Fin d'une nuit de plaisir. [ PV : Arya ]

- Hum…

Lentement, une jeune femme émerge d’un sommeil de plomb, réveillée par le soleil se déversant par une petite fenêtre. Ouvrant avec difficulté ses lourdes paupières, elle laisse échapper un grognement énervé face à la luminosité trop importante de la pièce, agressant ses sens. Poussant un profond soupir, elle se retourne violement et enfonce sa tête dans son oreiller, tentant d’y échapper.

Quelque chose se met alors à bouger à côté d’elle. Un bras puissant s’enroule autour de sa taille, la ramenant contre lui, l’autre cherchant sa poitrine.

Nouveau grognement.

Son client.
Elle l’avait totalement oublié.

Emergeant brusquement, elle pose son regard sur le visage angélique d’un homme à la peau mâte. Ce dernier lui sourit avec douceur, approchant ses lèvres des siennes. Cylinah l’arrête d’un geste.

- La nuit est passée. Tout s’arrête ici.

Cette fois, c’est à l’inconnu de pousser un grognement de protestation, insistant. Sans faire attention aux paroles de la prêtresse, il plonge son visage dans son cou, une main remontant lentement le long de sa cuisse. Un frisson de plaisir et de désir parcourt Cylinah. Cet homme est doué, elle e peut le nier. Et la furieuse envie de jouer encore un peu avec lui l’emplit rapidement.

Elle repousse cette pensée. Si elle commence à céder à céder ainsi, elle n’aura plus aucune crédibilité.

Je repoussant avec fermeté, elle plante son regard d’or dans celui, bien plus sombre, du jeune homme.

- Arrête ça. Pose la paye sur la table et va-t-en.

Sans plus lui adresser un regard, elle se retourne et se lève pour disparaitre dans une petite salle de bain. Dehors, l’homme soupir violement et le bruissement de ses vêtements qu’il enfile tire un soupir de soulagement à Cylinah. Se plantant devant un petit miroir, la Yorka arrange rapidement sa chevelure de feu avant de remarquer une perle de sang sur l’une de ses multiples écailles. La cueillant du bout du doigt, elle la glisse entre ses lèvres. Un grand sourire nait sur ses lèvres quand le gout de ce merveilleux liquide se répand dans sa bouche.

Délicieux.

Elle finie par sortir, regagnant la petite chambre, et entreprend de se rhabiller, avant de finalement la quitter, l’enveloppe contenant sa paye glissée sous ses vêtements.

