L'enfer est pavé de bonnes intentions [PV Kronos]

L'enfer est pavé de bonnes intentions

Feat Kronos

Elle était rentrée en ville avec le flux de marchands du matin, se faufilant avec une grâce toute féline dans la foule. Chacun se préparait pour le marché, mais pas Morgane. C’était sa première sortie depuis la mort de la vieille et l’on pouvait encore voir le chagrin sur son visage fatigué si l’on prenait le temps de regarder sous sa capuche qu’elle avait négligemment posé sur sa chevelure noire. Et pourtant, qui le ferait alors même que toute son attitude réclamait à ce qu’on la laisse tranquille.

Elle traînait sa tristesse d’étale en étale sans réellement prêter attention à ce qui l’entourait. Elle s'arrêtait toutefois sur certains stands, vaguement intriguée par une odeur, une couleur ou même un souvenir la ramenant à la vieille. Elle regrettait presque d’être venue sous forme humaine… Seulement, elle avait promis à son amie de faire l’effort de se mélanger pour ne pas finir par n’être plus qu’un animal. Il n’y avait pourtant aucun mal à préférer être un chat, non ? Elle grommela et passa au prochain stand sans même y jeter un regard alors qu’elle releva le nez attiré par une odeur particulièrement alléchante.

Rapidement, elle trouva l’origine de l’odeur : un étale où l’on vendait du poisson fumé de première qualité. Ce qu’il fallait pour détourner Morgane de son humeur morose. Malgré son agilité naturelle, elle eut du mal à s’approcher de la table couverte de corbeilles, elle se fit même bousculer au passage par un jeune allant en sens opposé. Elle retint son grognement de mécontentement dans sa gorge en s’écartant pour finalement atteindre son objectif. C’est là qu'elle le remarqua…

Qui ça ? Et bien l’enfant qui semblait tenter d’attraper une brochette sans se faire remarquer. N’importe qui d’autre aurait compris que le petit chapardeur s’apprêtait à faire une mauvaise blague au vendeur de poissons. Morgane, elle qui avait évité les humains assez longtemps ne vit en lui qu’un enfant affamé et attrapa la brochette pour lui tendre en toute innocence. Mais lorsque celui-ci détala avec son butin sans même la regarder, elle resta un instant surprise.

Les choses s'enchaînèrent malheureusement pour la jeune Yorka. Le marchand rouge de colère lui attrapa le bras pour la traîner jusqu’à lui tout en lui parlant d’une voix menaçante qui déplut fortement à ses oreilles.

-J’espère que tu as de quoi me payer cette brochette, femme sinon il t’en cuira !

Payer ? Oui oui, elle avait ce qu’il lui fallait. Les pièces qu'utilisait la vieille. C’était certainement ça qu’il réclamait. Malheureusement pour elle, lorsque sa main chercha la petite bourse en cuir sous sa cape, elle ne rencontra que le vide… Elle regarda complètement paniquée le vendeur alors qu’elle comprenait brutalement qu’on avait dû la voler un peu plus tôt lorsqu’on l’avait bousculée…. Elle tente alors de bafouiller quelques mots pour se justifier.

-On me l’a volée…. J’ai plus de pièces…

L’homme furibond la secoua tout en hurlant des mots qu’elle ne prit pas la peine de comprendre. Cela sentait indubitablement les ennuis pour elle et elle ne savait pas comment se sortir de ce traquenard. Comment s’en serait sortie la vieille si elle avait été dans ce cas ? Aucune idée ne lui vint et elle lança un regard désespéré à la foule qui s’était agglutinée autour d’eux à cause des cris du marchand… Elle voulait redevenir un chat à cet instant et ne plus jamais sortir de la forêt. Elle poussa un léger feulement et s’apprêta à faire lâcher son adversaire et mettre à exécution son plan de fuite...

EPSILON

[Avec Morgane Dyfed]

La cité de Hellas

Apparence actuelle : Warren, yorka panthère des neiges, environ 30 ans, chasseur de métier nouvellement arrivé à Hellas.

L'enfer est pavé de bonnes intentions

Cela faisait maintenant quelque temps que Kronos avait pris la place de Natreck dans le paysage cimmérien, sans toutefois que quiconque, hormis sa sœur, ne soit au courant. Avec la découverte d’un remède pour la fièvre de cendre et l’obtention d’une dose par le syliméa, Kronos avait peu à peu laissé tomber l’apparence du ladrini. Le corbeau avait finalement disparu en même temps qu’Ulva, l’identité qu’avait emprunté sa sœur Nyx. Officiellement, ils quittèrent Cimmeria ensemble, entrainant avec eux le souvenir du yorka corbeau.

