Entrelacs épineux

Les jours s’enchainaient et s’entremêlaient, tant et si bien qu’il fallait à Pandora et à ses prisonniers bien tenir le compte des allées-venues de leurs rares visiteurs pour mesurer le temps qui passait. L’heure du coucher et du lever des soleils n’était jamais certaine mais la jeune Vanes tentait tout de même de suivre un certain rythme. Elle avait agrandi leur geôle dans les derniers jours, attendant toujours que tous les occupants soient debout avant de débuter ses travaux. Non seulement ils étaient assez bruyants mais ils engendraient aussi des tremblements de terre localisés, si le danger eut été réel il y a encore quelques années, il était désormais jugulé par la maîtrise et l’expérience de l’architecte. Elle ne pouvait cependant pas assurer seule que les livres et les ustensiles ne tombent pas de leurs présentoirs pendant ses manipulations géologiques.

Un nouvel espace s’était ouvert, offrant de nouvelles salles qui seraient bientôt transformées en chambres. Pandora en avait aussi profité pour améliorer leur salle d’eau, le confort était encore spartiate mais au moins ils avaient de l’eau courante en plus des bassines de cuivre.

La voix de Félicie tirait la demoiselle de ses songes, l’empressement qu’elle percevait dans ces quelques mots la fit lever plus vite que l’odeur des croissants. Et par les Dix elle rêvait de croquer dans une viennoiserie. Se précipitant dans ce qui servait aussi bien de laboratoire que de salle commune tant ils y passaient de temps, la jeune femme drapée de sa longue robe de nuit blanche, natte sur l’épaule, rejoignait la gorgoroth en quelques foulées. Elle n’eut pas ni le temps ni le besoin de demander la raison de cet appel, la gelovigienne indiquait le dôme sous lequel se déroulait sa première greffe. La fleur de Pistilose sur laquelle elle avait fait le test était encore à l’état de bourgeon lorsqu’elle l’avait récolté, sa croissance n’avait pas cessé, elle l’avait soigneusement abreuvée d’essence divine et même du sang qu’elle avait prélevé sur Duscisio. Elle l’avait maintenu aussi proche que possible de son ancien environnement, à l’exception de la présence de la Raiko. La fleur avait donc continué à se développer, donnant parfois l’impression d’ignorer totalement la présence de cet autre parasite.

- Kesha soit louée...

La fleur s’était ouverte, ses pétales blancs veinés de noir. C’était assez terrifiant, la vision de ces jolis pétales épurés infestés par de vilaines stries obscures, le signe certain que la plante était atteinte d’un parasite nocif.. Pandora se tournait vers Félicie et se saisissait de ses mains pour les serrer avec ferveur entre les siennes.

- La Raiko a pris le dessus.

La jeune femme sautillait presque d’excitation, après ces longues journées d’attente et de pieux espoirs, il y avait enfin des résultats visibles. Bien sûr, cela ne signifiait pas que la bataille était gagnée. Elle devrait déjà tester la Raiko sur un hôte et cela n’allait que rendre infertile la Pistilose, ce qui était déjà une bonne nouvelle mais, ce n’était pas assez pour Pandora. Si la plante-parasite pouvait contrôler les pensées de ces hôtes, il fallait à tout prix qu’ils réussissent à l’extraire. Mais c’était déjà un début. Un bon début, ils en avaient tous bien besoin.

Toute à sa joie, la jeune femme n’entendit pas Duscisio approcher et ne remarquait sa présence que lorsque sa voix résonnait dans le laboratoire. Il ne semblait pas partager l’exultation de la demoiselle et portait certainement la voix de la raison mais son manque d’optimisme tirait une moue boudeuse sur le visage de Pandora. La demoiselle croisait les bras, ses lèvres pincées et les sourcils froncés en marmonnant :

- Inutile d’être aussi rabat-joie…

Il aurait pu être un peu plus heureux, non ? Cela ne faisait de mal à personne de sauter de joie de temps en temps. La jeune femme, qui semblait effectivement très jeune maintenant qu’elle boudait, retrouvait rapidement son maintient habituel. Délaissant la bouille de l’enfant pour reprendre les traits sérieux de l’éclari et se tourner vers les autres greffes.

- J’ai fait la greffe sur les échantillons de Félicie en même temps mais le protocole n’était pas tout à fait le même, vu la différence entre vos espèces respectives.

L’environnement biologique dans lequel se développait la Pistilose ne semblait pas tenir compte de la température mais ce n’était pas le cas pour la Raiko qui avait elle besoin des éléments plus communs à la croissance d’une plante.

- Il est possible que cela prenne plus de temps. Nous aurons sans doute les résultats en même temps que l’arrivée de vos premiers représentants..

Pandora se redressait de sa rapide observation, passait sa natte dans son dos et s’éloignait vers sa chambre.

- Je vais m’habiller, je ferai des tests complémentaires dans la journée.

La jeune femme se changeait rapidement pour reprendre son travail. Elle avait fini d’aménager leur cave et pouvait se consacrer aux expérimentations. Si elle avait apprécié les conseils du Haut Prêtre lors des travaux d’expansions, elle se demandait aussi s’il ne la prenait pas un peu de haut lorsqu’il s’agissait d’essence divine. Il était certainement très doué et il avait mis en avant sa maîtrise de six pouvoirs mais, Pandora était loin d’être en reste. D’autant plus que la géokinésie avait été le premier pouvoir à se manifester et c’était celui qu’elle maîtrisait le mieux. Elle aussi s’était beaucoup entraînée dans sa vie et si elle n’avait certes pas développé autant de pouvoirs différents que le Haut Prêtre elle avait une endurance magique plus importante que la plupart des isthériens, peut-être même plus importante que celle du Haut Prêtre en personne !

Mais pourquoi cela lui importait ? Elle avait été sous-estimée par la plupart des personnes qu’elle avait côtoyées et notamment par les hommes. Cela ne lui faisait plus rien, le plus souvent elle laissait juste parler, les rares fois où elle avait dû confronter ceux qui pensaient lui être supérieur, la conversation ne s’était jamais très bien finie. La jeune femme se rappelait d’un autre homme aux cheveux blancs et laissait un soupire las quitter ses lèvres. Le conseiller Thorn n’avait rien à voir avec le Haut Prêtre et comparer les deux hommes n’était certainement pas bienvenu. Sans doute que dans les deux cas… elle aurait aimé qu’ils la reconnaissent à sa juste valeur au lieu de se contenter de l’idée qu’ils voulaient bien se faire de ce qu’elle était.

La demoiselle de Vanes décidait, d’un accord unilatéral, de ne plus réfléchir aux hommes, elle avait mieux à faire. Lorsque les autres représentants de Délil seraient arrivés, ce qui ne devrait plus tarder, elle devrait à nouveau missionner Ookra et Azura de les restreindre par surprise. Il ne fallait pas que la Pistilose ait la moindre occasion de se défendre. Cela dit, cette fois elle ne serait pas seule à faire diversion, Duscisio et Félicie réussiront certainement à détourner l’attention, le temps que les colliers soient mis. Ensuite, elle leur expliquerait comme elle l’avait fait, avec patience et autant de délicatesse qu’elle pourrait sans ternir ou détourner la vérité. Elle les soignerait. Qu’ils l’aiment ou qu’ils la détestent pour cela.