Cette nuit a été particulièrement plaisante.

~~~~~

Le soleil frappe particulièrement fort en cet après-midi de Mirios. Enfin, pour un territoire comme Cimmeria, tout est relatif. Disons qu’un temps pareil est assez inhabituel, bien qu’il n’aille pas faire fondre la neige éternelle qui recouvre la cité d’Hélas. Loin de là même.

Levant les yeux vers le ciel, Cylinah laissa un léger sourire s’étendre sur ses lèvres. Errant dans les rues de la ville depuis maintenant une bonne heure et demie, elle se fait à présent rappeler à l’ordre par son estomac grondant furieusement. Deux choix s’offre alors à elle.

Rentrer au temple.
Trouver une taverne.

Le désir qu’elle avait ressentit dans la mâtiné pulsait encore en elle, et le fait qu’elle ait dû le refuser la frustre légèrement. Elle choisie donc la seconde option, se mettant également en quête d’une proie au sang chaud.

Débouchant dans l’une des artères principales, Cylinah laisse glisser sur regard sur les façades avant de se diriger vers une petite taverne. Poussant la porte avec enthousiasme, la Yorka est immédiatement happée par l’air chaud que renferme l’établissement. Alors qu’elle parcourt la salle à la recherche d’une place libre, elle sent le regard désireux de plusieurs hommes sur elle. Un grand sourire illumine son visage.

Ils sont si faciles à amadouer.

Ses yeux dorés repèrent alors une petite table dans le fond, occupé par une personne seule. Homme ou femme ? Cylinah n’arrivait pas tellement à trancher. Se dirigeant vers l’inconnu(e), elle tire une chaise et s’y installe, un grand sourire accroché aux lèvres.

- Puis-je ? Je crois que le reste est plein…

Sans vraiment attendre de réponse, je fais signe à un serveur de m’apporter une assiette. Puis, reportant mon attention sur la personne en face de moi, je la détaille. Ses yeux son doré, bien que moins lumineuse que les miens. Son visage est fin et harmonieux, encadré par une courte chevelure noire.

Fille ou garçon ?

Laissant glisser son regard sur sa poitrine, y décelant quelques courbes.

Fille.
Jeune qui plus est.

Reportant mon regard sur son visage, je lui offre un nouveau sourire. Amical

Deux ans auparavant.
Le monde tanguait, comme bercé par une houle infernale. Je clignai des yeux, tentant vainement de retrouver des pensées cohérentes. Il faisait étonnamment chaud, mes joues me brulaient, de la sueur perlait de mon front fiévreux et je ne parvenais à rassembler des idées pour exprimer ce qu'il m'arrivait. Une main froide aux creux de la mienne m'informait qu'il faisait en réalité bien plus froid que je ne le pensais. Sa propriétaire frissonna quand une bourrasque de vent nocturne balaya la rue que nous traversions. Je ne sentis qu'un souffle ardent et provocateur sur mon visage en feu.
Mon corps me semblait lourd et lever une jambe me demandait une concentration et un effort inhabituels. Chaque pas était un calvaire et c'était avec lourdeur que je m’efforçais à marcher.

« Sommes-nous... encore... loin ? » articulai-je.

Ma langue elle aussi avait du mal à répondre à mes sollicitations et je doutais qu'Eleyra à ma droite ait compris ma question. Les murs des maisons bougeaient et les pavés froids de la ville dansaient devant mes yeux. Il faisait nuit et pourtant des lumières inconnues se mouvaient dans les ténèbres de mon esprit.

« Tout dépend de ce que tu appelles loin. » me répondit une voix souriante. « Mais tiens bon, il reste quelques minutes de marche. »

J'eus un haut-le-cœur qui me fit stopper net. Les images tournoyaient devant mon regard fiévreux sans que mon cerveau n'arrive à les comprendre. Mon cœur battait fort dans ma poitrine qui se soulevait. Je me penchai, les mains tremblotantes posées sur les genoux. Je me sentais basculer. Le sol était instable, il se dérobait.
Une voix féminine me parla mais je ne parvins à détecter les mots. Une main se posa avec douceur sur mon dos tandis que les ténèbres m'engloutissaient. Il y eu un rire, frais et cristallin. Le sien...
Puis ce fut le noir.
Et la pierre froide sur ma joue.

~ ~ ~

Le feu dans l’âtre rougeoyant jetait sur les murs de pierre des ombres dansantes. Les clients attablés chantaient, buvaient, riaient dans l’atmosphère enfumée de la taverne tandis que le malheureux serveur zigzaguait entre les tables plateaux en main en plissant les yeux. En effet une épaisse fumée âcre piquant les yeux emplissait l’air lourd et étouffant du salon. J’étais assise dans un coin à l’écart, basculée sur une chaise en bois brun usé, le dossier légèrement en appuie sur le mur de fond de la taverne, les jambes croisées sur la table. J’attendais un repas qui tardait à venir. Je commandais une cinquième chope d’un geste de la main quand un fracas de verre parvint à mes oreilles malgré le brouhaha alentour. Je détournai les yeux du comptoir où un homme immense venait de déposer une bourse pour les arrêter sur la scène de bataille qui éclatait. L’origine du bruit était un verre brisé à terre en d’innombrables cristaux, dont le contenu coulait sur le parquet usé. Il y a eu un grognement de rage et de douleur mêlées. Quatre hommes se faisaient dangereusement face. L’un la lèvre cisaillée en deux, mâchoire crispée, et poings serrés. Il était de taille moyenne, cheveux bruns coupés courts, une fine moustache taillée du matin et portait une chemise blanche (de nature) entrouverte sur un torse jeune et musclé. L’autre homme important de l’affaire était plus paisible, plus posé. Il avait un corps longiligne qui étirait sa taille et de longs cheveux blancs tombaient sur ses épaules. Son visage dégageait jeunesse et sagesse confondues. Il semblait avoir une confiance inébranlable. Sa description me faisait penser aux Sindarins (surement à cause des oreilles pointues), que je n’avais jamais eu le plaisir de rencontrer. Il semblait être quelqu'un d'intéressant de par son imprévisibilité.

Pas un bruit, pas une parole. C’était un silence tendu qui régnait dans la salle.

Il se mit en mouvement, tel un chat sauvage qui chasse, tel l’eau qui glisse sur les rochers. L’autre homme tombait lourdement sur le dos, cheville droite fauchée. Les deux comparses du blessé se jetèrent avec irraison sur le Sindarin. Esquive. Il était insaisissable. Décalage de hanche. Une jambe se plie et un pied botté fuse. Un genou lâche, un corps tombe. Une main se referme sur un poignet qui craque puis dans une spirale infernale un corps perd l’équilibre et termine sans délicatesse sur un banc qui se brise. Le Sindarin pivote nonchalamment vers le tavernier médusé derrière son comptoir et après lui avoir commandé une nouvelle chope, se rassoit avec souplesse. Il paraissait affaire courante de se « disputer » par ici car les autres clients semblaient à peine surprit.
Les bruits qui s’étaient tus reprirent. L’animation revint dans la taverne tandis que trois malheureux compères tentaient de se relever. J’ignorai si le Sindarin avait l’intention de les achever ici-même et je ne pus m’empêcher d’analyser le chemin de la sortie. Je mettais assise en lotus sur ma chaise en déséquilibre, priant Kesha que rien ne fasse céder ses deux pieds arrières, auquel cas ma tête heurterait le mur.

Je m'emparai de l'anse de la chope débordante que le jeune serveur venait de poser près de moi et la portait à mes lèvres, désireuse de sentir le liquide se jouer et de mon corps et de ma tête. La fumée qui me piquait les yeux avait déclenché un mal de crâne... à moins que ce ne soit déjà l'alcool qui ne fasse des siennes...
Des odeurs de sueur, de tabac, de ragoûts, de feu et d'alcool emplissaient l'air de la taverne. Je plissai le nez dans une grimace.

Qu'est-ce qui pouvait bien me retenir ici ?

La faim ?
Très probablement.
J'attendais déjà depuis près d'une heure que mon repas soit servi et mon estomac criait famine. La faim... La fumée... La chaleur... L'alcool... que de raisons de me faire tourner la tête !

Et c'était sans compter les roulements de hanches de l'inconnue sublime qui venait de passer la porte. Sa démarche avait la grâce et la précision d'un serpent et ces cheveux aux boucles parfaites se balançaient derrière elle, reflets de la dangerosité des flammes. Elle avait une peau moirée, particulièrement inhabituelle.

Intéressante.

J'avalai une gorgée, la suivant malencontreusement des yeux, et me rendis compte que je n'étais pas la seule à l'avoir remarqué. Contre toute attente elle se dirigea vers moi.

Surprenante.

J'étais sidérée.
Pourquoi venait-elle par ici ?
Qu'est-ce qui l'avait poussé dans cette taverne ?
Qui était-elle dans sa splendeur diabolique ?

L'étrangère s'assit près de moi, un sourire que je trouvais énigmatique suspendu aux lèvres. Elle me demanda si elle pouvait s'assoir. Se rendait-elle compte de l'inutilité de sa question puisqu'elle s'était déjà assise sans y avoir été invitée ?

Il n'y avait qu'un fil entre la confiance en soi et la prétention. Elle l'avait sans hésitation franchi, et bien loin me semblait il.
Sa posture. Son dos. Ses gestes. Son regard.
L'arrogance elle même.

Je sentais ses yeux flamboyants me détailler, me brûler la peau. Peut-être cherchait-elle à savoir qui j'étais.

Un sourire amical s'étendit alors sur ses lèvres fines. Amicalement démoniaque devrais-je plutôt dire... J'avalai une longue gorgée d'alcool, me rendant compte que j'avais la gorge desséchée et brûlante. Pourquoi donc existait-il de telles femmes à la beauté fatale ? Eleyra m'avait rendu dingue et après les quelques aventures que j'avais eu avec les hommes, je m'étais cru guéri.

Erreur.

Cette inconnue au regard ravageur venait de me prouver le contraire. Je n'étais pas guérie. Et si après deux ans je n'avais pas réussi à l'être, peut-être ne le serais-je jamais.

*Reprend-toi Garçon. Nom d'un steak de Sharna, reprend-toi.*

Je lui adressai un sourire moqueur, que l'alcool qui me montait aux joues devait rendre niais. Je ne me sentais pas non plus très à l'aise, assise dans cette posture lotus mais pour rien au monde je ne lui aurais avoué.

- Bonsoir ma chère. Je t'offre un verre pour accompagner ton repas ?

*Mauvaise idée Garçon... Mauvaise idée... *
Fâcheux tutoiement.

Je fis signe au serveur.

~ ~ ~

« Où va-t-on ? »

« Te saouler ! »

« Pardon ? Tu es sérieuse ? Mais je n'ai jamais bu. Je vais morfler... »

« En effet. Et justement on va bien rire ! »

Je soupire alors qu'elle ajoute avec un regard implorant :

« Allez Garçon... S'il te plait... »

Quelques heures plus tard le monde tanguait, comme bercé par une houle infernale.

Surprise.
Hésitation.
Trouble.

Mon sourire s’agrandit lentement en sentant ces trois sentiments passer dans les yeux de l’inconnue. Elle semble légèrement désorienter par mon arrivée surprise. Mais cela m’amuse plus qu’autre chose. Riant en silence, je me délecte de la confusion que je fais naitre chez les autres. Il ne suffit parfois que d’un regard. Un roulement de hanche. Un petit sourire en coin.

Ils tombent tous comme des mouches.
Animaux stupides.

Les yeux perçant toujours plantés sur l’inconnue en face de moi, je la regarde sans cacher mon amusement prendre une gorgée, comme pour se donner de la contenance.

Ce qui semble marcher.

Peu à peu, elle semble reprendre confiance en elle, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Niais ? Moqueur ? Je ne savais trop comment le définir. La buée d l’alcool dansait déjà dans ses yeux. Elle n’allait pas tarder à sombrer dans l’ivresse si cela continuait comme ça.

- Bonsoir ma chère. Je t'offre un verre pour accompagner ton repas ?

Hum… Quel délicieux tutoiement. Très osé pour aborder ainsi une inconnue. Mais il est loin d’être déplaisant. Et sa voix. Fine et charmeuse.

Un sourire amusé étirant la commissure de mes lèvres, je laisse de nouveau glisser mon regard sur la jeune femme. Un corps peu rebondissant. Jeune. Mais au combien attirant.

Au fond de moi, une pointe de désir s’allume.

Sans vraiment de conviction, je tente de la calmer. L’heure n’est pas à cela.

Pas encore du moins.

Autre chose me tire un petit gloussement. Sa galanterie. Est-elle vraiment femme ? Son comportement se rapproche pourtant beaucoup de celui d’un homme. Charmant qui plus est. Autre petite particularité de sa personnalité me tirant un léger frisson d’excitation.

Elle m’intéresse.

Penchant légèrement la tête sur le côté, je passe ma langue sur mes lèvres, les humectant avec légèreté.

- Hum… Cela n’est pas de refus ma belle.

Voix charmeuse. Regard invitant. Autant continuer dans ce jeu, je sens qu’il va particulièrement me plaire. La laissant faire signe au serveur, je me renverse contre le dossier de ma chaise et ramène ma chevelure de feu en arrière avant de l’étirer avec souplesse.

Les regards glissant sur moi des autres tables me tirent un profond sourire.
J’adore ça.

Notre commande arrive rapidement, le regard de braise offert au serveur quelques minutes plus tôt n’y étant peut-être pas pour rien.

Les gens son si facile à manipuler.

Deux assiettes sont posées devant nous, la mienne agrémenté d’un verre d’alcool. Cadeau de notre chère inconnue. Buvant une petite gorgée, je reporte mon regard sur elle.

Flamboyant.

- Merci pour la boisson ma belle. Je m’appelle Cylinah. Mais dis moi, que fais-tu donc ici seule ? Un problème à oublier dans l’alcool peut-être ?

Joueuse, je glisse un regard appuyé sur son verre à moitié vide. Puis reporte mes yeux dans les siens, les emprisonnant avec malice. La tentation de m’introduire dans son esprit est grande. Je me retiens cependant.

Pour le moment.

Un arrogant sourire se dessina sur les lèvres de mon interlocutrice, bientôt suivi par un coup d'oeil un peu trop insistant à mon goût sur ma petite personne. Je n'aimais pas ce genre d'analyses...
Je serrai les dents, préférant reporter mon attention sur autre chose que son regard manipulateur.

Incontrôlables, mes yeux glissaient alors sur son corps...

*Nom d'un asticot ! Tu es un triple agneau Garçon !*

La manipulation., un art de vivre. Son art de vivre.
La manipulation, par le regard.
La manipulation, par les tons de la voix.
La manipulation, par l'attitude.
La manipulation, par la courbure du corps.
La manipulation.
Sa manipulation.

Mais qui était-elle pour se permettre d'exercer pareilles tortures à l'humanité ?
Et pourquoi servais-je encore et toujours de victime à ce genre de personnes ?

Grincement de dents. Je fermai les yeux un instant avant de croiser les siens qui venaient de finir de me détailler.

La manipulation par l'attitude.

- Hum… Cela n’est pas de refus ma belle.

La manipulation par les tonalités de la voix.

A l'instant où le timide serveur déposait devant nous le repas tant attendu par mon estomac affamé, ainsi que le verre que j'avais commandé pour la jeune femme, une question me traversa l'esprit.

La manipulation était-elle toujours manipulation à partir du moment où elle avait été détectée ?
Non. Évidement. Ce n'était de toute façon qu'une technique pour... aboutir à ces fins. Encore cette histoire de confiance en soi qui revenait. Confiance ou... prétention... Autre ?

Eleyra était une forme de manipulatrice inconsciente. Elle faisait croire certaines choses, ayant conscience qu'elles risquaient de toucher une faille en moi, mais ne savait pas ce qu'elle voulait. Je t'aime... En fait non... J'ai besoin de toi... Non, tu me saoules...
L'instabilité l'avait conduite à faire osciller sans cesse ces choix. Et elle ne parvenait à se stabiliser, ignorant à quel point son indécision me torturait.

