Entrelacs épineux

Dès l’instant de son entrée, Pandora devait encore trouver où se trouve le haut-prêtre. La tente est suffisamment grande pour se diviser en plusieurs parties dont le couloir central s’arrête à mi-distance par une sorte de salle dont on pouvait apercevoir le haut-prêtre derrière, entre les deux pans de tissus qui font office de portes.

Si Pandora s’en trouve curieuse, elle a toujours la possibilité d’aller le voir et c’est en écartant la toile qu’elle ne pourra qu’apercevoir la surprise. Un sentiment d’effarement peut-être.
Le haut-prêtre se trouvait bien là. Totalement immobile, le visage s’entremêle de sérieux, d’empressement, de crispation et d’une profonde tristesse, liés à la discussion qu’il a eu la veille avec sa conseillère sur les quatre vérités qui n’est pas facile d’entendre.
Des larmes coulent le long de ses jours, le filet discontinu partant du coin de ses yeux tombe sur le dos de ses mains, posé sur le haut de ses cuisses. Les jambes en tailleurs, sa posture dite de méditation n’a rien d’exceptionnel.

Son apparence par contre est bien plus surprenante.
La jeune femme connaissait déjà, sa chevelure d’argent parcouru de rose dont les teintes vont du blanc vers le noir en passant par toutes les nuances de gris que le monde peut connaître. Les cinquante nuances font de lui l’être torturé, aussi bien mentalement que physiquement. Aujourd’hui bien plus que les jours précédents au vu de l’évidence de la situation et de la décision à prendre.
Le haut du corps parfaitement nu s'orne d’une musculature athlétique dessinée pour l’agilité. Le tout est décoré d’une exceptionnelle végétation fait de ronces et de bourgeons à naître, toujours dans les mêmes nuances de couleurs, ou d’absence de couleur dans son cas. La végétation n’est pas très fournie, elle reste impressionnante et effarante dans le sens où l’on ne discerne aucune sortie de sa peau, parfaitement caché par quelques ronces déployées à partir de ses omoplates. Les épaulières végétales sont constituées de tiges très espacées pour laisser respirer la peau déjà naturellement pâle.
La rose d’Heldor lui fait face, il lui est donc logiquement possible de les voir directement que si elle le contourne.
Son espace est grand et le haut-prêtre se trouve au milieu de cet espace qui lui permet de se croire en pleine nature malgré le tissu de la tente. Ainsi caché des soleils, il s’en protège avec un sentiment de se trouver dans la pénombre d’une forêt quelconque.

C’est à peine visible, mais il y a un dossier dans son dos pour le maintenir droit, et semble avoir été placé là après le début de la méditation, car il ne s’appuyait pas totalement dessus. Il a été placé par Félicie qui se trouve actuellement derrière Pandora dans le silence le plus complet et n’avait aucunement laisser sentir sa présence. La conseillère l’observe, lui laissant le temps de satisfaire sa curiosité. Seulement, la condition est qu’elle ne devait en aucun cas entrer dans sa totalité. Malgré tout, pour éviter de provoquer cette tentation si elle devait naître, Pandora fut interrompu par un chuchotement soudainement très proche.

- Veuillez ne pas le déranger, dame Vanes.

La première fleur s’était faufilée si près d’elle qu’elle ne pouvait faire que sursauter la jeune rose.
En se retournant, la prêtresse recula d’un pas pour la saluer en s’inclinant dès légèrement. Dans le silence le plus total, elle l’invita à sortir de la tente pour continuer de discuter.

- Il médite depuis hier, après notre entrevue dans la serre…

Une fois dehors, Félicie continuait de chuchoter comme s’il y avait toujours possibilité de déranger la méditation de son mentor malgré toutes les dispositions de la tente.

Le sursaut de la belle dame amusait légèrement Félicie, bien moins que la réaction d’avoir été prise sur le fait. La première fleur ne pense pas tirer de plan sur la comète en s’imaginant aussi attiré par le jeune homme. La voir aussi gênée par contre, vraiment très attendrissant de sa part. Adorable, si l’on devait y donner un mot précis.
La gorgoroth mettant un doigt sur ses lèvres avant de lui dire de la suivre en silence. Une myriade de questions et de sentiment d’amusement l’envahissent, si bien qu’elle ne put retenir un petit rictus en dévisageant la princesse encore écarlate à la sortie de la tente, déjà prête à fuir les lieux tant elle se trouve dans l’embarras
Avant de sortir, la conseillère jette un œil sur le haut-prêtre qui est un peu plus apaisé après l’approche de la jeune femme. Sans doute une coïncidence, se dit-elle, en observant l’invité remettre en place sa chemise sans réelle nécessité.
Le temps de reprendre contrôle de son corps, la princesse éclaris lui demande si les expériences discutées la veille sont toujours d’actualité.

- Je l’ignore. C’est la première fois que Duscisio semble aussi… torturé, lors de ses méditations… Il doit être en train de lui en parler je suppose. Les conversations n’ont jamais été aussi longue. J’ignore si la discussion avec la Pistilose lui a permis de dormir du crépuscule jusqu’à l’aube comme ça toujours été le cas.

Elle marque une pause pour montrer son hésitation sur ce qui avait été dit en aparté hier. S’il ne voulait en parler en public, Félicie ne devait l’énoncer maintenant. En le voyant aussi apeuré, Pandora Vane devait peut-être au courant ?
La curiosité de la petite demoiselle pourrait l’y pousser, surtout après l’avoir vu aussi gênée. Ça serait assez déplacer de la mettre dans la confidence.
Malgré tout, Pandora pourrait très bien être cette petite lumière que Duscisio semble chercher. Seulement, il n’est pas bon de suscité trop d’espoir. Le monde dans lequel vive les deux parties sont très différents.

- Sa situation est aussi unique que compliquée. Ses dernières années, il a vécu avec à défaut d’avoir un remède à portée de main. Vouloir s’en séparer aujourd’hui est comme se séparer d’une amie. C’est douloureux, vous en conviendrez.

C’est déjà arrivé une fois. Perdre une amie qui a partagé son propre corps va également être une épreuve.
La demande de soutien va sans doute être fréquente. S’il possède les dix fleurs, principalement elle-même qui l’accompagne chaque jour autant pour le surveiller que pour l’aider s’il se sent perdu.
Si ses yeux sont tournés vers l’intérieur de la tente pendant qu’elle chuchote à la Dame de Vanes, elle retourne son attention sur elle, une posture plus décontractée.

- Désolé d’être indiscrète. Mais que pensez-vous de lui ?

Le ton n’était plus aussi solennel, Félicie s’adresse à elle en tant que femme.
Elle aussi a une certaine curiosité et profité qu’il ne puisse écouter pour connaître l’avis de toute personne entrant dans son entourage. Sans doute aussi parce qu’elle a prise la Rose d’Heldor voulant aider le jeune homme en détresse dans sa méditation.

