La sombre affaire Varss, Partie 4

Sujet: La sombre affaire Varss, Partie 4 Ven 25 Juin - 0:22

Alyse marchait devant. Elle était en train de regarder les murs des maisons, contemplant l’architecture de Ridolbar mais surtout à la recherche de l’auberge où se trouvait Grevaan. Elle marchait à vive allure malgré le poids de son armure, elle avait repris l'habitude de la porter et maintenant, bien que combattre était toujours complexe sans sa magie, elle pouvait facilement marcher une journée avec. Alyse était silencieuse, elle n’avait en réalité pas dit un mot depuis l’incident de l’oreille. Elle n’était pas vraiment choquée, ni même surprise. Ce qu’avait fait Yukia, Alyse le comprenait parfaitement, mais ce n’était pas pour autant qu’elle trouvait que sa sœur d’arme avait bien fait. Elle s’était laissé dominer par son instinct, ce qui dans certains cas n’était pas une mauvaise chose du point de vue de la Rouge. Mais dans ce cas précis, où il fallait se contrôler et mesurer ces actes et propos, Yukia avait échoué. Jetant un regard en arrière, à l'abri de son casque, l'aînée des deux Lhurgoyfs regarde sa cadette marcher à sa suite. Elles avaient certes été longtemps séparées mais Alyse pouvait toujours plus ou moins prévoir les actions de Yukia et surtout ses transformations. Yukia n’y était pas passé loin, même si elle faisait de gros efforts pour le cacher. Plusieurs heures étaient passé depuis, mais la Rouge ne voulait pas prendre de risques, et pour le moment, elle semblait calme. Bien.

Alyse s'immobilisa devant un bâtiment bruyant, ou l’on pouvait apercevoir par l’ouverture de la porte des nombreuses personnes attablées en train de boire et se restaurer. La nuit était en train de tomber, et les deux Cavalières étaient arrivées à destination. Autant son casque et laissant ses cheveux tomber sur son dos, Alyse croisa le regard de Yukia et laissa un sourire étirer ses lèvres. “ Pourquoi ne pas joindre l’utile et le repas ? Je t’invite.” Et elle franchit le pas de la porte, finissant de l’ouvrir au passage. Elle resta quelques instants devant la porte et finit par s’écarter pour laisser passer Yukia. Alyse cherchait du regard le Cavalier qu’elles étaient venues interroger et finit par le trouver attablé en charmante compagnie. Elle avança vers sa table et alors à son niveau elle prit la parole. “ Lieutenant Grevaan ? Vous vous souvenez de moi ? On était en mission ensemble il y a quelques mois ? On peut se joindre à vous ? “ Alyse désigna Yukia d’un geste de la main signifiant à celle-ci de se rapprocher par la même occasion, elle prit place à l’invitation du lieutenant sur la chaise en face de celui-ci.

Attirant l’attention du maître des lieux, Alyse laissa sa camarade se présenter et demanda au lieutenant ce qu’il faisait ici ? Il était en garnison ou s' il y résidait ? Nul malice ou quelconque envie de soutirer des informations pour le moment, Alyse arborait un sourire amical, chose rare, mais qui ne lui allait pas mal pour autant. Elle cherchait simplement à faire la conversation en attendant de pouvoir elle-même manger. Il fallait bien se détendre de temps en temps, et si elle pouvait obtenir des informations et passer un bon moment en même temps, Alyse n’allait pas se gêner.

Soren Grevaan était assis à la table centrale, une main posée devant lui et il s'amusait à rapidement planter la pointe d'un couteau entre les doigts.

Exercice d'autant plus périlleux que l'une des femmes de son entourage, assise face à lui, l'accompagnait dans sa valse. Ils devaient croiser le sautillement de leurs lames sans percuter leurs poignets et faire la course pour regagner leur point de départ avant l'autre.
Parmi les cinq hommes et femmes qui partageaient la table certains s'esclaffaient de rire, mais la majorité semblait prêter attention à l'avancée du jeu avec le plus grand sérieux du monde, probablement anxieux de l'attribution des récompense du pari qui avait dû grandir autour des rounds précédents.

Soudain, l'ivresse se faisant, les jointures de leurs poings se percutèrent : la lame de Soren trancha un doigt, pendant que le surin de son adversaire se planta en plein milieu du dos de la main droite posée devant le Lieutenant.
Un silence trouble poignarda lui aussi la table... avant que finalement tous se mettent à éclater de rire, Soren y compris. Il dégagea son bras, laissant l'appendice meurtri planté sur la table, avant de finalement sortir sa propre dextre qu'il avait rentrée dans sa manche.