Mon estomac ne résista pas longtemps à la délicieuse odeur de ragout fumant sous mon nez.
En m'emparant de mes couverts et tout en articulant un "Tu me pardonneras" à l'adresse de mon interlocutrice, je commençai à manger.

- Merci pour la boisson ma belle. Je m’appelle Cylinah. Mais dis moi, que fais-tu donc ici seule ? Un problème à oublier dans l’alcool peut-être ?

Je relevai la tête en souriant. En lui prêtant l'attention qu'elle demandait, j'entrai dans la première phase pour désamorcer son intimidation. Et je savais aussi que l'ignorance pouvait la mener à l'agressivité voire à la violence si elle n'obtenait pas ce qu'elle voulait.

- Mais c'est un plaisir.

Autant entrer dans son jeu.
J'esquissai un sourire en coin.

- Enchantée Cylinah, je m'appelle Arya. Si c'est de quelqu'un que tu tiens l'information que je suis seule, cette personne s'est fourvoyée.

Lui faire comprendre qu'elle se trompe sans l'inculper, sans qu'elle se sente provoquée.
Mon arrogance était une défense. Une défense parce que je me sentais agressée. En revanche je ne mentais point, je n'étais pas réellement seule, elle ne tarderait pas à le comprendre.

- Le seul problème était que mon estomac criait famine et que désespérée par un repas qui tardait à venir, je me suis laissée entrainer verres après verres dans le doux confort de l'ivresse.

Nouveau sourire.

- Cependant je ne peux que vous retourner la question. Que faites-vous ici seule ? Et quels desseins vous ont amené à m'aborder ?

Quitte à prendre des risques, allons-y gaiement.

Je me penchai pour prendre mon verre à moitié vide... Déjà ? Par Sharna, j'ai abusé... Mais portait tout de même l'alcool à mes lèvres. Un verre de plus ou de moins...

Quitte à prendre des risques, allons-y gaiement.

Je posai mes deux coudes sur la table et installai mon menton entre mes mains en coupe, jetant un regard moqueur à l'inconnue.

- Et bien Cylinah, je t'écoute.

Je ne savais pas vraiment quel genre de manipulatrice elle était. J'ignorais si elle se nourrissait de l'étonnement, de la peur, de l'hésitation de ses victimes ou alors si au contraire elle appréciait qu'elles entrent dans son jeu.

Mais quitte à prendre des risques, allons-y gaiement...

Autour de nous, de nombreux clients nous jetaient des regards étranges. Certains jaloux, d'autres attentifs, d'autres joueurs. Les trois acolytes avaient finis de quitter la taverne en grognant et le Sindarin venait de sortir une pipe.

Mais quoiqu'il se passe à côté, j'étais en mesure de dire qu'il n'y avait déjà plus qu'elle que je voyais.

Un sourire en coin.
Amusé.

Le mien s’élargit un peu plus, moqueur. Carnassier. Je la sens entrer dans mon jeu. Accrocher à mes perches. S’empêtrer peu à peu dans mes filets. Mais va-t-elle seulement y rester.

J’espère.
Sincèrement.

- Enchantée Cylinah, je m'appelle Arya. Si c'est de quelqu'un que tu tiens l'information que je suis seule, cette personne s'est fourvoyée.

Intriguée et légèrement curieuse, je penche la tête sur le côté.

Arya…

Je ne me suis donc pas trompée. C’est bel et bien une jeune femme qui se trouve en face de moi. Parfait… Cela fait longtemps que je n’ai pas mit de femmes dans mon lit. Et je dois dire que cela me manque.

Beaucoup.

Quelque chose me contrarie pourtant. Sa pseudo solitude. Laissant glisser mon regard doré sur la salle, je cherche un quelconque indice de son ou sa compagnonne. Mais la seule chose que je détecte son les coups d’œil envieux d’une dizaine de molosse dans ma direction.

Désireux également.

Leur adressant un petit sourire taquin, je reporte mon regard sur mon interlocutrice, plissant légèrement les paupières, lui montrant ainsi mon incompréhension.

- Le seul problème était que mon estomac criait famine et que désespérée par un repas qui tardait à venir, je me suis laissée entrainer verres après verres dans le doux confort de l'ivresse.

Réponse à ma première question. Mais pas à celle qui me trotte en ce moment dans le crâne. Me rendant soudain compte que je m’étais un peu trop penchée au dessus de la table, comme pour me rapprocher d’Arya, je me redresse lentement, venant coller mon dos au dossier, croisant les doigts devant moi. Mon regard vient se poser dans le sien. Transperçant.

Taquin.

- Cependant je ne peux que vous retourner la question. Que faites-vous ici seule ? Et quels desseins vous ont amené à m'aborder ?

Un fin frisson descend le long de mon dos.

D’excitation.

Une attaque directe ? J’adore ça ! Et pourquoi ce vouvoiement ? Est-ce pour accentuer le léger ton provocateur dans sa voix. Non… Ce n’est pas vraiment de la provocation. Peut-être plus de l’arrogance.

Elle a du caractère.

Mon sourire s’élargit de nouveau, resplendissante de plaisir. Au creux de mes pupilles brûle une flamme d’excitation. Puissante. Elle me plait. Beaucoup. J’ai soudain la folle envie de la posséder. Juste un instant. Juste une nuit.

Un nouveau frisson me parcourt, plus violent.

Et mon excitation ne décroit pas quand je la vois se pencher vers moi, un sourire moqueur étirant ses lèvres. Au contraire. Bien au contraire.

- Et bien Cylinah, je t'écoute.

Un rire franc s’échappe de mes lèvres. J’aime son caractère. J’aime sa spontanéité. J’aime sa provocation. Un sourire carnassier se glissant sur mes lèvres, je me penche de nouveau, prenant la même position que la jeune femme, mon visage se rapprochant du sien avec malice.

- Je pense que toi et moi sommes là pour la même raison, la faim. Bien que la mienne grandisse d’instant en instant… Même avec cette assiette à mes côtés.

Mon regard se fait plus vorace. Plus enflammé. Puis je m’écarte de nouveau, riant doucement.

- Quand aux desseins qui m’ont amené à t’aborder…

Lentement, je laisse glisser mon regard sur son corps.

- Disons que je n’en avais pas de précis. Mais que c’est la curiosité et l’intérêt qui m‘ont poussés à le faire.

Lui offrant un petit clin d’œil, je redresse sur ma chaise et enlève d’un geste tranquille une fine cape de laine recouvrant mon corps. En dessous, je ne porte qu’une tunique simple épousant les formes de mon corps et laissant nu mes bras et mes épaules. Mes écailles brillent un instant à la lueur du feu, les rendant rougeoyant. Croisant avec malice mes jambes à moitié nues, je plonge de nouveau mon regard dans le sien.

- Alors comme ça tu n’es pas seule ma belle ? Voila qui est fort dommage. Bien que je ne vois personne avec toi. J’espère ne pas lui avoir pris sa place.

Moquerie.
Taquinerie.

Elle rentre dans mon jeu. Alors autant continuer à jouer.

- A moins que tu ne le rejoignes plus tard. Ou la d’ailleurs. En attendant j’espère que m’accorder un peu temps ne te dérange pas.

Nouveau clin d’œil. Amusé.

Je la veux.

Et la voilà qui rigole. Un rire qui me faisait penser à l’éclatement d'un verre en touchant le sol et qui se briserait en centaines de morceaux invisibles. C'était un rire qui se voulait spontané mais savait-elle à quel point il paraissait tranchant ?
Évidemment que non puisque c'était moi qui commençait à délirer.

Je délirais certes mais pas assez pour ne pas me rendre compte qu'elle se payait un brin de ma tête en adoptant la même posture que moi. Coudes sur la table, menton entre les mains, sourire moqueur au coin des lèvres. Mais quelle femme était-elle...

A vouloir trop jouer on finissait par perdre.

L'air me brulait la peau, j'ignorais par quels artifices cela puisse-ce être possible mais pourtant je devais m'y résoudre : ma peau me brulait. Après réflexion... ce n'était pas l'air, étouffant et enfumé certes qui me mettait dans cet état mais bien mon souffle court et les battements sourds de mon cœur. Sans oublier l'alcool. Ce maudit alcool. Je baissai des yeux rageurs sur mon verre vide. C'était le combien ? Impossible de m'en souvenir...

Il faisait chaud.
Trop.
Beaucoup trop.

Et ma tête me tournait...
Pourquoi diable faisaient-ils un feu à cette heure de la journée ? Et pourquoi diable n'ouvraient-ils pas les fenêtres ?

Je n'avais que quelques pas à faire, je le savais. Il me suffisait de me lever, d'entrouvrir un carreau de verre, celui qui donnait sur la terrasse intérieure de l'établissement. Terrasse qui était, par expérience, à l'abri du soleil... Ce serait un endroit parfait pour...

Pour ?

- Je pense que toi et moi sommes là pour la même raison, la faim.

L'appel de mon repas me tortura toute entière. Je refusais à mes yeux de se poser dessus et à mon estomac de faire des siennes. A quand datait mon dernier repas ? J'étais incapable de le dire tellement l'alcool me brouillait l'esprit. Hier midi surement... Oui... de mémoire il remontait à hier midi.
Que faisais-je déjà pour avoir aussi faim ?

Rien de bien spécial me semblait-il. Je passais mes journées à errer dans les rues de la ville, en témoignage de l'enfant du bourg que j'avais été. Je montais sur les toits, sautais de maisons en maisons en me rappelant l'époque où nous courions ensemble sous le ciel avec Eleyra.

Eleyra...
Ce n'était pas vraiment le moment !
Revenons à la discussion...

- Bien que la mienne grandisse d’instant en instant… Même avec cette assiette à mes côtés.

La terrasse serait un parfait endroit pour...

Par Sharna qu'il devenait difficile d'avoir des pensées cohérentes.

Pour ? Discuter !
Logique...

Mais que venait-elle de dire ?

L'anarchie et le chaos dans ma tête...

Oh tiens... La curiosité.
Un de mes plus grands défauts.
Mon interlocutrice se mit en mouvement. Des étoiles noires dansaient devant mes yeux et obscurcissaient ma vue...
Que Kesha me prenne à témoin que ce n'était que les délires de l'alcool...

J'esquissai un demi sourire à la suite de sa question.
Alors comme ça je n'étais pas seule ? Oui, c'était bien dommage.

*Nom des ongles de pieds de Sharna ! Mais qu'est-ce que tu racontes Garçon ?*

Il me fallait me ressaisir.

Maintenant.

- A moins que tu ne le rejoignes plus tard. Ou la d’ailleurs. En attendant j’espère que m’accorder un peu temps ne te dérange pas, rajouta mon interlocutrice avec un sourire moqueur.

Intéressant.

Mais il faisait vraiment très chaud et cela m’empêchait de réfléchir convenablement. Je détachai mon regard de ses yeux enflammés (et enflammant...) pour le diriger vers une petite fenêtre non loin sur ma gauche, trouant un mur peu épais et donnant sur une cour intérieure pavée avec gout. Une fenêtre...
Une fenêtre.

- Tu me permets ? demandai-je à ma nouvelle compagne.

*Compagne ?*

Je me levai, m'étonnant que mes muscles répondent encore à mes sollicitations et partis ouvrir la fenêtre.

Le monde fit un virage, la taverne tangua, les sons s'embrouillèrent, les couleurs s'éteignirent, il y eu une écharpe noire qui me voila soudainement les yeux. Le sol... le sol se redressait. Comment diable les tables et les gens faisaient-ils pour tenir debout par pareille pente ?! Je glissai, je me penchai sur ce plancher en mouvement.

La chute.

A vouloir trop jouer on finissait par perdre.

J'avais réfléchir trop vite. Si mes muscles me répondaient encore il semblait que ma tête m'ait lâchée. Et mon corps ne tarderait pas à cesser de répondre lui aussi.

Je me rattrapai sur le rebord d'une fenêtre. Comme avais-je fais pour y atterrir ?
Une fenêtre ?

Je rouvrais les yeux, tâtant les carreaux de verre.

Oui. Une fenêtre.
Une fenêtre ? Non.
La fenêtre.

J'ouvrai complètement les deux battants, et m'assis à son bord, jetant un regard hagard sur la taverne enfumée. Je surpris le coup d’œil désapprobateur que m'adressa le tenancier. Que me voulait-il celui là ? Voulait mon portrait peut-être ? Il n'avait qu'à demander à Eleyra, elle savait excellemment bien dessiner. Elle peignait si bien que ces tableaux auraient finis par valoir de l'or si elle...

Je fermai les yeux et m'assénai une claque mentale.

*Bigre, que le monde bouge étrangement*

Mais... ne devrais-je pas revenir à ma table ? J'avais une jolie femme qui m'y attendait. J'étais décidée. Je sautai avec vivacité du rebord de ma fenêtre et rejoignis avec un enjouement débordant et d'un pas guilleret la table où m'attendait mon verre.

Vide.

Il faudrait que j'en commande un autre.

Pas le temps.
Pas la force.
Comptoir trop loin.
Pas envie de parler.
Table trop loin aussi.
Jambe trop lourde.
Sol trop instable.

Je m'écroulai.

Noir.
Le rideau se ferme.

A vouloir trop jouer on finissait par perdre.

Regard fuyant.

Plissant légèrement les yeux, je sens mon sourire s’élargir tandis que le visage d’Arya commence doucement à se colorer, ses pommettes se teintant en rouge.

Alcool.

Lentement, il lui monte au cerveau, embrumant son regard qui se fait plus vague. Ses yeux perdent leur tranchant, la moquerie les désertant. Ils se détachent soudainement de moi, cherchant quelque chose autour d’elle. Pour se poser sur un mur vide, seulement troué par une petite fenêtre. Fronçant les sourcils, je me recule, la sentant partir.

Ivre.

- Tu me permets ?

Une lueur d’intérêt et d’amusement éclairant mon regard, le la suit des yeux tandis qu’elle se lève avec difficulté, impatiente de voir la suite. Cette jeune femme ne semble pas bien. Pas bien du tout. Je me demande même comment elle tient encore debout. Un sourire en coin, je la regarde tituber jusqu’à la petite fenêtre.

Puis tomber.

Pour se rattraper in extrémiste au bord de la petite fenêtre. Ma parole, elle semble totalement perdue. Et cela à cause de quelques verres… Un manque d’habitude sans doute. Ou son relatif jeune âge. Riant en silence, je la regarde ouvrir les deux battant et se pencher dehors, comme pour aspirer le plus d’air possible.

Le visage toujours aussi rouge.

Puis elle s’assoit. Enfin, s’effondre presque contre le battant de bois sous le regard peu commode du tenancier. Les clients ivres morts ne sont pas toujours de bonnes publicités. Surtout quand ils semblent près à rendre leur estomac sur le sol.

Comme Arya.

Amusée et curieuse de voir la suite des évènements, je m’adosse à ma chaise et regarde la jeune femme combattre contre les brumes de l’alcool.

Spectacle divertissent.

Elle ferme les yeux, titube. Puis ouvre brutalement les paupières, décidée. Se redresse, fait quelques pas.

Et s’effondre.

Un léger rire s’échappe de mes lèvres tandis que le juron étouffé du tenancier y fait écho. Me levant avec souplesse, je me frais un passage entre les rires et les moqueries des clients pour me pencher vers Arya, inconsciente à terre. Un sourire amusé flottant sur mes lèvres, j’écarte une mèche de son visage, effleurant ses lèvres.

- Se laisser entrainer dans l’ivresse… Mauvaise idée ma belle.

Mon murmure est couvert par la voix rude et brutale du tenancier commençant à ameuter des hommes pour mettre ma jeune amie à la porte. Me redressant, je m’approche de la brute, roulant des hanches. Posant un doigt sur son torse, je me penche vers lui.

- Vous auriez une chambre de libre ?

Etonné et étourdie par mon parfum, le tenancier fait un pas en arrière avant de se reprendre, légèrement perdu.

- Je… Heu… Oui mais…

Je ne lui laisse pas le temps de finir, un doigt venant barrer ses lèvres, les miennes se rapprochant de son oreille, mon souffle effleurant sa peau.

- Alors vous seriez un amour de m’aider à la porter dans l’une d’elle.

M’écartant légèrement, je lui offre mon plus beau sourire, glissant entre ses doigts une petite poignée de Dias. L’homme réfléchie un instant avant de céder et de mettre sans ménagement la jeune Arya sur son épaule. Grognant pour la forme, il me fait signe de le suivre jusqu’à l’étage.

