_ Il parait que des personnes hauts-placées seraient gravement malades. _ Il parait que ça se bécotte "au bal de la Rose". _ Il parait que des créanciers en sont après un des conseillers de Ridolbar.
Sujet: Carnets de voyages de Myriam Valombre Mer 8 Juil - 0:03
Le réseau du Mirage
Dernière édition par Myriam Valombre le Dim 23 Aoû - 15:05, édité 6 fois
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Sujet: Re: Carnets de voyages de Myriam Valombre Jeu 9 Juil - 23:18
Carnet n°1 Souvenirs « La Chimère et le Corbeau »
► Année 1270 : j’ai fait la rencontre d’un homme étrange, une nuit de Langdum. Il est apparu sur les Berges Dorées, immobile sur le sable, debout parmi les ombres. Je m’apprêtais à lever l’ancre, quand il m’aborda. Il s’était approché sans bruit, et je ne l’avais pas même entendu gravir la coupée. Il me parla d’une voix douce, mielleuse, chantante. Il murmurait presque, me galvanisant de sa présence surnaturelle. Je ne pouvais pas ne pas l’écouter, ne pas le regarder. Il dégageait une aura apaisante, et un sentiment étrange s’empara de mon esprit au moment où il me toisa de son regard intense. Il m’avait appelé par mon prénom. Je n’ai pas refusé son offre. C’était un client comme les autres… C’est ce que je pensais au début. Nous passâmes une partie de la nuit sur le pont du Mirage. Il m’aida dans les manœuvres pour dégager le navire des Berges, puis il alla s’asseoir en tailleur, en équilibre sur la proue. Sans prononcer un mot. Je devais l’emmener à l’entrée d’une crique, à quelques heures de navigation. Je prenais cependant le temps de l’examiner. Un homme singulier, à la démarche inhabituelle, au dos légèrement courbé et dont le corps était recouvert de nombreuses bandelettes.
Je l’approchai bientôt pour lui demander la raison de son escapade nocturne dans les criques dangereuses d’Argyrei. Il ne me répondit pas. Au lieu de cela, il me parla des abysses. Il avait une connaissance profonde des eaux du sud, et en parlait comme s’il avait été lui-même un poisson. Il se tourna vers moi quand il évoqua le Kraken. Il avait plongé en moi ce regard que je n’oublierai pas, luisant de cette lueur mystique qui accompagnait chacune de ses œillades. Il me connaissait. Et il savait ce que je ressentais, ce que je pensais au regard des Abysses. Il me parlait des Dieux, des Istheriens, et des Oiseaux. C’était comme un vieux conte, une antique légende narrée avec toute la délicatesse d’un grand orateur. Une histoire touchante, qui mêlait l’absurde de la vie à la condition singulière des créatures de ce monde. Il me sembla qu’il ne parlait pas. Mais qu’il lisait ; qu’il avait ouvert mon cœur et y découvrait avec moi les secrets enfouis.
Alors quand nous arrivâmes, après de longues heures de discussion, à l’endroit qu’il m’avait indiqué, il me fit m’arrêter. Mais nul d’entre nous ne descendit du Mirage. Il m’indiquait du bout du doigt une crique plus en avant, à demi-cachée dans le voile de l’horizon nocturne. C’était d’ici qu’on la voyait le mieux. D’ici seulement qu’on pouvait l’observer sans risque. Nous fixâmes le lieu, lui sans mot dire, moi en me crispant de souvenirs douloureux. Là-bas, dans la noire écume des eaux traîtresses de la crique, le Kraken dormait entre les cadavres des matelots et les navires de mon père.
Et cette nuit-là, quand je retournai sur les Berges accompagnée de l’étrange personnage, je n’étais plus la même. J’étais devenue une Oiseau.