– – – – (de gauche à droite) – Lilith, Rose-Marie & Adriel – – – –

Il y avait un enfant. Parmi les infectés, il a fallu qu’il y ait un enfant. Comment pouvait-il être en âge de faire le choix de risquer sa vie ? Parmi les infectés qui étaient morts.. combien n’avaient pas même eu le temps de vivre leur vie ? Pandora se retenait de gifler le Haut Prêtre ou d’enlacer l’enfant. Ses émotions ne devaient pas prendre le dessus. Son coeur souffrait pourtant, en se rappelant toute la légèreté avec laquelle Félicie et Duscisio lui avaient annoncé l’infection de ces quinze cobayes. Ils avaient osé inclure un enfant dans leur folie. Tous étaient coupables à ses yeux, le Haut Prêtre ne pourrait pas se cacher de ses responsabilités derrière la présupposée manipulation de la Pistilose quand bien même elle s’avérait réelle et les autres “Fleurs”, elles n’étaient pas infectées avant d’accepter les graines, elles avaient donc consciemment acceptées de faire ingérer cette plante de malheur à un enfant !

A quel point le culte de Délil était devenu une dangereuse secte ? Pandora serrait si fort les poings, cachés dans ses manches longues, que ses ongles transpercèrent la peau diaphane, faisant perler des rubis liquides dans la paume de ses mains. Elle dû faire preuve du plus grand sang froid pour ré-endosser le rôle qui lui était dévolu, d'hôte, de geôlière et d’éclari.

Elle s’appliquait pour couper les fleurs et les ronces des corps des infectés, les soumettant aux mêmes protocoles. Elle s’étonnait de la forme que prenait la Pistilose, imitant d’autres plantes, pour quelle raison ? Cela devait avoir un lien avec l’essence divine dont elle se nourrissait sur ses hôtes. Les résultats étaient cependant les mêmes lorsqu’elle analysait la structure interne de la plante, si les fleurs avaient des formes et des couleurs diverses, la Pistilose restait Pistilose.

Lorsque Félicie venait la voir pour lui parler en aparté, la jeune femme écoutait mais son esprit était ailleurs. Voilà qu’une des occupantes de la prison était.. quoi, attirée par le Haut Prêtre ou nymphomane ? Cela aurait sans doute provoqué une réaction bien différente si Pandora n’avait pas été aussi en colère. Elle balayait l’air d’un revers de la main.

- Qu’ils fassent ce que bon leur semble, ce sont deux adultes.

La jeune Vanes s’éloignait d’un pas sec avant de se retourner vers Félicie.

- Il faudra tout de même vous interroger un jour sur vos propres responsabilités dans le délitement de votre foi et l’implication d’enfant dans votre folie. Je pleure pour Délil en voyant ce que vous avez fait de son temple. L’antre d’un culte de la personnalité, déconnecté de toute réalité, centré sur un seul homme vous qui avez rejoint des ordres dédiés à la piété et au peuple.

Les mots claquaient comme des coups de fouet, incisifs et sanglants. Les prunelles roses flamboyaient de colère.

- Je ferai tout pour vous soigner et éliminer la Pistilose mais cela ne lavera pas tous vos péchés.

Pandora tournait les talons et s’en retournait à ses expériences. Elle n’adresserait plus un mot à ses prisonniers, s’enfermant physiquement et mentalement, aussi loin d’eux qu’elle le pouvait dans cet espace clos qu’ils devaient pourtant tous partager.

C’est finalement deux jours plus tard que réapparaissait la chevelure rose d’une jeune femme au visage tiré par la fatigue et le travail.

- Les résultats sont positifs, les échantillons du Haut Prêtre et de dame Félicie sont devenus totalement infertiles et les autres suivent les mêmes courbes de progression. Je suis prête à faire les premiers essais sur un hôte. Vous avez été prévenu des risques, la Raiko pourrait vous rendre infertile à votre tour, c’est une possibilité que vous devriez considérer sérieusement. Choisissez qui sera le premier cobaye parmi les adultes. Demain je ferai aussi venir un mage capable de manipuler la flore et nous essaierons d’extraire la plante. Il faudra donc un second cobaye, l’expérience pourrait s’avérer douloureuse, je préconiserai que dame Félicie ou monsieur Balibe se proposent au vu de leur résistance à la douleur.  

L’éclari avait fini de parler, elle rejoignait sa chambre. Les tests commenceraient le lendemain, elle devait dormir, tenter au moins.

Cela faisait maintenant plus de deux semaines qu’ils étaient enfermés dans ce sous-sol. La fatigue et les émotions fortes commençaient à avoir raison de la tempérance de la jeune Vanes, de sa santé aussi. Elle s’arrêtait pourtant lorsque la mère de l’enfant le lui demandait, écoutant ce qu’Adriel avait à lui avouer. Il explique comment il s’était retrouvé avec une graine, sans autorisation. L’éclari s’accroupit pour se mettre à la hauteur du jeune adolescent.

- Je suis désolée si mes mots t’ont touchés. Je ne suis pas en colère contre toi, les enfants ne devraient pas souffrir des erreurs de leurs ainés. Je te remercie de m’avoir dit comment tu as été infecté mais tu n’aurais jamais dû être exposé à ce risque.  

Pandora se redressait, sa voix était aussi douce pour l’enfant qu’elle était dure en répondant aux deux femmes. Ses yeux ont beau être cernés, ils brûlent toujours de la même fureur lorsqu’ils se posent sur le visage de Rose-Marie.

- Écoutez-vous. Vous suivez aveuglément un homme, sautant de la falaise avec lui s’il lui en venait l’envie. Aimer quelqu’un ce n’est pas le suivre dans ses folies, c’est avoir le courage de l’arrêter ou de le quitter. Vous avez la responsabilité d’un enfant, par les Dix, réveillez-vous !  

La jeune femme se tournait vers Félicie.

- Ne vous y trompez pas, je suis autant en colère contre le Haut Prêtre que je le suis contre tous les adultes de votre groupe. Non seulement votre dévotion est malsaine mais vous n’êtes d’aucune aide à celui que vous voulez tant protéger si vous devez lui sacrifier votre libre arbitre.  

Jamais Pandora n’avait eu autant envie de secouer quelqu’un. Elle s’en retournait dans sa chambre, disparaissait sous ses draps et fermait les yeux. Elle voulait sortir, quitter cet endroit et ces gens insensés. Cela n’arriverait pas de si tôt. Ses recherches montraient bien que le processus était long. La jeune femme sortait la tête de ses draps et soupirait en entendant le Haut Prêtre passer sa colère sur un meuble.