~~~~~

Silencieuse, j’observe l’après-midi se terminer par une petite fenêtre de l’étage d’une auberge. La ville, lentement, se fait envahir par les ténèbres. Et le soir approche.

Doucement.

Lâchant un petit soupir, je passe une main tranquille dans mes cheveux de feu, les ramenant en arrière. Puis, un bruit dans mon dos attire mon attention.

Le bruissement d’un drap.

Un grand sourire étirant mes lèvres, je me retourne et m’assois sur le lit dans lequel se réveille avec difficulté la jeune femme.

Arya.

Me penchant vers elle, je laisse glisser un doigt sur sa joue, légèrement moqueuse.

- Et bien ma jolie ? Pas trop mal au crâne ?

Laissant échapper un petit gloussement, j’attrape sur la table de nuit un verre dans lequel trempe plusieurs plantes aux couleurs variable. Parfois, l’art de guérir est très utile.

Souriant, je lui tends le breuvage et l’aide à l’avaler. Avant e me pencher vers elle, le pan de mon décolleté s’ouvrant largement.

- Avec ça, ça devrait aller un peu mieux. Mais enfin, quelle idée de boire pour se mettre dans un état pareil ? Heureusement que d’autres sont là pour veiller sur toi ma belle.

Je lui offre un clin d’œil complice. Amusé. Puis me redresse légèrement, sans la quitter des yeux.

Le brouillard.
Le noir.
Le vide.

De l'inconscience.

La mémoire fuyante.
La surprise.
L'incompréhension.

Du réveil.
Et du lever de rideau.

La lumière qui fendit mes ténèbres était d'une blancheur comparable à celle du soleil éclaboussant la neige de ma vallée natale. Aveuglante de pureté. Comme dans mes rêves. Comme dans les souvenirs de mon enfance. Je clignai des paupières, lutant contre cette éblouissante lumière qui brillait contre les murs de la chambre dans laquelle j'étais.

Chambre.
Pourquoi donc étais-je dans une chambre ?

L'heure était au réveil.
Et au lever de rideau.

Alors que je me battais pour garder les yeux ouverts, je me revis.

L'estomac creux et les muscles noués par la fatigue, j'avais poussé la porte en bois brun de la taverne. Je m'étais affalée sur une chaise dans un coin de la pièce, jugeant d'un œil sévère les espèces d'ivrognes avachis sur les tables. Le serveur débordé m'avait appris que le repas que j'avais commandé mettrait un certain temps à venir, faute d'un cuisinier touché par une grippe intestinale et d'une demande nombreuse.
Il m'avait alors offert un verre pour patienter.
Puis j'avais payé un deuxième.
Puis un troisième.

Je sollicitai mes muscles dans un étirement, heureuse de savoir qu'ils me répondaient.

Je me souvenais d'une étrangère, de son regard, de ses yeux, de...

- Et bien ma jolie ? Pas trop mal au crâne ?

Sa voix.

Réveil.
Lever de rideau.

L'étrangère était là, penchée au dessus de moi, suspendue à un fil céleste. On aurait dit Kesha descendue de ces cieux pour me venir en aide. Une déesse. Un ange. J'étais sous une bonne étoile... Que venait-elle de me demander au fait ? Si je n'avais pas trop mal au crâne ? Évidemment que si. J'avais l'impression qu'un millier de marteaux frappaient l'intérieur de ma tête dans une anarchie et un chaos les plus totales. J'avais tellement mal que je sentais presque mes globes oculaires capables de reprendre leur autonomie.

Non, pas des marteaux. Il y avait une résonance.
Des cloches.
Les cloches de l'enfer.

Ses doigts effleurant ma joue. Vertiges. Ceux de la chute. Brûlure. Celle de l'air chaud de la taverne. Douleur. Celle de l'impacte.

J'étais tombée, submergée par l'indomptable ivresse.
Douleur.
Et ces doigts me la rappelaient.

Je buvais un liquide quelques peu étrange, qu'elle semblait avoir concocté pour moi, l'esprit encore embrumé par l'alcool quand...

Frisson.

Elle s'était penchée un peu plus, laissant sa poitrine presque découverte. Je reposai le verre vide.

Ma faiblesse.

Souvenirs.

Mes cauchemars.

Eleyra.

Je poussai un soupir désespéré en fermant les yeux.

- Avec ça, ça devrait aller un peu mieux.

Pour sur... Elle ne croyait pas si bien dire...

- Mais enfin, quelle idée de boire pour se mettre dans un état pareil ?

Excellente question qu'elle me posait là la déesse. J'étais bien incapable d'y répondre. Peut-être refusais-je simplement d'accepter qu'Eleyra me manquait et qu'une inconscience insoucieuse me poussait à revivre des souvenirs sans elle.
C'était avec elle que j'avais fini cuite la première fois. C'était elle qui m'avait ramené...

-Heureusement que d’autres sont là pour veiller sur toi ma belle.

En effet. Heureusement que d'autres étaient là pour veiller sur le débris que j'étais quand je me mettais à enquiller les verres.

J'avais envie de parler mais j'ignorais si j'allais pouvoir aligner les mots. J'inspirai profondément.

- Je te remercie de t'être occupée de moi jusqu'à maintenant. Sincèrement.

Maintenant si tu pouvais arrêter de me regarder comme ça, ça m'éviterait de m'énerver. Pas que je ne veux pas mais... si. Mal à la tête. Mal au cœur. Mal à l'âme.

Mal.

J'avais envie de re sombrer dans l'inconscience. La vie était-elle destinée à suivre le cycle infernal du recommencement ? C'était toujours les même scènes. C'était toujours les même regards. C'était toujours les même sourires. C'était toujours les même doutes. C'était toujours les même questions. C'était toujours les même absences. C'était toujours les même peines et les même maux. C'était toujours les même souvenirs qui tourbillonnaient avec fureur. C'était toujours la même chose.

Toujours.

Je me levai doucement et m'accoudai à la fenêtre en invitant l'inconnue d'un geste de la main à m'y rejoindre. La nuit ne tarderait pas à tomber songeais-je en observant les ombres mourantes du soleil sur les murs gris de la ville. J'avais donc dormi longtemps. Mais certainement moins que la fois dernière.

- Je ne...

Silence.

Je me retournai d'un bloc en parcourant la petite chambre du regard. Prise de conscience.

- Aurais-tu retrouvé mon sac ? Une petite sacoche en cuir près de la table où nous étions... assises ? J'ai... Il faut que je la retrouve. C'est... important.

Fini les sourires moqueurs. Finis les haussements de sourcil provocateur. Finis les regards aguicheurs. J'avais désaoulé. Qui a dit que je n'étais pas lunatique quand je voulais ?

Je plantai mes yeux dans ceux de mon interlocutrice. Décidés. Attendant une réaction.

¤ ¤ ¤

Tout était voué à recommencer.
La vie était un cycle indomptable dont seul notre maître le Temps était capable de nous apprendre à la comprendre et à l’appréhender. Mais le plus grand malheur du temps était qu'il tuait ses élèves...

Tout était voué à recommencer...

C'était toujours les même scènes. C'était toujours les même regards. C'était toujours les même sourires. C'était toujours les même doutes. C'était toujours les même questions. C'était toujours les même absences. C'était toujours les même peines et les même maux. C'était toujours les même souvenirs qui tourbillonnaient avec fureur. C'était toujours la même chose.

Un question.
Mais pourquoi ?

¤ ¤ ¤

Il y a un ange de penché sur moi. Un sourire reconnaissable entre tous. Un regard au bleu insondable. Et la lumière du soleil qui éclabousse sa peau pâle. Aveuglée, je ferme les yeux que je viens à peine d'entrouvrir. Un ange. Mon ange. Celui qui échappe à mon cœur malheureux. Le problème des mortels qui tombent amoureux des anges est qu'il est impossible de suivre un ange à partir du moment où il a décidé de s'envoler. Le problème de ce sourire si charmeur, si sublime, si... parfait est qu'il me fait fondre de bonheur. Le problème de ce regard profond et magique est que je m'y noie à chaque fois que je m'y plonge, et que comme le vide, il m'attirait irrémédiablement à y sauter. Le problème de cette peau si familière et si douce est qu'elle semble de soie que je crains toujours de la griffer en l'effleurant des doigts.
Un ange.
Un sourire.
Un regard.

Eleyra.

- Bah alors Garçon, d'où t'est venue l'idée de boire autant ? J'espère que tu n'as pas trop mal à la tête, ce serait dommage parce qu'on a pleins de trucs à faire aujourd'hui !

Une voix.
Cette voix.
Sa voix.

Moqueuse.

Eleyra.

Je souris.

- Rigole pas trop toi, tu as de la chance que je sois là pour te ramasser !

Un sourire amusé flottant toujours avec légèreté sur mes lèvres, je me lève du petit lit pour faire quelques pas dans la pièce, la lâchant un instant du regard.

- Je te remercie de t'être occupée de moi jusqu'à maintenant. Sincèrement.

Me retournant lentement, je plante un regard moqueur dans le sien, riant doucement. Avant de secouer la tête. Du sérieux et de la sincérité… Décidemment je la préférais ivre. Au moins elle jouait le jeu. A merveille même, le ton de sa voix pareil au mien et ses regards mesquin. Je l’aimais beaucoup ainsi.

Mais pas sérieuse.

Je me contente d’incliner très légèrement le buste, une main au niveau du cœur, réponse muette et moqueuse à ces remerciements. Puis je me tourne vers un petit miroir crasseux accroché au mur. Contemplant un long moment ma chevelure de feu et remettant mes mèches bouclées en ordre, je l’observe dans mon reflet, la voyant se lever avec difficulté pour aller s’accouder à la fenêtre.

Je la détail une nouvelle fois, laissant mon regard glisser sur son dos et les courbes incertaines de ces fesses. Un léger sourire étire mes lèvres tandis que je me retourne et m’approche d’elle. Souple, je commence à me glisser dans son dos avec malice.

Avant qu’elle ne se retourne brutalement. Nos visages s’effleurent avant que ses yeux fouillent frénétiquement la pièce.

- Aurais-tu retrouvé mon sac ? Une petite sacoche en cuir près de la table où nous étions... assises ? J'ai... Il faut que je la retrouve. C'est... important.

Puis son regard fini de retrouver le mien.

Décidé.
Sérieux.

J’ai un instant envie de la faire taire en lui volant ses lèvres qui s’agitent à quelques centimètres des miennes mais je n’en fait rien, lâchant seulement un peu soupir. Je m’approche cependant, mes lèvres effleurent les siennes on se dirigeant vers le creux de son oreille. Mon murmure s’y glisse avec douceur.