Nommé la Pistilose tel qu’elle est n’a aucune influence dans le camp. Souvent ceux qui l’entendent ne savent pas de quoi le haut-prêtre et son entourage parlent et donc l’oublie assez vite. Dans le temple, tout le monde sait ce que c’est. Enfin ce que le haut-prêtre leur montre du moins. Si elle a disparu des archives, elle a également été oublié de toutes les pensées. Seule les rares personnes à s’en souvenir sont les historiens ou les métiers qui se rapprochent de la flore. Puis Félicie continue de parler à voix basse, alors peu de chance que quelqu’un les entendent.
Quant à l’état de l’homme, Pandora a vraiment de l’attention sur les personnes autour d’elle. Si elle s’était approché de Duscisio, c’était dans l’intention de l’aider, ça ne fait aucun doute. Seulement pour sa propre sécurité, il était préférable que Félicie intervienne.
Comme elle le pense d’elle-même, le meilleur moyen de l’aider c’est d’être à ses côtés.

- C’est ce qu’à chercher à faire avec les dix fleurs. S’entourer de personne semblable vous parait certes inconcevable, mais sa solitude reste grande. Seul à être tel qu’il est et l’idée d’être rejeté pour cela. Il est rongé par ce sentiment. Ce qui fait de lui un homme qui pense bien faire jusqu’à que cela se retourne contre lui.

Félicie soupire et regarde à nouveau à travers le tissu de la tente le peu qu’elle peut voir.

- La conversation d’hier a un peu chamboulé ses pensées. Il se sent bien plus seul malgré tout le soutien présent autour. Que ce soit par moi, ou Catleya. L’idée que sa fille se retrouve à nouveau toute seule lui fait peur, tant il tient à elle.

Indirectement, Félicie se rendit compte de sa bêtise. Elle ne laisse rien paraître, continuant de regarder au travers de la tente. Intérieurement, la Première fleur espérait que Pandora ne comprenne pas où elle voulait en venir, ce qu’elle voulait dire.
Le fait de passer à ce qu’elle pensait de lui était donc le meilleur moyen de passer à autre chose. La confusion qui se lit dans ses yeux. Il faut croire que la jeune duchesse ne maîtrise pas tant de sujet pour réagir ainsi.
En lisant dans les yeux le peu de malice exposé par Félicie, son sourire qui suit pour donner une réponse qui n’était pas celle demandée.
Purement médical dit-elle. Encore une fois, la prêtresse s’en trouve amusée avant de la rassurer qu’elle n’était pas réellement obligé de lui répondre. Sa réaction suffit à montrer son inexpérience sur le sujet, autant que lui d’ailleurs.
L’idée qu’elle puisse les laisser en face à face avec interdiction de parler boulot, juste entre deux jeunes personnes célibataire lui traverse l’esprit.
Félicie pouvait bien cacher qu’elle avait déjà essayé de l’attirer vers elle, mais sans grand succès. Trop timide, trop fermé. Elle pouvait déjà s’estimer heureuse d’être considéré comme une sœur. C’est déjà bien suffisant avec du recul, malgré le fait de maudire sa nature gorgoroth. La vie est faite ainsi. Pandora est une bonne candidate, mais leur monde respectif est bien trop différent en plus des erreurs passées du jeune homme sur la noblesse.

Une fois de plus, pour détourner le sujet, du côté de la princesse cette fois, elle demande à l’ausculter lors de sa méditation. Félicie se fait prudente d’un seul coup, croise les bras sous sa poitrine et fait un léger signe négatif de la tête.

- Il est préférable d’éviter. Autant pour votre sécurité que pour la sienne. Qui sait ce qui pourrait arriver si le déranger pendant une discussion provoquerait ce que l’on appelle une recrudescence. Les murs de la tente sont fragiles…

Les murs de la tente… La dernière s’est manifesté dans le temple ou les murs sont faits de pierre. Quelle que soit la force d’une plante, elle n’a jamais tenté de passer outre pour s’exposer… Alors à travers une tente, une recrudescence ne pourrait trouver de limite et donc s’étendre bien au-delà qu’un simple bureau. On peut alors imaginer les conséquences, que ça soit pour le peuple alentour que pour le haut-prêtre lui-même qui se verrait pomper son essence divine bien plus fortement qu’un petit espace.

- Il est préférable d’attendre qu’il soit conscient pour…

Félicie s’interrompt, une petite voix appelle à l’aide à l’instant d’après. Une voix très faible après la chute d’un ou plusieurs objets dans un fracas de bois et de métal. Félicie semblait avoir senti le mouvement à l’intérieur de la tente, son cristal était discrètement luminescent dans le décolleté de sa robe
Duscisio s’était réveillé dans la tente, affaiblit et déshydraté. Les muscles trop raides, ne sentant plus ses membres, il chuta immédiatement après d’être levé.
Félicie qui entre en trombe voit le haut-prêtre à terre. Suivie de Pandora derrière elle, la prêtresse le mets sur le dos la tête sur son bras.

- Apportez-moi de l’eau… vite…

À sa demande un peu brusque - elle s'en excusera plus tard - Pandora lui fournit l’eau de la gourde qu’elle garde à sa ceinture. Remercier silencieusement, Félicie le fait boire doucement, jusqu’à la dernière goutte. Presque mécontente qu’il y en ait si peu, la jeune Vane propose de faire appel à ses gens pour l’urgence. Ce n’est pas la meilleure idée, mais c’est nécessaire.

- Je vais m’en occuper...

La prêtresse l’aide à se mettre debout pour prendre place sur une chaise non loin, un dossier confortable, un coussin, n’importe quoi de souple pour soulager ses muscles endoloris par l’immobilité.
Elle rassemble assez d'appui pour le maintenir dans une posture confortable. L’idéal serait qu’il bouge… Mais pas dans son état.
Une fois installé, la gorgoroth pose une main sur son front encore chaud et commence à se relever.

- Elle a accepté…

Le silence revient et Félicie arrête sa lancée comme si quelque chose n’allait pas. Un mélange d’incompréhension et de joie s’affiche sur le visage de la prêtresse, mais le ton de l’albinos donne bel et bien l’impression d’une mauvaise nouvelle.

- Ce n’est pas normal… Pourquoi elle accepterait ? Elle assume le fait qu’elle soit un danger, pour moi ou pour les autres... Pourquoi un changement d’avis qui est contre sa nature ? Ce n’est pas normal…

Lentement, Duscisio balbutiait ses propos, surexcité, comme s’il s’attendait au pire. Le mieux serait qu’il résume la conversation qu’il a eue avec la Pistilose. Seulement après avoir avalé quelque chose et retrouver ses sensations. Félicie le fait taire pour économiser son énergie.