Habituellement elle arrivait à faire preuve de plus de contrôle que cela mais elle n’avait pas pu se retenir de dire ce qu’elle avait sur le coeur en découvrant l’enfant infecté. Elle avait du mal à remettre en question cet élan, il fallait bien que quelqu’un leur dise, qu’ils avaient vraiment été idiots et qu’ils fallaient qu’ils se réveillent enfin ! Duscisio n’était pas leur dieu, par les Dix, ils devaient arrêter de se comporter comme s’il était Delil incarné. Il était clair que ce n’était qu’un homme, tiraillé par les mêmes émotions que tous les hommes, souffrant comme tous les hommes. Cela ne voulait pas dire qu’il ne devait pas être aimé mais l’adoration, l’admiration ou quelque soit le nom que donnaient les Fleurs à leur aveuglement, était loin d’être de l’amour et vraisemblablement cela n’avait fait qu’aggraver les décisions du Haut Prêtre.

Pandora soupirait à nouveau, longuement, lourdement. Elle devait cesser d’essayer de comprendre ces gens, elle y perdrait sa santé mentale. Elle avait essayé de comprendre, vraiment, elle avait essayé de garder un esprit ouvert et bienveillant mais il y avait des limites à ne pas dépasser.

Cela étant, son attitude, même si elle était compréhensible, n’engendrait rien de bon. Elle devait être plus intelligente, plus forte que cela. Elle devait gérer cet endroit et ces gens, pour qu’ils avancent tous dans le même sens et aussi rapidement que possible. Il était certain qu’elle n’avait pas anticipé tout cela mais, qu’ils s’aiment ou non, qu’ils se comprennent ou pas totalement, ils devaient tous vivre ensemble et travailler ensemble pour trouver un traitement. Elle devait mettre de côté ses émotions, elles ne faisaient que la ralentir.

Puis... elle devrait laisser les Dix  juger leurs dévots égarés. Si les dieux existaient.

Pandora ramenait ses mains liées sur sa poitrine alors que son regard fixait le plafond. Elle priait, Kesha, Ténéis, de lui offrir assez de clarté d’esprit pour mener sa mission à bien. Elle priait. Son âme se réfugiait dans le réconfort de la croyance, quand bien même elle pouvait remettre en question leur existence, prier les Dix l’apaisait.

Le lendemain, Ookra entrait pour la première fois dans la cave, entièrement habillée de ce qui ressemblait à une combinaison intégrale, son visage caché derrière un fin tissu, on peinait à discerner ses yeux. Pandora accompagnait Félicie et la zélos dans une pièce à part. D’une pression de l’esprit, l’éclari faisait émerger un socle de pierre du sol, assez grand pour allonger la gorgoroth.

- Je vous ai préparé ceci.. j’ignore si cela fera effet mais vous ne risquez rien à essayer.  

Pandora lui tendait un bol dans lequel se trouvait une mixture assez liquide, un mélange de plantes infusées qui avaient des vertus anti-douleur. La gorgoroth était moins sensible à la douleur mais ils ignoraient tous à quel point ce qui allait suivre serait supportable ou non. L’éclari inclinait doucement la tête, sa voix et son regard avaient abandonnés toute trace de colère et de ressentiment. Elle était concentrée et professionnelle, Félicie était sa patiente, elle en prendrait soin jusqu’à sa guérison.

L’éclari laissait Ookra et Félicie commencer l’expérience sans elle, le temps pour elle de s’occuper de Lilith. Elle n’avait pas besoin de salle spéciale, elle laissait qui le souhaitait observer son travail alors qu’elle s’installait avec la sindarine dans le laboratoire.

- Cela devrait être indolore, je vais simplement greffer la racine à une excroissance externe de la Pistilose. D’ailleurs, la Raiko est utilisé par certaine femme pour mettre un terme a des grossesses non souhaitées mais, d’une part, ici la Raiko ne sera pas ingérée par vous-même et d’autre part.. hé bien..  

Pandora baissait un peu le ton pour ne s’adresser qu’à la sindarine.

- Elle n’a aucun effet sur tout autre chose. Si cela devait vous inquiéter.

La terrane n’était pas vraiment à l’aise pour dire à la sindarine que la racine n’avait aucun effet sur la libido, que cela soit bien ou mal d’ailleurs. Pandora abrégeait un peu le sujet et reprenait ce qu’elle était venu faire. La greffe accomplit, sur une ronce proche des omoplates de la belle sindarine, Pandora lui offrait un thé, plus pour la rassurer que pour des vertus quelconque. Elle se dirigeait vers la salle où se trouvait Félicie et Ookra quand elle décidait de changer de trajectoire.  

Devant la porte de Duscisio, la jeune femme hésitait un bref instant avant de frapper.

- Votre culpabilité.. est méritée.  

Pandora se retournait, s’adossait contre la porte, abaissant un instant le menton.

- Et vous êtes responsable de ce que vous décidez d’en faire.  

Elle redressait la tête, l’appuyant contre le bois en regardant le plafond. Sa voix était calme, la colère ne bouillonnait plus dans ses yeux mais elle ne serait pas douce.

- Vous pouvez rester enfermé là-dedans, à vous morfondre et laisser tomber ceux que vous avez embarqués dans votre folie. Vous pouvez vous enterrer vivant ou prétendre que la souffrance que vous vous infligez est à la hauteur de celle que vous leur avez infligée. Vous pouvez être lâche.  

Les mots n’étaient plus colériques mais ils restaient d’une froideur assassine. La jeune femme se retournait, son front désormais collé contre la porte, elle posait la paume de sa main sur le bois.

- Ou vous pouvez sortir et être là pour eux.  

On ne rachetait pas ses fautes en se terrant dans sa chambre. On ne prenait pas ses responsabilités en pleurant. Être là pour Félicie qui allait vivre une expérience probablement traumatisante, être là pour rassurer cet enfant qui n’avait rien demandé de plus que de l’admirer, être là, simplement, sans prétention de croire que ce serait suffisant mais être là, faire le premier pas.

Pandora se détachait de la porte et retournait voir Félicie et Ookra. Elle ne serait pas d’une grande aide pour extraire la Pistilose du corps de la revenante mais, elle soignerait ses blessures et apporterait son soutien dans l’épreuve qui s’annonçait longue et pénible.

Était-elle allée trop loin ? Ce n’était peut-être pas un mal. Après tout, il était sorti. Pandora garde le silence en le suivant jusqu’à la salle d’opération. Félicie semblait rassurée de le voir à ses côtés mais cela ne suffirait pas à leur porter chance. Ookra commence par son bras, jugeant que c’était plus prudent de cibler une zone réduite. Une sage décision compte tenu de la suite. Une bruit terrible suit l’utilisation de l’essence divine, ce qui bouge sous la chaire morte, ce n’est pas seulement la plante. La gorgoroth exprimant sa douleur, la zélos arrêtait immédiatement son opération. Le Haut Prêtre apporte des informations complémentaires sur la probable avancée de l’osmose, provoquée par l’affinité qu’ils partageaient avec la magie des plantes. L’éclari posait doucement ses mains sur le bras de la gorgoroth, activant son propre pouvoir pour stabiliser et guérir la blessure.

Si Félicie souffrait, elle qui était gorgoroth, il était quasiment inenvisageable de tenter cette expérience sur les autres cobayes. Il fallait abandonner l’idée d’extirper le parasite par la force.. ou trouver un mage capable de manipuler les organes internes pour les maintenir en place le temps qu’un autre mage extrait la plante. Si Pandora avait entendu parler de ce genre d'habileté, elle ne connaissait néanmoins personne la possédant.

