouvoir pénétrer les âmes comme de la chair par une lame affutée, comme ce scalpel qui dérapa sur le peau du cadavre lorsqu'elle prit la parole pour lui demander s'il avait besoin d'aide. Il ne pouvait pas s'attendre à cette simple remarque. Elle n'avait pas eu peur, elle ne s'était pas enfuie, fort heureusement, cela lui éviterai une course à travers les bois pour la rattraper et la tuer. Lorsque l'instrument glissa sur la peau, un filet de sang éclaboussa le visage d'Ision, mais également celui de l'étrangère, glissant le long de sa joue, comme une larme d'âme. Le regard du lord était toujours posé, calme, il lâcha soigneusement son scalpel et avec son doigt, dessina une étrange rune sur la joue d'Esclarme, sans rien dire, toujours.

Il se releva, prit son carnet, sans prendre le temps d'essuyer son propre visage, y nota quelques lignes et dit distraitement dans la langue ancienne des Sylphides...

"Tu viens de loin et pourtant tu ne viens pas pour me voir, tu es de loin et pourtant tu sembles proches..."

Une vieille citation qu'il avait aimé retenir il y a deux cents ans de cela. L'ancien parlé était encore assez courant chez les Sylphides avec un minimum d'éducation. Il releva enfin le nez de ses feuilles de papier et se repencha sur son cadavre. Prenant la main de la jeune femme dans la sienne, il la posa sur le corps froid et dénudée de celle qui avait voulue attaqué Ision. Il lui parlait maintenant en langue commune...

"Mettez votre doigt ici (au niveau de la trace de scalpel qui les avait éclaboussé). N'avez vous jamais été curieuse, de savoir pourquoi les gens ont tel ou tel comportement. Pourquoi les autres races ne cherchent elles pas à comprendre?... (Il commença à ouvrir le cadavre) Si vous savez vous y prendre, vous pouvez m'aider, sinon, repartez"

Il se mit à découper délicatement le cadavre, une incision en "v" classique. Il avait auparavant, examiné l'intégralité du cadavre et l'extérieur ne présentait rien d'anormal. Il l'ouvrit depuis la gorge jusqu'au pubis pour en examiner l'intégralité supérieur. Il ne faisait pas véritablement attention à ce que faisait la jeune femme, jusqu'à présent, elle ne l'avait pas gêné, c'était déjà une bonne chose. Il lui avait demandé de l'assister dans certains mouvement, dans certaines choses à exécuter et avait pu remarqué qu'elle n'était pas dénué de tout savoir médical. Il la regarda un instant...

"Ce n'est qu'un corps, il n'y a ni sentiment ni douleur, ni âme, ni quoique se soit de ce genre. Finalement c'est peut être que ce certain nommeraient, un être parfait... (il s'arrêta un instant) oh! c'est là... (il regarda le cœur du cadavre et parvint à l'extraire avec une précaution quasi chirurgicale) regardez..."

Il lui montra le cœur, délaissant le reste du cadavre, une minuscule emprunte, noire, comme un tatouage même sur l'organe. Ision était un passionné et tant qu'elle ne l'arrêterait pas, il continuerai ce pourquoi il était venu, chercher sur les runes, il n'avait plus beaucoup de temps. Toujours torse nu il n'avait pas jugé bon de se couvrir devant elle, il prenait soin de son corps, mais le Ision chercheur ne se souciait que du spirituel. Il lui montra une rune semblable au symbole sur le cœur de la jeune femme et regarda la poitrine de son interlocutrice...

"Je me demande si cela influx sur d'autres types de créatures... hum... si seulement j'avais d'autres cœurs sous la main..."