A supprimer car Ademar partit :'(

Compte de petite sœur, elle faisait partie d'une grande fratrie... Inutile de les compter mais l'individu dont la voix s'était élevée de façon braillarde entre les murs de l’Épée Sanglante se rapprochait de la sortie de piste. Enfin personne ne viendrait le taquiner. Il fallait dire que celui qui avait tenté en début de soirée avait perdu une bonne partie de ses chicots, entre autre. La serveuse à la charpente bien rebondie apporta la consommation à cet homme qui la mettait mal à l'aise. Et malotru qu'il pouvait se montrer, il ne se priva pas pour aller flatter son arrière train sans gêne ni classe aucune.
Le patron, un gros homme bourru avait posé sa main sur sa hache, mais le sentiment de peur qui l'habitait était trop fort, d'autant plus qu'il pouvait voir les deux épées et surtout leurs gardes finement ornés, signe que cet individu apportant le malaise n'était pas un maraudeur comme les autres. Et il ignorait la lignée cadavérique qui étreignait son sillage. Mais cette nuit, Ademar n'avait pas envie d'y ajouter un ligne de sang en plus. Pour le moment, il ressentait le besoin simple de sombrer dans l'abîme. Pour un revenant comme lui, ce n'était pas facile, il ne ressentait pas les choses comme un être vivant et il devait consommer un quantité d'alcool incroyable pour en ressentir les effets. Et donc le natif de Cimmeria avait commencé dans la matinée pour en finir vers trois heures du matin. Et quand il sortit, ses épées, encore dans leur fourreau, à la main, aucun n'osa lui réclamer de régler sa note. Ses grognements bestiaux étaient, avouons-le, pour le moins dissuasif. Et c'est comme cela, qu'ivre, le Cavalier de l'ombre s'écroula le long d'un trottoir, s'emmitouflant dans sa longue cape.

Plusieurs heures passèrent ainsi, les astres journaliers et leur bienfaitrice lumière venant prendre la place du crépuscule. Les bruits d'une rixe vint alors aux esgourdes de celui qui finissait de cuver son vin. Enfin ce n'était pas vraiment une rixe, les sons qu'il pouvait entendre faisait plus penser à une exécution. Un sourire vint alors orné ses lippes fines et son regard, vide jusqu'alors, se raviva de cet éclat malsain qui l'habitait si souvent.
Il se releva lentement, Ademar n'était pas homme à agir dans la précipitation. Il prenait plaisir dans ces instants précédant une rencontre. Il ajusta sa tenue de cuir, ajustant ses lames le long de son échine avant d'enfiler sa longue houppelande masquant son visage sous un capuchon qui laissait à peine entrevoir ses lèvres affichant un rictus malsainement amusé.

Il quitta la ruelle où ses pas l'avaient mené à la sortie de l’Épée Sanglante. Bonne adresse, il y retournerait. Enfin là n'était pas la question. Il sentait cette odeur de sang qui s'approchait. Il aurait pu user des ombres, mais il n'était pas non plus foncièrement là pour se battre. Son corps, son âme, son esprit était simplement irrémédiablement attiré vers cette sensation sanguinaire dégagé par l'autre... Il fit encore quelque pas, puis se planta là, au milieu de cette rue. Une brise récalcitrante se renforça lentement, faisant virevolter la poussière sur le chemin terreux. L'attente... Ademar vit alors une silhouette se dévoiler...

Ce qui n’était qu’une silhouette s’extirpa lentement de l’ombre aurorale. Les courbes dessinées ne pouvaient mentir sur son appartenance à ce que certains sots eurent tôt fait de nommer sexe faible. Néanmoins pour le non-vivant, cette expression n’avait aucun sens, il existait des insignifiants et des puissants, nulle question de sexe dans cette considération. Son regard sinople se fit carnassier, pour mieux analyser chaque détail de cet être qui se présentait à lui. La dame n’était pas commune, de par sa stature en premier lieu. Puis il reconnut cette sensation, ces traits particuliers de ceux de sa race. Ainsi en cette paisible matinée, deux revenants se faisaient face. Le faciès du guerrier, masqué sous son capuchon, afficha une moue intéressé, son sourire, unique élément réellement visible ne se départissant pas de son intrigant rictus.
L’attitude de la dame aux allures de jouvencelle, privilège de son sang, trahissait de la tension qui la submergeait. Ce fait amusa beaucoup le Cavalier de l’Ombre. Mais il ne pouvait qu’apprécier cette marque de prudence à laquelle se mêlait une forme de maîtrise martiale qui l’avait amené à reconnaître la présence d’un danger. Dès qu’elle fut à distance raisonnable, à son goût, elle rengaina son arme. Chose raisonnable pensa t’-il. En outre ses premiers mots montrèrent s connaissance puisqu’elle vit en lui son appartenance à l’ordre des Cavaliers de Sharna. Nul doute qu’elle-même devait en faire partie. Inutile donc de s’engager sur la voie d’un affrontement, même s’il les aimait. Un camarade restait un camarade et il aurait bien l’occasion de pouvoir user de sa lame.