- Je vais chercher quelques chose pour le remettre sur pied. Pouvez-vous rester avec lui, Dame Vane ? Ne le laissez pas s’endormir… Par précaution.

Félicie attend sa réponse avant de sortir de la tente. De quoi manger, de quoi boire. C’est la seule chose à laquelle elle pense dans l’immédiat. L’herboriste qu’elle est resté pensera sans doute à d’autres astuces.

- J’ai juste perdu l’équilibre.

Disant ça d’un air détaché, il oublie le fait qu’il ne sent plus rien, ni souffrance, ni douleur, ni crampe. Il aurait juste « perdu l’équilibre ». Les quelques heures de méditation passée dans la même posture lui ont engourdi ses membres.
Les quelques bleus apparaissent à certains endroits témoignent de la maladresse involontaire du jeune homme. Néanmoins, il ne semble pas vouloir bouger, sans doute trop faible. Il s’endormirait presque, par fatigue physique et magique au vu que ses réserves doivent bien être entamées.
Pandora avait surtout idée de le secouer ou de parler pour l’y empêcher. Contre toute attente, c’est lui qui emboîte le pas, comme un instinct de survie.

- Désolé de me montrer si peu présentable, Dame Vanes. Après notre conversation ce matin, il fallait que je lui parle.

Visiblement, Duscisio ignorait qu’une journée et une nuit entière s’étaient écoulé depuis leur conversation. Il devait prendre le peu de lueur naturelle qui passe à travers la tente comme l’approche du crépuscule.

Duscisio ne pouvait que regarder Félicie partir, pour lui qui ne s’était absenté que quelques heures. Certes, il est resté bien plus longtemps que d’ordinaire, seulement la discussion était d’une importance cruciale. Malgré ça, il est passé par quatre chemins avant de venir au fait.
Il ne pouvait pas l’avouer ni le prouver, son échange est passé d’une conversation banale, une conversation de tous les jours avant de passer un temps de silence comme celui à l’instant d’après ses excuses. La suite a été compliquée à engager par peur de représailles ou simplement qu’elle refuse catégoriquement de luter contre sa nature, ce qu’elle fait déjà en partie pour éviter de disparaître grâce à un accord mutuel. Seulement, le changement d’avis en lui demandant quelques graines lui a fait penser qu’elle pourrait avoir des enfants. Quand elle a appris que ses derniers ne seront que de courte durée, elle a bien entendu cherché des explications.
Quand Pandora le sort de ses pensées en lui demandant ce qu’elle avait accepté, il se mut dans un silence encore quelques instants, comme pour chercher ses mots. Fallait-il lui expliquer la situation ?

- Elle a accepté de disparaître, elle et ses « enfants » : les 10 fleurs. Comme le fait de nous aider à s’éteindre.
C’est ça que je ne comprends pas…

De lui-même, Duscisio ne pouvait accepter de disparaître sans laisser de trace. Rien que le fait d’agir pour la vie, d’aider un maximum de gens, c’est laisser une trace.

- Quand je lui ai parlé du fait de faire revenir ses enfants pour éviter qu’elle se propage, elle semblait avoir déjà compris ce qu’il allait se passer, comme d’une évidence. C’est là qu’on a parlé des moments passés ensemble…

C’est sûrement à partir de là que Duscisio a commencé à pleurer. Si on croit les traces de ses larmes, il devait avoir laisser couler ses sentiments pendant plusieurs heures.

- Je sais que c’est difficile à croire, mais nous nous sommes parlé comme des amis qui se prépare à se dire adieu après tant d’années. Du coup je ne comprends pas pourquoi elle a tout accepté. Les expériences, les auscultations, trouver un remède… Tout…

Bien que Duscisio cherche a bougé pour pouvoir mettre la main sur son cœur, il se contenta de tourner son poignet pour exposer l’un des bourgeons et regarder la plante avec qui partage son corps.

- J’ai peur qu’elle me mente…

Si sa peur est justifiée, le pire est à craindre. Duscisio refuse de porter atteinte à la population qui a pour principe de protéger. Tuer ses 10 enfants est déjà à la limite du supportable, alors mettre fin à sa propre vie…
Alors en pensant aux conséquences d’un éventuel mensonge, il se remit à sangloter.

- Je… Je… Je ne veux pas mourir…

Voici ce que Félicie voulait en venir quand elle parlait de laisser Catléya toute seule. Guérir ou plus précisément, tuer la Pistilose, pourrait être synonyme de sa propre mort.

Des larmes, encore des larmes et des lamentations. Le désespoir et la peur de s’effacer. La perte d’être cher et d’une vie qu’il ne désire pas arrêter. Il ne veut pas mourir. Il n’a jamais voulu mourir. Que se soient dans les pires moments où le moral inexistant n’existe pas. Quand ça ne va pas aujourd’hui, ça ira mieux demain, le sur-lendemain, ou le jour suivant. Un choix de vivre malgré toute la douleur psychologique qu’il peut endurer.
Il expulse chaque seconde de mal-être par l’eau légèrement salé du coin de ses yeux, loin d’imaginer qu’il était en train de se confier à une femme qu’il ne connaît que très peu.
Pourtant, un geste de cette femme que l’on ne pourrait soupçonner de sa part. Sa main, chaleureuse, se pose sur son visage pour y coller front à front. Les yeux d’or dans les yeux roses, une main délicate dans les fils d’argent. La confusion du geste se lit dans son regard. Duscisio ignore ce qu’elle compte faire, mais ce geste est réconfortant et embarrassant à la fois. A-t-il confiance en elle ?
Il baisse très légèrement la tête, collant toujours son front et fuyant quelques instants son regard pour inspirer silencieusement.
Il rouvre les yeux, un peu plus calme.

- Depuis le premier jour...

Ses mots se révèlent comme une déclaration presque sans arrière-pensée. L’instant d’après, Pandora colle le front contre le sien. Une teinte très légèrement rosée colore ses joues à son tour, un peu comme s’il attendait autre chose de la jeune femme. Il n’en était rien et le calme revenu pour se sortir quelques pensées morbides et déplacées de sa tête.
C’est quasiment comme un ordre, une requête, qu’il prend, le fait de ne pas perdre espoir
La princesse d’Heldor se redresse alors que Félicie entre en compagnie de plusieurs personnes, portant de l’eau et de quoi manger.

Jamais il n’aurait pensé une telle proximité. Il en est quelque peu chamboulé de ce qu’il vient de se passer. De loin, cette femme est magnifique. De près, elle est sensuelle et déterminée. Et puis il y a quelques chose. Duscisio se fait peut-être des idées.
En voyant ses joues légèrement roses, Félicie laisse passer un large sourire entre la reconnaissance et la malice après que la Dame de Vanes leur confit la suite. Deux prêtres et le médecin du temple accompagnent la première fleur qui estime par l’attitude du haut-prêtre que quelque chose s’était passé pour qu’il retrouve ainsi son calme.