- Tu n’es pas drôle.

Puis je m’écarte, lui tournant le dos avant de me jeter avec douceur sur le lit. M’étirant un instant, je fini par rouler sur le ventre, passant un bras sous la monture en bois pour attraper sa petite sacoche cachée en dessous. Me retournant sur le dos, je la dresse au dessus de moi, lançant un sourire moqueur à Arya.

- C’est ça que tu cherche ?

Je fais tourner un instant la sacoche entre mes doigts, l’observant avec intérêt.

- Il ne faut pas t’inquiéter, l’aubergiste me l’a apporté un peu plus tôt. Il a été particulière… gentil.

Je laisse échapper un petit rire amusé en souvenir du gène de cet homme et de sa voix légèrement pâteuse. Les hommes sont toujours pitoyables face à moi… Il n’avait pas fallut plus qu’un ou deux petits sourires ne plus de quelques pièces pour l’avoir à mes pieds.

Faible.

Toujours allongée, je m’étire avec souplesse avant de commencer à examiner l’objet de plus près.

- Il y a quoi là dedans ?

Lui offrant un petit sourire provocateur, je fais mine de l’ouvrir, les yeux brillant de curiosité.

[Désolée... c'est court --' ]

Frissons.

Ses lèvres étaient bien trop proches...

Grincement de dents.

- Tu n’es pas drôle.

Ce n'était qu'un murmure soufflé à mon oreille et pourtant...

Frissons.

La jeune femme s'éloigna en roulant des hanches et s'allongea sur le lit. Je percutai à cet instant que je me trouvais bel et bien dans une chambre. Petite, elle accueillait tout de même un grand lit aux montants de bois brun, une commode et quelques trophées de chasse accrochés sur les murs (une tête de cerf, un bec de rapace, une griffe d'ours suspendue à une cordelette). Je déduisis qu'ils appartenaient au tavernier et propriétaire de l'établissement. Surement un passionné de chasse et un respectable chasseur en vue de ses possessions.

Cylinah, la charmante femme qui s'étirait maintenant, finit par rouler et ramener d'un geste un quelque chose de dessous du lit.

- C'est ça que tu cherches ?

Un quelque chose de reconnaissable entre mille. Un quelque chose qui m'accompagnait maintenant depuis des mois dans mes aventures et mes excursions. Un quelque chose que j'avais eu peur de perdre. Mon interlocutrice le détailla avec un intérêt certain et je me forçai à ignorer le sourire moqueur qui s'était suspendu à ses lèvres.

- Il ne faut pas t’inquiéter, l’aubergiste me l’a apporté un peu plus tôt. Il a été particulière…gentil.

Un quelque chose qui hébergeait...

- Il y a quoi là dedans ?

Une amie.

- Je te déconseille de trop l'agiter, ça risquerait de l'énerver et crois-moi mieux vaut ne pas la mettre en colère.

Ce n'était qu'un conseil, qu'une mise en garde formulée alors que Cylinah semblait ouvrir la sacoche. Je poussai un soupire exaspéré mais détendu et me surpris même à afficher un sourire. Ce serait une jolie surprise qu'elle la touche par mégarde. Surtout après l'avoir secouer négligemment. Je quittai le rebord de la fenêtre par laquelle quelques étoiles commençaient à s'allumer dans le ciel sombrement bleu et m’assis en tailleurs sur le lit. Mains posées derrière pour tenir en équilibre. Sourire et regard amusés.
Ma bonne humeur et mon insolence retrouvées j'avais désormais envie de rigoler un peu. Et qu'est-ce que cela serait drôle de voir la peur et la surprise se peindre sur ce si arrogant visage. Les boucles rousses et parfumées de ses cheveux tombaient devant ses traits, ne laissant que se découper ses lèvres fines. Invitation. Appel. Que le sourire qu'elle arborait rendait insoutenable.

Je fermai discrètement les yeux tandis qu'elle était toujours portée sur le sac. Inspiration. Expiration. Rester calme. Surtout, ne pas s'emballer, rester calme.

- Alors ? Peur des risques M'zelle ?

Sourire joueur.
Regard moqueur.

A vouloir trop jouer on finissait par perdre.

Mais je ne craignais pas les risques que j'encourrais en entrant dans son jeu à elle. Après tout, la vie elle même était un risque. Tout autant que l'amitié, l'amour, la confiance, l'aventure, le combat. Tout était un risque, qu'il suffisait de prendre. Mais avoir conscience de risquer quelque chose était avoir peur que ce quelque chose n'arrive. Alors... avoir peur des risques, était craindre ses propres peurs et incertitudes. On n'avançait pas dans la vie, surtout en un monde aussi instable que celui dans lequel nous vivions, sans chasser ses angoisses. Peur de ses peurs. Drôle de formulation d'un risque.

L'alcool n'avait décidément pas fini de faire des siennes. J'étais encore incapable de coordonnés des pensées.

Je sentis pourtant Meolia bouger dans le sac. Elle avait une aura, une présence qui ne trompaient pas. Je l'imaginais étendre une à une ses longues pattes noires et remonter sur les parois de cuir avec la doucereuse précision de son espèce. Langueur mais efficacité. Délicatesse mais grâce mortelle.

J'avais une envie de tendre la main pour la laisser y grimper une fois sortie mais l'envie de voir les lèvres de la jeune femme s'arrondir par la surprise était plus forte que tout autre chose.

Souvenirs.

- Mais dis moi, que fais-tu donc ici seule ?

- Si c'est de quelqu'un que tu tiens l'information que je suis seule, cette personne s'est fourvoyée.

- Alors comme ça tu n’es pas seule ma belle ? Voila qui est fort dommage. Bien que je ne vois personne avec toi. J’espère ne pas lui avoir pris sa place. A moins que tu ne le rejoignes plus tard. Ou la d’ailleurs. En attendant j’espère que m’accorder un peu temps ne te dérange pas.

Nouveau sourire.

[Et moi donc... Excuse-moi la piètre qualité de cette réponse. :(]

Lueur de soulagement.

Mon sourire s’agrandit en voyant Arya se détendre, Légèrement, quand ses yeux se posent sur la petite sacoche. Pas de doute, c’est bien ce qu’elle cherche. La faisant un instant tourner entres mes doigts, je laisse mon regard glisser sur le cuir à peine usé. Quelque chose m’intrigue.

Sa réaction.

Alors que je m’attendais à ce qu’elle me saute dessus pour la récupérer, comme le ton pressant de sa voix l’avait laissé prévoir, elle reste affreusement calme. C’est même un sourire moqueur qui vient remplacer sa mine semi-inquiète.

Etrange.

- Je te déconseille de trop l'agiter, ça risquerait de l'énerver et crois-moi mieux vaut ne pas la mettre en colère.

« La » ?

Surprise.
Hésitation.
Méfiance.

Les sourcils légèrement froncé, je lui lance un regard légèrement étonné, comme en quête d’un supplément. Une réponse à mes questions muettes se cognant en tout sens dans mon crâne.

« La » ?

Mais elle reste silencieuse.

Et Insolente.
Joueuse.

Sifflant légèrement, frustrée de voir les rôles s’échanger, je regarde avec méfiance la besace se cuir, hésitant maintenant à soulever le rabat. Cependant, mon sourire intrigué et légèrement moqueur ne me quitte pas. Bien que plus faible. Plissant les paupières, j’observe de nouveau le petit sac, le maniant maintenant avec plus de précaution.

Mon regard se pose finalement sur Arya, quittant le rebord de la fenêtre pour venir s’assoir prés de moi, les jambes en tailleur. Son pied effleure ma taille. J’en ai presque envie de lâcher ce sac et de m’attaquer à elle.

Mais je suis trop curieuse.
Et elle trop joyeuse.

- Alors ? Peur des risques M'zelle ?

Un léger gloussement m’échappe. Echos de son regard.

Moqueur.
Joueur.

Lâchant un petit sifflement entre mes dents, je reporte mon regard sur ce petit sac. Toujours le même. Le posant à plat sur mon ventre, j’avance ma main vers le rabat.

Quand je sens un mouvement.

Hésitation.
Intrigue.

Mon sourire s’agrandit. Curieux mais également joueur. Peur des risques ? Bien au contraire. Je ne vie que pour sentir cette délicieuse poussée d’adrénaline parcourir mes veines. Ce petit frisson de peur glisser le long de mon dos. L’excitation me gagnant lentement.

M’envahissant.

Non le risque est dans ma nature. Les cicatrices de mon visage en sont la plus belle des preuves.

Eternel.

Offrant un sourire provocateur à Arya, je tends une main tranquille vers le rabat de cuir, sentant sur mon ventre un être vivant commencer à s’agiter. Quel genre d’animal peut bien dissimuler ce petit sac ? Rongeur ? Reptile ? Ou…

Une patte hérissée de poil noir se faufile sous le cuir à peine soulevé.

Araignée.

Avec une lenteur calculée, je rabats totalement la petite pièce de cuir. Et écarte mes doigts, le regard fixé sur l’ouverture d’où s’extrait une magnifique araignée. Immobile, je la regarde lentement avancer vers moi, évoluant sans gène sur mon ventre. La surprise qui avait envahie quelques secondes plus tôt mon visage se mut en amusement.

Tarentule.

Ces petites bêtes son reconnaissables entre toutes. Leur pelage ténébreux luisant presque sous la lumière déclinante du jour. Je me souvent d’un cours sous les poisons où nous en avons manipulé dans le but d’en extraire le poisson.

Un parfait somnifère, plongeant la victime dans une profonde léthargie.
Mortel savamment dosé.

Avec douceur et délicatesse, j’approche mes doigts et la saisit avec d’infinis précautions, me remémorant mes anciens cours. Pas de gestes brusques. Tout faire pour qu’elle ne se sente pas menacer. Je la sers à peine, la laissant se glisser seule dans mes mains. Puis je la relâche sur le matelas entre Arya et moi. Quand elle quitte ma peau, je sens tout mon corps se détendre.

Soulagée.

Et mon sourire moqueur reprend sa place.

- Voila un compagnon bien… Insolite. En caches-tu d’autres au fond de cette besace ?

Avec précaution, je vérifie que rien ne bouge plus dans son petit sac de cuir avant de la poser au pied du lit. Je roule ensuite sur le côté, mon avant-bras venant se glisser sous la tête, mes yeux suivant l’araignée des yeux. Puis mon regard joyeux revient sur Arya.

Sourire provocateur.

- Tu te révèle de plus en plus… Hum… Intéressante.

Passant avec malice ma langue sur mes lèvres, je laisse une boucle rousse tomber sur mon visage. Mes yeux s’enflamment.

Mesquins.

Regardant la tarentule évoluer avec lenteur, je réprime un petit frisson au souvenir de ses pattes sur ma peau. Je n’aime pas particulièrement ces bestioles. Disons que je n’en ai pas peur. Elles ne me répugnent pas non plus. C’est… Autre chose. Reportant mon attention sur la jeune femme, je lui offre un nouveau sourire moqueur.

- Il n’est pas donné à tout le monde d’apprivoiser une telle créature… Où l’as-tu déniché ?

Conversation polie, pas vraiment appuyée. Mes yeux eux brillent d’une autre envie.

Réprimée.
Pour le moment.

[La c'est à moi de m'excuser pour cette fin... Pathétique. Après si j'ai pris trop de liberté avec Meolia, dis le moi et je changerais...]