L’opération était terminée. C’était un échec total. La jeune Vanes accompagnait Ookra jusqu’à la sortie, laissant un moment aux deux gélovigiens pour se retrouver. Elle en profitait pour faire part à la zélos de son idée d’hôte artificiel ou de cage de sphène, un objet qui pourrait porter la plante sans risquer qu’elle ne se multiplie vu que la racine avait vraisemblablement un effet positif sur la stérilisation de la Pistilose. La zélos écoutait avec intérêt et lui posait quelques questions, était-il utile de conserver le fléau ? Et était-il nécessaire pour cela de garder la plante sous son état évolué ?

Pandora réfléchissait aux réflexions de la zélos alors qu’elle revenait dans la salle commune. Fallait-il vraiment essayer de garder en vie la Pistilose ? Eux qui avaient déjà du mal à la tuer. Pandora n’en était pas certaine, il y avait encore une partie d’elle qui, croyante peut-être ou tout au contraire, trop scientifique pour perdre une denrée rare, continuait à penser qu’il était dommage d’effacer d’Istheria une espèce à part entière. Si les Dix.. ou la nature avaient créés cette plante, qui étaient-ils pour remettre en question son existence ?

Elle se sentait comme une souris face au dernier chat sur Istheria. Fallait-il qu’elle protège son ennemi naturel ? Ils ignoraient d’ailleurs si ces exemplaires de la Pistilose étaient les derniers.

L’éclari se plongeait dans la lecture, se coupant du reste du monde, se jetant corps et âme dans ces recherches. Dans les jours qui suivraient, elle surveillerait de près l’état de Lilith. La greffe était un succès, les bourgeons qui étaient restés intacts avaient commencé à noircir et au bout d’une semaine, ils étaient morts. La plante était encore en vie mais elle était désormais incapable de former des fleurs.

Sur les extraits qu’elle avait pris aux autres fleurs, Pandora testait l’attraction de l’essence divine. Elle s'exerçait aussi à tout autre chose, une fois seule dans sa chambre. On la voyait fréquemment demander à Ookra et Azura de nouvelles pierres de sphène, des exas aussi. Pierres qui disparaissaient dans sa chambre et qui en resortaient parfois, toujours en morceaux.

Tant qu’elle n’aurait pas de nouveaux éléments et davantage de résultats sur la greffe, elle ne ferait plus d’expérience sur les hôtes. Elle ne pouvait pas risquer de les mettre tous en danger si la greffe devait avoir un effet secondaire dans les jours à venir. Il faudrait pourtant bien les mettre en danger, elle ne pouvait pas les garder en observation pour toujours. Les autres représentants ne devraient plus tarder mais Pandora se ternissait, son implication n’avait pas baissé mais son teint déjà pâle était devenu blafard. Elle passait plus de temps dans sa chambre que dans la salle commune. Si elle se montrait toujours aimable et assurait que ses prisonniers ne manquent de rien, les sourires qui forçaient leur chemin jusqu’à ses lèvres, ne faisaient plus si bien illusion. Elle gardait son énergie pour ses recherches, c’était le mieux à faire, le plus rationnel.

Pandora écrivait une nouvelle lettre à l’attention des deux femmes qu’elle considérait un peu comme ses mentors sans l’avouer, ne voulant pas leur donner une responsabilité dont elles ne voudraient peut-être pas. Elle n’osait pas les appeler amies, quand bien même elle espérait de tout coeur avoir l’honneur d’être ainsi considérée. Elle avait besoin de leur éclairage et ne pouvait attendre qu’elles viennent lui rendre visite, d’autant plus que l’état du monde ne le leur permettrait pas avant un long moment. En réalité, elle n’était pas certaine d’envoyer ce pli dans lequel elle mettait sans doute un peu trop d’informations, elle avait sans doute besoin de s'épancher, coucher sur le papier des mots qu’elle ne pouvait échanger avec personne. Elle mettait de côté son activité d’écriture pour se concentrer à nouveau sur ses expériences. Ratées pour la plupart, elles donnaient tout de même de quoi réfléchir à l’éclari qui n’était pas prête à s’avouer vaincue.

Lorsque la porte de sa chambre s’ouvrait, Pandora avait perdu la notion du temps, son attention toute entière tournée vers l’étrange agrégat composé de différents morceaux de sphène qui brillait faiblement entre ses mains. Lorsqu’une voix masculine résonnait, proche, la jeune Vanes manquait de peu de faire tomber son expérience, reposant vivement la pierre avant de la couvrir sous un tissu.

Son esprit encore habité par les heures de travail et l’utilisation intensive d’essence divine, la jeune femme peinait à suivre les premiers mots que lui adressait le Haut Prêtre. Tout le monde savait que les pierres de sphène étaient faite d’essence divine cristallisée, non ? Quant à sa théorie, elle était peu gélovigienne. Pandora prenait avec expectative mais reconnaissance la tasse fumante qu’on lui offrait. Elle se rendait compte à quel point elle en avait bien besoin, en y trempant ses lèvres. Le liquide chaud glissait dans sa gorge pour se réfugier dans le creux de son ventre. Une chaleur réconfortante qui apaisait doucement la migraine à laquelle elle n’avait pas prêté attention jusque-là.

La question de Duscisio la fait finalement sourire, déridant un peu le visage trop sérieux qui ne quittait plus ses traits depuis plusieurs jours.

- Dame Félicie m’a posé la même question le jour de votre arrivée.  

Elle lui avait alors répondu que c’était un secret entre elle et les Dix. C’était la réponse qu’elle donnait à la plupart des curieux. Est-ce qu’elle avait vraiment quelque chose à gagner à laisser le mystère planer sur ce sujet ? Pas vraiment, elle considérait plutôt la question avec amusement et finalement, la vérité ne lui semblait pas très intéressante. Ses prunelles roses se plongeaient dans les eaux claires de son infusion.

- Lorsque j’étais enfant, ma santé était très fragile, je n’aurai sans doute pas dû survivre à ma cinquième année.  

La jeune femme parlait de sa mort prématurée comme d’un simple évènement, il n’y avait pas a pleurer sur son sort, d’autant plus que, vraisemblablement, elle n’était pas devenue gorgoroth.

- Je dois la vie à un homme dont j’ignore le nom. Mes parents n’ont jamais voulu me donner la moindre information le concernant, je suppose qu’ils craignaient de moi un élan romantique qui mettrait leur plan à mal.

Pandora souriait, désabusée face aux manigances de sa famille. Ils n’avaient sans doute pas tort, par ailleurs. Elle aurait connu l’identité de son sauveur, elle aurait tout fait pour le rencontrer.

- Il est vrai que je suis tombée amoureuse de cet homme, de son souvenir tout du moins. Un amour d’enfant. Je ne garde finalement que peu de souvenirs de lui, un parfum que je ne suis pas sûr de reconnaître aujourd’hui et une couleur. Il avait les cheveux d’un rouge flamboyant.  

La demoiselle souriait plus sincèrement maintenant que ses yeux brillaient de ce souvenir chaleureux. Elle se tenait très certainement au-dessus d’un précipice dont on ne revenait pas lorsque cette chevelure rubis était apparue devant elle, une flamme qui l’avait guidée à travers les brumes des limbes, jusqu’à sa maison.