Peu avant le départ officiel de Natreck, Kronos avait commencé à vendre certains de ses effets personnels. Les syliméas n’étant pas compatible avec les animaux de compagnie, Kronos du se départir de Kouna, la petite furette du défunt yorka, ainsi que de son cheval, Viking, un étalon de guerre, élevé à Themisto, qui lui rapporta une fortune plutôt conséquente. Désormais privé de monture, il dut également se départir d’une bonne partie des effets-personne du corbeau, car il ne pourrait tout transporter sur son dos.

Par la suite, et depuis un certain temps, Kronos s’était construit une nouvelle identité, celle de Warren, un yorka léopard des neiges qui lui offrait une fourrure plus qu’adaptée au climat cimmérien. Il se disait originaire de Phelgra, venu en Cimmeria dans le but de commencer une vie meilleure. Ainsi, on connaissait Warren comme un chasseur de métier qui, régulièrement, venait vendre ses prises au marché d’Hellas. Il s’était rapidement mis à donner un coup de main aux commerçants d’Hellas, et bientôt, on n’hésita plus à le héler dans la rue pour lui demander un peu d’aide.

Par une journée qui, comme d’habitude à ce temps de l’année, était plutôt nuageuse, le grand yorka mit pied dans la ville avec son traineau tout neuf rempli des carcasses des animaux qu’il avait abattus le matin même. Sans attendre, il se rendit à la place du marché, qui était en pleine effervescence à cette heure, et se mit à discuter avec un boucher qui était intéressé par les carcasses qu’il avait abattues. Ils concluaient finalement leur transaction lorsque l’attention de Warren fut attirée par une altercation entre un marchand et une jeune femme.

Perçant la foule, Warren s’approcha afin de mieux comprendre ce qui se déroulait. La femme, une brochette dans les mains, regardait le marchand d’un air paniqué, cherchant à son côté une bourse qui n’était visiblement plus là. Son visage témoignait d’une grande fatigue et ses vêtements parlaient sur le temps qu’elle avait dû passer en pleine nature. Courroucé par ce qu’il semblait prendre pour une tentative de vol, le marchand se mit à secouer la jeune femme, lui criant dessus dans un dialecte cimmérien. Comprenant que la situation allait dégénérer si personne n’intervenait, le yorka se décida.

– Oh là, du calme !

Warren avait fait un pas en avant, arrêtant le marchand avant qu’il ne se décide à appeler les gardes. Les murmures se turent un instant lorsque sa silhouette perça la foule. Grand et large sous son apparence de panthère blanche, le yorka n’eut aucune difficulté à imposer sa présence et le marchand, visiblement impressionné par la carrure de son nouvel interlocuteur, lâcha le bras de la femme.

– Enfin, vous voyez bien qu’elle a perdu sa bourse, lança-t-il d’une voix grave. Je paye pour cette brochette, et vous la laissez tranquille, d’accord ?

Il déposa quelques dias sur le comptoir qui lui faisait face alors que le marchand, maugréant à propos des voleurs de la cité, retournait derrière son étal sans même s’excuser auprès de la jeune femme. Secouant la tête pour déplorer l’impolitesse du terran, le yorka se tourna plutôt vers la femme, la couvrant d’un regard compatissant alors que la foule qui les avait entourés quelques secondes plus tôt se dispersait lentement. Il jeta un regard agacé à ceux qui les entouraient encore, et cela suffit à les faire retourner à leurs occupations.

– Je suis Warren, se présenta l’irbis. Tu sembles venir de loin. Que viens-tu faire à Hellas ?

Alors qu’elle relevait le regard vers lui, le yorka remarqua les iris félins de la jeune femme. D’un vert profond, ils brillaient malgré le temps nuageux. Une yorka ? Elle n’avait pas d’autres signes distinctifs, mais cela avait aussi été le cas de Natreck. Pouvant maintenant la voir de plus proche, Warren remarqua le voile de tristesse qui planait au fond de ses iris. Elle semblait bien seule, et perdue, qui plus est.

– Tu sembles affamé. Que dis-tu d’en discuter autour d’un bon repas ? Je t’invite, lança-t-il avec un sourire chaleureux, curieux d’en apprendre davantage sur cette femme intrigante.

Double-compte de Phyrra

L'enfer est pavé de bonnes intentions

Feat Kronos

La colère grondait au fond d’elle et Morgane lança un regard menaçant au marchand pour elle n'éprouvait maintenant qu’un mépris plus ou moins visible. Elle s'apprêtait à le frapper toutes griffes dehors lorsque la voix puissante d’un nouvel arrivant l’arrêta instantanément. Ses yeux se tournèrent instinctivement vers cette voix pour observer son… sauveur ? N’étant pas vraiment habituée aux Terrans et encore moins aux autres Yorka, elle fut surprise en le découvrant.