- Laissez- moi vous examiner. Commence le médecin. Vous n’avez rien bu ni manger depuis hier.
- Hier ? Mais…

Le regard de Félicie affirme ses propos. Jamais il n’avait été question de méditer aussi longtemps, surtout durant une nuit complète.
Déshydraté, il avait soif. Ce qui semblait normal après une méditation au vu qu’il prend l’habitude de voir avant et après chacune d’entre elle.
Plusieurs minutes après, le haut-prêtre reprend de l’eau et mange un minimum en écoutant le diagnostic du médecin qui s’est déplacé. S’il s’alimente correctement, il n’y avait plus rien à craindre. Le plus étonnant était l’absence de mouvement de la plante Parasite dans les dernières minutes, comme si elle s’était endormi à son tour.
Les prochaines heures s’apparentent au repos. Autorisé à dormir quelques heures, le temps à Dame Vanes Pandora de revenir.

Quelques heures plus tard, la Rose d’Heldor retourne auprès des deux parasités avec une drôle de coiffure et le pantalon sale pour les inviter à la suivre.
Si les deux herboristes sont à présent dans leur habit de travail, l’un est accompagné de Pandora l’autre d’Azura. L’un comme l’autre entame une très courte conversation. Comme Duscisio ne compte pas revenir ce qu’il s’est passé ce matin même, il ne répond que par un léger sourire.
Le groupe s’éloigne du camp et donc de l’hôpital en direction d’un petit bois à côté d’un des champs autour du village.
La précision sur les préférences des prochaines actions, laisser les soignants se concentrés sur la fièvre, éloigner la Pistilose de la population. La clairière affiche une petite maison, plus précisément ce qu’il en reste. Habité par un trappeur puis par des personnes moins fréquentable qui volait les marchants pour cacher leur butin au sous-sol.
Bien que prudent, Duscisio se doute bien que les mener ici n’était pas un hasard. Félicie par contre paraît un peu plus nerveuse.
Une trappe descend vers le fameux sous-sol, Félicie ne semble pas calmer sa nervosité bien qu’elle suit Duscisio sans broncher. Le couloir agrandit les lieux, il fait assez sombre malgré les quelques éclairages. Quelques outils de chimies et d’herboristerie sont installée ici et là.
Alors que les deux représentants de Delil sont en train d’observer les lieux de différentes manières, Pandora se pressente face à eux en même temps qu’un froid métallique entoure leur cou respectif dans un cliquetis à l’unisson.
La stupeur se lit dans le regard des deux personnes. Félicie prend le réflexe de se tenir le cou, puis le collier pour le retirer, en vain. Tandis que Duscisio, ne connaissant que trop bien cette sensation, essaie malgré tout d’utiliser tous ses pouvoirs un à un dans un très court laps de temps, sa main est parcourue de plusieurs spasmes durant la manœuvre.
Impossible de communiquer avec la Pistilose, se fournir une épée, manipuler la terre, l’électricité, la roche et encore moins l’air. Le son caractéristique d’un mur magique qui se dresse derrière eux. Par contre, Ookra et Azura n’avaient pas prévu d’être séparé de la duchesse.
Ils étaient maintenant tous les trois enfermés sous terre. Félicie fut la première à réagir très vite retenu par Duscisio qui lui prit le poignet et le collier de ses deux mains pour lui tordre le bras derrière son dos et la bloquer.

- Lâche-moi !
- Silence… dit-il d’une voix autoritaire.

Cette dernière explique alors la manœuvre qui était d’éviter d’alerter la Pistilose elle-même. C’est malin de sa part, seulement cela n’explique pas pourquoi elle s’est séparé des deux autres. S’il le voulait, il n’aurait qu’à aider Félicie à prendre Pandora en otage et l’obliger à coopérer.
Autre point… Duscisio lui a clairement fait confiance pour immobiliser Félicie le plus vite possible. Encore en train de se débattre, son mentor est beaucoup trop fort pour elle et fini par se calmer au bout de quelques minutes. Sans relâcher l’étreinte, l’argenté dévisage à présent la duchesse. Une telle mesure, il n’y avait que deux solutions. Bien qu’il n’en ait qu’une seule en tête, elle semble improbable. Il essaie quand même.

- Pandora… Avez-vous de la « Dame blanche » ?

La dame blanche. L’ingrédient clé a la guérison d’un infecté de la Pistilose. Son action mets un terme au parasitage en empoisonnant directement la graine sans affecter la plante en elle-même. S’il n’y a pas plus de précision, le fait de poser cette question pourrait changer pas mal de chose.
Mais avoir une graine de cette plante ultra-rare, cela ne pouvait que tenir des deux herboristes et de leur connaissance. Une chance sur un million que la réponse soit positive.

Évidement, qu’il n’en avait pas.
Déçu, Duscisio soupire longuement au vu d’une solution aussi parfaite, inexistante à l’heure actuelle. Seulement, il y a quelque choses d’autres. Pandora semblait sûre de ce qu’elle faisait.
Ookra qui menaçait de détruire le mur à mains nues se voit offrir une petite fenêtre pour communiquer et recevoir les excuses avant de parler avec autorisation du haut-prêtre de la Dame blanche. Là non plus, Ookra reste sur la négation. Deux chances sur un million qui ne se sont pas manifesté. Il ne faut pas rêver non plus. Même une graine aurait suffi, mais tout le monde n’est pas comme le collectionneur qu’est Duscisio, l’herboriste.
L’argenté lui donne tout de même un avertissement à sa conseillère :

- Vous me laissez faire, où je demanderai à Pandora et ses collèges de vous enfermer jusqu’à qu’une solution soit trouvé. Est-ce bien clair ?
- Très clair…

Félicie se résout à coopérer et arrête de se débattre après avoir reçu l’invitation à s’asseoir. La punition qu’il menace de faire est très lourde. Même si elle est Gorgoroth et que le manque d’eau et de nourriture n’est pas une gêne, être enfermé pendant plusieurs jours, voir semaine est une torture qui vous détruit une personne. C’est bien trop sévère. Pourtant, c'est la menace qu’à provoquer Duscisio. Il est très sérieux dans ce qu’il dit et ce qu’il fait, et finit toujours par tenir parole. Sans compter qu’elle n’a aucune intention de vouloir se séparer de lui pour de multiples raisons.