-Je suis IMBATTABLE même dans le virage intérieur, ahahaaha.

Il portait une tunique telle qu'on pourrait l'imaginer pour un assassin : très prêt du corps, quelques sangles pour éviter le tissus flottant autant que pour porter des couteaux de lancé.. à ceci prêt qu'elle était extrêmement colorée, d'un bleu clair et un jaune qui avait dû être canari mais c'était vaguement atténué après quelque lessive. Probablement du sûr mesure qu'il devait faire teindre au pied levé pour satisfaire ses goûts capricieux.

Toujours assis à la table son regard se tourna vers les deux cavalières. Il resta un instant stoïque à écouter, qu'il ne l'ait pas reconnu... ou qu'il ait craint un tout autre sujet de conversation qui aurait justifié leur visite.

-OOOHH QUE SHARNA M'IMMOLE, COQUELICOT c'est toiii !!

Il se leva en écartant les bras d'un air burlesque, renversant sa chaise dans l'exécution de son mouvement.

-Mais quel plaisir ! Bien sûr je me souviens, je me disais juste "merde, qu'est-ce qu'elle viendrait perdre son temps dans un trou pareil, c'est pas POSSIBLE". Assieds-toi assieds toi bien sûr, évidemment... et ton amie aussi oh.. quelle classe elle aussi.

Il porta les mains à sa bouche en scrutant Yukia.

-J'aurais dû m'en douter, le talent attire le talent... venez prenez place!

Le lieutenant désigna le tour de table à la va vite. Il accompagna la progression d'Alyse jusqu'à une place tout en tendant une main au dessus d'elle, comme si il était sur le point de danser avec elle, mais lui libéra finalement le passage, et s'empressa à la place ramasser sa propre chaise dont il épousseta l'assise avant de la présenter à Yukia en personne.

Il restait encore bien assez de place pour d'autres personnes mais malgré tout trois des individus en profitèrent pour quitter la leur et rejoindre des jeux de carte -activité plus conventionnelle- qui se déroulaient contre le mur gauche du bâtiment.

L'auberge était plutôt grande, au rez-de-chaussée autant de jeux que de repas étaient proposés aux occupants, respectivement plutôt disposés d'ouest en est. Au second étage une mezzanine avec des banquettes possédant d'avantage de fauteuils rembourrés que de tabouret, et à peine quelques chambres, dont les portes semblaient toutes ouvertes pour l'instant et d'où se dégageaient d'épaisses volutes de fumées.

Seul le troisième étage, invisible sinon par la naissance d'un escalier, semblait ne contenir que des chambres disposées plus intimement loin des regards. On avait du mal à parfaitement détailler tous les sons qui en émanaient à cause des rires inondant les alentours.

Outre l'entrée : une seconde double porte était grande ouverte sur la droite, évacuant rires, fumées froides et la chaleur de la foule agitée qui -même par temps très froid- devait suffire au subvenir au confort.

Soran délogea la main orpheline de sa brochette et -plutôt que les siens- se servit des doigts morts pour pointer une à une les personnes restées attablé.

-Vous voyez, c'est ça la classe... j'vous le dis, et cette fois vous pouvez le contempler, on a pas besoin de ressembler à un très gros tas de bidoche boursoufflé pour faire un bon combattant. La stature, l'agilité, ET LE REGARD, même comme ça détendues, à les voir serpenter entre les meubles et les fêtards, on devine que ces deux là c'est pas des merdes.

Sans un regard, il lança le poignard qu'il venait d'extraire de la main et à travers la pièce, à travers la double porte donnant sur la ruelle adjacente : il parvint à le faire se planter dans la jambe d'un homme.
Ce dernier sursauta mais grogna si faiblement qu'on l'entendait à peine.
Il avait l'air à bout de force.. surement qu'il était crucifié sur ce poteau extérieur depuis un moment, exposé à tous, clients comme passants.

De l'autre main il fit signe de s'agiter au tavernier qui était pourtant déjà en train d'apporter de larges écuelles pour chacune des arrivantes :
des patates généreuses et cuites à point, un émincé de carotte et de chou, ainsi que deux large tranches de viande, initialement séchée mais qui avait été généreusement ravivée dans une sauce épaisse.

Un repas assez surprenamment riche malgré la convivialité des occupants et les divers activités qui devaient être ravitaillées en plus du service.