Ce n'était pas la réaction à laquelle je m'attendais. Et la charmante jeune femme s'y prenait beaucoup mieux que je n'aurais pu l'imaginer. Elle cachait bien des choses insoupçonnables et ce voile sur son passé et son être attisait de plus en plus mon insatiable curiosité.

J'avais commis une erreur en sous-estimant les ressources de mon interlocutrice et le sourire moqueur qu'elle m'adressa après avoir déposé Meolia me confirma que je me trompais bien plus que je ne le croyais sur son compte.

Elle s'amusait maintenant de ma propre surprise. Ré inversement des rôles. Je me retrouvais dans une situation dangereuse. Elle reprenait maintenant le dessus. Mais après tout... je n'avais jamais eu une âme de meneuse...

Sa voix était aussi venimeuse...
Dans quelle galère m'étais-je foutue...

Et ce regard... hypnotique.

- Non, il n'y a rien d'autre de vivant l’intérieur..

J'étais renversée, les bras tendus, les jambes croisées, les pieds nus. Pieds nus... ? Je n'avais pas remarqué avant... J'étais trop inconsciente pour avoir l'idée d'enlever mes bottes de voyage en m'allongeant...Mais alors...
Meolia faisait danser ses longues pattes sur mon bras, l'escaladant avec langueur quand Cylinah, elle, s'allongea après avoir replié un bras sous sa tête et déclara que je me "révélais de plus en plus... intéressante." Pourquoi m'avait-elle enlevé mes bottes ? Pour ne pas salir les draps... ?

Énigmatique.

- Il n’est pas donné à tout le monde d’apprivoiser une telle créature… Où l’as-tu déniché ?

Je m'attendais à cette question. Je l'attendais mais n'étais pas pressée de donner une réponse. Pour être honnête je n'avais absolument pas envie d'en parler, de raconter cela. Surtout à l'heure où c'était ce regard brûlant de provocation qui se posait sur moi. Plongeant dans mon âme.

Je ne comprenais pas. Que signifiait ceci ? J'avais l'impression de le reconnaître, de parfaitement le comprendre et pourtant il me paraissait totalement étranger. On ne se confie pas aux étrangers.

- Il semblerait en effet que peu nombreux sont les gens capables de les apprivoiser. Mais est-ce l'homme qui apprivoise la bête ou la bête qui apprivoise l'homme ?

Meolia s'était nichée dans mon cou. Elle le faisait souvent et au fur et à mesure des années j'avais trouvé ça de plus en plus agréable. Sa seule présence avait le pouvoir d'effrayer bon nombre de personnes, mais pas Cylinah.

C'était intriguant.

Pire qu'intriguant.

Meolia avait même eu l'air de l'apprécier. Si je pensais à une pareille absurdité je comptais en avoir le cœur nette.

D'une main je pris délicatement mon amie et c'est sans protestation qu'elle accepta que mes doigts caressent ses pattes sombres.

- Tu m'as bien à l'aise avec ce genre de compagnie. Comment cela se fait-il ?

Pause.

Sourire amicalement ironique.

- Il n’est pas donné à tout le monde de se faire apprécier d'une telle créature… Et je t'avoue que cela m'intrigue au possible. Qui es-tu donc ?

[Excuse-moi.... :/ C'est vraiment pas terrible...]

Surprise.

Rictus si délicieux sur son visage encore marqué par son jeune âge. Ses traits se tentent légèrement. Ses sourcils se haussent. Et elle reste un moment sans voix.

Amusant.

Mon sourire moqueur s’agrandit. Devient presque provocateur. Hautain.

Arrogant.

Je m’amuse de sa réaction. Je sais qu’elle ne s’attendait pas à me voir faire cela. Encore moins garder mon calme. Peut-être aurait-elle préféré me voir hurler de peur. Fuir, paniquée devant sa compagne. Imaginer cela me tire un gloussement.

Raté ma belle.

Etouffant un bâillement, je fais craquer les os de mes épaules en m’étirant.

- Non, il n'y a rien d'autre de vivant l’intérieur...

Tant mieux… Une de ces bestioles me suffit amplement. Légèrement lasse, je passe une main sur mon visage, ramenant délicatement mes cheveux en arrière avant de les ébouriffer et les laisser tomber en cascade sur le matelas. Et je reporte mon regard sur Arya.

Elle ne me quitte plus des yeux.

Je la sens me détailler. Chercher à me traverser. A découvrir ce que je cache sous mon masque arrogant. Si je lui souffle « rien », va-t-elle seulement me croire ? Sans doute pas. Lâchant un petit soupir, je laisse mes yeux dériver sur son corps sans véritables formes avant de le fixer sur la tarentule maintenant nichée au creux de cou de la jeune femme.

Frisson.

- Il semblerait en effet que peu nombreux sont les gens capables de les apprivoiser. Mais est-ce l'homme qui apprivoise la bête ou la bête qui apprivoise l'homme ?

Mon sourire moqueur s’attendrit un instant. L’homme ou la bête. Pour moi, la réponse était évidente. Comme une simple bête pouvait apprivoiser un homme ? Cet être inférieur ? Impossible. C’est nous qui exerçons notre pouvoir naturel sur eux, rien de plus. Mais elle semble penser le contraire. Et je ne veux pas la froisser. Ni même partir sur ce genre de débat.

Pas maintenant.
Pas avec elle.

- Tu m'as bien à l'aise avec ce genre de compagnie. Comment cela se fait-il ?

- Il n’est pas donné à tout le monde de se faire apprécier d'une telle créature… Et je t'avoue que cela m'intrigue au possible. Qui es-tu donc ?

Je plonge mon regard dans le sien. Et la regarde longuement. Amusée.

- Se faire apprécier ?

Mes yeux glisse jusqu’à l’araignée cette fois niché au creux de sa paume. Lentement, j’avance ma main et effleure le duvet noir recouvrant ses fins membres avec hésitation avant de s’écarter.

Se faire apprécier hein ? Par cette bestiole ? J’ai un peu du mal à le croire. Mais c’est elle l’amie des bêtes après tout.

Un grand sourire malicieux illuminant mon visage, je laisse un instant ma main flotter en l’air avant d’effleurer la joue d’Arya du bout des doigts, mes yeux retrouvant les siens.

- Je t’intrigue tant que ça ?

Leger gloussement.

- Je manie aussi bien les remèdes que les poisons et le venin de ton… amie ne m’est pas étranger.

Réponse vague. Dissimulant tant d’autres choses. Mais je préfère les garder pour moi. Mon statut de prêtresse. Et d’autre… Joueuse, je laisse lentement les doigts glisser le long de son cou.

- Et toi ? Qui es-tu alors ?

Lui offrant un regard taquin, je repli mon bras, le glissant de nouveau sous ma tête, mes yeux dorés ne la quittant plus.

Le silence.
L'absence de paroles.

Elle réfléchissait. Surement à mon interrogation. Qui de l'homme et de la bête apprivoisait l'autre ? Après tout l'homme était par nature une espèce à la capacité d'adaptation redoutable. Il se faisait toujours à son environnement et à sa compagnie, alors que les bêtes sauvages n'avaient jamais tendance à aller vers l'homme. Si c'était l'homme qui allait vers les bêtes, si c'était lui qui s'adaptait à elles, elles exerçaient alors un pouvoir sur lui, attisé par leur curiosité insatiable. L'apprivoisement de l'homme passait donc pour de l'adaptabilité...

A mes questions elle ne répondait que par des silences agrémentées de clin d’œil et de sourires aguicheurs. Une absence de réponses qui faisaient ressortir un grondement.

Un brouhaha.

Celui des cloches infernales qui battaient dans mon crane des pulsations silencieuses.

Et les sourires moqueurs que je me forcais à lui offrir me donnaient le tournis. Je savais pourtant que je n'avais pas encore finis de décuver. Mais qui sait... peut-être était-ce ces sourires à elle qui me faisaient tourner la tête. Ou peut-être tout simplement la présence d'une créature divine à quelques centimètres de moi.

Il suffisait que je me penche...

Me moquer ne faisait pas parti de moi-même. Je le savais. Je n'étais pas moi en la provoquant. J'avais toujours aimé être provoquée, pas l'inverse. J'aimais être piégée. J'aimais ma naïveté m'ouvrant les portes des surprises.
J'étais ainsi.
Je n'étais pas du genre à faire le premier pas, surement une raison pour laquelle Eleyra m'avait échappée d'ailleurs. Si je me soumettais ? Non, ce n'était pas ça. C'était autre chose. Pas une envie de se faire dominer, tout simplement un besoin de se laisser guider.

La peur des initiatives.

Ce fut elle qui bougea. Écho à mes pensée.

Elle tendit la main. Je la sentais déjà sur ma peau...

Regrets.

La caresse était pour Meolia.

Grincements de dents. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Je savais où était le piège, depuis le départ et je me refusais à y sauter à pieds joints en rigolant. Je connaissais cette erreur pour l'avoir déjà faite. Mais après tout... j'aimais les risques. Je ne les craignais pas.

Un contact sur ma joue.

Vertiges.

Un échange de regards.

Vertiges.

Encore un sourire taquin.

Encore les même vertiges.

Je me sentais perdre pied mais refusais d'admettre que j'étais aussi peu capable de me contrôler. Je ne savais rien d'elle... Juste que ses doigts sur ma joue étaient un délice, qu'en bougeant elle faisait danser ses boucles odorantes, que de sa peau irradiait un parfum envoûtant, que...

- Je t’intrigue tant que ça ?

Et c'était peu dire oui.

- Je manie aussi bien les remèdes que les poisons et le venin de ton… amie ne m’est pas étranger.

Elle aussi se révélait de plus en plus... intéressante. Remède ? Maîtrise des remèdes ? Était-elle herboriste ? Ou était-elle autre chose... ?

De pire.
Ou de mieux, cela dépendait du point de vue...

Un frisson glacé lézarda mon dos jusqu'à mourir sous les doigts qui descendaient mon cou.

- Et toi ? Qui es-tu alors ?

Quel pouvoir un murmure sensuel possédait-il... ?

Sa main quittant ma peau était un calvaire.

Mon corps tout entier me hurla de rattraper ces doigts délicats dans leur envol, mon corps tout entier trembla quand je compris que j'avais dépassé l'ultime seconde, mon corps tout entier la désira quand je m’aperçus que ses yeux si hypnotiques ne me quittaient pas.

Les cloches de l'enfer avaient quitté ma tête et... résonnaient maintenant dans mon cœur.

Qui j'étais ?
Je n'en avais pas la moindre idée...

J'étais l'enfant bâtarde de la vallée d'Hillem.
J'étais l'ado amoureuse.
J'étais la jeune femme sensible.
J'étais le petit garçon qui désirait apprendre à se battre.
J'étais ado protecteur.
J'étais le jeune homme aventurier.

Qui étais-je ?

- Je ne sais pas.

Silence.

- Mais après tout, je ne sais pas qui tu es, si tu ne sais pas qui je suis, nous sommes quittes.

Mes yeux parcouraient sa peau. Comment résister, cette femme était le désir même.

Je m'allongeai à plat ventre, menton entre les mains après avoir déposer Meolia sur un montant du lit, une lueur incontrôlable au fond de l’œil.

A vouloir trop jouer, on finissait par perdre.
C'était comme...
Vouloir trop résister et finir par se perdre.