En suivant Pandora dans l’une des pièces voisines pour s’asseoir et exposer ses idées.
D’après la jeune femme, le camp des mages est capable d’extraire les maladies. Une longue procédure suivant chacune d’entre elle. Plusieurs semaines rien que pour la Fièvre de Cendre.
On parle ici de faire la même chose pour la Pistilose. Ça lui semble envisageable, mais on parle de la Pistilose. Même enfermé dans de l’intra sans possibilité d’agir, il s’agit d’une plante parasite qui a un semblant de personnalité et de conscience bien plus évoluer qu’une plante normale. Sans compter qu’elle a eu Duscisio pour hôte pendant plusieurs années. Parmi les exceptions, il n’y a pas plus rare.
L’idée nécessite une opération pour extraire les racines elle-même. Un étrange regard s’observe sur le haut-prêtre, indescriptible.
En entendant la description de la Raiko qu’il connaissait comme tout maître herboriste qui se respecte sans en avoir eu l’utilité ou l’usage dans la moindre solution, potion ou remèdes. Une piqûre de rappel n’est jamais refusée.
Le fait de vampiriser les autres plantes est une idée qu’il serait bon d’exploiter. Isoler cette caractéristique pour l’appliquer à la Pistilose, pour ne plus craindre ses spores. Un seul bémol, l’effet secondaire de la stérilité.

- Il serait plus justifié de tester sur moi… Je ne peux avoir d’enfants…
- Non…

Félicie réagit à la négation qui est bien trop rapide. Duscisio lui continue de regarder Pandora dans les yeux, pendant qu’il pose un bras sur la table, l’autre caché dessous.

- Dites-moi ce que vous voyez ? Pas d’image. Dite moi ce que vous voyez dans mes yeux ?

Qu’y a-t-il à voir précisément ? Félicie s’interroge sur cette étrange question. Il attire le regard de tout le monde sur ses propres yeux d’or et rien d’autre, jusqu’à qu’un geste vif et agressif alerte toutes les personnes présentes dans la pièce à se défendre immédiatement. Le bras levé armé d’un outil tranchant, l’agression vers Félicie ou Pandora semble la première chose à laquelle on pense jusqu’à qu’il le plante dans son propre bras et fasse une entaille de plusieurs centimètres le long du poignet. C’est une action très douloureuse, pourtant Duscisio ne montre aucun signe de souffrance. Il s’est ouvert plusieurs veines et saigne, du sang… de couleur jaune, comme ses yeux, sort lentement de son poignet.

- Ce sang, ou plutôt cette sève, parcourt tout mon corps et remplace le sang. Si quelqu’un doit faire les expériences, c’est moi et personne d’autre.

Il fait une pause en pensant que ce qu’il vient de montrer une évidente et préfère le mettre au clair pendant que Pandora, se trouve peut-être choquer par le geste.

- Je ne sens plus la douleur depuis l’osmose.

Duscisio dit toutes ses révélations dans le plus grand des calmes. Seulement, il y a bien une seule chose qui l’inquiète, c’est le temps nécessaire à ses expériences. Il ajoute donc une condition.

- Si vous voulez qu’on fasse ses essais, j’ai besoin de prévenir mon convoi de mes absences répété. Félicie restera dans le camp, pouvoirs scellés, pour s’occuper de Catleya que j’aimerais voir tous les jours pour ne pas l’inquiéter.
Le collier est plutôt fin, si nécessaire, on peut le cacher sous le col pour garder également mes pouvoirs sceller… Bien que ça ne soit pas très agréable.

Actuellement, Duscisio ne sait pas lui-même s’il y aura une quelconque utilité à devoir utiliser sa magie, il s’abstient en conséquence d’ajouter une précision sur le sujet.

Félicie reste immobile et très perplexe à l’idée que Duscisio demande à la jeune femme de regarder ses yeux pour savoir ce qu’il y avait à voir. S’il voulait lui montrer que son sang était de la même couleur que ses yeux – dire l’inverse est serait plus correcte dans ce cas-là – il suffisait juste de prendre un temps avec l’outil pour une petite entaille, pas une plaie ouverte comme celle-là. Félicie est donc aussi surprise d’un tel geste, alors qu’elle lui avait dit de ne jamais recommencer. Elle ne prononça pas un seul mot, mais reste interloqué jusqu’à que la Rose d’Heldor use de magie pour faire disparaître à nouveau cette plaie, comme la veille. Magie très associée à son surnom en prodiguant un soin efficace sous forme de ronce et de fleurs transparente, suivi d’un fils d’or.
Pandora a l’air contrarié que son interlocuteur se traite aussi mal. Le terme utilisé étonne plus Duscisio que sa conseillère, la jeune femme la voit comme une personne de valeur. Peu probable qu’il ne l’entend de la même manière, il s’excuse du regard avant de poser son outil.
Elle n’avait pas terminé, il fallait quelques explications supplémentaires. Prenant le temps de bien choisir ses mots, la duchesse se montre très claire sur quelques points.
Les deux parasités sont concernés par les essais. Il ne s’agissait pas de se concentrer sur une seule personne, même volontaire, pour avoir de bons résultats. Comme Pandora l’énonce, il y a deux peuples dans cette même pièce. Ne pas prendre cette occasion pour parfaire la solution de guérison serait une belle bêtise. Les deux herboristes comprennent très facilement, au vu qu’ils touchent tous les deux dans la logique médicale.

L’expression de la Rose donnait bien l’impression de vouloir donner une mauvaise nouvelle et la raison de leur présence dans ses lieux et son aménagement.
Aucun d’entre eux ne restera au camp, et les dix fleurs dont les messagers ont déjà été envoyés les informer de leur prochaine destination sont également comptés.
Félicie, dans les messages envoyés, ordonne de faire passer leur départ d’après livraison et distribution et annule la formation de mage sans préciser pourquoi. Jusqu’ils doivent tous se rendre dans le Duché de Vanes. Les premiers arrivés seront sans le moindre de doute les trois fleurs envoyés à Hesperia d'ici à deux semaines.

- Mais attendez, c’est impossible. Ce convoi est sous la responsabilité de haut-prêtre, il ne peut…
- Nous n’avons qu’à leur mentir… Coupe Duscisio. À demi-mot du moins… Tout le convoi doit se concentrer sur l’épidémie de Fièvre des cendres pendant que nous travaillons sur un sujet tout aussi important en parallèle. C’est l’excuse que nous pouvons donner pour notre absence. Nous devions former quelques mages si nécessaire à la base, mais les compétences du personnel du Duché est bien plus suffisante qu’on ne pouvait le croire.

Il regarde Pandora comme celle qui a permis ce point-là. L’hôpital, le personnel… Tout ce qui se trouve ici le devait au duché qui a pris la fièvre au sérieux dès le début. Le temple de Delil pouvait donc leur faire confiance pour continuer comme elle le souhaite.

- Ce que fait Dame Vanes ici même est quelques chose de tellement plus important pour moi que l’épidémie… Moi qui ai abandonné l’idée de guérir de la pistilose pour vivre dans une osmose qui n’en est peut-être pas une…

Duscisio regarde alors Félicie de tout son sérieux, des pieds à la tête.