-Merci Gontran. Commencez par ramener un autre pichet de bière, je pense qu'on attaquera votre nouvelle tournée de "liqueur de Ridolbar" après le repas seulement.

Il s'assit, posant ses trois mains sur les genoux.

-Mais quel plaisir de vous voir, c'est incroyable .. avec tout ce qui se passe j'aurais jamais cru croiser des collègues... avec les missions, ma suspension... suspension qui est autrement moins douloureuse que celle de nos amis dans la rue là-bas....

Il posa sa propre main gauche sur sa bouche comme pour atténuer la portée de sa voix et cacher des confidences.

Notez que ça ça doit être quand même autrement moins douloureux que le genre de "suspension" qu'à subit Démégor, si vous me suivez. hein, hummm.

Il passa la main tranché devant son cou d'un geste sec avant de tirer la langue.

-BREF.

Il reprit d'un ton et d'un air stupidement soigneux, plissant les yeux et tendant les lèvres.

-Je peux faire quelque chose pour v'uuuus?

La sombre affaire Varss (part.4)

▬ ft. Kreen et Alyse

* Je suis allée trop loin. *

C’est une simple constatation. Est-ce que je regrette d’avoir mutilé le Lieutenant Déris ? Pas le moins du monde. Il n’a eu que ce qu’il méritait pour avoir osé dénigrer mes actes passés de la sorte. Ce qui me chiffonne un peu plus, c’est d’avoir manqué de perdre le contrôle de la sorte, d’être passé si près d’une transformation involontaire. Je ne dois mon salut qu’à Alyse. Qui sait ce qui se serait passé si elle ne m’avait pas empêché d’endosser mon autre peau…

* Peut-être que je devrais me procurer cette potion, moi aussi. *

Je renifle de dédain alors que nous déambulons, Alyse et moi, dans le dédale des rues de Ridolbar. Cette pensée pique mon ego. L’idée ne m’enchante guère. Mais il faut savoir faire face à la réalité. Si je pensais avoir retrouvé la pleine possession de mes moyens à la sortie de la Prison des Déments, force est de constater que non. Je devrais peut-être effectivement me procurer cette potion…

Plus morne que d’habitude, je plante mon regard sur la Rouge tandis que le cliquetis de son armure trahit le regard discret qu’elle lance dans ma direction. “Je ne risque pas de me transformer tant qu’on ne pique pas mon orgueil, ne t’en fais pas.” Ces mots voudraient sortir mais ils ne passent pas la barrière de mes lèvres. Ce n’est pas le moment et j’en ai déjà bien assez fait comme ça aujourd’hui. Je me contente simplement de suivre mon aînée et hausse les épaules tandis qu’elle nous amène dans une auberge bruyante et qu’elle annonce m’offrir le repas. Comme elle l’a dit, autant joindre l’utile et l’agréable. Je suis donc Alyse sans dire un mot tandis que nous nous installons à la table du Lieutenant Grevaan.

Cet homme est… Je n’ai même pas de mot…

Il n’a strictement rien à voir avec Alsgivan Déris.

Coquelicot… ? Si j’avais un tant soit peu d’humour, j’aurai ri et fait en sorte de le rappeler souvent à Alyse. Mais pour l’instant, je me contente de froncer les sourcils, surprise, il faut bien l’avouer. L’accueil de Grevaan est aux antipodes de celui que nous a servi son frère d’armes. Je ne sais que penser de ses manières. Est-ce de la moquerie ? De l’ironie ? Je n’en ai aucune idée. Dans tous les cas, je doute que ce soit quelque chose de sincère. Je n’oublie pas que derrière les airs de légers et enjôleurs se cache un Cavalier de Sharna. Reste à savoir quel est le but de ce petit jeu enjôleur. Est-ce son comportement habituel ?

Je voudrais poser la question à Alyse mais reste silencieuse, acceptant le siège que me tend l’homme, restant stoïque devant la démonstration de lancer pourtant exceptionnelle du soldat. Pas qu’elle ne me surprenne pas un tant soit peu mais parce que nous étions là pour affaires. Affaire dont je préférerais laisser Alyse prendre les rênes pour l’instant. Après tout, elle connaissait notre homme mieux que moi et avait participé à la mission qui avait amené Varss à disparaître.

Je ne peux tout de même m’empêcher de me pencher légèrement pour jeter un regard au crucifier, me demandant ce qui avait bien pu l’amener sur cette croix.