Elle pencha la tête sur le côté alors qu’elle le détaillait sans gêne. Elle en oublia presque instantanément le marchand lui serrant le poignet jusqu’à ce qu’il la lâche et lui rende de nouveau sa liberté. Machinalement, elle frotta son poignet endolori sans que son regard ne lâche celui qui venait de l’aider. Elle se demanda bien sur, pourquoi l’avait-il aidé ? Mais cette question l’intéressait moins que sa curiosité qui avait fait une fixette sur son apparence. Est-ce qu’elle pouvait faire pareil ? Cette fourrure semblait bien plus chaude que les vêtements qu’elle devait porter sur elle. Incapable de resister, elle posa ses doigts sur la main de Yorka pour toucher la fourrure avec un froncement de sourcil. Puis elle hocha la tête, comme si elle se répondait à elle-même.

-C’est mieux que les vêtements…

Elle relève ses yeux sur le visage de celui qui se présente et met quelques secondes avant de le lâcher et de lui répondre d’une voix rendue rauque par le chagrin et la fatigue.

-Je suis Morgane, je viens d’une maison plus loin…

Du doigts elle désigna une direction à sa gauche comme si cela allait vraiment parler à Warren. Se rendant compte peut-être un peu que l’indication n’allait pas l’aider, elle haussa les épaules et reprit.

-La vieille dame est morte et je ne peux pas retourner dans la montagne alors j’étais venu voir…

Voir quoi ? Qui ? Elle ne précisa pas soit parce qu’elle n’estimait pas cela intéressant soit par oubli pur et simple. Par contre, au mot “repas”, il put voir Morgane se redresser et le regarder avec un tout nouvel intérêt, celui du ventre. On devine plus que certainement le chat dans dans son attitude et lorsqu’elle lui sourit légèrement ses canines sont un indice supplémentaire qui laisse peu de place aux doutes.

-Tu as du poisson Warren ? T’es un Yorka toi aussi ? Mais t’as pas la même odeur, c’est étrange…Et tu peux garder une forme intermédiaire ? tu as chaud avec toute cette fourrure ?

Oui Morgane sautait d’une idée à l’autre sans que cela ne la gêne et ne semblait pas plus indisposé par le fait de poser autant de questions. Malgré sa fatigue, il semblait que la tristesse avait totalement déserté son visage pour ne garder qu’une innocente curiosité pour son sauveur… Puis soudainement, elle posa son index sur ses lèvres en prenant un air de réflexion avant de regarder à nouveau Warren.

-Merci pour… Le marchand. J’ai fait un truc qu’il ne fallait pas, c’est ça ?

EPSILON

[Avec Morgane Dyfed]

La cité de Hellas

Apparence actuelle : Warren, yorka panthère des neiges, environ 30 ans, chasseur de métier nouvellement arrivé à Hellas.

L'enfer est pavé de bonnes intentions

La jeune femme, Morgane, donc, semblait, malgré qu’elle ne fût visiblement plus une enfant, bien innocente sur le monde qui l’entourait, plus encore que Kronos ne l’avait été. Les syliméas vivaient ce drôle de paradoxe entre la jeunesse et la vieillesse. Il n’était techniquement né que depuis quelques semaines, mais son esprit était vieux de plusieurs millénaires, et il avait, en parasitant Natreck, acquis le moindre de ses souvenirs et surtout, toutes ses connaissances.

Il sourit donc, aussi amusé que surpris, alors que la jeune femme commentait le poil qui le recouvrait. N’avait-elle jamais vu d’autres yorkas ? Elle parla avec candeur de son passé, mentionnant une maison sans trop de précision, parlant de la mort d’une vieille dame qui posa un voile de tristesse dans ses iris félins... La mention d’un repas sembla toutefois lui faire oublier ses soucis, et elle se redressa, pleine d’intérêt, lui adressant un sourire aux canines proéminentes.

Elle était visiblement une yorka, mais lui posait des questions étranges, comme si elle ne reconnaissait pas la race. Il ignora la question de l’odeur, peu désireux de donner des indices à cette jeune femme pour comprendre qu’il n’était pas réellement un yorka. Enthousiasmée par la proposition de Warren, elle le couvrit alors d’une avalanche de questions qui fit rire la panthère. Visiblement, cette jeune femme était pleine de surprises.

– Le poisson est la spécialité, à Hellas, s’exclama Warren en souriant. Eh oui, je suis un yorka. Cette forme intermédiaire, comme tu dis, est ma seule apparence humanoïde, lui expliqua-t-il patiemment. Chaque yorka est différent. Il y en a comme moi qui sont physiquement très proches de leur essence animale, et d’autres, comme toi, qui n’ont que quelques signes distinctifs et qui ressemblent davantage à des Terrans.