- Si ce qu’elle dit est juste, il se peut que le fait que tu sois parasitée ne soit pas de mon fait, mais d’une manipulation de la Pistilose à avoir enfin trouvé une occasion de proliférer. Et ça, il n’en est pas question.

Le fait de se faire enfermer ici n’est qu’une punition pour sa stupidité, sa naïveté et de son abandon. Il rejoint l’idée de la duchesse de Vanes.
Sur cet accord, la Rose d’Heldor continue d’énoncer ce qu’elle sait à partir du peu d’information qui lui ont été donnés la veille et ce matin.
Un simulacre d’émotion et de conscience, celle de modifier celle de son hôte tout en gardant un maximum de sa personnalité. En quelques instants, par absence d’essence divine, Duscisio a lui-même l’impression que tout ceci pourrait n’être que vérité. L’envie de propager de plante n’existe plus, tout comme l’idée des dix fleurs qui semble bien trop illogique sur ses pensées de base qui refond surface.

- Faisons en sorte d’utiliser chaque minute du temps qui nous est donné pour expérimenter tout ce qui est possible…

Il détourne son regard vers celle qui pourrait bel et bien être son sauveur, d’un regard plus déterminé qu’avant à cette idée d’une nouvelle possibilité de guérison.
Afin d’être totalement honnête, Duscisio retire la ceinture qui lui sert à mettre graines, outils et quelques autres objets à divers usages. Félicie est invitée à faire de même. Il n’était plus question de surprendre qui que ce soit maintenant que le projet est lancé.

- Dame Vanes, oubliez nos titres, nous sommes vos sujets. Il se coupe quelque instants avant d’ajouter « d’expérience » par mégarde. Sans magie, nous n’avons que nos compétences en herboristerie à mettre à profit. Avez-vous des idées en tête sur la manière de procéder ?

Très vite, Pandora enchaîne sur les dernières heures que compte la journée pour commencer par quelques explications.
Comment les professionnels d’Heldor ont trouvé les ingrédients pour le baume qui a servi lui-même au remède, ainsi que l’utilité hypothétique de la racine de Raiko. Il est possible d’y trouver d’autres informations, mais cela va attendre.
L’autre pile présentée concerne tout ce qui est lié à l’essence divine. Duscisio semblait fort intéressé par ses informations également, pas forcément pour le sujet qui les retient ici malheureusement. Néanmoins, on n'est pas à l’abri d’une information importante en lisant de tels ouvrages.
Puis vient les prélèvements. Félicie est la première à réagir.

- Je doute que vous trouviez du sang à exploiter chez moi…
- De plus, la sève est trop visqueuse pour être prélevé avec une aiguille… Continue Duscisio. J’ai déjà essayé pour des essais personnels. Il va falloir trancher dans le vif.

Le bon côté des choses, c’est qu’il est déjà habitué à prélever sa sève. Le mauvais côté est que c’est justement cette habitude qui fait qu’il s’est mutilé par désespoir. Il ne s’occupera pas de cette partie, préfèrent laisser ça à des mains expertes. Ça sera plus propre.
Les ronces, ce n’est pas ce qu’il manque dans la chevelure, Félicie un peu moins vu que cela ne concerne que les deux roses présents sur les deux côtés de son crâne. Elles ont également retiré à regret. Elle remettra ses décorations factices qu’elle avait déjà avant la Pistilose. Le hasard fait que les fleurs sont de la même couleur.

Quitte à ce qu’elle soit coupée, Duscisio demande à ce qu’elle le soit toute, sur plusieurs heures d’intervalle. Ça retire certes un trait de caractère devenu très commun à l’albinos, seulement il a quelques chose à essayer. Que ce soit avec les noires, les grises et les blanches. Une comparaison se trouve nécessaire. Il a aussi quelques idées derrière la tête en plus des nombreuses tiges qui la parcours. Dès que se fut fait, l’herboriste accompli profite d’un instant pour faire quelques expériences de son côté.
Une fois tous les prélèvements fait, les incisions terminées et soignées par magie, le maitre herboriste par toutes ses manœuvres commence à trouver la fatigue et demande à voir sa chambre plus tôt que les autres. Peut-être que les soleils comment déjà à se coucher à la surface, mais les expériences y sont sans doute pour beaucoup.
Derrière lui, on trouve les roses coupées, trié par nuances de couleur et par heure de coupe. Certaines avait servi à être broyé ou mise à côté d’une pierre de sphène dont certaines d’entre elles émettaient une lueur si faible, qu’il était difficile de les voir. Justifiant du coup certaines questions en tête concernant les roses en elle-même et de présence d’essence divine dans leur simulacre de chlorophylle, présente seulement sur celle coupée dans la dernière heure.

Félicie profite qu’elles soient seules à nouveau pour discuter entre femme et de détail qu’il lui serait bon de partager.
Pandora restait quand même sur ses gardes, même si cela se voit à peine. La peur d’une attaque surprise pour se sortir d’ici n’est pas à exclure et cela se comprend. Seulement il y a un détail qu’il faut prendre en compte. Félicie est là pour le lui dire.

- Relâchez la pression… Je ne vous ferai rien… commence-t-elle, très calme. Si je devais lever la main sur vous, sans mauvais jeu de mot, Duscisio me tuerais…

Posant sa main sur l’une des piles de livre, elle garde un visage serein pour montrer qu’elle ira dans le même sens que le Haut-prêtre. Et puis cette phrase, donnant l’impression que Pandora occupe une place trop importante à partir d’aujourd’hui. Sans doute grâce à l’aide qu’elle apporte dans un espoir qu’il avait abandonné depuis longtemps.

- Vous avez beaucoup de responsabilité, mais s’il a décidé de vous faire confiance, j’en ferai de même. De plus, il est fort possible que vous ayez raison sur la Pistilose…

Cette fois, la prêtresse change de ton, un ton plus grave.

- Son changement d’avis, sur le fait de la partager, est bien trop soudain. Commence-t-elle. Lui qui s’est toujours refusé de le faire, accepte de donner un sac de quinze graines. Nous avons été idiots et avons accepté sans réfléchir sous le signe de providence de Delil. Il s’est passé quelques choses au Haut-monastère qui à réveiller en elle… Une occasion rêvée de changer la donne.

Ne donnant aucune précision sur ce qui pourrait être l’événement déclencheur, en tant que sœur et confidente.

- Bien… Tâchez de vous reposer, Dame Vanes. Quand il s’agit d’herboristerie, Duscisio est un vrai bourreau de travail. Quant à moi, je vais parcourir ses livres. La moindre petite solution sera notée pour faciliter notre tâche.