- Alors, à l’adolescence, j’ai voulu rappeler à mes parents à qui je devais ma vie en teignant mes cheveux. Ce n’était pas aussi malin que ce que je pensais. D’une part, cet homme n’est certainement venu à mon secours que parce que mes parents l’ont appelé et payé et d’autre part.. hé bien, comme vous pouvez le voir, mes cheveux ne sont pas devenus rouges.  

Le sourire se transformait en un rire léger alors qu’elle glissait des mèches roses entre ses doigts.

- Finalement.. le rose est devenue.. ma couleur.  

Oui, on pouvait sans doute le résumer ainsi. En réalité, la blancheur immaculée de sa chevelure reviendrait si elle ne prenait pas soin de sa couleur actuelle. Serait-elle encore elle-même si elle n’était plus la Rose d’Eridania ? Elle redressait son regard sur l’homme qui lui faisait face.

- Je n’ai pas été très tendre avec vous, n’est-ce pas ?  

Son ton n’était pas devenu plus sérieux mais, elle était consciente qu’il venait enterrer la hache de guerre qu’elle avait beaucoup agité les jours passés. Elle replongeait ses lèvres dans l’infusion, profitant de sa chaleur et de ses bienfaits.

- Merci pour l’infusion, c’est très bon.  

Le silence se mêle au parfum fleuri de la tisane, pendant un long moment, les deux jeunes gens ne parlent plus. Pandora goûte à cet instant de calme avec plaisir. Ce n’était pas un silence gêné, ni tendu, pour une fois, c’était un silence apaisant. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas assise pour prendre un thé avec quelqu’un. Plus longtemps encore qu’elle n’avait pas partagé un moment de silence serein.

Lorsque, ayant fini sa tasse, le Haut Prêtre se levait pour la laisse à ses recherches, Pandora acquiesçait simplement. Elle aurait aimé que cela dure plus longtemps mais, ils n’étaient pas ici pour se tourner les pouces. En l’observant quitter sa chambre, la jeune Vanes se demandait si quelque chose avait changé. Il lui semblait que sa posture était différente, comme si son dos s’était redressé, l’homme lui paraissait plus grand. Peut-être était-ce une fausse-impression ou peut-être était-ce elle qui s’était tassé à force de se pencher sur son bureau. Mme Royeli lui ferait de retentissantes réprimandes si elle devait revenir bossu à Heldor.

Pandora esquissait un sourire, posait sa tasse et vérifiait sa propre posture avant de se remettre au travail. Elle retirait le tissu qui couvrait cet étrange objet, composé de plusieurs pierres différentes, fractionnées par endroit, totalement fendues à d’autres, il ressemblait à une expérience ratée et c’était peut-être ce qu’il était. Pourtant, la jeune femme l’enveloppait à nouveau de ses deux mains et lentement, avec une minutie extrème, y diffusait son essence divine.

Elle avait commencé cette expérience il y a une semaine et avait lentement forger cette pierre grâce à ses capacités d’analyse, sa géokinésie et surtout, sa patience. Elle n’avait jamais utilisé sa magie ainsi et elle n’était pas sûre que cela puisse vraiment fonctionner. Mais il fallait essayer, elle l’avait dit, si une voie était empruntable, qu’importe si elle était longue et incertaine, cela valait la peine de l’emprunter. Cela épuisait ses ressources, mentales et magiques, mais il lui semblait qu'elle apprenait, lentement, difficilement mais au fil des échecs et des obstacles, son expérience s'enrichissait, sa maîtrise s’affinait.

Lorsque la pierre d’exa en provenance du temple arrivait, cela faisait près d’un mois que Pandora s'exerçait. Une ombre tenace ornait désormais le contour de ses yeux pourtant elle semblait moins fatiguée que les premiers jours. Elle passait deux jours supplémentaires à analyser l’exa sous toutes les coutures. L’éclari n’avait jamais vu une pierre de cette taille et l’essence divine qu’elle contenait était conséquente.. Pandora en avait la certitude, si son expérience devait fonctionner, ce ne serait sans doute possible qu’avec une pierre de cet acabit et il était peu probable qu’ils en trouvent une autre.

- Je suis très curieuse de connaître sa provenance..

Finissait-elle par dire au Haut Prêtre alors qu’ils étaient dans la salle commune. La jeune femme observait encore la pierre, comme si elle avait du mal à en détacher le regard. Elle se tournait finalement vers Duscisio.

- Je ne sais pas quel sort elle contient et nous ne pourrons pas le savoir sans l'utiliser mais.. si nous voulons la transformer en “hôte” de synthèse, nous ne pouvons pas laisser toute cette essence divine partir. Il faut donc faire un choix, découvrir ce qu’elle renferme et prendre le risque de ne pas parvenir à la transformer en prison pour la Pistilose ou la laisser intacte, ignorer la magie qu’elle renferme et nous en servir pour notre objectif.

La curiosité ou l’efficacité, c’était le choix qui s’imposait au Haut Prêtre, il en était le propriétaire, la décision lui revenait.

- Si nous parvenons à en faire un terrarium, la Pistilose se nourrira de l’essence divine contenu à l’intérieur et de celle que j’ai déjà pu infuser dans le prototype. Le sort enfermé à l’intérieur de l’exa sera définitivement perdu.

Altérée par l’expérience et la présence de la Pistilose, l’essence divine perdrait son but initial.

- Je dois aussi vous prévenir qu’il y a un risque que même avec toutes ces précautions.. si l’expérience devait échouer, la pierre pourrait simplement exploser.

Cela avait été le cas avec moult pierres de sphène et d’exa sur lesquelles elle avait fait ses tests.

- C’est aussi pour cela que je m’isolerai dans une pièce, je renforcerais les murs mais.. je ne peux garantir votre sécurité. J’ouvrirai la porte donnant sur l’extérieur, si les choses devaient dégénérer, Ookra et Azura vous conduiront en lieu sûr. J’ai besoin d’être certain que vous écouterez leurs ordres.

Elle se tournait vers les autres membres du culte de Délil présent dans la pièce.

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Pandora ouvre de grands yeux lorsque Duscisio annonce la provenance de la pierre. Elgondor ! La Elgondor ? Il ne pouvait y en avoir qu’une ! L’exploratrice refoulée qu’était Pandora brûlait de demander comment ils avaient découvert le chemin menant à la cité mythique ? Et s’ils voulaient partager ce secret.. Non, ce ne serait pas bien. Elle n’était pas en droit de demander ce genre d’information. D’autant plus connaissant sa famille. Bien qu’elle n’irait jamais leur révéler pareil secret.. Elle doutait que les Eryllis seraient d’avis de l’informer. La jeune femme devait ravaler son enthousiasme mais il était clair que le sujet avait éveillé un vif intérêt.