Je tendis une main que le désir (ou était-ce encore l'alcool) rendait tremblante et chuchotai :

- Il y a néanmoins quelque chose qui m'intrigue de plus en plus.

Mes doigts glissèrent sur des écailles rouges sur son bras.

- Ceci.

Hésitation.

Elle laisse le silence faire échos à ma question. Pourtant ce n’est pas sa réponse. S’amuse-t-elle à me faire patienter ? Où réfléchit-elle à sa réponse ? Ou alors… Un sourire taquin nait sur mon visage.

Un frisson.
Capté à l’instant même où ma main a quitté sa peau.
Illusion ?

Je n’espère pas. Je ne pense pas. Peu à peu, elle s’emmêle dans mes filets. Sans même faire mine de débattre.

Parfait.

Cependant le jeu prend un peu plus d’ampleur que je ne l’aurai voulu. Surtout chez moi. Mais au fond, j’y prends plaisir. Bien plus que je ne l’aurai pensé.

Cette fille est… intéressante.
Et particulièrement attirante.
Et étrange.

Mon désir monte d’un cran. Léger. Encore contrôlable. Mais pour combien de temps ? Au creux de mes pupilles, le feu s’agrandit, rendant mes yeux plus lumineux encore.

Brillant.
Excitation.

- Je ne sais pas.

Réponse inattendue. Plissant légèrement les yeux, je penche la tête sur le côté, la regardant au fond des yeux.

Elle ne savait pas ?

- Mais après tout, je ne sais pas qui tu es, si tu ne sais pas qui je suis, nous sommes quittes.

Cette fois, je ne peux retenir un petit rire. Voyez-vous cela ! Elle a crut un instant être au même pied d’égalité que moi. Quelle bonne blague. Et elle en sait plus sur moi que je n’en sais sur elle.

Elle triche.
Et j’aime ça.

Croisant son regard brûlant, je la regarde s’allonger à mes côtés.

Effleurement.

L’étroitesse du lit fait que nos cuisses de touchent. Un frisson de plaisir me parcourt. Je le réprime.

Pas encore.

La chaleur de son corps monte lentement en moi, réchauffant mon corps toujours gelé. Mon sourire s’élargie.

Plaisir.

Puis sa main s’avance. Tremblante. De désir ? De peur ? D’excitation ? Les trois j’espère. Puis un murmure, se glissant jusqu’à mon oreille. C’est fou comme quelques paroles peuvent réveiller l’instinct.

Surtout chuchotées.

- Il y a néanmoins quelque chose qui m'intrigue de plus en plus.

Oh ? Je roule sur le côté, me rapprochant sensiblement tout en faisant face à son visage tourné vers moi. Elle tend sa main pour venir m’effleurer.

Mes écailles.

- Ceci.

e souris. Enfin… Je me demandais quand le sujet viendrait sur le tapis, car il arrive toujours un jour ou l’autre. Détourné ou direct.

Mais je préfère le direct.

Ses doigts sur mes écailles me tirent un nouveau frisson. Puissant. Riant doucement, je tends mes doigts vers les siens.

- Attention à toi, elle cou…

Trop tard. L’un des bords acérés de ma seconde peau érafle son doigt. Et c’est un sang d’un rouge parfait qui s’en échappe.

Si magnifique.
Si délicieux.

Quelque chose bondit en moi. Puissant fort. Que je refreine, tant bien que mal.

Calme-toi.
Calme-toi.
Calme-toi.

Mon sourire ne diminue pas. Seule la flamme dans mon regard change légèrement, deux désirs se battant en duel.

Celui de la tuer.
Et celui de la faire mienne.

Prenant délicatement sa main blessée, je lâche un petit soupir amusé.

- Le fais-tu exprès ?

Je lui offre un regard moqueur avant de porter son doigt sanguinolent à mes lèvres. Du bout de la langue, je viens cueillir le léger filet de sang s’échappant de sa peau. Un gout métallique se répand sur mon palet.

Délicieux.
Enivrant.

Suçant avec délicatesse sa blessure, je sens mon envie de sang grandir.

Encore.
Encore.

J’arrête avant qu’elle n’explose, offrant un sourire taquin à Arya, enroulant mes doigts autour des siens, mon visage se rapprochant du sien.

- « Ceci », je laisse mon regard glisser sur une de mes écailles avant de reprendre ses yeux, est ma seconde peau. Mais crois moi, ici tu n’en vois qu’une petite partie. Le reste… Il faudra le découvrir toi-même.

Murmure taquin. Hypnotisant. Léger. Flamboyant.

Invitation.

Puis j’hésite. La faire attendre. Ou s’emparer de ses lèvres. La seconde est tentante. Presque irrésistible. Pourtant j’ai encore envie de jouer un peu avec elle. Faisant mine de m’approcher, j’effleure de nouveau ses lèvres.

Pas vraiment un baiser.
Ni même une absence de contact.
Juste un effleurement.

Et je m’écarte, riant, mes yeux plantés dans les siens.

J'accueillis un nouveau sourire bientôt suivit d'un rictus que je ne parvins à déterminer. Un frisson traversa son corps et la fit frémir tout entière.

Chacun son tour... ma foi.

Je promenais mes doigts sur les écailles rouges de son bras, hypnotisée par la magie de cette seconde peau. C'était... étonnant. C'était... magnifique. Tout à son image.

Elle était surprenante, imprévisible, sublime mais...

- Attention à toi, elle cou…

Dangereuse.

Le sang qui s’échappait maintenant de mon doigt était là pour me le rappeler. Ce n'était rien qu'une coupure mais pour quelqu'un d'habituée à confectionner toutes sortes de remèdes de guérison, son imperceptible mouvement de recul était réaction étrange. Après tout elle devait avoir l'habitude que des mains s'égarent. Peut-être était-ce là le problème. Peut-être redoutait-elle quelque chose.

Je me posais toujours trop de questions.
C'était une sorte d'instinct de survie.
Il fallait tout remettre en doutes.
Et surtout...
Ne jamais faire confiance.

Pourtant quand ses mains emprisonnèrent la mienne je n'eus pas la force de résister.

Elle poussa un soupir.
Etais-je à ce point un cas désespéré ?
C'était un sourire en forme de supplice.

- Le fais-tu exprès ?

- Il parait que oui.

Je lui offrais un clin d’œil avant de la sentir porter la coupure à ses lèvres. Quelle situation étrange... La voilà qui léchait maintenant le sang. Pour de l'imprévisibilité... c'était de l'imprévisibilité.

Ses doigts se glissèrent entre les miens et elle se pencha. Il n'y avait que ses yeux et ses lèvres. Et cela faisait éclater en moi des sentiments qui s'entrechoquaient avec fureur.

Contraires.

De la peur d'abord.
Celle de la chute quand je perdrai pieds.
Puis...

- « Ceci », est ma seconde peau. Mais crois moi, ici tu n’en vois qu’une petite partie. Le reste… Il faudra le découvrir toi-même.

Ah, vraiment ?

Haussement de sourcil provocateur.

C'était ma défense et elle était pitoyable. Défense contre ce murmure intrusif qui faisait vibrer chacune des cellules de mon corps d'une pulsation unique. Pulsation unique d'un cœur qui se bat pour se calmer. Pulsation unique d'un désir difficilement réprimé.
Elle tendait ses lèvres, alors je sentais presque mon cœur pulser aux bord des miennes. Pourtant, à mon plus grand désespoir elle ne fit que de les effleurer... pour s'écarter ensuite.

Comme il y a quelques minutes quand sa main avait caressé ma joue, j'avais eu envie irrésistible de la rattraper. Mais l'ultime seconde avait encore été dépassée. Il me suffisait pourtant de passer juste une main dans son cou, juste de faire jouer mes doigts sur sa peau, de...

J'avais oublié qu'on pouvait à se point trembler d'impatience.
Mais était-ce seulement de l'impatience...

Une partie encore raisonnable de moi-même me forçait à contenir ces espèces de pulsions incontrôlables et pourtant...

Résister me donnait des vertiges.

Des vertiges où le monde tournait dans une valse silencieuse.

S'en était trop.

Son sourire et son regard étaient insoutenables.

S'en était trop. Je n'en pouvais plus.

Après avoir jouer un instant avec ces boucles de feu parfumées du bout des doigts en souriant, j'effleurai sa joue moirée en me perdant dans ses yeux.

S'en était finis de moi.

Comme avec Eleyra je basculai une nouvelle fois dans un regard. J'y plongeai avec l'envie suicidaire de ne jamais en ressortir.

Comment pouvait-on autant désirer quelqu'un....

La main que je venais de glisser derrière sa nuque me permit d'approcher ses lèvres des miennes.

Une valse...

Un silence...

Nos lèvres se joignirent.

Provocation.

Elle mord à l’hameçon. Complètement. Sans autre forme d’hésitation.

Poisson docile.
Tentateur.
Plus qu’intéressant.

Joueuse, je ressers ma prise autour de ses doigts, laissant glisser mon pouce sur sa peau.

Douce.

Le gout de son sang emplit toujours ma bouche. Délicieux. Sucré. Ma drogue. Le peu que j’ai avalé en appel d’autre. Beaucoup d’autre. La furieuse envie de planter mes dents dans sa chaire grandit encore. Celle de sentir son liquide chaud couler sur mes mains. Sur ma gorge.

Dans ma gorge.

Et se regard, flamboyant, qu’elle pose sur moi. Plein de désir. D’envie.

Le jeu est terminé.
Du moins les préliminaires.
Et les choses sérieuses commencent.

Immobile, je la regarde prendre lentement le dessus. Furtivement. Hésitant. Cela ne la rendait que plus attirante encore. Telle une petite fille, elle avance son autre main.

Elle a peur.
Mais elle désir.

Un sourire presque triomphant se dessine sur mon visage. Et le filet se referme sur ma proie. Sa main se glisse dans ma chevelure de feu pour se perdre sur ma joue. Mes yeux toujours plantés dans les siens, j’emprisonne son regard.

Frisson.

Sa main parcourt avec douceur ma peau avant de se glisser derrière ma nuque. Pour m’attirer à elle. Son odeur m’envahis. Son souffle sur mes lèvres me tire un nouveau frisson.

De désir.

Nos nez s’effleurent. Puis nos lèvres s’unissent.

Puissance.
Désir.

Tous mes sentiments se déversent dans ce simple baiser. Un flot incontrôlable. Passant à mon tour une main derrière sa nuque, je referme mes doigts sur sa courte chevelure ébène, gardant ses lèvres contre les miennes. Me pressant furtivement contre son corps, je joue avec sa langue.

Avant de m’écarter.

Un grand sourire illumine mon visage. Presque mauvais. Provocateur. Victorieux.

- Attrapée.

Et avant qu’elle ne puisse seulement réagir, je la renverse sur le côté, me plaçant au dessus d’elle. Ce baiser vient de réveiller mon instinct. Ma passion. Mon désir.

Ma domination naturelle.

Mon regard brûlant glisse sur son corps avant de revenir s’emparer de ses yeux. Lentement, je me penche, m’emparant à nouveau de ses lèvres tandis que mes mains glissent sous ses vêtements à la recherche de sa peau.