Sans attendre, Félicie se pose sur la chaise et prend le premier livre de la pile et lire jusqu’à que les soleils se lèvent. Du moins jusqu’à l’information que les soleils se soient levés.

Les recherches ne se font pas en heure, mais en journée entière. Sans magie, les possibilités de manœuvre de Duscisio sont assez limitées et il doit se priver de certaines expérimentations à juste titre. C’est malheureux, seulement au vu des circonstance, l’albinos ne peut que se contenter de faire de la lecture, des analyses et de l’herboristerie à proprement parler.
Félicie passe son temps dans les livres. Quitte à relire ceux qu’elle avait déjà parcourus même au nombre conséquent d’ouvrages à disposition. Notant, triant, jetant ce qui n’était plus utile, jusqu’à aller retrouver les bout de papier pour les exposer à nouveau sur la même pile de note.

Chaque matin, comme convenu, Duscisio pouvait voir Catleya et lui parler et jouer quelques brefs instants. Bien sûr, qu’elle remarque le collier, alors quand le père lui précise que c’est nécessaire que la guérison de son père allait possiblement voir le jour. La réaction de l’enfant restait dubitative comme savoir ce que ça pourrait changer. À la fin, le fait de la rassurer en lui promettant d’être toujours avec elle allait se tenir, cette promesse doit se tenir.
Duscisio ne se retire pas l’idée de la tête qu’il pourrait très bien y laisser la vie, mais il le garde pour lui. Ne l’énonce ni à Félicie qui pourrait jouer les psychologues. Ni à la petite fille pour qu’elle ne pense pas à qu’elle pourrait être à nouveau toute seule, ni même à Pandora présente pour prévenir une potentielle épidémie bien plus grave que ce qu’il y a eu jusqu’à maintenant.

Les expérimentations de Duscisio se résume sur quelques parchemins pour l’instant et des notes personnelles qu’il garde en tête. Il a des idées, elles font froid dans le dos, mais ça reste en lien avec l’essence divine.
A noté que les premiers écrits ne font qu’état des roses coupés et que les très faibles trace d’essence divine relevée avec les pierres de sphènes confirme quelques théories qu’il n’avait pas vraiment prises le temps de constater.
Depuis qu’il a ce collier, Duscisio se sent beaucoup plus libre. Malheureusement, il est un peu plus las également. Des gestes facilités avec la magie qu’il ne peut plus utiliser, le manque de discussion avec la Pistilose qui se trouve privé de toute énergie pour entrer dans un état latent sans que l’on ne l’ait prévenu. Elle pourrait être furieuse. Les prochains jours seront difficiles à cause d’une certaine adaptabilité, mais il n’y a pas à s’en préoccuper. Duscisio reste un terran, même altéré par la plante.

À cause des expérimentations, il y eu par ailleurs quelques disputes. La plus marquante étant les gestes qu’il s’était fait interdire, que cela soit par Félicie qui détestait ça, ou Pandora qui dès le premier jour lui a dit de s'accorder un peu plus de valeur.
Même s’il se cachait, au bout de quelques heures, le geste s’est fait remarquer quand Félicie lève les yeux de ses livres pour y découvrir les faits et gestes de l’albinos.
La sève qu’il récoltait pour ses propres expériences en s’ouvrant à nouveau les veines, justifié par l’analyse propre de l’état de la Pistilose endormi depuis plusieurs jours. Les fioles dans lesquelles était rempli de liquide dorée, et d’une pierre de sphène qui mesurait l’essence divine sous une faible lueur sont posées sur une des tables de travail.

- J’ai besoin d’information.

C’est ça seule excuse et cela lui suffit.
Peu importe à quelle intonation, Félicie criait. Le maître herboriste restait parfaitement objectif alors que ses plaies restaient ouvertes bien que recouvert de bandages. Sans comptait, que son regard n’était pas du tout le même qu’avant. Depuis que ce collier est à son cou, on retrouve le Duscisio d’avant. Le passionné d’herboristerie et de magie, qui pousse ses expérimentations jusqu’aux bouts. Si l’absence de douleur lui permet d’aller encore plus loin, avec un sang très visqueux et collant qui l’empêche d’en perdre tout en cicatrisant facilement. Il n’en reste pas moins l’un de la mage les plus puissants et des herboristes les plus réputés. La combinaison des deux ont fait qu’il pouvait donc se permettre tous ses essais à commencer par la Pistilose qui potentiellement utilise cette force contre lui.
La dispute se termine bien que la prêtresse ne lui pardonne toujours pas. Le temps passe et sous deux ou trois jours, le calme remplace les tensions.
Sans compter que les plaies sont également utilisées pour trouver les racines à l’intérieur de son bras, toujours au niveau du poignet, non loin du bourgeon qui sort de sa peau pour y mettre une racine de raiko.
Le sang récupéré, très vite justifié pour y essayer l’hypothèse de Pandora après les avoir essayés sur les ronces. Rien n’a été absorbé à l’extérieur pour le moment. De ce fait, il essaie directement à l’intérieur.
Cela dit… aucun résultat n’a encore pu voir le jour, ni aucune modification que ce soit visible sur les deux herboristes. Ce n’est qu’une question de temps…

Le jour suivant, après une autre session d’expérience et de recherche d’information, le soir revient et Félicie qui s’enferme encore une fois dans quelques livres apportés par le ravitaillement.
Duscisio s’approche de Pandora, moins las qu’avant. Certes, on commence à sentir la fatigue du soir, mais il ne trouvera pas le sommeil tranquille avant de lui parler d’un petit détail.

- Vous ne quittez pas les lieux depuis notre premier jour. Pourquoi ?

Duscisio qui s’était posé la question depuis deux jours n’osait pas l’approcher pour lui en parler. Le fiat que ce soit lui et non Félicie qui lui parle était plutôt courageux de sa part également. Il ne fallait pas d’ambiguïté… Surtout avec la prêtresse qui pourrait se faire des idées pour le taquiner encore une fois. En bien comme en mal.

- Je sais que notre cas est à part, mais vous devriez sortir pour donner des nouvelles de vos proches.

Dépourvu de mauvaise intention, Duscisio ne pense qu’au bien fait, entre la famille, l’hôpital, l’épidémie et ses propres fonctions au sein de la haut-noblesse. Le Duscisio bienveillant que l’on n'avait pas vu depuis longtemps.
La connaître un petit peu plus par lui-même pourrait être l’une des raisons. Il pourrait très bien venir le temps où il prendra tout le temps et les questions qui restent en tête depuis plus d’un an pour en savoir plus sur elle.