Dit-il d’une voix calme. Ses mains vinrent alors se poser de part et d’autre de son couvre-chef afin de dévoiler son visage épargné par les années. Elle put enfin voir ce visage de Terran, aux teintes diaphanes, symbole de la vie qui l’avait quitté. Son regard se fit plus détendu, sans pour autant sembler amical.

Il huma l’air tout en énonçant son identité, formule de politesse bien assez suffisante à ses yeux. Il reconnut dans l’odeur de l’atmosphère les fragrances si exaltante du sang. Nul doute que cette sensation combattive qu’il avait ressenti émanait de la femme qui se tenait face à lui.

Affirma-t’il sereinement afin de la conforter dans ses intentions. Cependant, il remarqua un trouble chez la jeune femme alors qu’elle l’observait. Il prit alors le temps d’une respiration, laissant planer un doute dans l’atmosphère.

On eut dit un gentleman tant ces manières ne lui seyait guère. Toutefois Ademar avait reçu une bonne éducation, et surtout il se montrait curieux de l’état d’une Cavalière de Sharna dont les membres étaient réputés par leur ardeur et leur manque de sensibilité.

Ademar se tenait auprès de Mirage, l’écoutant. Le contraste était saisissant entre les deux revenants. D’un côté se tenait une gracile jeune femme, de l’autre la carrure imposante du natif de Cimmeria. En cette matinée, la luminosité était, à l’accoutumée en cette contrée, blême. Cela renforçait les disparités physiques entre ces deux entités sans âge. L’apparente jouvencelle avait repris sa contenance, ce qui lui conférait une attitude plus propice à sa caste. Cependant Ademar n’était pas dupe et il savait qu’outre la fatigue, autre chose était masqué derrière sa courte fébrilité. Mais il décida de passer par-delà ce sentiment, son interlocutrice l’ayant balayé d’un revers de la main.
Ses mots lui indiquèrent une autre similitude, il n’avait aucun objectif à court terme. Ademar devait bien rejoindre le Manoir Cavaleri, mais pas avant quelques heures. Il devait escorter cette femme médecin dans une de ces missions… Il aurait préféré lui tordre le cou, au lieu de cela, il allait jouer le chaperon. A cette seule pensée, il ressenti un imperceptible fourmillement le long de son échine. Il avait toutefois la vie de Cavalier de Sharna, cette mission serait donc en quelque sorte son rite d’intronisation, cruelle ironie du destin.
La Gorgoroth l’invita à prendre les devants. Il émit un léger rictus à sa phrase qu’il jugea craintive. Quelque-soit le lieu, que pouvait donc bien craindre deux spectres. Il ne releva cependant pas cet état de fait, le Maître des Ombres n’étant pas un homme particulièrement disert. Son regard fit alors le tour des lieux. Il se situait aux abords du quartier résidentiel de Themisto. Il ne connaissait pas vraiment cet endroit, son entrée parmi les représentants de Sharna était encore fraîche. Les bâtisses hautes et partiellement délabrées conféraient au paysage une atmosphère lugubre. Phelgra était ainsi et Ademar appréciait ceci, à chaque instant on pouvait craindre l’apparition de bandit où d’un monstre issu des pires cauchemars enfantins.

Dit-il de sa voix caverneuse. Lentement il se mit en marche, ses foulées puissantes renforçant l’impression de force que dégageait sa stature. Finalement, de ces monstres cauchemardesques, il était peut être lui-même le parfait avatar. Ses pas prirent donc la direction des habitations, ce chemin étant le plus court vers le cœur de la Cité et la demeure de son ordre.