Et violemment, je me laisse entrainer par mon flot de désir.

~~~~~

Souffle haletant.
Soupir de plaisir.

Fermant les yeux, je m’allonge contre le corps de la jeune femme, trempée de sueur. Un mystérieux sourire aux lèvres, je laisse glisser mes doigts sur sa peau entièrement nue.

Et blessées.

Plusieurs éraflures constellent maintenant sa peau, souvenir du frottement de mes écailles. Des gouttes de sangs y perlent. Tentatrices. Lentement, je me penche pour en cueillir une du bout de la langue.

Et mon désir de la tuer revient.
Puissant.

Du sang.
Du sang.
Du sang.

Lentement je m’écarte, peu désireuse de lui trancher tout de suite la gorge.

Elle m’intéresse trop.
Encore.

Roulant sur le côté, je ramène mes cheveux vers l’arrière et jette un coup d’œil par la fenêtre où seules les ténèbres semblent pénétrer.

La tuer ?
La laisser en vie ?
Me rependre d’elle ?
Profiter d’elle ?

Je n’arrive pas à choisir.

Respirer.
L'action vitale qui permettait à l'organisme de fonctionner.

Respirer.
La nécessite impulsive d'un cœur en bout de course.

Respirer.
Un automatisme défaillant sous le poids des émotions.

Respirer.

D'une main déjà chaude et fiévreuse qu'elle passa dans mon cou elle maintint notre baiser. J'étais prisonnière. Je sentais ses doigts agrippant fermement mes cheveux courts, obligeant nos corps à se frôler. Loin de me déplaire...

Respirer.
L'automatisme défaillant sous le poids des émotions.

Respirer.

Penser à respirer.

Elle s'éloigna, un sourire triomphant étirant ses lèvres.

- Attrapée.

J'ouvrai la bouche pour répliquer mais en un battement de cils elle m'avait étendue (ou devrais-je dire plaquée) sur le dos et me dominait maintenant. Ce qui ne pouvait danser au bord des lèvres s'en allait hurler au fond de l'âme. Je me consumais. Je brûlais d'un feu secret.

Entièrement.

Embrasée par un désir trop longtemps réprimé.

Elle avait passé ses mains sous ma chemise et le contact de ses doigts sur ma peau me fit frissonner. Frémir, tandis que les miens descendaient sa nuque à la recherche des liens de cuir qui laisseraient son corps nu se dévoiler à mes yeux.

Rien que l'idée était...

Je quittai à regrets à ses lèvres et l'obligeai à se pencher un peu plus pour pouvoir lui chuchoter à l'oreille.

- C'est avec plaisir ma chère... que je me laisse attraper.

J'embrassai son cou délicat et dénouai les liens de son haut qui se desserrait doucement.

Frisson.

Ses mains sur mes hanches.

Frisson.

Le haut tombé.

Frisson.

La chemise déboutonnée...

~~~~~

Respirer.
Fonction vitale.

Penser à respirer.
Quand le souffle se fait court et que le cœur implose.

Un vent frais léchait désormais ma peau nue et je ne pus retenir un léger frisson. Cylinah s'était levée pour ouvrir la petite fenêtre et l'air de la nuit balayait avec délice la chambre. Après avoir observé sa silhouette dénudée se découper sur le drap étoilé de la voûte céleste, je la caressais du regard alors qu'elle revenait près du lit.

Je ne rêvais pas.

Les Dieux existaient véritablement.

J'avais l'envoyée de Kesha devant les yeux...

Elle s'allongea contre moi, révélant la douleur des coupures qui parsemaient mon corps. Irrésistible. Elle était irrésistible. Et avait l'étrange tendance de sucer le sang de mes blessures de façon délicieuse.

J'étais envoûtée. C'était chose sûre.

Quand son corps brûlant me quitta, un nouveau frémissement me parcourut.

Non. Pas déjà.

Je me mis sur le flan pour la regarder, le bras replié sous la tête et de l'autre je dessinai du bout des doigts des mots sur la peau de son ventre. Les yeux mis clos je réalisais soudainement l'enchainement des évènements depuis le début de l'après-midi ainsi que l'enchainement des verres... Un doute me prit avec force à ma gorge.

Non. J'avais bien décuvé.
Quelle idée.

Je l'embrassai au coin des lèvres et m'étirai nonchalamment.

- Un problème, très chère ?

Je m'assis en tailleurs et continuai de faire des dessins invisibles sur sa peau nue, encore en sueur. Ce n'était pas si mal que ça que se laisser piéger. Ce n'était pas si mal de perdre pied.

Intenable je ne cessais de la caresser des yeux, le sourire aux lèvres, en attente d'une réponse.

Se calmer.
Se calmer.
Sa calmer.

Mon cœur pulse, alimenté par deux sources complètement opposés. Mais issue d’une même et seule chose.

Le désir.

De gouter à sa chaire.
De gouter à ses lèvres.

M’allongeant sur le dos, je ferme les yeux et prend une longue inspiration, le souffle du vent caressant ma peau nue. Mes pulsions meurtrières renflouent lentement.

Pas elle.
Pas maintenant.

Serait-elle devenue plus qu’un simple poisson ? Non… Personne n’est plus qu’une simple proie. Surtout face à moi. De toute façon, qui peut m’être seulement supérieur ?

Bruissement des draps.
Frisson.

Un large sourire illumine mon visage tandis que je sens ses doigts parcourir la peau.

Frisson.

Rouvrant lentement les yeux, je tourne mon visage vers le sien, plongeant des yeux lumineux dans les siens. Cette petite a été bien plus entreprenante que je ne l’aurai pensé.

Et toute aussi intéressante.

La tuer n’est donc pas une solution. Pas rusée du moins. J’ai encore la furieuse envie de profiter d’elle. M’amuser un peu. La manipuler. La sentir bouger entre mes doigts. Entre mes soupirs. Mes caresses. Mes baisers.

Une poupée de chiffon.
Mais bien plus intrigante et attirante que toutes celles peuplant cette misérable terre.

Le baiser furtif qu’elle me vole me tire un léger gloussement. Je la fait manger au creux de ma main. Un sourire moqueur accroché aux lèvres, mes bras croisé derrière ma tête, je laisse glisser mon regard sur sa peau parfaitement lisse tandis qu’elle s’étire contre moi.

Délicieuse.
Délicieusement naïve.

- Un problème, très chère ?

Levant un unique sourcil, je la regarde, amusée.

Un problème ?
Oui. Et de taille.
J’ai faim.

Offrant un sourire mystérieux à la jeune femme, je me délecte de ses furtives caresses. Ses yeux ne me quittent plus. Ses doigts non plus.

Envoutée.

Il me suffit de plonger mon regard dans le sien pour savoir que je peux faire ce que je souhaite d’elle.

Un nouveau jouet sous ma coupe.

Alors qu’elle s’assoit en tailleur sur le lit, je roule sur le côté, glissant une main dans la sienne. Je la porte ensuite à mes lèvres, joueuse. Je laisse un instant ma langue glisser sur sa peau, son parfum m’imprégnant. Fermant les yeux, je mordille légèrement l’un de ses doigts.

Mordre.

J’écarte sa main quand mes mâchoires se crispent légèrement sous le désir, et me redresse, une main venant trouver sa joue.

- Un problème ?

Je la regarde en riant avant la renverser sur le côté, tombant avec elle. Nous nous retrouvons tous les deux sur le flanc, face à face, un sourire moqueur étirant mes lèvres, une lueur de malice brillant au creux de mes pupilles.

- Que vas-tu croire ma belle ?

Une de mes jambes vient s’enrouler autour des siennes, mon corps se plaquant au sien. Je fais glisser une main sur sa poitrine, l’autre parcourant son dos.

Et m’empare de ses lèvres.
Encore.

Baiser puissant. Désireux. Brûlant. Trop court.

Toujours.

Quand je m’écarte, c’est un regard taquin qui vient trouver le sien. Je m’amuse de chacune de ses réactions. Et la voir ainsi frissonner est un délice.

- Quoique… Il y en aurait bien un. J’ai faim. Affreusement faim. Et je doute pouvoir trouver un quelconque endroit où me restaurer en pleine nuit.

Malicieuse, je me presse un peu plus contre elle.

- A moins que tu n’ais une idée bien sur.

Murmures glissés au creux de l’oreille. Séducteur. Joueur. Mes lèvres descendent effleurer son cou.

- Quoique…

Et bien voilà... Suffisait d'attendre...

- Il y en aurait bien un. J’ai faim. Affreusement faim. Et je doute pouvoir trouver un quelconque endroit où me restaurer en pleine nuit.

Voilà qui est bien dommage...

- A moins que tu n’aies une idée bien sur.

Vraiment ?

- Ne sommes nous pas dans une auberge ? Il semblerait que les cuisines soient opérationnelles de jour comme de nuit. Et si il n'y a personne, rien ne nous empêche d'aller y faire une exploration nocturne.

Je lui offrai un clin d'oeil.

- Alors ?

Spoiler:

Absence de réaction. Un vide désagréable. Le jeu est-il fini de son côté ? Frustrée, je m’écarte légèrement, fronçant les sourcils.

Finalement, je vais peut-être la tuer.

Mais son sourire ainsi que son clin d’œil joueur m’en empêche. Peut-être qu’il n’est pas si fini que ça. Un sourire carnassier et plein de malice flottant toujours sur mes lèvres, je fais glisser ma jambe contre la sienne.

- Ne sommes-nous pas dans une auberge ? Il semblerait que les cuisines soient opérationnelles de jour comme de nuit. Et s’il n'y a personne, rien ne nous empêche d'aller y faire une exploration nocturne.

Idée intéressante et… Séduisante. Bien que jouer encore un peu avec elle dans ce lit soit aussi dans mes envies. Mais je risque fort cette fois de perdre le contrôle et de laisser couler le sang.

Son sang.

Alors autant calmer cette faim lancinante. Et jouer après. Car pour le moment, je ne me lasse pas de ce jouet.

- Alors ?

Tout en faisant mine de réfléchir, je laisse glisser un doigt le long de sa joue avant de le laisser continuer dans son cou, l’effleurant à peine.

- Hum… Je suis preneuse. Et de toute façon, c’est cela ou toi… Et ce serait fort dommage de t’abimer aussi vite.

Petite rire mauvais, presque sadique. Et pourtant d’une infinie tendresse. Lui offrant un petit clin d’œil, je me détache d’elle et roule sur le côté. Je finie pas me redresser et m’étire sans le moindre gène. Un léger frisson me parcourt tandis qu’un courant d’air froid vient caresser ma peau. J’attrape rapidement mes vêtements et les enfile.

Je me tourne finalement vers Arya et laisse mon regard dériver sur son corps, une flamme d’envie brûlant au creux de mes pupilles tandis qu’elle se rhabille. Une raie petite perle à conserver… Du moins avant de trouve mieux. Nous nous mettons finalement toutes deux en route, refermant soigneusement la porte derrière nous.

Et les ténèbres nous englobent.

Avançant en tête, j’évolue dans un semi-silence. Quelques paroles s’échappent de la salle principale, très calme à cette heure avancée de la nuit. A gauche, le grincement régulier d’un lit accompagné de petits gémissements de plaisir. Certain semblent également s’amuser ici… Un sourire amusé se dessine sur mon visage tandis que nous descendons tranquillement l’escalier pour nous glisser vers l’entrée de service menant à la cuisine.

Vide.
Plongée dans les ténèbres.

- Voilà qui est parfait.

Je me tourne finalement vers Arya, lui offrant un magnifique sourire et, attrapant une pomme, la lui tend.

- Une petite faim ma belle ?

Puis, en prenant une à son tour, croque dedans avec avidité, un regard taquin posé sur la jeune femme.