Sa famille ne s’inquiétera pas pour moi, dit-elle.
Duscisio ne sait pas vraiment comment prendre la tournure de cette phrase. Il ignore ce qu’est une vie de famille dans la haute-société où si Pandora a une place à part. Comme de multiples questions qui lui restent en tête, l’albinos s’abstient de les lui poser malgré la curiosité qui lui brûle les lèvres.
Quant à la suite, se sentir obliger de partager la punition tel un fardeau. Il pourrait relever, et ne fais qu’un simple balancement négatif de la tête en la laissant terminer ses phrases.

- Loin d’être un fardeau, très loin…

Il s’appuie sur le meuble le plus proche pour la laisser continuer. Comme déjà conclut, le personnel à l’hôpital est suffisamment compétant pour se passer d’elle, qui leur donnait toute confiance. Sans compter le personnel du temple qui aidait à la tâche en suivant ses instructions données bien avant leur venue. Si son absence peut paraître étrange, il continuera de faire ce qui est convenu. De plus, il peut voir sa fille adoptive régulièrement, il ne pouvait donc que continuer cette lancée.

La discussion continue sur leurs recherches respectives et le fait d’avoir éventuellement une idée similaire, surtout sur le fait que la Pistilose se nourrissait d’essence divine. Son idée d’hôte artificiel est plutôt bonne à une exception près.

- Si l’abondance d’essence divine marche et qu’aucun autre critère n’est pris en compte, oui ça peut marcher. Sauf que...

Il était temps de prendre sa théorie comme principe de base.

- Ce n’est pas l’abondance qui importe, c’est d’en avoir. On sait aujourd'hui, que ce soit par les dix ou parce que nous sommes tous faits ainsi, chaque personne de chaque peuple est né avec de l’essence divine naturellement.
Quelle que soit la quantité, cette plante ira d’ordinaire absorber tout ce qu’elle peut pour faire au moins une fleur pour se propager. C’est pour ça qu’à la première épidémie, il y a eu autant de victimes. Une seule fleur peut propager suffisamment de pollen pour contaminer une petite zone. Seulement, le pollen ne vit pas longtemps à l’air libre, contrairement à la graine. Il lui faut se cacher rapidement. D’où le fait qu’il ne lui faut que quelques minutes pour infecter quelqu’un.

Il marque une pause pour la conclusion à son hypothèse.

- Si vous voulez faire un hôte artificiel, il lui faut un endroit, pas forcément chaud comme on peut le voir avec Félicie, mais à l’abri de l’extérieur tant qu’elle n’est pas parfaitement installée.

Malgré tout, il n’a toujours pas terminé ses explications sur l’abondance. Cette fois, c'est sa propre existence qu’il utilise.

- Concernant l’abondance, je ne peux que me prendre pour exemple. J’étudie l’herboristerie et me passionne pour l’essence divine depuis tout petit. Le destin a fait que j’ai du abandonné l’idée d’étudier plus poussivement la magie à la mort de mes parents alors que je n’avais que 15 ans pour reprendre l’herboristerie plus tard, mais passons.

Il avait fait son deuil et vivait en continuant d’exercer ce qu’il avait appris d’eux. Il n’était pas triste… Enfin pas totalement. La perte de ses parents est toujours un moment difficile. Sans compter qu’il avait maintenant quitté Hesperia pour le temple de Delil. La boutique n’est plus aujourd’hui, mais il continue toujours d’exercer en tant qu’herboriste et donc de continuer leur mémoire. Ça n’a jamais été un regret, pour preuve à ce qu’il est devenu aujourd’hui comme il est actuellement en train d’étendre son savoir auprès de la jeune femme.

- En étudiant la magie, ou l’essence divine, je me suis omis de partager certaines théories sans pour autant abandonner la quête de savoir et de ce fait le fait de pouvoir maîtriser mes propres pouvoirs.
Chaque personne née avec trois pouvoirs. Il ne le sait pas forcément, certain se contente d’un seul sans étudier les autres. D'autres n'y prêtent jamais attention, ou le font tardivement.
En ce qui me concerne, je n’ai jamais cessé de m’entraîner, jusqu’à avoir trois autres pouvoirs aujourd’hui, dont celle que l’on peut généraliser sous le nom du Contrôle des Plantes.
Je communique avec elle aujourd’hui. Ce n’est pas limité qu’à la Pistilose. Vous en conviendrez, le potentiel magique que je possède peut-être immense. C’est là que l’on revient à elle.

Il pose la main sur sa poitrine pour se désigner.

- Imaginez, que la Pistilose ait senti le potentiel magique que je possède. Cela pourrait expliquer le fait que je sois encore en vie. Si elle a tout fait pour absorber un maximum d’essence divine, étrangement, elle l’a fait avec parcimonie pour augmenter ses chances de survie. Jusqu’à que la bloque de moi-même, trouver une éventuelle solution à la guérison et abandonne...

Il avait beau continuer de parler avec un semblant de passion que ce soit pour la Pistilose, pour l’herboristerie que pour la magie, il en avait perdu le fils et prit un instant pour reprendre ses explications.

- Vous avez dit vous-même qu’il était possible que la Pistilose m’ait sous son contrôle. Ça peut paraître absurde, mais imaginez qu’elle est également ses propres pouvoirs en tant que conscience. Hypnose, contrôle mental, télépathie, absorption d’énergie magique ou vital.

L’idée fait froid dans le dos, mais pourrait tout à faire expliquer le changement d’attitude de Duscisio au fils des mois et des années. Il n’a mis qu’une dizaine de minutes pour en venir à cette conclusion auprès de la jeune duchesse aux cheveux roses. En parlant vite, mais assez clairement pour qu’elle puisse comprendre.

- Avec cette hypothèse, il est tout à fait possible qu’elle ait prise la décision de m’utiliser depuis longtemps pour se propager de manière réfléchit. Et puis il y a autre chose…

Il ne pouvait se retenir. Il prit les délicates mains de la jeune femme pour les mettre entre ses siennes. Rugueuse, mais si chaleureuse. Il la regarde dans les yeux avec une sincérité immense.

- Ne vous considérez pas comme notre fardeau. Au contraire, vous vous engagez à notre… non, ma guérison. Celle que j’ai abandonnée il y a plus de deux ans, peut-être pas par mes propres décisions.
Jamais, ô grand jamais, je ne cesserai de vous exprimer ma gratitude si cela réussit…

Il reste ainsi en dévisageant la jeune femme pour montrer combien il appréciait son aide. Si bien qu’il semblait se réveiller un peu en voyant qu’il se trouve bien plus proche qu’il n’y paraisse. Sa timidité revient donc à la charge et il rougit un peu devant la beauté de la jeune femme et lâche ses mains.

- Pardon… Je me suis un peu emporté…

Il en oublierait presque qu’il venait d’expliquer une hypothèse effrayante. Même Félicie ne paraissait pas vouloir se manifester et les couper dans cet élan. Ce qui est une bonne chose et évite une situation un peu embarrassante...