Il y en avait donc quatre autres.. Étaient-elles en la possession du Haut Prêtre ? Cela pourrait donner des essais supplémentaires si celle-ci ne tenait pas le coup. Elle pourrait toujours le lui demander après. Elle était pour le moins surprise d’entendre que l’essence divine contenue dans la pierre était celle du Haut Prêtre. Il était rare que les gens s’intéressent aux pierres une fois celles-ci ayant servi leur propriétaire. Mais il était vrai que l’homme avait dit se passionner pour l’étude de l’essence divine. Elle aurait bien demandé ce que la pierre contenait à l’origine.. mais se retint lorsque le terran exprimait son ressenti. Elle devrait à nouveau faire taire sa curiosité.

A sa demande, tous les prisonniers acquiesçaient, apparemment convaincus, ce qui soulageait la jeune femme. Jusqu’au moment où Duscisio exprimait son désir de rester avec elle. Pandora fronçait légèrement les sourcils, elle n’avait pas demandé à tout le monde de partir sans raison. Elle connaissait les risques, elle savait aussi comment les limiter, autant pour les autres que pour elle-même. Elle n’était pas sans défense.

Pourtant, s’il ne flanchait pas sous son regard sérieux, Pandora sentait que ce n’était pas un caprice de chevalier servant ou de coupable cherchant à expier ses fautes en prenant des risques inutiles. Il était sûr de son choix mais, il attendait sa réponse. Il attendait et Pandora en était étrangement convaincue, si elle lui disait non.. il lui obéirait. Il respecterait sa décision.

Après de longues secondes d’hésitation, l’éclari finissait par pousser un petit soupir de résignation.

- Très bien. Vous pourrez rester, à la condition que vous obéissiez à ce que je vous dirais. Si je vous ordonne de partir, vous partirez. Est-ce entendu ?

Pandora serait intraitable sur la question, elle connaissait ses limites, elle connaissait sa magie et depuis un mois elle avait aussi appris à explorer cette facette si précise de ses compétences. Si Duscisio venait avec elle, elle ne pouvait pas se permettre d’avoir un élément dissident à gérer en plus du reste. Une fois s’être assurée que l’homme avait bien compris, Pandora leur souhaitait à tous une bonne nuit. Les soleils n’étaient pas encore couchés dehors mais, elle avait grand besoin de se reposer en prévision du lendemain.

La nuit fut longue. Agitée et nerveuse, la Rose se tournait et se retournait dans son lit. Quelque chose lui manquait. Elle se mordait la lèvre inférieure alors qu’elle commençait à réaliser ce qui lui manquait. Abdiquant, elle se levait, se saisissait d’une pierre de sphène et retournait se coucher.


Le sommeil avait été lourd comme une chape de plomb mais, elle avait pu reprendre des forces. Elle accueillait Ookra et Azura, toutes les deux en tenue complète et abaissait le mur de terre qui bloquait la sortie. Il était temps de commencer. Elle n’adressait pas un regard à ses prisonniers ou à ses amies et s’enfonçait au fond de la cave. La vieille zélos la regardait s’éloigner, son visage parcheminé se fermait sur une expression étrange d’inquiétude et de suspicion.

Pandora ouvrait la porte menant à une des chambres vides, laissait passer le Haut Prêtre et scellait l’ouverture par un mur de pierre. Son visage était concentré, son attention déjà totalement focalisée sur ce qu’elle devait faire. Elle attachait ses cheveux, posait la pierre d’exa sur le sol et à côté d’elle l’étrange objet sur lequel elle avait travaillé depuis plusieurs semaines. Un amalgame de pierres de sphène presque aussi gros que l’exa, l’objet composite n’était pas beau mais il était certainement unique. Il brillait d’une douceur lueur lorsque Pandora commençait à utiliser sa magie.

- N’oubliez pas, si je vous dis de partir, vous partez.

La jeune femme ne quittait plus les pierres du regard, elle ne se rendait peut-être pas compte que même si Duscisio était d’accord, il n’aurait que peu de moyen de quitter l’endroit si elle ne lui ouvrait pas une porte.. Des murs de marbre se dressaient tout autour d’eux, les enfermant dans une cellule fortifiée. L’essence divine vibrait dans l’air tout autour de Pandora, maîtrisée, elle affluait par vagues constantes, soulevant doucement les quelques mèches qui tombaient sur ses épaules.

C’était une mélodie que connaissait Pandora. Elle avait joué de cette musique si souvent, si longtemps, elle pouvait presque lui donner un parfum. Cette sensation qui gagnait tous ses membres, cette puissance qui fourmillait au bout de ses doigts, elle en connaissait toutes les notes par coeur et pourtant.. à chaque fois qu’elle puisait en elle, une douce euphorie la gagnait. Alors que son essence divine s’enflammait, Pandora, la petite fille et la fausse princesse, la jeune femme et l’éclari, tout cela disparaissait. Il n’y avait plus qu’elle. Elle n’avait plus besoin de titre, de rôle, ni même de nom. Elle était cette puissance. Cela était suffisant.

Les prunelles roses de la jeune femme luisent à présent d’un éclat propre alors que s’élèvent au-dessus du sol les deux pierres, comme forcées à se rencontrer par le simple regard de la magicienne. L’exa et l’amalgame se fragmentent, une explosion sans détonation, contrôlée, elles se divisent en mille morceaux. Des éclats de pierres qui volent en cercle, projetant sur les murs les multiples couleurs de l’essence divine qui les illuminent. Pandora peut sentir l’essence divine que ces morceaux contiennent encore, elle en est même certaine, elle peut la voir. Une onde qui se diffuse, provoquant un léger écho à chaque fois qu’elle rencontre un autre fragment.

La jeune femme se laisse absorber par cette vision merveilleuse, son esprit est là, quelque part sur cette onde invisible. Doucement, sur le tempo d’une valse, les fragments épars commencent à se rassembler, à se réunir et à se fondre les uns dans les autres pour former quelque chose de nouveau. Une nouvelle pierre se forme sous leurs yeux, un cristal transparent dans lequel dansent les mille couleurs de l’essence divine réunis de Duscisio et Pandora.


Lentement, la pierre retombe vers le sol, Pandora tend ses mains pour le réceptionner.. enfin, c’est ce qu’elle voudrait faire. Ses bras eux, ne bougent pas. Alors que son essence divine tournoie encore dans les airs, le cristal se pose tranquillement sur le sol et la Rose tombe à son tour. Il lui semble qu’elle tournoie, elle aussi, alors qu’elle perd conscience.

La puissance s’en était allé. Tout en ce monde avait un coût et la prodige devrait désormais s’acquitter du sien.

Ténéis devait veiller sur elle, gardant à distance Sharna et ses cauchemars. Pandora ne rêverait pas, son esprit éreinté n’avait vraisemblablement plus la force d’imaginer quoi que ce soit. Elle se réveillait pourtant avec un désagréable sentiment de frustration. Ses iris s'adaptaient péniblement à la faible luminosité de la pièce, reconnaissant rapidement son environnement avant de s’arrêter sur le visage de Félicie. Un sourire rassurant force son chemin jusqu’aux lèvres de la Rose qui se redressait tant bien que mal, refusant d’entendre ce qu’on venait pourtant de lui dire.