Il regarda autour de lui, tentant de repérer d’autres personnes de leur race.

– Regarde, celui-ci ressemble à un Terran, mais il a d’énormes bois de cerf sur la tête. C’est probablement un yorka. Alors que lui, c’est un yorka-poisson. Je le sais parce que je le connais, mais il n’a presque aucun signe distinctif, les gens le prennent pour un Terran. D’autres, comme moi, sont plus faciles à identifier.

Ils marchèrent un peu avant que Morgane ne lui pose une nouvelle question. Visiblement, cette jeune yorka ne connaissait pas grand-chose du monde... Il réfléchit quelques secondes.

– Eh bien, habituellement, il vaut mieux payer avant de prendre quelque chose à un marchand. Ces gens-là travaillent fort pour gagner suffisamment de dias pour subvenir aux besoins de leur famille. La vie est rude, en Cimmeria, et le vol est sévèrement puni, même si selon moi, rien n’excuse son attitude déplorable.

Il l’entraina au travers des rues de la ville, répondant aux questions que Morgane posait avec une fraicheur qui montrait à quel point elle était inexpérimentée. Après avoir constaté l’étendue de son ignorance, Warren commença tout simplement à lui expliquer le rôle des gens qu’ils croisaient et ce à quoi servaient certains des bâtiments qu’ils rencontraient. Certaines personnes les accostaient, saluant Warren, lui proposant parfois un verre ou une partie de cartes. Il déclina toutefois les propositions, profitant de l’occasion pour expliquer à Morgane que tous n’avaient pas de bonnes intentions, et qu’il fallait être prudent lorsqu’on ne connaissait pas bien celui qui nous faisait face.

C’était à la fois un conseil et un avertissement. Lui-même, malgré qu’il n’eût aucunement l’intention de faire du mal à la jeune yorka, n’était pas celui qu’il paraissait être. Les syliméas avaient la chance de pouvoir se camoufler facilement dans la population isthérienne grâce à leur don, mais cela les condamnait à une vie de secrets et de mensonges. Dans le cœur de Kronos, la flamme de la révolte se réveilla. Ce qu’il avait hâte au moment où ils pourraient vivre libres, libérés des mystères ! Ce jour viendrait. Il ferait tout en son pouvoir pour cela. Aujourd’hui, toutefois, il était Warren, la panthère des neiges, et il refoula rapidement au fond de son cœur ses émotions de syliméa.

Il entraina plutôt Morgane dans un établissement populaire dont l’affiche annonçait en isthar, en terrania et en zinonien « le Poisson Volant ». Lorsqu’il poussa la porte, la clochette retentit, et le visage d’une grosse femme apparut derrière le comptoir. Plus grande que Warren et au moins deux trois plus large, son visage avait les traits épais et sa peau, une couleur grisâtre. L’heure du déjeuner avait sonné, et l’établissement était plein à craquer. Les bruits des voix se confondaient avec celui des chopes qui s’entrechoquaient et celui des couverts dans les assiettes. Des odeurs par dizaines s’entremêlaient, prédominé par celle du poisson, la spécialité de l’établissement.

– Bienvenue au Poisson... Oh, Warren, c’est toi !

La zélos s’approcha du duo, détaillant rapidement la jeune femme qui accompagnait son client habitué.

– Bonjour Aniq ! As-tu de la place pour nous deux ? dit-il en désignant Morgane à son côté.

Elle hocha la tête d’un air entendu.

– J’ai toujours une place pour toi, mon ami ! Il me reste une table au fond, là-bas. J’ai bien du monde, et tu connais le chemin, dit-elle en s’éloignant vers les cuisines sans plus de cérémonie.

Invitant Morgane à le suivre, Warren se faufila tant et bien que mal entre les tables serrées de l’établissement pour atteindre l’endroit qu’Aniq leur avait désigné. La table était petite, juste assez grande pour accueillir les deux yorkas, mais avait l’avantage non négligeable d’être accoudée à une fenêtre qui laissait entrer une brise fraiche. Une fois assis, une serveuse vint rapidement les voir.

- Une bière pour moi, et... un verre de lait pour madame, peut-être ? dit-il en questionnant Morgane du regard, incertain de ce qu’elle préférerait pour boire.

La serveuse s’éloigna ensuite avec leur commande, et Warren s’étira sur sa chaise.

– J’adore cet endroit, commenta Warren en poussant un soupir de contentement. Leur nourriture est excellente, les prix bien justes, et le personnel sympathique, même si Aniq, la gérante, est un peu bourru, dit-il en rigolant.

Il jeta un coup d’œil à Morgane, s’attendant à recevoir une nouvelle ribambelle de questions.