Curiosité… voilà qui n’était guère fréquent avec Ademar. Cela n’avait jamais été son fort, même de son "vivant". Et sa métamorphose n’avait pas amélioré ce trait de caractère. Toutefois, il semblait qu’il effectuait un virage, un changement. Etait-ce dû à son entrée au sein d’un groupe ? Probablement que tout était lié. Ademar avait toujours brillé par sa solitude, amie et alliée qui ne l’avait jamais abandonnée. Désormais il était à l’un des tournants de son existence, et intelligemment, il saisissait cette opportunité. Il n’avait guère de but avant son intronisation auprès de l’ordre guerrier, mais il ne doutait pas d’une forme de destinée l’ayant amené dans cette place, à cette heure où le monde s’apprêtait à vivre de nouveau changement.

Après qu’il eût achevé son questionnement, Ademar laissa à la jeune femme le loisir de répliquer. Il la laissa ainsi s’approcher plus encore de lui, brisant cet espace de sécurité si cher au combattant aguerri. Ainsi elle choisit un corps à corps suggestif que le revenant choisit de ne point briser, attendant de voir le but de cette manœuvre hardie. Les paroles accrurent plus encore l’attitude badine de la non-vivante aux allures de jouvencelle. C’est ainsi qu’elle lui révéla, à la suite d’un fugace baiser, son plan d’action. Oui, il était une cible. Mais de quel ordre ? Elle ne semblait pas rechercher la mise à mort bien que sa lame menaçait la jugulaire du natif de Cimmeria.
La jeune femme venait de basculer dans un autre cadre dans l’esprit du Maître des Ombres. La rencontre amicale s’était muée en affrontement, bien que pour l’instant l’esprit belliqueux avait été à sens unique. D’après les dires de la menaçante, elle n’avait pas d’intention meurtrière. Elle mentionna même un « maître »… Cela intrigua Ademar dont l’esprit restait calme, lucide, à l’épreuve de toutes menaces. Les cieux s’emplirent alors d’un ombre lointaine, mais dont la sonorité semblable à un glatissement marqua l’allure comminatoire.
Le guerrier laissa glisser ses perles sinoples vers le regard grenat de sa désormais opposante. Son faciès semblait impassible, contrastant avec l’allure jouissante de la jeune femme. Sur ses fines lippes naquirent alors l’ébauche d’un sourire. Gorgoroth, ils l’étaient tous deux. Ainsi l’erreur commise par Mirage lui sembla improbable. De nombreuses fois sa gorge avait été menacée, mais désormais il fallait plus que cela pour l’effrayer, le cou du Gorgoroth étant bien plus résistant que la lame d’un poignard.

• - Que croyez-vous faire avec ce poignard ?

Il n’en ajouta pas plus. Cela était suffisant à ses yeux pour signifier qu’entailler sa gorge ne le mènerait pas vers l’au-delà. Revenir de la Mort signifiait voir sa résistance accrue et pour l’y renvoyer, il fallait bien plus que faire couler son sang fuligineux. Ce fut le moment pour le léger sourire qu’affichait son visage de disparaître, redonnant au farouche guerrier son allure austère et ténébreuse.

Un froissement d’ailes se fit alors entendre plus proche des deux êtres, désormais adversaires. Orthelian venait de faire son entrée en scène, venant à la rescousse de son maître. Ce qui se déroula alors fut l’œuvre d’une coordination parfaite, démontrant une science guerrière chirurgicale. L’immense aigle déploya alors sa puissance vocale dans un glatissement d’une stridence telle que l’oreille interne de la jeune femme fut atteint, la désorientant temporairement. La fraction de seconde succédant à la manœuvre de l’animal fut suivie de la contre-offensive du maître d’arme. Sa main gauche, usant de sa tranche telle une masse, vint frapper le poignet de la jeune femme tenant le poignard, l’amenant vers le bas, éraflant la gorge du revenant qui laissa échapper une goutte d’un liquide visqueux et noirâtre. Son autre main ne resta pas inactive puisque déjà elle s’élevait, venant saisir à la gorge la centenaire aux allures adolescentes. La puissance du natif des terres glacées était impressionnante et il souleva son adversaire du sol avec une facilité déconcertante. D’une impulsion sur ses jambes, il fit volte-face, plaquant l’imprudente contre le mur peu solide, l’impact du choc en montrant sa friabilité par de petits éboulis de pierre tout autour de la Cavalière que le géant des glaces lâcha, effectuant une manœuvre de repli alors que sa victime se remettait de la violence de l’échange.

• - Je crains que vous ne me deviez des explications.

Le ton était péremptoire alors que le Gorgoroth se mettait à distance raisonnable de la jeune femme. Il n’avait sorti ses armes, mais chaque fibre de son corps était à l’affût du prochain mouvement de Mirage. Dans les cieux flottait l’ombre d’Orthelian, tournoyant autour de la scène de l’affrontement.