Elle cherchait la pierre.. et la trouvait entre les mains gantées de la zélos. Ookra renvoyait un regard sévère et pourtant rassuré vers la jeune Vanes. Elles échangèrent un long regard et Pandora fut enfin capable de sourire honnêtement. L’artefact était parfait. L’éclari le couvait du regard comme s’il s’agissait de son enfant puis, abaissait son regard sur son poignet. L’intra au contact de sa peau la gênait, elle ne le laissait pas paraître mais elle n’avait qu’une hâte, la retirer. Cela la démangeait mais elle fit de son mieux pour faire abstraction.

La jeune femme remarquait les éclats de marbre au sol, le mur qui avait été éventré et pour une fois, elle ne voulait pas savoir. Elle tournait son regard sur l’homme assoupis sur une chaise à son côté. Il avait dû rester là un moment. Le visage de Pandora s’apaisait un peu, attendrit par la considération que lui portait le Haut Prêtre.

Pourtant, même si l’artefact était un succès, leur mission n’était pas terminée. Il fallait encore faire sortir la Pistilose de ses hôtes. Pandora avait bien pensé qu’ils pourraient peut-être retirer les colliers, le temps que les hôtes déversent un maximum d’essence divine, assez pour devenir moins appétissants que l’artefact gorgé d’éther. Mais retirer les colliers c’était aussi prendre le risque d’une réaction violente de la Pistilose. Il faudrait les isoler..

- Mademoiselle.  

Pandora sortait brutalement de ses pensées pour voir qu’Azura s’était penché au-dessus d’elle, à peine reconnaissable dans sa tenue complète, les yeux bleus de la rouquine la fixaient avec inquiétude.

- On vous a dit de vous reposer.  

Était-elle capable de lire dans ses pensées ? Pandora baissait le regard pour découvrir que sa main libre avait commencé à détacher le bracelet serti d’intra. Elle stoppait son geste et souriait, comme une enfant prise en pleine bêtise.

- Entendu.

Elle levait les mains, paumes en avant, en signe de bonne foi. On lui proposait de manger quelque chose et Pandora acceptait, davantage pour leur faire plaisir que par appétit. Elle croquait dans une pomme et cela rassurait tout le monde. Finalement, on la laissait seule. Enfin, pas tout à fait seule. Pandora avait refusé qu’on réveille le Haut Prêtre sous prétexte qu’elle était éveillée. Il avait bien droit à un peu de repos lui aussi.

La jeune femme se redressait lentement, son corps lui semblait si lourd, elle s’adossait au mur, toujours assise dans le lit. Elle observait l’air paisible que peignaient les traits endormis de l’homme. Il avait l’air bien plus en paix maintenant que lorsqu’elle l’avait trouvé en pleine méditation.

Les minutes s’égrainaient sans se presser, l’éclari se retenant, tant bien que mal, de trop réfléchir à leur situation ou à cette pierre d’intra qui lui semblait brûler sa peau. L’envie était si forte de l’arracher et de s’emparer d’une sphène à la place. Cependant, maintenant qu’elle était consciente qu’il y avait un problème, elle ne pouvait pas juste se laisser aller à ses envies. Elle était encore responsable de cet endroit et des gens qui s’y trouvaient, ainsi que de ceux qui les rejoindraient.

L’albinos semblait hocher négativement la tête, comme s’il répondait, même endormi, aux problèmes que ne pouvaient pourtant pas révéler l’éclari. Pandora souriait en voyant sa tête dodeliner un bref instant avant de s’arrêter. Il se réveillerait avec un sacré mal de nuque. Une longue mèche blanche barrait son visage, se soulevant doucement au rythme du souffle régulier du dormeur. La jeune femme regardait ce petit bal pendant un moment avant de trouver la force de s’avancer vers le bord du lit. Tendant son bras vers le front de Duscisio, ses doigts pâles glissaient le long de la mèche rebelle pour la repousser derrière son oreille. C’était mieux ainsi.

L’avait-elle réveillé ? Pandora s’en voudrait un peu. Elle se recule dans le lit, s’adossant à nouveau contre le mur, laissant à l’homme le temps de prendre ses repères. Un sourire sincère gagne ses lèvres alors qu’elle acquiesce, elle était bien réveillée. Lorsqu’il évoquait la présence du bracelet, la jeune femme y attardait son regard. Elle semblait observer la pierre d’intra alors qu’il poursuivait. Il pensait que sa fatigue magique était due à une dépense trop grande, équivalente à celle déja présente dans la massive intra.

L’éclari ne pu se retenir de sourire, avec fierté dans un premier temps. Le gélovigien sous-entendait après tout qu’elle avait pu, en une seule fois, dépenser l’équivalent de deux jours de ses propres réserves d’éther. Pandora profitait de cette petite pointe d’orgueil mais, elle ne savait que trop bien que son propre amalgame contenait déjà des réserves de son essence divine. Sa dépense lors de l’opération de fusion avait été grande, la manipulation des gemmes n’était pas aisée, et celle de pierres chargées en magie, l’était encore moins. Elle ne se risquerait pas à retenter l’expérience avant un moment.

Son sourire se fane alors qu’elle approche sa main de la pierre d’intra qui la prive de l’utilisation de son essence divine. Elle hésite avant de poser sa main sur le bracelet, enfermant son poignet entre ses doigts.

- Il ..

La voix était si basse qu’elle tenait plus du murmure coupable, elle ne poursuivait pas davantage, peut-être pour récupérer sa voix. Pandora le savait, ce n’était pas un problème de voix mais un choix qu’elle ne prenait pas.

- Plus tard.  

Elle redressait enfin son visage vers l’albinos, préférant apparemment engager la conversation sur un autre sujet.

- Avez-vous pu réfléchir à la façon dont nous pourrions extraire la Pistilose ? L’artefact sera-t-il capable de l’attirer à lui seul ? Et quand bien même nous arriverions effectivement à l’attirer hors de l’hôte, nous ignorons tout de la façon dans la Pistilose quittera son hôte. Cela pourrait être aussi dangereux que de l’extraire de force..

Il y avait tant d’inconnus dans ce qu’ils tentaient de faire. Impossible de savoir s’ils jouaient avec des forces bien au-delà de leur compréhension ou de leurs compétences. Peut-être devraient-ils s’arrêter ici ? Les hôtes devraient vivre sans plus pouvoir utiliser l’essence divine mais au moins, ils vivraient. La prochaine expérience.. pourrait très bien s’avérer fatale.

Alors qu’il évoque une idée devenue trop familière, Pandora s’assombrit. Elle avait espéré qu’il n’en vienne jamais au même point qu’elle. La jeune femme rassemble ses jambes sur le côté et tire la couverture jusqu’à elle. Elle n’a pas froid mais elle frissonne pourtant, de fatigue ou de peur. Peut-être bien un mélange des deux. Ses doigts s’agrippent à la couverture sans trouver de refuge chaleureux.

- J’espérais que nous trouvions une autre solution..

Elle détourne les yeux, coupable. Elle admettait avoir déjà réfléchi à cette terrible idée et elle préférait éviter le regard du Haut Prêtre. Car envisager cette expérience c’était envisager de les tuer.

- Tout ce qui vit sur Istheria est composé d’essence divine. Si nous devions en extraire jusqu’à la dernière goutte, maître Balibe, vous disparaîtriez.

Son propos ne visait pas à donner une leçon à son vis-à-vis mais à lui rappeler combien il était dangereux de jouer avec des forces qui nous dépassaient.

- Nous pourrions imaginer de vous affaiblir assez pour donner l’impression à la Pistilose que vous êtes mourrant.. mais cela implique deux nouveaux problèmes.

L’éclari était là, analyste et rationnelle, elle prenait l’ascendant sur les émotions vives qui bouillonnaient quelque part, enfouies profondément dans le coeur de la terran.

- Le premier se trouve dans l’exécution de ce plan. Comment vous vider de vos forces magiques ? On ne peut pas envisager le même type de dépense que ce que je viens de faire, il faudrait pour cela vous retirer les colliers et c’est bien trop dangereux.

Certains mages étaient capables de soustraire l’essence divine d’autres êtres vivants mais, Pandora ignorait s’il existait pareille habilité parmi les résidents de Deux Moulins et surtout, il faudrait une personne assez douée pour extraire une grande quantité sans mettre en péril la vie des hôtes.. et cette même personne devra être volontaire pour cette expérience.. risquée.

- Le second c’est le risque qu’encourent les hôtes. Non seulement l’opération elle-même est risquée, il suffirait d’une seule erreur pour vous tuer et aussi.. même si l’étape initiale se déroule sans accroc, il faudra vous garder dans cet état proche de la mort pendant tout le temps que durera la “rétractation” de la Pistilose. Vous serez très certainement plongé dans le coma. Et rien ne nous permet d’être sûr que vous puissiez revenir de cet état.. ni que vous puissiez en revenir sans séquelle.

Les médecins de Deux Moulins pourraient sans mal s’occuper de l'extraction du corps étranger, réparer les corps n’étaient pas un problème dans un hôpital mais faire croire à la Pistilose que l’hôte est mort c’était aussi le faire croire à la psyché du patient. Médecins et mages savaient combien il était difficile de soigner les maux invisibles.

- Je me doute que vous prendrez tout de même ce risque mais.. qu’en est-il de vos fidèles ? Que fera-t-on si l’un d’eux ne devait pas survivre ?

Les prunelles roses de la fausse princesse s’accrochent cette fois aux yeux ambrés du prêtre. Les émotions qu’elle réussissait jusque-là à garder pour elle se reflétaient dans ses iris troublés. Comment pourra-t-elle se pardonner si elle devait causer la mort du Haut Prêtre ou celle d’un enfant ?

Le jeune homme prenait peu à peu conscience de la dangerosité de cette idée et finissait par détourner le regard à son tour. Pandora baissait les yeux, le temps de reprendre tout à fait ses moyens. Elle avait eu l’espoir fou qu’il puisse la rassurer, qu’il ait trouvé une autre solution ou qu’il lui dise qu’elle s’était trompé à un point ou à un autre de son raisonnement. Il n’y avait rien de tout cela et l’éclari le savait. Elle voulait dire quelque chose, des paroles pour le consoler et se consoler elle-même mais, les mots s’étaient enfui, la laissant désarmée.

La voix pressante de Lilith rompt le silence pesant qui s’était insinué entre eux. Une nouvelle étrange ? Duscsio quittait prestement la pièce, Pandora ne comptait pas l’écouter, elle ne pouvait pas rester ici si quelque chose était entrain de se produire. Elle n’avait plus beaucoup d’essence mais, elle pourrait toujours se saisir d’un catalyseur dans sa chambre pour faire face au problème. Cette pensée parasite son esprit. Elle devrait prendre un catalyseur, tout de suite, retirer cet inutil intra et replonger dans l’ether. Elle en a envie, oui, un désir si puissant qu’elle vacille alors que ses pieds touchent le sol.

Elle porte une main à son front, la tête basse et le souffle court. Ses oreilles écoutent la conversation qui se joue un peu plus loin, mais elles ne percoivent que les réponses du Haut Prêtre. La plante régresse ? Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? La jeune femme se pince l’intérieur de la main, la douleur physique éloigne momentanément ses autres besoins, elle redresse la tête et quitte la chambre murée de marbre.

La Rose se tient debout et fait bonne figure, adressant un sourire faible mais tenace aux regards qui se tournent vers elle. Pandora approche lentement de Félicie pour constater par elle-même ce dont ils parlaient. Les excroissances externes de la plante étaient entrain de.. mourir ? La Pistilose se séparait des zones infectées par la Raiko. Ce n’était pas une bonne nouvelle. Ils devaient absolument s’assurer que la Raiko ait totalement stérilisée la plante avant même de penser à l’extraire.

Si la fleur parasite se défendait de l’infection en se réduisant à l’état de graine, cela pourrait en effet leur permettre de l’extraire mais s’il y avait le moindre risque que cette graine soit fertile, elle serait détruite. Pour l’heure, rien ne leur permettait d’être certain de cette régression. Il faudrait attendre et voir si les autres fleurs faisaient de même. Il était étonnant que ce soit la Pistilose de Félicie qui déclenche ce comportement en premier, puisque Lilith avait été leur premier cobaye.. Etait-ce l’effet de la tentative d'extraction sur Félicie ? Ou bien était-ce seulement un hasard ? Toutes les fleurs feraient-elles le même choix ?

Beaucoup de questions auxquelles seul le temps pourrait répondre. Pandora acquiescait doucement, elle ne voulait pas leur donner de faux espoirs, ni à eux, ni à elle-même sans doute.

- Attendons de voir ce que donne cette régression. Je vais prendre de nouveaux échantillons et..

Sa voix se tarit, comme une source au milieu du désert, elle s’épuisait à une vitesse effroyable. Pourtant elle se reprend et poursuit, le dos droit et le menton haut, se tournant vers le Haut Prêtre.

- Et nous devons aussi stériliser votre parasite.

Il n’y échapperait pas. Mais ce n’était peut-être pas son intention. La jeune femme s’approchait de son matériel. D’abord les échantillons, ensuite.. Une de ses mains vient un peu brusquement s’appuyer sur le dossier d’une chaise à côté d’elle. Sa vision s’obscurcit alors que ses jambes vacillent à nouveau. Son corps la rappelle à l’ordre, elle a trop forcé sur ses maigres réserves. Pandora profite d’avoir le dos tourné pour pencher un moment la tête, portant une main à son front, brûlant. Elle ferme les yeux, passe une main sur ses paupières et se redresse.

- Cela peut sans doute attendre quelques heures..

Elle ne sait plus si elle parle encore à quelqu’un ou si elle se parle à elle-même. La raison l’a cependant emporté, elle tourne les talons, fait un léger signe de la main pour saluer les présents et s’enfonce dans le couloir menant aux chambres. Une fois les visages disparus, elle pose un main sur le mur, s’y appuyant pour avancer. Elle ne voulait pas être vue ainsi mais elle ne tenait plus.. Pourtant, arrivée à quelques pas de la porte de sa chambre, elle s’arrête. Il lui suffit d’un pas. Un seul petit pas pour rentrer et retirer ce damné bracelet. Un pas pour retrouver ses catalyseurs et la douce chaleur de l’éther. Pandora se mord la lèvre inférieure et pose une main sur la poignée de sa porte. Bientôt les autres fleurs seraient là, il n'y avait pas de temps à perdre.